Abus sexuels : le mal à la racine

Abus sexuels : le mal à la racine

Malgré les initiatives de la Cef, le doute demeure sur la détermination des évêques à éradiquer la pédophilie et les dérives sectaires. 

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Cet article a été rédigé pour l’hebdomadaire catholique la Voix de l’Ain et publié dans son édition du 6 mai 2016 

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Avec les affaires de pédophilie qui touchent le diocèse de Lyon et son archevêque, le cardinal Philippe Barbarin, l’Eglise de France est entrée dans une période de turbulences dont on ne saurait fixer ni l’amplitude ni le terme. Sans doute le succès mérité du film Spotlight, sur des affaires de pédophilie dans le diocèse de Boston, a-t-il servi d’amplificateur au dépôt de plainte de l’association La parole libérée, à l’origine de l’affaire lyonnaise.

Depuis, les langues se sont déliées. D’autres victimes se sont manifestées. Les réseaux sociaux se sont mobilisés autour du soutien, ou de la demande de démission, du cardinal Barbarin. Dans le même termps, des milliers de signataires enjoignaient l’épiscopat de prendre enfin la question à bras le corps. La déferlante a rattrapé les évêques, réunis à Lourdes à la mi-mars, à l’occasion de leur Assemblée plénière de printemps. Lors d’une conférence de presse tenue dans l’urgence, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Georges Pontier, concédait que « faire la vérité pour les victimes » de pédophilie était désormais « la priorité » des évêques.

Un mois plus tard la Conférence des évêques nommait l’ancien haut fonctionnaire Alain Christnacht à la tête de la commission nationale d’expertise indépendante chargée de conseiller l’épiscopat sur ces questions dont la création avait été annoncée le 12 avril par le Conseil permanent. Une réactivité salutaire, positivement accueillie par l’opinion, mais dont il n’est pas sûr qu’elle suffise à endiguer le flot montant des affaires. Déjà, le diocèse de Bayonne se trouve, à son tour, pris dans la tourmente. Et un procès comme celui qui vient de se tenir à Chalon-sur-Saône révèle une dimension du dossier jusque là sous-estimée voire occultée.

Le 29 avril, un ancien religieux de la Communauté Saint-Jean (dite les «petits gris») a été condamné à un an de prison avec sursis pour des agressions sexuelles sur un adolescent et un adulte. En quatre ans cette communauté a connu quatre condamnations successives pour des faits similaires. Son fondateur lui-même, aujourd’hui décédé, a été convaincu «d’actes contraires à la chasteté» sur des femmes et certains frères.

Ainsi, les abus sexuels dans l’Eglise ne se limitent-ils pas aux seules affaires de pédophilie imputables à des membres du clergé placés sous la responsabilité des évêques. Ils concernent également des personnes «fragiles» de tous âges, au sein de communautés religieuses qui semblent parfois échapper à tout contrôle canonique. Ces derniers années, ont successivement été mises en cause par la presse, à propos de dérives sectaires dont certaines de caractère sexuel : les Béatitudes, la communauté de Bethléem, l’Institut du Christ Roi, les Travailleuses missionnaires de l’Immaculée, le Pain de Vie, le Verbe de Vie… et Points Cœur qui vient de connaître, début 2016, un nouveau rebondissement avec la suspension a divinis de son fondateur.

A l’heure d’un premier bilan, le malaise persiste. L’hésitation de Mgr Stanislas Lalanne, évêque de Pontoise, à parler de péché à propos de la pédophilie a jeté le trouble. Tout comme interroge le commentaire prêté au cardinal archevêque de Paris à propos des pratiques douteuses de «psychothérapie physique» d’un prêtre de son diocèse, aujourd’hui en poste au Vatican, mis en cause par d’anciens patients. « Il m’a dit (témoigne un prêtre ayant reçu la confidences de prétendues victimes) que, s’il s’était passé des choses, c’était dans le cadre des activités de psychothérapeute du père Anatrella et que l’Église n’était donc pas concernée.” Dans les milieux associatifs qui, depuis des années, se battent sur les terrains de la pédophilie et des dérives sectaires, le sentiment domine que dans leur majorité les évêques, seuls maîtres en leur diocèse, se contentent de faire «le gros dos» en priant Dieu de passer à travers maille.

