Catholiques conservateurs : l’avenir de l’Eglise ?

Catholiques conservateurs : l’avenir de l’Eglise ?

A s’en tenir à l’immédiatement observable, la sociologie religieuse prend le risque d’occulter une partie du réel et de fausser les perspectives.

Voilà un livre dont je recommande vivement la lecture à tous mes amis. (1) Notamment à celles et ceux d’entre eux qui – ex ou néos “cathos de gauche“ – se reconnaissent dans la dynamique du concile Vatican II, relancée par le pape François. Invitation paradoxale car  l’ouvrage prend parfois des accents d’éloge funèbre pour la sensibilité qui est la nôtre : « La faiblesse de la transmission intergénérationnelle au sein du catholicisme de gauche tranche avec plus d’autorité qu‘un traité de théologie les controverses post conciliaires. » Un verdict apparemment sans appel. Bref, l’avenir du catholicisme en France serait du côté de ceux qu’il appelle les « observants » qui, précisément, s’inscrivent à contre-courant de Vatican II. Voilà qui mérite pour le moins le débat ! Le livre en fournit les arguments. Il faut le lire ! 

Comment la droite catholique conservatrice s’est installée dans le vide laissé par les cathos de gauche

La France est riche d’une longue tradition de sociologie religieuse. Et il faut savoir gré à Yann Raison du Cleuziou d’apporter, à son tour, sa pierre à l’édifice. Ici la rigueur universitaire tranche heureusement avec les approximations et amalgames de tant d’articles de presse et de commentaires dont les auteurs donnent parfois le sentiment de  considérer que, s’agissant de religion, l’à peu-près reste pertinent puisqu’on est par définition dans le domaine de la croyance et donc de l’irrationnel ! Misère ! 

Le propos de l’auteur est de montrer comment le champ politique français, déserté par les cathos de gauche, est aujourd’hui occupé par un catholicisme conservateur, depuis longtemps en germes, mais auquel La Manif pour tous, à travers le combat – perdu – contre la loi Taubira, a servi de révélateur, de ciment idéologique et d’accélérateur.  Dans les années 1970, la jeunesse catholique marquait son émancipation par le choix d’un vote socialiste. Un demi-siècle plus tard, c’est par l’adhésion aux idées populistes. « Pour bien des catholiques observants, l’ordre établi, c’est la culture de gauche, la mondialisation et l’immigration qui est son corollaire : et le camp du changement c’est la droite nationaliste et populaire, assumant la France comme une nation catholique ». 

Les deux premières parties du livre, documentées avec une extrême richesse, nous font revivre les années 1990-2017 : la montée en puissance des débats sur la bioéthique, la tentation d’inscrire le catholicisme comme contre-culture en réponse à sa marginalisation, la redécouverte d’un catholicisme intransigeant, la volonté de peser sur les échéances politiques, la mobilisation contre la loi Taubira, la présidentielle de 2017… La troisième partie de l’ouvrage ouvre aux grands débats d’idées qui sous-tendent les reclassements politiques en cours et la montée du conservatisme comme force centrale qui fait « basculer l’horizon de l’action politique de la transformation à la préservation. »

De droite le conservatisme ? Qu’est-ce que l’écologie sinon une forme de conservatisme ? 

Un conservatisme dont la prédominance se trouve renforcée par le fait qu’il n’est pas le monopole de la seule droite mais déborde largement à gauche, notamment dans les partis écologistes. Car qu’est-ce que l’écologie sinon un plaidoyer pour une conservation de la planète, contre les illusions d’un progrès qui, d’ailleurs, ne vise plus la transformation collective des conditions de vie mais la promotion de technologies mercantiles réservées à des élites ? D’où le rêve, nourri par certains, « d‘un choc politique qui permettrait à l’opposition entre libéraux-libertaires et conservateurs de devenir seule structurante » de notre vie politique contre l’ancien clivage droite-gauche jugé obsolète. Et l’auteur montre bien l’extrême diversité de ce conservatisme politique aujourd’hui éclaté entre populistes, libéraux, républicains et socialistes, avec pour ciment la « recherche commune d’un style de vie plus respectueux de l’environnement » et soucieux de libérer les personnes de la dictature du monde marchand. 

Quatre objections à l’idée que les « observants » seraient l’avenir du catholicisme français

Mais c’est l’affirmation d’une « recomposition du catholicisme sur le noyau dur des observants » qui me semble la plus sujette à débat. Car enfin, voilà un groupe fier de sa résistance relative dans un contexte de forte déchristianisation, qui se prévaut d’avoir su transmettre la foi aux jeunes générations, revendique un double ancrage “tradismatique“ (mâtiné de références traditionalistes et charismatiques) et prétend vouloir s’affranchir des orientations calamiteuses du Concile Vatican II. Un groupe dont l’auteur nous dit : « Chez les observants, le combat de restauration a toujours un double horizon : la société et l’Eglise. » Or sur ces quatre points, la réalité est bien moins idyllique que l’auteur semble l’envisager. 

