Aux effarouchés du discours de Macron aux catholiques 

Aux effarouchés du discours de Macron aux catholiques 

En s’adressant à eux, Emmanuel Macron fait exister les catholiques qu’une certaine gauche voudrait voir disparaître du champ social. 

LETTRE OUVERTE

J’ai découvert, sans réelle surprise, vos réactions outrées au discours prononcé par le Président de la République, ce 9 avril, aux Bernardins, à l’invitation de la Conférence des évêques de France.

Pour ma part j’ai aimé le propos d’Emmanuel Macron. Je vous ferai néanmoins cet aveu : en tant que citoyen et catholique j’aurais préféré qu’il s’adresse parfois de manière plus différenciée à la Conférence des évêques de France et aux croyants eux-mêmes. Il sait, parce qu’il en possède la culture, que depuis le Concile Vatican II, l’Eglise se définit comme «peuple de Dieu» et donc que ce terme ne qualifie pas ses seules instances dirigeantes. Distinguer les deux eut permis de mieux signifier une réalité qui, par défaut, se trouve estompée : le pluralisme des opinions au sein même des catholiques de France. C’est pourquoi je parle ici en mon nom personnel.

J’ai entendu qu’exprimer «le sentiment que le lien entre l’Eglise et l’Etat s’est abîmé et qu’il (importe) de le réparer» serait une atteinte à la loi de 1905. Je n’avais pas perçu qu’une séparation dut avoir pour conséquence de s’ignorer et ne plus s’adresser la parole. Du temps, pas si lointain, où vous incarniez l’Etat, vous avez fait le choix de l’ignorance, du rejet, parfois même du mépris. Interprétation purement partisane des textes qui nous régissent. Je n’ai trouvé dans les propos du chef de l’Etat aucune concession vis-à-vis des catholiques qui puisse donner à penser qu’il allait au-delà du simple dialogue républicain. Chacun a bien compris que s’agissant, notamment, des lois de bioéthique, il se réservait le droit de trancher en un sens qui ne serait pas forcément celui que souhaitent l’épiscopat et ceux qui se reconnaissent dans ses positions.

Que César ne se prenne pas pour Dieu

en prétendant établir une religion d’Etat

J’ai entendu que si l’Etat était laïc, la société l’était tout autant, contrairement aux propos d’Emmanuel Macron. Et cela au motif qu’une majorité de Français se déclare aujourd’hui sans religion. Il y a là confusion des arguments. La laïcité n’est pas l’absence de religion mais la prise en compte non partisane de toutes les convictions. Que 63% de nos concitoyens se reconnaissent sans appartenance religieuse ne saurait justifier que les autres ; juifs, chrétiens, musulmans, bouddhistes… se voient interdire d’exprimer leur croyance au sein de la société Française. «Rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu» voilà, paradoxalement, le précepte chrétien qui fonde notre laïcité. Il suppose que les serviteurs de Dieu ne se substituent pas à César mais tout autant que César ne se prenne pas pour Dieu en prétendant établir – au prétexte de défendre la paix civile – une religion d’Etat qui pourrait être l’athéisme.

J’ai entendu qu’il était scandaleux d’appeler les catholiques à s’engager en politique. Comme si, du fait de leur vote préférentiel pour la droite, ils étaient par là même invités à renforcer les rangs de ces seuls partis. Là encore, c’est méconnaître la diversité des sensibilités. Et j’apprécie, en citoyen, l’invitation qui m’est faite. Ceux parmi les catholiques qui ont rejoint la gauche dans les années 1970, à la suite de Michel Rocard, ont contribué à la victoire de François Mitterrand en 1981 – Comme ultérieurement l’électorat catholique, notamment dans l’Ouest, a fait basculer le scrutin de 2012 en faveur de François Hollande – Si sur trois décennies la gauche avait été capable à l’égard de ces militants catholiques, d’une autre attitude que la suspicion, la mise à l’écart ou le mépris, peut-être leurs coreligionaires n’auraient-ils pas aussi massivement basculé dans l’autre camp jusqu’à l’extrême.