Le 21 mars, Yves Hamant, membre du Collectif Appel de Lourdes 2013, déclarait à la Vie : «Je ne crois pas que les choses aient beaucoup changé.» Aujourd’hui, il dit ratifier sans réserve le constat désabusé des animateurs de La parole libérée qui, à travers leur président-fondateur François Devaux, se demandent ouvertement s’ils ne vont pas «plier l’affaire»:  «On est désormais convaincus que chaque évêque a des histoires comparables derrière lui. C’est pourquoi tous soutiennent le cardinal Barbarin. On commence à comprendre qu’on n’arrivera pas à aborder un débat moral avec ces gens-là.» (1) Pourtant, c’est du peuple croyant que surgit aujourd’hui l’exigence du débat. Et de jeunes prêtres que montent les cris de colère les plus poignants : «Je ne me suis pas marié et j’ai fait le choix très lourd de ne pas avoir d’enfant, non pas parce que je n’aime pas les femmes, non pas parce que les enfants m’insupportent, mais parce que j’ai reconnu en eux une étincelle de sacré, la présence du divin. (…) Il n’est pas possible d’être prêtre quand on souille ce sacré.» 

© René Poujol

P.S. Au moment de mettre cet article en ligne, je voudrais saluer l’éditorial de Jean-Pierre Denis Directeur de la rédaction de la Vie dont la tonalité rejoint mes propres conclusions.

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  1. Interview de François Devaux , Le Pays Roannais, 28 avril 2016. Cet hebdomadaire est, avec la Tribune de Lyon,  à l’origine du lancement de l’affaire Preynat.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

27 comments

  • René, je comprends que vous soyez bouleversé et en colère…
    Cependant, je voudrais quand même vous inviter à la prudence: des « on dit » ne suffisent pas à fonder une accusation. Même la justice humaine peut se tromper… Rappelons-nous l’affaire d’Outreau. Et malheureusement les erreurs judiciaires reconnues ne sont sans doute qu’une petite partie de toutes les erreurs judiciaires (et là, je ne parle pas seulement de pédophilie).
    Et puis reconnaissons qu’il y a plusieurs dizaines d’années, la gravité de la pédophilie était ignorée, pas seulement dans l’Eglise, mais dans la société aussi. Une femme d’avocat me confiait à ce sujet les difficultés que son mari avait eues avec l’Education Nationale (que je ne peux pas détester, puisqu’elle était mon employeur…)
    Les abus de pouvoir existent à coup sûr dans l’Eglise; mais malheureusement, l’Eglise est loin d’en avoir le monopole. Ils existent partout! La politique nous offre-t-elle un si beau spectacle?
    Le mal est étendu, c’est vrai! mais pas seulement dans l’Eglise, malheureusement. Cela n’excuse rien, mais appelle à garder son calme. Est-il sûr que la barque de l’Eglise n’en ait pas vu d’autres?

  • Je reste convaincu que de nombreuses affaires seront mises à jour. …pour avoir vécu de près le fonctionnement des institutions depuis des années.

  • Non René vous avez raison ! Hélas même si cela peut paraître inconcevable . Il faut de la prudence, certes, mais il faut aussi accepter de voir la réalité et aussi accepter de mettre hors d’état de nuire vraiment ceux qui ont été les bourreaux de ces jeunes ( même pour les bourreaux )
    Il faudrait que les diocèses s’entourent de personnes compétentes et surtout qui n’ont pas peur de la réalité , ni de dire .

    Comment une commission facultative et donnant juste un avis peut-elle venir à bout de ces situations ?

    Mais le pire serait aujourd’hui de ne pas ouvrir les yeux , vraiment.
    C’est vrai que la parole était enterrée dans la société, dans les familles mais la société n’a jamais proclamé qu’elle était parfaite ou connaissait la Vérité .
    Ce n’est pas l’ampleur des paroles libérées que je crains pour l’Eglise , mais le fait que des faits soient à nouveau minimisés , enterrés .

    Cela serait la mort de la confiance en l’Eglise .

    Hélas je vois aujourd’hui des diocèses accepter des communautés fragiles pour avoir des prêtres, pour ne pas accepter d’autres voies .