Si le poids relatif des observants bénéficie de l’effritement des autres catégories de catholiques, telle que le sociologue les décrivait dans un ouvrage précédent (2) le groupe connaît lui-même un certain effritement. Le livre cite Famille Chrétienne comme étant le l’hebdomadaire de référence de cette sensibilité. Or, contrairement à la diffusion annoncée dans le livre (54 000 exemplaires) les chiffres les plus récents (2018) situent le magazine à 44 928 exemplaires, en baisse de 6% (3).

La capacité de ce groupe à transmettre la foi aux jeunes générations par opposition aux soixante-huitards qui auraient égoïstement interrompu cette transmission, est souvent mise en avant. L’un des hérauts de ce propos est l’abbé Grosjean du padreblog avec lequel il m’est arrivé de croiser ici le fer, précisément sur ce sujet. Or voici qu’il déclarait, il y a quelques mois à peine : « Ça m’a toujours marqué de voir combien des jeunes qui ont tout reçu, qui ont été scouts, qui ont été dans des paroisses, dans des aumôneries, etc., à 25 ans, quand on les retrouve après leurs années étudiantes, ont parfois tout lâché : qu’est-ce qui s’est passé ? Ils ont reçu mais qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui ils ne vont plus à la messe, ils ne pratiquent plus, ils ne se confessent plus… »  (4) Au-delà de toute vaine polémique, n’y a-t-il pas là le signe que la crise de la transmission n’est pas réductible à la simple lâcheté des générations aînées ? Et que la transmission des “observants“ eux-mêmes, clergé en tête, n’est pas garantie pour l’avenir ? 

La crise de l’Eglise serait-elle celle des des tradismatiques ?

Dans ses études, Yann Raison du Cleuziou a montré comment la montée en puissance des observants s’était nourrie du double apport des courants traditionalistes et charismatiques. Or, la crise des abus de pouvoir, spirituel, sexuel qui ébranle aujourd’hui l’Eglise, au-delà de la seule pédophilie, s’origine pour une large part dans ces milieux religieux. Il y a quelques jours, commentant sur les réseaux sociaux le désir de vérité exprimé par les frères de la Communauté Saint-Jean face aux dérives de leur congrégation, un ami prêtre qui a eu à connaître de ces abus à l’intérieur même de certains “mouvements“ écrivait : « Il ne restera rien… tout s’écroulera pierre sur pierre. Depuis quelques années, toutes les communautés nées dans la mouvance charismatique des années 1970. Bientôt toutes celles nées dans la mouvance traditionaliste des années 2000…. Pour la liste complète, il suffit de se reporter à l’ordo du diocèse de Toulon. Il faut relire le livre « les communautés nouvelles » de Frédéric Lenoir et tenter le décompte de ce qui reste encore debout… Un jour, il faudra aussi que nos courageux journalistes s’intéressent de plus près au rôle joué par les cardinaux et évêques protecteurs de ces communautés et de leurs fondateurs. » Rude ! Et j’ai omis volontairement – par pure charité chrétienne – les patronymes de quelques éminences/excellences nominativement citées ! Et les « observants » ne subiraient pas le contre-coup de ces scandales à répétition, au sein même de structures ecclésiales qui leurs semblaient incarner – comme à nombre d’évêques – le Printemps du catholicisme ?

Enfin, est-il possible de prétendre incarner le « noyau dur de l’Eglise“ à partir duquel se ferait la reconstruction du catholicisme en France, tout en cultivant une défiance radicale vis-à-vis de son chef, le pape François ? 

L’Eglise en crise qui semble se déliter sous nos yeux est-elle celle du Concile Vatican II revivifiée sous l’actuel pontificat, où celle d’une “restauration“ conservatrice voulue et promue par Jean-Paul II et Benoît XVI ? Qu’il nous soit au moins permis de formuler la question. Moins pour suggérer une réponse simpliste, que pour écarter toute approche trop partielle et partiale de la réalité. On m’objectera que le propre de la sociologie est d’analyser les pratiques objectivables, pas de spéculer sur des hypothèses. Certes, mais si j’en crois Michel de Certeau, cité par l’auteur : « Des chrétiens de plus en plus nombreux sont d’autant moins pratiquants qu’ils sont plus croyants ». Ne seraient-ils pas aussi l’avenir de l’Eglise ? Et sous quelles conditions ? Voilà qui me semble autrement intéressant comme débat ! 

Une nouvelle aile gauche se recrée

Mais Yann Raison du Cleuziou est bien plus nuancé qu’une lecture trop rapide de son livre pourrait le laisser penser. Il observe : « Au XXIe siècle, une nouvelle aile gauche (sans être pour autant de gauche) se recrée, par opposition à la radicalisation droitière d’une partie des catholiques. Elle oppose le registre prophétique des Evangiles aux gardiens de l’ordre catholique. » Et, comme pour mieux enfoncer le clou : « Il est intéressant d’observer comment, du milieu des observants, se détachent de nouvelles gauches catholiques (sans forcément être de gauche). La fidélité au pape François, le refus d’une foi instrumentalisée en frontière ou le désir de s’émanciper des compromissions de leur milieu avec le libéralisme économique les repousse, par éthique de conviction, à distance de l’univers qui fut leur matrice. »