J’ai aimé entendre que les racines

ont moins d’importance que la sève

J’ai dit avoir apprécié le propos d’Emmanuel Macron. J’ai aimé qu’il reconnaisse qu’entre le citoyen et l’Etat il existait aussi des communautés d’affinités constitutives de la Nation  parmi lesquelles l’Eglise catholique ; j’ai aimé qu’il dénonce la caricature d’un catholicisme réduit à des minorités militantes hostiles à la République ; j’ai aimé l’entendre affirmer que les racines, fussent-elles chrétiennes, ont moins d’importance que la sève ; j’ai aimé son rappel que l’homme, son identité et son destin sont le seul et véritable enjeu de notre siècle commençant ; j’ai aimé l’hommage rendu à l’engagement militant des catholiques dans tous les secteurs de la vie associative et tout autant le regret formulé que cela se soit fait, parfois, en désertant le champ du politique ; j’ai aimé l’invitation faite aux croyants de partager aussi les incertitudes du monde contemporain ; j’ai aimé qu’il appelle l’Eglise à se montrer “intempestive“ donc prophétique, attentive à rappeler la spiritualité de l’être qui interroge sur le sens de la vie…

Mais gratitude ne vaut pas allégeance politique. Je fais partie de ceux qui, au printemps dernier, ont voté Emmanuel Macron «par défaut». Non par manque d’empathie. Mais par scepticisme sur sa volonté et sa capacité réelles à maîtriser une économie libérale dérégulée qui est aujourd’hui, partout à travers le monde, source d’injustices, d’inégalités et d’épuisement de la planète. “Par défaut“ aussi parce qu’à gauche je ne voyais aucune alternative qui soit crédible à mes yeux.

Notre vie politique est en profonde recomposition. Le militant catholique que je suis – comme d’autres autour de moi – est en recherche d’un projet politique capable de nourrir une espérance collective. A la fois économique, sociale, civilisationnelle… Une espérance qui soit en résonnance avec l’enclyclique Laudato si’ du pape François, saluée de tous bords comme l’un des événements de ce début de millénaire, invitant à se mobiliser autour d‘un projet d’écologie intégrale.

Vous ne savez même plus qui nous sommes

Alors que la gauche et les écologistes viennent d’essuyer l’un des plus terribles revers de leur existence et qu’une partie de nos concitoyens nourrit sa peur et son exaspération dans la fascination d’un repliement identitaire qui gagne l’Europe, vous continuez, les uns et les autres, à faire le tri de vos soutiens. Vous me faites penser à Jacques Prévert écrivant : «Il suivait son idée, c’était une idée fixe, et il s’étonnait de ne pas avancer». Votre idée fixe est de nous vouloir tous simples petits soldats de la République, nus, sans sexe, sans visage et sans âme.

Vous ne savez plus parler aux catholiques de France, pas plus que vous ne savez parler aux musulmans ou aux juifs, parce que vous nous déniez le droit de nous affirmer comme tels dans l’espace public. Parce qu’à avoir trop perdu le goût et l’habitude de nous parler et de nous entendre vous ne savez même plus qui nous sommes. Vous vous gargarisez d’une France riche de ses diversités et refusez la nôtre. Vous condamnez toute forme de communautarisme et les renforcez en refusant de nous accepter pour ce que nous sommes vraiment. Car nous ne renoncerons pas à dire ce qui nous fait vivre et combattre l’injustice, pour seulement satisfaire votre conception étriquée de la laïcité.

Alors, plutôt que de vous scandaliser aujourd’hui que d’autres sachent nous appeler par notre nom : de grâce, réveillez-vous enfin !

 

43 comments

  • Bonjour René,

    Merci pour cette analyse, comme toujours pertinente. Je constate que sur un discours d’une heure les médias n’ont retenu qu’une phrase. No comment !
    Amitié fraternelle,
    Christophe.