    • Bonjour Claudine

      La commission vaticane chargée du dossier est déjà une coquille vide, si l’on en croit Peter Saunders, membre de la commission qui voulait que la commission puisse dénoncer les religieux et prêtres pédophiles à la justice. Le cardinal Pell, malgré son implication dans différentes affaires de dissimulation pédophile en Australie, fut ainsi préservé par F1 (demandant pourtant la tolérance zéro), Peter Saunders remercié simplement parce qu’il exigeait la démission de Pell.
      Il y a une vraie collusion des épiscopats et du Vatican pour faire des commissions de façade mais pas de traitement véritable des affaires criminelles religieuses.

      Et pire, pour certaines des plus anciennes, comme l’affaire des crimes pédophiles, sévices et maltraitances généralisées de la colonie pénitentiaire des moines de Cîteaux sur 250 garçons et garçonnets placés (procès aux Assises de juillet 1888), tentative de réhabilitation de la dite colonie et des méthodes utilisées, et procès en béatification du fondateur.
      On retrouve ce procédé révisionniste sur les couvents prisons du Bon Pasteur, du Bon Secours, de la Miséricorde, là aussi avec des procès en béatification, canonisation. Avec l’impossibilité pour les anciennes pensionnaires de ces couvents-prisons de consulter les archives, le déni des congrégations vis à vis des crimes commis et le silence de l’Etat sur le sujet la plupart du temps.
      Seul le site Enfants en Justice, constitué d’archives du Ministère de la Justice, ose parler de tout ça. Ainsi que quelques associations, dont des associations de victimes, aujourd’hui âgées à très âgées.

      Nos évêchés n’abordent jamais ces crimes. Les congrégations religieuses pénitentiaires qui se sont reconverties dans d’autres activités depuis, non plus. Il faudra un jour que ce passé criminel soit dévoilé et avoué tant par l’Etat que l’épiscopat français. Comme cela fut fait en Suisse, en Irlande, par exemple.

      Parler également des curés mercenaires comme Joseph Santol, vendant au début du 20ème siècle des enfants pauvres à des industries verrières comme main d’oeuvre corvéable à merci et quasi gratuite (victimes de sévices et crimes tous plus horribles les uns que les autres), n’est pas du tout médiatisé et encore moins assumé par l’Eglise de France ni l’état ni les dites industries utilisant ces enfants. Le dévoilement commence tout juste sur ce dossier. Souvent sous l’influence de sociologues et chercheurs en sciences sociales.

  • Et puis le regard que nous portons sur les victimes d’abus sexuels aujourd’hui est loin d’être celui que nous avions encore il y a quelques années et d’une femme qui déclarait avoir été violée on disait bien souvent : »Bah elle l’ a bien cherché » et il en était largement de même du jeune enfant lequel en plus avait le sentiment de sa propre culpabilité.
    Quant au Cardinal Decourtray c’est bien lui qui à l’origine a déplacé l’Abbé Preynat en connaissance de cause.
    Par ailleurs a-t-on jamais le droit de condamner quelqu’un de façon définitive et ce quelque soit le crime commis?

    • Vous questionnez à juste titre « … le droit de condamner quelqu’un de façon définitive ». Ne pas condamner éternellement et de façon définitive me semble, en effet, le plus souhaitable – et de loin. Mais pour éviter que ne se reproduisent des faits dont les dégâts risqueraient à nouveau d’être incommensurables, il me semble tout aussi souhaitable, en cette occurrence, d’appliquer strictement le principe de précaution.
      Du reste, ces deux souhaits ne sont nullement incompatibles.

  • « L’Eglise est sans péché mais pas sans pécheurs » ….
    Je voudrais faire trois remarques :
    – Le discours dominant de l’Eglise fut longtemps centré sur la morale et plus particulièrement sexuelle. On a un exemple récent concernant les divorcés -remariés qui pouvaient recevoir les sacrements s’ils s’abstenaient de relation sexuelles, faisant oubli de l’union des coeurs et des âmes dans la relation conjugale !
    De plus les paroles inconséquentes d’un haut dignitaire (aujourd’hui en première ligne) concernant le mariages des personnes de même sexe ont témoigné là encore d’une méconnaissance de l’anthropologie et blessé plus d’un catholique. Il s’agissait de défendre les enfants …. contre des adultes irresponsables.