Alors, le catholicisme conservateur est-il l’avenir de notre Eglise ? Dans son ouvrage précédent, cité en référence, Yann Raison du Cleuziou osait ces alternatives. « Ou bien une restauration, avec une affirmation identitaire du catholicisme, on resserre les rangs et on adopte une position intransigeante à l’égard de la société ; ou bien un changement de paradigme, on ajuste la manière de penser le catholicisme à ce qui se vit et non aux modèles passés… ou bien encore, il y a les deux types de changements à la fois et le résultat, c‘est un profond éclatement du catholicisme car il n’y a plus de langue commune aux catholiques, plus de lien suffisant à assurer la cohérence de l’institution, les croyants ne font plus corps, l’Eglise se délite. » 

Possible que nous y soyions et là encore, il y a matière à débat ! 

  1. Yann Raison du Cleuziou, Une contre-révolution catholique. Ed du Seuil, 2019, 384 p., 23 €. 
  2. Yann Raison du Cleuziou, Qui sont les cathos aujourd’hui, Ed. DDB, 2014, 336 p. 
  3. Contre 79 077 exemplaires (-5,6%) pour la Vie et 137 962 exemplaires pour Pèlerin (-7,3%). 
  4. RCF, le 6 novembre 2018. 

29 comments

  • AGONIE, EFFONDREMENT & FAILLITE INEVITABLES
    – DEJÀ COMMENCÉES – DE L’EGLISE CATHOLIQUE EN FRANCE.

    Les chiffres sont là…
    11 000 prêtres encore actifs en 2017, (certains de plus de 85 ans comme, par exemple, le Père Jacques Hamel sauvagement assassiné à Saint-Etienne de Rouvray) mais seulement 4 750 au grand maximum en 2025. En effet, en raison de la pyramide démographique du clergé, l’Église de France va enterrer dans les années qui viennent près de 1000 prêtres par an et ne va en ordonner qu’une petite centaine, ceci en raison de la baisse drastique des entrées dans les séminaires. Le recul des baptêmes, mariages et funérailles est déjà commencé depuis longtemps… De plus, 0,8% seulement de pratiquants hebdomadaires : les 65 – 90 ans vont disparaître, les 45 – 65 manquent cruellement, seuls émergent des 25 – 40 ans issus des générations JP II ou BXVI. Mais ce n’est pas si simple : les « vieux » s’accrochent et ne laissent pas la place aux « jeunes »… Sans compter le délitement rapide de la vie religieuse – féminine ou masculine – entrée depuis longtemps déjà, dans l’art « d’accommoder les restes » en regroupant les congrégations de mêmes obédiences spitituelles.

    Prenons une calculette…
    11000 (prêtres encore actifs) moins (-) 7 000 (1000 prêtres par an qui vont décéder d’ici à 2024) plus (+) 750 (à raison d’une centaine d’ordinations par an pendant 7 ans ; car il faut 10 ans pour former un nouveau prêtre) = 4 750. Et ce n’est pas la présence de prêtres asiatiques ou africains qui sauvera la mise, tant leur présence est temporaire et les besoins de leurs pays d’origine criants en raison de leurs démographies nécessitant la création de diocèses et de paroisses. Ces prêtres étrangers sont d’ailleurs très souvent considérés par les presbyterium de souche comme de simples bouche-trous non intégrés mais corvéables à merci. Le système clérical français va donc s’effondrer de lui-même…

    D’énormes conséquences rapides et brutales…
    – De plus en plus de diocèses vont se retrouver en collapsus par manque de ressources humaines, financières, créatives.
    – Le maillage territorial des paroisses ne pourra plus être tenu comme il tente de l’être encore, ce qui entrainera, mécaniquement, une très brutale et rapide baisse des pratiquants comme des moyens et des contributions au denier du culte.
    – Certains « services  » diocésains, inter-diocésains ou nationaux ne pourront plus se maintenir.
    – Les campagnes vont devenir de véritables déserts spirituels.
    – Les pôles catholiques de formation, les médias (KTO, CFRT, RND, RCF, Bayard, Edifa, etc.) et les maisons d’éditions vont terriblement souffrir économiquement faute d’étudiants, de donateurs, d’abonnés, de lecteurs, de clients. Certains mettront la clé sous la porte ou continueront à vivoter de plus en plus chichement.
    Il demeurera, cependant, quelques points visibles : des paroisses urbaines dynamiques, des communautés « tradismatiques », des couvents ou monastères dépendant de congrégations ou d’ordres, de belles œuvres caritatives ou humanitaires, des lieux de pèlerinage.

    Cela va être terrible…
    – Parce que les évêques (surtout en Occident) ont appliqué Vatican II tout en gardant les structures hiérarchiques héritées du Concile de Trente. Il n’y a pas eu d’aggiornamento
    – Parce que le partage de la responsabilité – et de la gouvernance – entre clercs et laïcs ne s’est pas effectué au cours de ces 50 dernières années.
    – Parce que la tentation a été de « cléricaliser » des Fidèles Laïcs – ce qui n’arrange rien. Ou d’ordonner des diacres sans leur donner de vraies responsabilités.
    – Parce que ce système clérical est devenu incapable d’imaginer et de laisser surgir d’autres formes de vie en Église et d’annonce de l’Évangile.
    – Parce que tant d’hommes et de femmes, formés en théologie et en exégèse, pastorale ou sciences humaines, n’ont absolument pas été « utilisés » dans une prise en compte réelle ce qu’ils représentaient comme richesse pour l’Eglise et pour leur faire confiance aussi. Que de licences, maitrises, doctorat méprisés et qui ne servent à rien !