  • Le président chez
    les protestants, c’est laïque,
    au dîner du CRIF, juifs, c’est laïque,
    au dîner du Ramadan musulman, c’est laïque,
    un discours chez le catholiques, AU SECOURS la laïcité est en danger !

    Cela sent très fort le RACISME PUR et DUR.
    Quand la République Française s’honorera en dissolvant la Libre Pensée qui a du sang sur les mains. Sa propagande a traversé le rideau de fer et aidé les répressions sanglantes contre les chrétiens d’Europe de l’Est. Des milliers en son morts c’est cela la « Libre Pensée »…

  • @Marquet. « Les médias » : généralisation abusive. De nombreux journaux et non des moindres ont pris soin de lire le discours d’Emmanuel Macon dans son intégralité et n’ont pas limité leur analyse à la seule « petite phrase » sur le « lien abîmé ». En ce qui me concerne, pardonnez mon immodestie, j’ai pu signer un commentaire en Une de Ouest-France, premier quotidien français par sa diffusion. : http://religions.blogs.ouest-france.fr/archive/2018/04/11/engagez-vous%C2%A0-l-appel-de-macron-aux-catholiques-19246.html

    • Mon cher François, je salue ton travail de journaliste dans un rédaction qui, il est vrai, est à la fois une exception et un honneur pour notre profession.

      • Absolument d’accord avec votre message,et du temps que j’habitais en Vendée je lisais quotidiennement Ouest-France dont appréciais la remarquable honnêteté

  • Merci René pour cette analyse que je partage tout à fait et je suis d’accord que l’épiscopat français ne représente pas tous les catholiques. On l’a vu lors du mariage pour tous. J’ai lu le livre d’Henri Tincq et d’autres mettant en garde que les catholiques ne deviennent pas une secte. Mais l’exercice d’Emmanuel Macron était difficile, car il savait dès le départ qu’il mécontenterait à la fois une frange catholique trop identitaire et ceux qui ont une certaine conception de la laïcité, confondant laïcité et sécularisation et en voulant la transformer en religion d’Etat. Ce dernier point a été explicitement évoqué.
    https://georgesheichelbech.blogspot.fr/2018/04/extraits-du-discours-demmanuel-macron.html

  • Un grand merci pour cette prise de position. Je partage le désarroi que tu exprimes sur l’attente d’une réponse politique qui traduirait (au moins un peu) notre sensibilité de cathos de gauche.

    • Vous voilà sur le chemin de la conversion. Sans doute l’influence de l’exhortation du pape François sur l’appel à la sainteté… Je plaisante !

  • Le discours d’Emmanuel Macron était de haute tenue, et les réactions « ultra-laïcistes » lamentables, je me sens en consonance avec votre lettre ouverte, cher René.
    Quelques remarques pour nuancer cependant :
    – il n’ a pas de sève sans racines !
    – je ne peux adhérer à la conclusion d’Emmanuel Macron : « Respectez comme un absolu toute les lois de la République, c’est une règle d’airain ! »

    • Il n’y a pas de sève sans racines mais il peut y avoir des racines sans sève… Lorsque des « identitaires » veulent sauver la culture occidentale tout en niant le ferment évangélique qui lui a donné naissance, nous y sommes !

      • Les racines.. la séve ! Mais vous ne voyez pas que la structure et les messages de l’Eglise catholique , je ne parle pas des Evangiles mais bien de l’Eglise telle qu’elle parle et qu’elle fonctionne est une force réactionnaire et patriarcale ? Vous ne voyez pas que partout dans le monde elle se bat rhétoriquement et politiquement contre les droits des femmes ? Qu’elle est responsable directement et indirectement de tant de mort de femmes ? Qu’elle fonctionne sur une parole exclusivement masculine, qu’elle ne partage aucun pouvoir ? Qu’elle sert les pouvoirs réactionnaires partout où ils sont installés.. vraiment ce discours est plein des story telling cath et flatte les ego cathos dans leur vision idyllique d’eux mêmes.
        Je suis étonnée que vous y cédiez.