    – Par ailleurs, il me semble que le délit sexuel pédophile est une face d’un mal : la prise de pouvoir sur les enfants ou adolescents dont la personnalité morale, intellectuelle, affective est encore fragile. L’Eglise n’a pas le monopole de ce mal que j’ai vu à l’oeuvre de manière régulière dans l’Education Nationale comme dans le milieu sportif ou encore dans ma famille. Pensons que le mot charisme au singulier n’a pas le sens des charismes de saint Paul.

    – Quant à la « réduction à l’état laïc » de clercs suivi de l’oubli … c’est faire fi de la responsabilité d’une institution par rapport à ses membres sinon de l’Eglise par rapport aux pécheurs.
    L’Eglise nous demande de prendre soin (d’être responsable) de notre frère, les évêques ne peuvent pas ne pas s’appliquer à eux-mêmes ce précepte, à moins de prendre le risque de nous faire comprendre que certains sont plus prochains que d’autres.

  • Les procurateurs et juges progressistes se régalent.
    Mais la priorité est la charité dans la Vérité, pour le bien de tous en commençant par celui des enfants; pas les amalgames et lynchages symboliques.

  • Une partie des commentaires à cet article me parvient sous forme de « message privé ». Il ne saurait être question pour moi de trahir ces confidences ou cet anonymat. Je prends néanmoins la liberté de publier cet extrait du courrier reçu de l’un de nos évêques et qui peut refléter, selon moi, l’état d’esprit de nombre de ses confrères.

    « Je viens de lire votre dernier billet. Beaucoup de vérités. Les affaires vont sortir, et de plus en plus, puisque certaines ont été jugées et peu ont été divulguées, sinon dans la presse locale. Votre remarque sur les dérives sectaires est juste (…) De mon côté j’ai parlé avec « La Parole libérée », avec des journalistes (en OFF),  et je continue de recevoir des victimes ou leurs courriers. On nous demande aussi d’agir, d’écouter, de créer des cellules, de sortir les cas les plus anciens (je viens de découvrir un cas de 1960), de débattre, de faire un état des lieux complet, etc… À chaque fois on nous demande encore plus… et en une fraction de seconde ! Or nous sommes déjà anéantis (en tout cas moi), atterrés par tout ce qu’il y a à faire et que tout ce que n’ont pas fait nos prédécesseurs… Voilà, c’était juste un témoignage d’évêque de base qui continue de faire son devoir d’état, sans omerta. »

    • René

      Peux -tu transmettre à cet évêque combien on le comprend …..
      mais aussi combien on est inquiets de voir certains diocèses français accueillir des communautés « à problème », des séminaristes d’évidence intégristes ou s’engager sur un chemin de religiosité et non d’ouverture, ou encore tourner le dos aux paroles simples mais fortes du Pape François qui a mesuré l’enjeu de l’heure pour la survie de l’Eglise. Car il faudrait aussi se poser la question du pourquoi de tous ces cas qui nous révoltent. Il faudrait intégrer cette évidence qu’un prêtre n’est pas quelqu’un à part, mais un homme à la fois ni ange ni démon.

        • Je pense surtout que les évêques ne sont pas en mesure d’affronter le problème dramatique sans le recours de laïcs femmes et hommes libres et solides qu’ils peuvent écouter d’égal à égal en colloque singulier s’ils le souhaitent .

          Il faut que l’on sorte de cette impasse : parler c’est faire du mal à l’Eglise alors que c’est le silence qui la tue !

  • Cet évêque anonyme qui se lamente du travail non fait par ses prédécesseurs se pose-t-il la question de savoir ce qu’il aurait fait à coup sûr s’il avait été à leur place ? La teneur de ses propos du moins tels que vous les rapportez ne poussent vraiment pas à une réponse positive.
    Alors oui, cent fois oui la hiérarchie de l’Eglise n’ a pas agi comme elle aurait dû le faire si du moins elle avait eu pleinement conscience de l’immense souffrance des victimes, mais à l’époque ces sujets n’étaient pas évoqués pas plus dans l’Eglise que dans l’Education Nationale. Cessons de tout regarder avec notre regard de 2016 qui n’a strictement rien à voir avec le regard des années 60

    • Pardonnez-moi mais cet évêque n’est « anonyme » que parce que j’ai pris la responsabilité de rendre public un message qui m’était personnellement destiné mais qui me semblait intéressant. Je trouve votre commentaire à son endroit assez désobligeant. Car rien ne vous permet de dire qu’il ne se pose pas la question que vous formulez. Bien évidemment nous ne pouvons aborder ces réalités aujourd’hui sans tenir compte du regard que l’on y portait il y a cinquante ans. Mais cet argument peut aussi devenir un alibi facile pour tout excuser.