    De plus…
    – la mondialisation digitale qui rend désormais toute parole magistérielle – sauf celle actuelle du pape François – parfaitement inaudible voire incompréhensible dans le concert des medias.
    – les scandales à répétition des dévoiements sexuels de nombreux clercs qui troublent les fidèles et les autres.
    – la préférence de l’entre – soi clérical diocésain et paroissial qui est rassurant, à l’ouverture aux autres qui est déstabilisante.
    – la tétanisation des pasteurs dans leur incapacité totale à envisager le futur autrement.
    – sans compter tous les abus cléricaux de pouvoir ou de conscience que le Pape François dénonce le premier tout en invitant les Fidèles Laïcs – toute l’Eglise donc – à faire de même.

    Depuis 25 ans, tout en demeurant très engagé…
    J’avoue avoir toujours eu une analyse très pessimiste sur l’avenir de l’Église dans notre pays, tant je voyais déjà ses dérives à l’époque. Tout en tentant de garder, cependant, une vision d’espérance. Force est de constater que les faits sont là… Les discours aveugles et dilatoires de certains épiscopes et autres apparatchiks ecclésiaux me laissent rêveur… Leur déni de la réalité aussi. Mais il leur faut bien justifier et sauver leur job. Y compris à la CEF…

    Un déclin inexorable…
    Même si l’indifférence religieuse se fait croissante, l’Église de France décline moins par laïcisme qu’en raison de mesquineries et petites guéguerres internes de clochers ou de pouvoirs. L’esprit gestionnaire a repris le dessus sur le prophétisme ; on se chamaille pour des prébendes et bouts de chiffons dans un sectarisme rarement rencontré dans d’autres milieux. Quand il y a des catéchumènes, on les accompagne certes jusqu’au baptême mais, après, on les laisse souvent en rase campagne et ils lâchent.

    Alors nous accrocher au pinceau ?
    Même si nous voulons éventuellement tenter de repeindre une ultime fois les murs ou le plafond pour cacher la misère. Car, bientôt – et très rapidement – il n’y aura plus du tout d’échelles, ni de murs ou de voûtes. Certes, on peut toujours espérer béatement une « surprise de l’Esprit Saint ». Mais son œuvre est sans doute de pulvériser actuellement la technostructure ecclésiale. C’est déjà commencé… Tant mieux et, peut-être grâce à Dieu !

    Mon rêve…
    Des assemblées informelles de chrétiens qui se rassembleraient pour un ou plusieurs temps de paroles libres et non censurées tout en y invitant leur prêtre référent et, pourquoi pas, leur évêque. Consignes pour les clercs : écouter, prendre éventuellement des notes et, surtout, se taire. « Bouclez-là, Messieurs ! A notre tour de parler. Vous n’avez ni le monopole du sacré, ni celui de la sainteté, ni celui d’un pouvoir absolu. Seulement servir, non être servi et encore moins vous servir en vue de votre propre carrière cléricale ».

    Yport – Charles-Eric Hauguel – 21 avril 2019

    • Merci pour cette excellent billet, cher René, dont je partage le titre et les réflexions. Je désire soutenir ce premier commentaire que je trouve remarquable. C’est tout à fait ça. Nous devons la boucler et nous ne pouvons pas nous empêcher de faire des phrases. Comme celle d’allumer une lampe. Bien sûr qu’il faut allumer des lampes mais ça n’est pas pour faire comme si on ne voyait rien quand elle donne de la lumière. Puisque je suis prêtre, je me mets dans le clergé, même si je ne suis pas certain que nombre de mes confrères me considèrent encore comme un des leurs. J’ai la foi et les mœurs mais je n’ai jamais voulu employer le code caché qui est de prendre un air entendu et supérieur quand quelque chose ne va pas dans notre sens. Notre cléricalisme pue, et hélas il tue aussi. Vraiment, Charles-Eric Hauguel, vous faites un tableau de la situation que devraient faire nos chefs. Or, face à cette situation désastreuse, que proposent les clercs : resserrer leur string et allonger leur col à tarte ! Et avec ça, ils sont persuadés qu’on va s’en sortir. On fait mumuse mais où est le sérieux que nécessite la situation ? En m’inspirant d’un passage de Max Jacob, je peux dire que me réjouirais si je voyais dans la jeune génération sacerdotale des jeunes assoiffés d’absolu, même peu nombreux, s’engageant résolument dans les problèmes et les difficultés de leur époque; on voit hélas souvent des « vieilles filles devenues prêtres » (Merci Max Jacob) qui défendent avant tout le style et les privilèges de leur milieu social. Même les ultras dont ils se réclament ne veulent pas vivre de cette façon ! On est donc parti pour la pulvérisation de la « technostructure ecclésiale ». Comme c’est bien dit ! Pour ma part, j’y suis prêt spirituellement parlant mais je dois être un des rares. Comme il faudra bien un prêtre pour prononcer l’absoute sur feu l’Eglise de France, je suis disponible. Mes confrères préfèrent se crever les yeux pour ne pas voir et les tympans pour ne pas entendre. Tant qu’ils y sont, ils feraient bien de se couper aussi la langue pour ne pas dire d’âneries. Le navire Eglise coule dans notre pays, de par notre faute. Ce qui est insupportable, c’est de voir s’agiter sur le pont tous ces petits clergeons immatures et souriants qui veulent couler en soutane et surplis en chantant en latin. Ils seraient estimables s’ils allaient dans les canots de sauvetage mais le pire, ce sont leurs chefs qui, parce qu’ils ont peur de ne plus être le chef dans le canot, les convainquent de rester autour d’eux sur le pont. Si seulement j’exagérais. Cher Charles-Eric Hauguel, bien que je ne sois plus jeune, si je survis suffisamment, je suis prêt à être le prêtre qui, en tant que prêtre, écoutera en la bouclant les laïcs qui auront besoin d’évacuer leur trop-plein et leur ras-le-bol avant de repasser généreusement à l’action. Et, silencieusement et en souriant, je vous donnerai très volontiers la bénédiction dont vous aurez besoin pour votre mission.