        • Difficile de répondre à ce type de critique en cinq lignes… Je vous trouve néanmoins très excessive. Que l’Eglise se batte « contre les droits des femmes » me semble une approche bien globalisante. Peut-être faites-vous allusion à son combat contre l’avortement ? Auquel cas je vous répondrai déjà que l’avortemenr ne figure pas – encore – (on sait que les institutions de l’ONU bataillent en ce sens) au rang des droits humains, et que l’Eglise est dans sa mission de rappeler que le droit de la femme à disposer de son corps ne peut se confondre avec un “droit“ à disposer du corps de l’autre (celui l’embryon). Pour le reste, le pape François en permettant à tout prêtre de pardonner cette faute (jadis réservée aux évêques) montre bien son souci d’être proche des personnes, quels que soient les choix qu’elles sont amenées à faire dans leur vie. Restent, c’est vrai, certains pays d’Amérique latine par exemple, de tradiction catholique, où le poids des épiscopats sur la société civile est une réalité. Mais paradoxalement vous confirmez là le commentaire macronien selon lequel c’est la sève (l’esprit de l’Evangile) qui doit primer sur les racines (l’institution parfois ankylosée)

          S’il s’agit de droits des femmes au sens plus général du terme, pardonnez-moi, mais c’est tout de même dans les pays « de tradition chrétienne » qu’ils se sont le plus facilement développés. Parlez-moi du droit des femmes en Arabie Saoudite… Et même dans l’Eglise : s’il est vrai que les ministères ordonnés qui ouvrent à l’exercice du pouvoir restent à ce jour réservés aux hommes, ce que je regrette, l’Histoire de l’Eglise montre au travers des siècles – je pense au XIXe si décrié – que des femmes ont su et pu accéder à la responsabilité de congrégations religieuses et avoir quasi rang égal avec des prélats, à des époques où ce qui dominait à leur égard dans la société civile était le plus souvent : « sois belle et tais toi ! ».

          Par ailleurs, ne voir le discours de Macron aux catholiques de France que sous le prisme de la question féminine au sein de l’Eglise est bien réducteur. Evoquer comme vous le faites les « ego cathos dans leur vision idyllique d’eux-mêmes » me semble à la fois faux et presque insultant. Tout ce qui est excessif finit par devenir insignifiant. Désolé !

          • Désolé mais ramener la place de l’Eglise dans la société à la seule question de l’égalité homme-femme me semble étrangement réducteur. Contester ce qu’il peut y avoir de raisons de se réjouir dans le discours d’Emmanuel Macron, sans autre illusion, en en profitant au passage pour interpeller une certaine gauche Française qui sur les questions religieuses est à côté de ses pompes…. est pour le coup déraisonnable !

          • « Mais l’on ne voit pas comment « les hommes et les femmes de bonne volonté » pourraient parvenir à instaurer ou du moins contribuer à instaurer une radicale égalité des sexes tant que le christianisme se refusera à balayer devant sa porte, c’est-à-dire à bouger, et à bouger significativement, autrement qu’en accordant à quelques femmes des postes de prestige, autrement qu’en leur permettant à dose homéopathique de lire l’Évangile et de prêcher lors des obsèques, autrement, même, qu’en se demandant gravement si la prieure des monastères peut présider une ADAP (assemblée dominicale sans prêtre), autrement encore qu’en acceptant de discuter timidement de l’ordination des femmes, éventualité contre laquelle jamais aucun argument rationnel, il faut que cela se sache, n’a pu être fourni (voir p. 308-311) » (François Boespflug, recension du livre Le Déni, Enquête sur l’Eglise et l’égalité des sexes, voir ci-dessous)
            http://www.aquarelles-expert.be/Le_Deni_Francois_Boespflug.pdf

          • Désolé mais ce débat est à mes yeux hors-jeu dans le contexte du discours d’Emmanuel Macron. Je ne souhaite pas que nous le poursuivions ici et je ne validerai pas d’autres commentaires sur ce sujet.