    • Lorsque vous écrivez « cessons de tout regarder avec notre regard de 2016 », votre recommandation me semble verbeuse et peu précise.

      En matière de pédophilie, il est nécessaire, en effet, de juger l’attitude qu’adopta jadis la hiérarchie de l’Eglise à l’aune de ses propres critères – lesquels se devaient d’être altruistes et vertueux – mais non pas à celle de critères « mondains » et autres qu’évangéliques.

      • Je ne fais que me souvenir que l’Eglise d’il y a 5o ou 60 ans ne faisait sur ce plan-là que suivre l’opinion générale sans trop se poser de questions,et cette tendance aujourd’hui dans bien des domaines certains voudraient bien qu’elle continue de l’adopter me semble-t-il.
        Non le monde n’est pas que ténèbre et l’Eglise n’est pas que lumière non plus mais lorsqu’elle ne prêche plus le Christ mort pour nos péchés et ressuscité pour nous sauver elle devient infidèle.
        Par ailleurs il m’a semblé que vous étiez en quelque sorte partisan de la double peine à l’égard des prêtres pédophiles ayant accompli pleinement la peine à laquelle ils ont été condamnés.Or il me semble que si l’on s’en tient au discours de Paul sur l’amour (1 COR 13) il me semble évident que cette attitude est clairement à son opposé

        • « l’Eglise d’il y a 5o ou 60 ans ne faisait sur ce plan-là que suivre l’opinion générale » dites-vous.

          « À confondre crime et péché, à opposer dénonciation à protection, à dissocier loi divine et justice civile, l’Église, qu’elle soit en France ou ailleurs, peine à lutter contre la pédophilie. » (Jean-Pierre Mignard)

          En conclusion :
          Confondre crime et péché, opposer dénonciation à protection, dissocier loi divine et justice civile, respecter l’omerta : tels ont été, depuis des lustres, les modes de pensée et la loi du silence privilégiés au sein de l’Eglise en matière de pédophilie.

          Qu’en sera-t-il demain ?

  • j’avais pris la précaution de préciser à propos de cette lettre que ma réaction venait des propos de cet évêque tels que vous les rapportiez, d’une part d’autre part il est bien clair pour moi qu’en fait cet évêque n’est nullement anonyme mais qu’il souhaite rester dans l’anonymat (ou plutôt ne souhaitait nullement voir divulguer ses propos). Pour moi il n’est nullement question de tout excuser mais de ne pas oublier qu’il y a 50 ans Fernand Reynaud et ses sketches si « spirituels » sur les homosexuels faisait hurler de rire la France entière. Tout çà me fait penser aux discours actuels sur la période de l’occupation, discours selon lesquels il était évident qu’il fallait entrer dans la Résistance, alors que la très grande majorité des Français sans être pour autant collabo bien sûr, n’a jamais franchi le pas. Qu’aurais-je fait si j’avais eu 20 ans à l’époque ? Eh bien je n’en sais fichtre rien.

  • 1/ L’évêque d’Autun est responsable canonique des congrégations de St Jean depuis 1986. Ça l’embête, on le comprends, mais nier avec adresse sa part de responsabilité, comme il l’a fait dans le Journal de Saône et Loire du 29 avril, n’inspire pas confiance.