      • Vous seriez désespérant si le pauvre laïc que je suis n’avait foi dans le Christ et dans l’Eglise.
        « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
        (Matthieu 28, 20)

        • Comme si vous étiez le seul à avoir la foi ! Ça n’est pas parce qu’on est capable d’être lucide et d’analyser une situation qu’on manque de foi dans le Christ et dans l’Eglise, ni qu’on ne soit pas convaincu de la présence du Christ tous les jours jusqu’à la fin du monde. C’est mieux d’éviter la pensée magique : on va bien prier le Saint Esprit, on va s’abstenir de regarder la situation et de réfléchir et il va se passer un miracle ! Ça s’appelle le fidéisme. C’est une hérésie et une attitude très dommageable tant dans le domaine spirituel que dans le domaine humain. Si Dieu nous a donné l’usage de la raison, c’est qu’il attend que nous nous en servions. Nous lui rendons gloire en le faisant.

          • à Pierre,
            Entièrement d’accord avec vous . Ce fut , à l’époque ou l’on fait des choix de vie, le principal critère pour rester ou non dans l’Eglise : si la foi est un échappatoire au fait d’assumer pleinement la condition humaine par une fuite dans le religieux magique , alors c’est une imposture . Si au contraire , la foi au Christ est une voie pour assumer pleinement son humanité dans la relation de confiance d’une conscience qui se reconnait aimée sans condition par le Dieu biblique, alors c’est véritablement un choix qui permet de donner sens et accomplissement à une vie d’homme. Même si nous avons besoin d’une médiation religieuse, je ne crois pas que le christianisme soit d’abord une religion. En tous cas, pas cette religion « soupir de la créature affligée » , instrument d’aliénation, injonction perverse : « soumets toi et tu seras libre » qu’elle est en train malheureusement de redevenir malgré l’ouverture de vatican II dont la parenthèse se referme sous nos yeux.

          • Ai-je jamais dit ou pensé, Père Pierre Vignon, que j’étais le seul à avoir la foi !
            Parce que je refuse de désespérer et que je cite l’Evangile, me voilà qualifié d’adepte de la « pensée magique » et même d’hérésie fidéiste !
            Remarquez, cela nous change des accusations d’hérésie protestante habituellement formulée par les intégristes ou des accusations d’hérésie pélagienne formulée par les protestants !
            « Bouclez-la », comme vous dites, si vous le souhaitez, mais ne m’empêchez pas de parler et de dire ce que je pense comme « simple laïc ».
            La grave crise que traverse l’Eglise, qui n’est pas à mes yeux une crise seulement de la hiérarchie, est inséparable de la grave crise que traverse notre société occidentale tout entière, fortement marquée par l’individualisme et le consumérisme.
            Le cléricalisme, il n’est pas seulement chez les clercs, il existe aussi et souvent plus redoutable chez des laïcs ayant pignon sur sacristie… c’est toujours un abus de pouvoir, une mauvaise conception de l’autorité.
            Le « trop plein » et le « ras-le-bol », je l’ai connu aussi dans les années 70 et 80… sans pour autant quitter l’Eglise, grâce à des petites « lumières » sur mon chemin.

          • @ Robert Van Reeth
            Je vous avais dit mes réserves sur l’agence de presse sputniknews au-dessous du commentaire auquel vous renvoyez, mais cela a été apparemment effacé par notre modérateur.