          • Vous écrivez « … ramener la place de l’Eglise dans la société à la seule question de l’égalité homme-femme me semble étrangement réducteur. »

            Pour l’heure, limitons-nous à la place de l’Eglise dans la relation homme-femme.
            Et là, l’Eglise aura joué un rôle d’une importance considérable, par la restriction de la relation homme-femme au format patriarcal, comme l’explique Joseph Moingt :

            « Ce problème est celui de l’idée de la condition féminine et masculine que se fait et qu’enseigne l’Eglise catholique sur la base d’un mythe des origines humaines. »

            « Or, le récit biblique, qui fonde et théorise pour toute la durée des temps le rapport homme-femme, est le pur reflet de la société archaïque, patriarcale et machiste. » (J. Moingt, voir ci-dessous)
            http://www.aquarelles-expert.be/Le_Deni_Preface_Joseph_Moingt.pdf

          • Vous êtes extraordinaire. Vous nous « imposez » un débat homme-femme parce que c’est de cela que vous avez envie de parler… Et le propos est nécessaire. Sauf que le point de départ est le discours d’Emmanuel Macron aux évêques – et aux catholiques – de France dont vous conviendrez qu’il aborde tout de même une problémqtique plus large qui est celle de la place de la religion catholique dans la société. Pardonnez-moi d’avoir traité le sujet…

    • à Michel ,
      Seriez vous un dangereux factieux ?
      Evidemment , dans une république démocratique la loi, une fois votée et promulguée , doit être respectée par tous .
      Vous ne faites pas la différence entre la phase d’élaboration de la loi et la phase de promulgation .

      Lors de la phase d’élaboration , il est de notre devoir d’examiner et de faire valoir tous les arguments pour ou contre le texte . Lors de cette phase , les catholiques ont non seulement le droit mais aussi le devoir de faire entendre leur point de vue et d’attirer l’attention sur les dangers potentiels et les conséquences dommageable d’un texte au nom de leurs valeurs .

      Mais une fois le texte adopté par ceux qui ont la légitimité pour le faire , nul n’a le droit au nom de ses convictions de le récuser ; ce qui n’empêche pas dans le cadre légal , de travailler à une modification ultérieure qui ne peut être validée que par ceux qui sont ou seront élus pour cela .

      A titre d’exemple , aucun évêque ne peut s’affranchir des obligations du code pénal concernant le devoir d’informer le procureur d’un crime dont il aurait eu connaissance . C’est ce qui a motivé à juste titre la condamnation de l’évêque Pican qui est d’abord un citoyen français .

      Lla formulation d’ E Macron est donc juste .

      • J’émettrai une réserve : si la loi nous oblige, notre conscience se situe au-dessus des lois. C’est le thème central d’Andromaque. Je prends un seul exemple : une loi a été votée – qui donc s’impose ) tous les citoyens – qui interdit de venir en aide à des réfugiés-migrants en situation irrégulière..; Dieu merci il y a des citoyens de ce pays qui estiment de leur devoir de passer outre au risque d’avoir des comptes à rendre devant la justice.

        • à René,
          oui bien sûr la conscience personnelle est au dessus des lois Encore faut il préciser deux types de distinctions :
          démocratie / régime totalitaire et citoyen / individu .