    2/ Si on prend un peu de recul sur ce qui est en cause depuis quelques mois, y compris la pétition demandant la démission de Mgr Aillet (suite à ses propos de la même veine que ceux de Hervé Benoit), on constate que le cancer maurassien -pureté et lâcheté intégrales- prolifère au cœur de l’institution et des milieux de la « bonne société ». Prenant un plus de recul, on voit que cette lâcheté a été libérée par Pie XII dès son intronisation quand, suite aux accords politico-financiers de son prédécesseur avec le fascisme italien et aussi par le rôle d’entremetteur de pacelle, là aussi politico-financier, avec le nazisme, Pie XII « dévissa le cercueil de Ch Maurras » dans l’esprit de Munich, ouvrant ainsi un boulevard à la lâcheté vichyste se ralliant après le Vatican derrière au futur vainqueur.

    On peut ajouter la fin en queue de poisson de Vatican II, la signature malheureuse d’HV, le coup « manif pour tous » de nos cardinaux et récemment le grande audit financier du système demandé par notre Pape François qui a été confié aux 4 grands cabinets d’audit, spécialistes es filouteries internationales et légales: les fat four, ou big four. Conclusion personnelle rester kto nécessite d’être anticlérical. Ce qui était déjà trop vrai « sous » G Bernanos l’est encore plus aujourd’hui.

    Dur ce constat que l’institution, qui a la fâcheuse habitude de se faire appeler l’Eglise, est mal barrée. Mais quelle meilleure aide lui apporter que celle de n’être pas dupe de ses vieux trucs éculés et de lui « gueuler », parce qu’on tient à elle, et en espérant qu’elle daigne entendre qu’il faut revoir les fondations comme disait Theilhard de Chardin, et en particulier: « un gouvernement qui exclut la démocratie ; la deuxième est un sacerdoce qui exclut et minimise la femme ; la troisième est une révélation qui exclut, pour l’avenir, la Prophétie »

  • Tous Maurrassiens dites-vous? Allez donc voir le tirage du seul et unique journal officiellement maurrassien de toute la presse française : l’Action Française 2000 hebdomadaire paraissant (provisoirement certes mais depuis de nombreuses années) le premier et le troisième jeudi du mois. Effectivement c’est une menace très réelle pour la démocratie, c’est absolument incontestable…
    Ne vous en déplaise je suis KTO et si je suis très loin de Maurras je me situe aussi loin de vous et de votre cathophobie manifeste.

    • Monsieur, le maurassisme a toujours été un produit huileux prompt à étendre sa tâche sournoise. Ainsi le Figaro -envoi gratuit à tous les prêtres- en est et demeure égal à lui même depuis plus de 100 ans: sabre, goupillon, ordre éternel, patrie, art consacré, à l’ombre du pouvoir de l’argent et tirant le pouvoir politique aussi à droite que « bourgeoisement correct » tout en clivant un max, comme actuellement Zemour, Houellebecq. Ce journal est moins gras que Civitas, riposte kto, des associations comme celles de Mme Bourges, de M Soral, comme radio courtoisie, salon beige, avec aussi des minis partis comme ceux de Mme Boutin, de N Dupont-Aignan ou Ph De Villiers et bien sûr le FN… Quant à se dire kto -ouvert à l’universel à la suite de Jésus- nous sommes tous à la même enseigne, nous efforçant de l’être, soit à genoux et en adorant le système, soit debout et en regrettant ses erreurs. Difficile de concilier ces deux attitudes! Il est là le schisme en cours depuis juillet 1968. Ce schisme que l’institution dit craindre parce qu’elle refuse de voir que c’est elle qui quitte l’Église malgré les efforts du Pape ramener l’institution au service de l’Eglise.

  • Le dévoilement vient de ma génération de catholiques dans la quarantaine, qui a pris acte à la fin de son adolescence des droits de l’enfant. Mais qui a connu l’époque où la parole de l’enfant était totalement niée et où la justice, la société civile en général évitait les affaires tant d’inceste que de pédophilie en les étouffant par le placement des enfants dans des institutions pénitentiaires religieuses ou civiles, par des arrangements judiciaires à huis clos dans les milieux bourgeois (j’ai connu ça en tant que victime d’inceste de l’âge de 5 ans à l’âge de 17 ans).