      • Mon Père, vous vous rendez compte du nombre de jugements que vous venez de prononcer en quelques phrases ? Incroyable ! A faire envie au grand accusateur de nos frères, celui qui les accuse jour et nuit devant notre Dieu! Seigneur, aie pitié de lui, pauvre pécheur

    • Excellente analyse ! Je vous invite à signer notre appel et pétition ! « Des lieux pour faire du neuf dans l’Eglise ». Restons en lien sur FB : Du Neuf dans l’Eglise . A bientôt ! Anne Reboux

  • Comme j’aimerais que tu ais raison, mon cher René ! La lecture de ton texte me remonte un peu le moral car je reconnais que la lecture de ce livre m’en á fichu un coup. Tes quatre points sont intéressants mais je ne suis pas sûr qu’ils suffisent à invalider le pronostic… Il me semble qu’il y a un point aveugle qui n’est guère abordé ni par l’auteur ni dans ton analyse : il s’agit de la place de plus en plus importante des chrétiens du sud dans nos communautés et surtout dans le clergé français. Je ne les sens pas mobilisés pour soutenir le pape François comme on aurait pu l’espérer alors que je constate au contraire un retour d’un christianisme surtout « religieux » qui va converger avec « les observants »… Bien á toi, JP

    • Je partage ton inquiétude. Mais j’ai volontairement focalisé mon propos sur celui de l’auteur qui, à tort ou à raison, pose ce groupe en fer de lance de l’Eglise catholique. Pour le reste, je trouve que le livre de Pierre Jova sur les chrétiens et les migrants, décrit bien cette montée en puissance ET des évangéliques côté protestants, ET des fidèles issus de l’immigration d’origine africaine ou des caraïbes notamment.

  • La phrase à l’emporte pièce tirée de l’interview de Lech Walesa -sur Europe, frontières, mondialisation- (le Figaro de ce jour) résume la situation présente et l’orientation qui prédomine, partout:
    « La question de la religion doit être remise à sa place. Dieu est le même dans toutes les religions. Mais nous avons trop de professeurs de religion et beaucoup d’entre eux sont mauvais. »
    Le rigueur de l’universitaire, de l’expert, nourrit la rigueur d’un autre ordre de l’artiste, du prophète et, là, du politique. Les premiers nourrissent la pensée et l’action des seconds, les seconds ensemencent le peuple bien plus libre qu’auparavant, et dont les réactions tous azimuts produisent une résultante imprévisible.
    A titre personnel, ce que j’observe me conduit à penser que la transmission se fait, mais pas comme l’entend la tradition dans laquelle ceux de l’époque du concile ont grandit, elle se fait de manière imprévue, inattendue; ce que, dans l’ordre temporel exprime Walesa en parlant de son père: « Mon père est mort pendant la Seconde Guerre mondiale. Si je pouvais lui raconter aujourd’hui que j’ai réussi à éliminer la frontière avec l’Allemagne, je ne pourrais pas finir ma phrase, car il mourrait sans doute une deuxième fois de surprise! Et pourtant c’est vrai, on l’a fait. L’Allemagne avait peur de la migration venant de Pologne, mais maintenant ils nous demandent de venir travailler chez eux! « 

  • Les limites de la méthode sociologique,

    Si la sociologie a bien évidemment quelque chose à nous dire de lEglise ,il ne faut pas en attendre plus qu’elle ne peut donner . Aussi je partage le contenu du billet de René qui insiste à juste titre sur d’autres aspects de la réalité de l’ Église qui passent à travers les maille du filet de l’approche sociologique aussi rigoureuse soit elle .
    Contrairement à l’approche des cathos identitaires qui ont besoin de repères pour se rassurer , je ne crois pas que l’Eglise soit d’abord discours . Contrairement aux cathos identitaires qui appartiennent majoritairement à une classe sociale qui a besoin de se mettre en scène pour exister, je ne crois pas que l’Eglise doive prioritairement se situer dans l’ostentatoire . La théologie de l’enfouissement est beaucoup plus exigeante parce que elle ne se fonde que sur les actes et non sur les mots ou sur l’étiquette « catho « que l’on porte en sautoir parce que dans le fond , l’on doute de son identité .
    Sur la transmission de la foi , l’abbe Grosjean qui est à l’ecclesiologie ce que Bouvard et Pecuchet furent à la science reste enfermé dans sa vision exclusivement patrimoniale et si peu spirituelle de l’église . Ce n’est pas parce que l’on ne sait jamais ce que l’on transmet , ni que la réception et l’appropriation de ce que l’on transmet prend des formes nouvelles , qu’il n’y a pas pour autant transmission ( de la foi ) .N’importe quel parent ayant de grands enfants sait cela que l’abbé Grosjean veut toujours ignorer .
    Ceux la même qui nous rebattent les oreilles avec le «  mystère de l’Eglise «  s’empressent de ne pas tirer les conséquences responsables de leur discours en n’en ayant qu’une conception identitariste et exclusivement patrimoniale bien conforme à la culture de la classe sociale dont ils sont maintenant majoritairement issus : la bourgeoisie .