          -C’est pourquoi j’ai précisé dans mon post : « en démocratie  » car ce type de régime permet d’une part de faire entendre sa voix donc sa conscience lors du processus d’élaboration de la loi , et d’autre part de ne pas assimiler la société à l’Etat : c’est bien le rôle de la laîcité dans notre pays , la loi Taubira n’empêche pas les catholiques de vivre le mariage selon leur conscience , la loi sur l’IVG n’empêche pas les catholiques de mener à terme la grossesse d’un enfant trisomique etc..
          il est évident que dans un régime totalitaire la question se pose différemment . Les chrétiens qui ont aidé ma grand mère juive sous Vichy ont évidemment pris de grands risques et dans ce contexte enfreindre la loi était un devoir moral (que la majorité des évêques ont oublié)

          Contrairement à un régime totalitaire , la démocratie cherche en permanence à trouver le juste équilibre entre les règles communes et la liberté de l’individu . On peut dans notre pays être juge au tribunal administratif et prononcer des jugements d’expulsion d’étrangers en situation irrégulière et dans le même temps en dehors de sa vie professionnelle, adhérer à une association venant en aide aux réfugiés sans distinction ; ce genre de situation est plus répandue qu’on ne le croit et ne pose aucun problème .

          Il me semble de plus que la théologie catholique faisait appel à la notion de « devoir d’état »; ce que nos catholiques traditionnels , aux mentalités paradoxalement très modernes, oublient bien souvent .

          • En principe… vous avez raison. Dans les faits c’est plus subtil. Car l’idéal démocratique est, en effet, que le peuple est souverain mais supposé trancher en parfaite connaissance de cause. Ce qui est rarement le cas sur des sujets aussi complexes que les lois de bioéthique où lobbies et médias savent jouer sur l’émotion plus que sur la raison. C’est pourquoi, pour ce qui me concerne, je prétends que le compromis de la loi Clayes-Leonetti est sans doute plus démocratique que bien des revendications fondées sur la dictature des sondages.

            Je laisse cette pensée d’André Comte Sponville à votre méditation : (La sagesse des modernes (avec Luc Ferry) p. 447)

            « A force de ne connaître le peuple que par les médias on finit par prendre les médias pour le peuple. Et on a le sentiment parfois d’un consensus populaire, là où il n’y a, en vérité, qu’un consensus médiatique. »

          • à René ,

            Dans mon post précédent , je n’ai jamais mis sur le même plan la loi et les sondages , m’en tenant au seul processus légitime pour créer du droit dans notre pays . De plus quand bien même un sondage évoluerait en une proposition de loi , celle ci ne pourrait être mise à l’ordre du jour du parlement sans l’accord express du gouvernement .
            Par contre vous évoquez deux problèmes importants mais différents :
            1) les moyens dont le citoyens use ou non pour éclairer sa conscience et se forger une opinion . J’ai la faiblesse de croire, sans naiveté excessive ,, que la presse malgré tout contribue plus à l’information qu’à la manipulation dans notre pays ; mais je ne suis pas journaliste .
            2) le lien des élus avec le pays réel . Pour avoir travaillé toute ma vie au contact d’élus , pour être intervenu de nombreuses fois dans les commissions des assemblées délibérantes , y compris l’assemblée nationale, j’ai toujours été marqué et par le sérieux des travaux , (difficile dans ces instances de discerner les appartenances partisanes ) et par la connaissance très concrète de leur circonscription et des opinions de leurs mandants par les élus à toutes les échelles territoriales .
            Le pouvoir médiatique est beaucoup moins influent qu’il essaie de le faire croire .

        • Réserve? Imaginer le Pt français dire autre chose que ce qu’a conclut EM est absurde … Depuis le préambule de la constitution et la déclaration de 1789, notre loi est chrétienne laïque. Face à la loi promulguée, la conscience est affaire personnelle mais pas collective, ce serait séditieux et contraire à l’évangile « rendez à … ».

          • Emmanuel Macron aurait dit : « Respectez les lois de la République », je n’aurais rien trouvé à y redire, mais il a dit : « Respectez comme un absolu toute les lois de la République »…
            Alors, non, désolé, pour moi ce n’est pas « un absolu », quitte à paraître « séditieux » à vos yeux ou à ceux de Guy Legrand… ma conscience est ma première instance et passe avant les lois de la République si celles-ci devaient par malheur entrer en conflit en matière grave avec ce que dit ma conscience (éclairée autant que faire se peut !).