    L’institution catholique romaine française a déjà été maintes fois inquiétée au niveau de différentes congrégations religieuses par la justice pénale pour des crimes pédophiles, des tortures et sévices divers, du travail forcé . Ces affaires concernent différents couvents-prisons et des colonies pénitentiaires qu’elle gérait et que l’état finançait. Le pouvoir absolu sur garçons et filles pauvres, considérés comme des déchets de l’humanité, aucun contrôle ou presque des établissements à l’époque, faisait que l’arbitraire régnait avec toutes les formes possibles et imaginables de maltraitances, de crimes, venant aussi bien de congrégations féminines que masculines.
    On retrouvait ces violences et crimes dans les institutions publiques d’état. Mais là aussi, total silence la plupart du temps sur ces horreurs, révisionnisme et « économie des secrets » comme l’a si bien décrit la sociologue Emmanuelle Jouet sur le procès des Vermiraux de Quarré les Tombes.

    Ce qui a changé, c’est que ce type d’établissement n’existant plus, fin de la politique de coercition à des fins d’assistance, les crimes pédophiles se sont exercés alors par des religieux dans des écoles privées et des petits séminaires, puis par des prêtres dans des camps scouts, par des congrégations religieuses nouvelle formule, sur des victimes non plus sans défense, car pauvres et de familles en grande difficulté, mais sur des enfants bourgeois. Les droits de l’enfant de 1989 vont aussi permettre un dévoilement plus rapide de ces violences et une conscientisation générale sur l’atrocité des violences et crimes sur enfants. Avec un moindre étouffement des affaires, également dû à la perte d’influence et d’emprise de l’Eglise au plan éducatif, moral, sociétal.
    L’Eglise aujourd’hui doit affronter ses crimes sur les enfants. Pas seulement ceux d’un passé récent mais elle devra assumer aussi ceux d’un passé plus lointain. Tout aussi insupportables.
    Elle doit aussi révéler qu’elle avait pris des mesures dès 1947, pour tenter de traiter les prêtres pédophiles en établissements religieux spécialisés.
    Mais n’a jamais tenu compte des avertissements dès 1952 sur l’irréformabilité des pédophiles, leur dangerosité, faits par le fondateur de ces établissements (les Serviteurs du Paraclet), le père Reginald Fitzgerald. D’où la reconversion et le déplacement continu des prélats criminels, au mépris total des enfants et des familles.

  • La question de la confiance.
    1/ Le rapport entre l’institution et un clerc pédophile est très différent de celle d’un employeur ordinaire (éduc nationale, coach sportif, éducateur, chef scout ou mono de colo). La vie privée de l’un est liée à l’institution, pas celle de l’autre.
    2/ De même, la confiance de parents est de différente selon qu’ils confient leur enfant à l’institution ou à une autre structure, ils sont trop confiant dans un cas, plus prudents dans l’autre.
    Le pédophile est un malade.
    Si l’acte est un crime pour la victime, il ne l’est pas pour la loi qui, informée et la preuve étant faite, doit protéger le malade de lui-même. Quant à parler de péché, le mensonge est cruel envers la victime qui aura moins de mal à s’en sortir dans la vérité : être victime d’un malade est différent de l’être d’un sale type. S’il y a responsabilité grave, elle ne peut être trouvée qu’auprès de ceux qui ont autorité sur le malade, si, ayant su quelque chose, ils l’ont caché et circonstance aggravante n’ont rien fait pour le protéger; la maladie étant incurable, il ne devrait pas y avoir prescription quant à la protection du malade.

    • « Le pédophile est un malade. » dites-vous.

      Tout le monde est bien d’accord pour dire qu’il faut tout faire pour ne pas tomber malade.
      En particulier en évitant de vivre dans des conditions propices à la maladie.

      Dans le cas de la pédophilie, ne craignez-vous pas que le célibat ne soit une condition propice au développement de la maladie ?
      « S’il y a responsabilité grave, elle ne peut être trouvée qu’auprès de ceux qui ont autorité sur le malade, si, ayant su quelque chose, ils l’ont caché …» dites-vous.
      En admettant que le célibat soit une condition propice au développement de la maladie de la pédophilie, n’y aurait-il pas aussi – en amont – une responsabilité non négligeable du côté de ceux qui imposent ce célibat ? Car ne dit-on pas « qu’il vaut mieux prévenir que guérir » ?