    Non l’Eglise n’est pas ce club de « bien pensants «  qui se reconnaissent non pas à la fraction du pain partagé mais au badge d’appartenance acquis par leur participation à la manif pour tous ou à l’adhésion aux mouvements charismatiques tentés par les dérives sectaires comme l’Emmanuel

    L’Eglise est ce peuple divers qui prend soin de son prochain parce qu’il perçoit plus ou moins explicitement que son visage dit quelque chose d’essentiel du Dieu ineffable dont Jésus nous a signifié par sa vie de quel amour inconditionnel il nous aime . De cela la sociologie religieuse ne peut en rendre compte ., elle qui ne peut voir que la partie émergée de l’iceberg .C’est pourtant la parie immergée , socialement invisible , enfouie qui est la meilleure garante de l’avenir de l’Eglise . Non parce qu’elle est enfouie , mais parce que , enfouie elle est prioritairement spirituelle ,là où l’Eglise identitaire est prioritairement matérialiste et ostentatoire .

    La sociologie nous donne à voir une vision partielle de l’Eglise , son seul aspect mondain auquel les identitaires, par réflexe de classe , veulent la réduire .
    Le clivage qui structure aujourd’hui l’église catholique me semble être celui qui sépare les spirituels (tradis ou non ) des matérialistes mondains (tradis ou non)

    • Guy, je suis au moins d’accord avec votre dernière phrase, et c’est le plus important.
      Arrêtons donc de nous quereller et laissons la sociologie religieuse et les mondanités de côté !

      • À Michel,
        Oui je me sens plus proche de quelqu’un qui poursuit une quête spirituelle quand bien même son expression passe par le rite extraordinaire plutôt que d’un propriétaire dominateur de la vérité qui l’exprime dans le cadre de la bien-pensance cléricalement validée .

        Je n’appelle pas querelle ,la légitime expression de nos diversités dans l’appréhension de la foi et dont la confrontation argumentée et respectueuse des personnes est aussi un moyen d’approfondir ce que nous croyons .

        Outre le plaisir stimulant de la disputatio , cette confrontation dont Rene nous donne avec bonheur le sujet et le prétexte participe aussi de l’émergence de la culture du débat qui fait tant défaut dans notre Église .

        • Oui, Guy, outre le plaisir de la disputatio et parfois même de la polémique, je suis ouvert à la culture du débat à condition que cela ne passe pas par des procès d’intention et des étiquettes collées à l’autre pour mieux défendre son propre point de vue.

  • La question de la transmission mérite une explication. Notre génération de 68 est accusée de ne pas avoir transmis alors qu’elle avait tout reçu comme le dit si gentiment l’abbé Grosjean.
    Il n’oublie qu’une chose ce brave padre qui pense tout renouveler, c’est que nous n’avions absolument pas envie de transmettre ce que nous considérions comme un carcan d’obligations morales. On ne nous avait pas transmis le Christ et Sa Parole, pour une raison très simple c’est qu’avant Vatican II, la Parole n’était pas du tout connue en encore moins transmise par les clercs. Est-ce vraiment enthousiasmant de transmettre la pratique de la messe, les sacrements et finalement les valeurs chrétiennes dont on nous rebat les oreilles en ce moment ? Comme si le Christ était une valeur à transmettre (« comme dit la pub la plus stupide que j’ai pue entendre à propos du Denier du Culte : pour que jamais nos valeurs ne s’éteignent »).
    Bref à notre époque il y avait d’une part les cathos de droite à tendance maurassienne et de l’autre les cathos de gauche qui ont sans doute un peu délaissés eux aussi et pour les mêmes raisons de méconnaissance de la Parole de Dieu l’encrage dans la Foi. Mais eux au moins s’engageaient fermement dans la Charité..
    Je ne crois pas que l’avenir de l’Église se fera autour du clivage entre libéraux-libertaires et conservateurs, mais qu’il y aura une 3° voie beaucoup plus prometteuse.
    Il s’agit du parcours des « pasteurs selon mon cœur » qui repense complétement l’évangélisation fondée sur le Christ et sa Parole et sur la manière de Le faire connaitre. C’est beaucoup plus stimulant que de se situer dans le camp des « observant » et de croire détenir la vérité.
    De nombreux prêtres et évêques ont accepté de se remettre en cause pour suivre ces parcours de formation qui ont un caractère très œcuménique. L’initiative provenant du canada et de l’Angleterre (Parcours Alpha)
    Notre curé au Chesnay s’est lancé depuis septembre dernier dans cette transformation qui ne va pas tarder à porter ses fruits.

    • A propos de « valeurs chrétiennes »

      Permettez-moi d’abonder dans votre sens en citant ce passage lumineux de Mgr Hervé Renaudin, ancien évêque de Pontoise, passage extrait de son livre-entretien avec Jean-François Bouthors (« Vie, entrée libre ») :