      • Guy, je suis très surpris de vous voir soutenir une telle thèse.
        René vous a déjà répondu avant moi, la conscience est une instance supérieure qui s’impose à nous et nous donne des injonctions au-dessus des lois humaines.
        Antigone a raison de vouloir ensevelir son frère malgré l’ordre de Créon.
        Ceux qui ont refusé d’obéir aux lois anti-juives de Vichy ont eu raison de le faire.
        René rend justement hommage à ceux qui s’affranchissent des lois en venant en aide à des réfugiés-migrants en situation irrégulière.
        En conscience, je ne ferai pas d’avortement ni ne pratiquerai l’euthanasie.

        • Michel ,
          Vous répondez à côté de la question : la loi autorise l’IVG , elle ne vous contraint pas à le pratiquer idem pour l’euthanasie .idem pour la détection in utero de la trisomie 21 et des conséquences sur le fait de mener ou non la grossesse à terme .

          De plus ,( voir mon post en réponse à René) l’assertion du président de la république que je partage n’est valable qu’en régime démocratique . Ce qui est le cas dans notre pays me semble t il .

          • C’est exact, Guy, pour l’heure et pour les médecins en ce qui concerne l’IVG, mais vous savez très bien que des lobbys veulent supprimer cette clause de conscience pour les médecins et que cette clause de conscience n’existe pas pour les infirmières.
            Puisque vous évoquez la loi Taubira, les maires qui ne veulent pas célébrer des mariages entre personnes de même sexe ne bénéficient pas de la clause de conscience

            Je ne réponds pas à côté de la question, le fait d’être en démocratie ne suffit pas à obliger les consciences quand des lois sont contraires à ce que la conscience nous dicte.
            Je vous rappelle pour mémoire que Pétain est arrivé légalement au pouvoir, appelé par une chambre aux abois ; cela ne rend pas licite au plan éthique les lois anti-juives édictées en décembre 1940.

          • A Michel

            1) Ce que pensent les lobbies n’a aucune valeur tant que cel n’a pas été consacré par la loi qui seule est opposable Notre débat porte débat porte sur les rapports entre la conscience et la loi applicable .

            2) le cas du médecin pratiquant une IVG n’est en aucun cas comparable au maire mariant deux personnes du même sexe . Le médecin accomplit personnellement un acte contraire à ses convictions . Le maire , officier d’état civile remplit une fonction qui n’engage en rien sa personne . Il donne juste une valeur juridique en constatant l’engagement de deux personnes dans lequel il n’est nullement impliqué . Dommage que vous ne fassiez pas la différence Un bon recyclage en philosophie morale vous serait certainement profitable .

            En ce qui concerne Vichy là encore vous confondez la procédure démocratique qui a amené Pétain au pouvoir avec ce qu’a été ensuite le régime de Vichy qui n’était plus démocratique . Les exigences de la conscience ne s’exercent évidemment pas selon les même modalités selon que l’on jouisse ou non des libertés publiques . Ne faites vous pas la différence ? Pour mémoire le premier statut de juifs date du 3 octobre 1940 .

          • à Guy,
            Je ne mets évidemment pas sur le même plan l’objection de conscience de certains maires face à la loi Taubira, je constate juste que certains maires voudraient faire valoir leur objection de conscience, et l’objection de conscience des médecins face à l’IVG ou celle que voudraient faire valoir les infirmières ou d’autres professionnels de santé à qui l’objection de conscience n’est pas reconnue.

            Merci pour votre rectificatif concernant la date des premières lois anti-juives de Vichy.