      • Pardon de me répéter et de me citer moi-même, mais je voudrais reprendre ci les arguments développés sur ce blogue en réponse à un commentaire posté à la suite de mon premier article Spotlight… Cela résume ma pensée sur la prétendue responsabilité du célibat sacerdotal dans les affaires de pédophilie :

        « Je voudrais redire ici ce que j’ai déjà exprimé : mon regret qu’aucune étude sérieuse n’ait été engagée à ce propos. Il faudrait regarder en effet, sérieusement, la réalité de la pédophilie dans les églises protestantes et orthodoxes où le mariage des pasteurs et des prêtres est possible. Un ami évoquait, hier encore devant moi, certaines statistiques venues des Etats-Unis affirmant que 20% du clergé serait pédophile. Une récente enquête du Monde montrait que les statistiques, en cette affaire, sont difficiles à manier. Je conserve en mémoire l’ouvrage publié en 2003 par les éditions Bayard « Le nouveau visage des prêtres », dont l’auteur, Donald Cozzens, théologien, docteur en psychologie, ancien supérieur de séminaire aux Etats-Unis, montrait que les affaires dénoncées par une certaine presse relevaient plus de l’éphébophilie que de la pédophilie proprement dite (p.216). Bref, dans bien des cas, il s’agissait plus de relations de type homosexuelles que réellement pédophiles. Comme on le voit aujourd’hui avec la « seconde » affaire imputée au cardinal Barbarin.

        Je note, d’ailleurs, dans un article récent, ce commentaire du psychiatre Jean-Paul Miallet : »Je ne pense pas que le célibat des prêtres soit le grand responsable de ces affaires de pédophilie (…) Le célibat des prêtres ne me choque pas, s’il est un choix libre et mûri, et ce n’est pas lui qui favorise la pédophilie mais bien la façon dont l’église, embarrassée par la sexualité, a longtemps préféré se taire et ignorer le sujet. » Voici les références de l’article : http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/03/11/le-celibat-des-pretres-ne-favorise-pas-la-pedophilie_4881424_3232.html

        Mon sentiment est plutôt que l’acceptation de sa propre sexualité, à laquelle chacun est confronté, est sans doute une épreuve redoutable lorsqu’on perçoit en soi-même une attirance qui n’est pas celle qui est légitimée par la société (pédophilie) ou par son environnement familial proche (homosexualité par exemple). Et que, pour certains hommes au tempérament religieux, peut exister la tentation d’entrer dans les ordres, à la fois dans l’espoir de maîtriser cette sexualité « avec la grâce de Dieu » mais aussi de n’avoir pas à s’en expliquer publiquement puisque le choix d’une vie de continence, au moins apparente, semble justifiée par une vocation sacerdotale ou religieuse.

        C’est bien cette possibilité qui fonde l’exigence du discernement pour tout candidat au sacerdoce et rend coupable, pour ne pas dire criminelle, toute attitude laxiste d’accueil, au seul motif inavoué de nourrir les statistiques et d’asseoir ainsi, dans l’Eglise, une ligne idéologique, en se prévalant d’une grande fécondité spirituelle. Les révélations qui se font jour actuellement, pourraient bien porter un coup fatal – et salutaire – à cette forme de dérive. »

  • Après avoir relu les commentaires il me semble important e souligner un point capital : la pénurie de candidats au sacerdoce qui conduit certains évêques à ordonner parfois sans grand discernement des hommes inaptes et fragiles .
    Tout sauf d’autres solutions . Le Pape n’a pas fermé la porte au diaconat féminin et c’est bien.
    Je pense qu’il faut revoir complètement la formation des prêtres, les confronter à l’autre féminin .
    Aujourd’hui on voit à nouveau apparaître des séparations en Eglise dès le plus jeune âge ( servants d’autel et servantes d’assemblée ). L’ordination est très marquée par l’obéissance exigée , c’est très dommage car on ne demande pas à des fils adultes d’être obéissants mais d’être des adultes épanouis .
    Cette chape de silence à tout niveau , ces temps excessifs d’adoration dès le plus jeune âge font le lit de personnalité fragiles et soumises . Dans certaines communautés nouvelles les dérives de type sectaires favoriseront d’autres cas . Si l’Eglise veut s’en sortir il faut qu’elle demande à ses ministres d’être des hommes ou des femmes de discernement et d’écoute , libres et heureux dans ce monde qui marche doucement vers plus d’humanité et de liberté .

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