  • Jean-Luc Mélenchon était mieux inspiré dans son magnifique hommage au Colonel Arnaud Beltrame : « Alors que le pire était en place […] le mal a été vaincu, parce que la scène a été inversée. Le lieutenant-colonel Arnaud Beltrame a remis le monde humain en ordre. Il a assumé la primauté d’un altruisme absolu : celui qui prend pour soi la mort possible de l’autre, illustrant ainsi les valeurs de foi et de philosophie auxquelles il était attaché personnellement. En ce sens, le lieutenant-colonel Beltrame est un héros de la condition humaine. »

  • Bonjour M. Poujol, avec mes remerciements pour votre parole à laquelle, en ce propos, je souscrits très largement. Un grand Merci à ce Président pour lequel je n’ai pas voté de nous infliger ce magnifique « Canossa » : une reconnaissance qui ne peut qu’entraîner notre assentiment et notre gratitude et qui signe notre défaite politique, puisqu’il s’engage à ne faire que ce que le peuple français – sécularisé – lui demandera de faire… Grand moment. Parole magnifique qui nous dit d’agir auprès de nos proches, de nos concitoyens dans la difficulté, de nos élus dans le doute. Qui nous dit de prier encore. Qui nous dit de faire confiance, de nous faire confiance en ce que nous sommes… Merci M. Macron !

  • L’écart entre 64% qui se disent ktos (Ifop 2010, ) et 63% qui se disent sans appartenance religieuse (Gallup 2012, 1700) mérite d’être relevé, … il s’expliquerait, au moins en partie, par les questions posées *.
    Ce qui ressort avant tout est l’émancipation par rapport aux signes extérieurs des religions, ce qui ne veut pas forcément dire que le sentiment religieux disparaisse, ou qu’il n’habite plus assez la personne pour en guider le vie. Ce mouvement profond, que met en lumière la série longue IFOP pour le catholicisme, semble toucher aussi, et tout autant, les autres religions et en particulier la musulmane selon *. Les religions semblent mal à l’aise face à ce mouvement qui, il est vrai met en cause les « système-religion ». Au lieu de s’en inquiéter ne devraient-elles pas surtout se demander comment faire entendre l’essentiel de ce qu’elles sont, et qui est au fond assez simple?

    * http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/veille/pratique-religieuse-france

  • Votre billet est très juste. Et le discours du président de haute tenue. Cependant un discours ne fait pas une politique et il me semble qu’il y a loin du discours aux actes.

    • Je crois avoir mis les bémols nécessaires dans mon billet… Cela étant je ne demande pas, en ce qui me concerne, au président Macron, d’aller prendre ses ordres à la Cef sinon on retombe dans le travers des serviteurs de Dieu qui se prennent pour César…

  • @Michel de Guibert, 12/04. Oui, EM a dit cela, plus précisément, ceci:
    « Mon rôle est de m’assurer qu’il (le citoyen) ait la liberté absolue de croire comme de ne pas croire mais je lui demanderai de la même façon et toujours de respecter absolument et sans compromis aucun toutes les lois de la République. C’est cela la laïcité ni plus ni moins, une règle d’airain pour notre vie ensemble qui ne souffre aucun compromis, une liberté de conscience absolue et cette liberté spirituelle que je viens d’évoquer. »
    Ce discours * renvoie dos à dos zadistes, antinucléaires, faucheurs, Maires et médecins, … qui, s’ils enfreignent la loi doivent assumer les conséquences, … il n’interdit pas le martyr mais
    expose comment le Président conçoit la manière d’élaborer et faire respecter la loi. Qu’ensuite une phrase, sortie de son contexte, pousse des cavaliers à « monter sur de grands chevaux » et d’autres à répéter de bonne ou de mauvaise foi, … Bof!

    * Cette phrase conclue la dernière partie du discours, juste avant la conclusion.
    http://www.elysee.fr/declarations/article/transcription-du-discours-du-president-de-la-republique-devant-les-eveques-de-france/

  • Savoureux que ce soit un président de la republique laique qui dise aux évêques ce que peuvent être la place et le rôle de l’Eglise dans notre société et ce que celle ci attend des chrétiens .Heureusement qu’ilest là pour le dire tant les évêques oublient de penser tout occupés qu’ils sont à suivre et a flatter le repli identitaire ,cache misère illusoire de leur peurs .

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