      « – On parle pourtant volontiers des « valeurs chrétiennes ».
      – Eh bien, pour parler net, cela m’inquiète un peu. Je ne voudrais pas que, quelle que soit la grandeur de ces valeurs, elles prennent la place de Dieu. Dieu seul est Dieu. Même la liberté n’est pas Dieu, même la tolérance n’est pas Dieu, même la justice n’est pas Dieu, même la famille n’est pas Dieu. Moi, comme évêque, je n’ai pas d’abord à défendre des valeurs, aussi grandioses soient-elles. Je souhaite bien sûr que nous partagions tous les valeurs qui découlent de notre foi en Dieu fait homme, mais comme je désire surtout que chacun rencontre personnellement Jésus ! Je dois annoncer Jésus. Parfois, je me demande si nous en sommes toujours persuadés. Si on prend les valeurs pour Dieu, le risque est grand de devenir idolâtre et intolérant. Le fanatisme n’est pas loin. De surcroît, les valeurs peuvent être celles d’une certaine époque, d’une certaine culture. Alors les autres, ceux qui ne s’y reconnaissent pas, qui sont-ils ? des barbares ?
      J’insiste, nous annonçons tout autre chose. La Parole. Ni une doctrine, ni une morale, ni une philosophie. Quelqu’un parle : l’Unique qui s’adresse à chacun de nous, qui nous appelle par notre nom, qui nous rejoint dans le secret de notre coeur et de notre vie. Pour annoncer cette Parole qui a retenti un jour dans l’histoire, qui a pris un visage et une voix, qui est vivante, il faut d’abord l’écouter. Se soucier de son authenticité est nécessaire, mais cela ne suffit pas. Il faut encore la dire de façon telle que celui à qui elle s’adresse puisse l’entendre, afin d’être en mesure, s’il le veut, de lui répondre. Et cette Parole s’enrichira de sa réponse. Car la parole de l’homme qui écoute, entend et répond à la Parole de Dieu, fait partie de la Parole de Dieu. »

      (Mgr Hervé Renaudin, évêque de Pontoise, décédé le 18 janvier 2003)

      • à Michel de Guibert ,
        Merci de rappeler ce discours de Hervé Renaudin . auxquels j’adhère entièrement . Je crains que s’il pouvait aujourd’hui tenir ces mêmes propos , il serait marginalisé au sein d’un épiscopat d’abord préoccupé par les » valeurs catholiques  » auxquelles il subordonne trop souvent l’Ecriture , cédant en cela à une tentation de fond du catholicisme , dont on avait espéré , à tort, que Vatican II en limiterait les excès .

  • Si les catholiques qui se prétendent « d’ouverture » prêtaient attention au « trop plein » et au « ras le bol » de bien des laïcs, ils comprendraient bien des choses.
    J’étais étudiant dans les années 1990, à la pleine époque de développement des communautés nouvelles et le récit de René Poujol est gravement incomplet. Ces communautés attiraient aussi par contraste avec le reste. La laideur et le vide (ensemble) de l’Eglise qui s’est prétendue « dans l’esprit du concile » étaient consternants. Son sectarisme envers tout ce qui pouvait toucher les coeurs et élever les intelligences était absolu. Par contrastes il existait des communautés passionnantes et qui se portaient sur les frontières intérieures et les blessures sanglantes de notre époque. Quant l’Eglise « qui est en France » se taisait, ces communautés parlaient, et défendaient les plus écrasés. Notre reconnaissance pour elles est immense.
    Entre le gris de mort et la lumière, nous avons choisi.
    Dans cet intervalle se sont glissés aussi des pervers, et la gouvernance inexpérimentée et imprudente de ces communautés, mais aussi de bien des évêques bien vus par « La Croix » les ont laissés faire.
    Cette défaillance institutionnelle a des causes dont Benoît XVI parle très bien. Elle s’enracine aussi dans un refus « millénariste » de l’histoire qui est partagé par les charismatiques (par exemple Mr Hauguel) et par les progressistes. L’absence de connaissance des expériences du passé a favorisé des dérives répugnantes.
    Il faut changer, mais pas dans le sens encore plus gris, vide et invertébré qui semble avoir les faveurs de Mr Poujol.

    • A Philippe ,
      Je partage votre point de vue sur l’apport des » communautés nouvelles » tendance charismatique à une église qui pondérait mal l’équilibre nécessaire entre le structurel et le spirituel , dans le bouillonnement des années 70 post Vatican II . Je suis témoin qu’elles ont » décoincé  » nombre de catholiques , apporté de la joie et de la spontanéité dans une église sclérosée et rendu l’Evangile audible par les plus pauvres et les plus marginaux . Mais il me semble que vous minimisez leurs travers endémiques qu’il ne fallait pas être grand clerc pour discerner dès leur origine : la négation des implications économiques et sociales , sociétales de l’Evangile , l’amour immodéré d’une dimension spirituelle « hors sol « , le refus du rôle de la raison et de la pensée rationnelle dans l’appréhension de la foi , le refus de penser l’organisation et le pouvoir trop souvent confisqué par des leader devenant rapidement des gourous avec toutes les dérives que cela entraine et dont nous voyons les conséquences aujourd’hui . Ce n’est pas un hasard si ces communautés nouvelles sont tombée dans l’ornière d’un obscurantisme revendiqué à l’instar de l’Emmanuel (avec son mouvement « courage  » ) dont le seul souci conséquence de son embourgeoisement est celui de son pouvoir et de son influence sur l’institution écclésiale . Quelle triste dérive !

      Encore et toujours , c’est bien le refus de penser la gouvernance de l’institution écclésiale sur un mode différent du modèle féodal , qui la condamne à passer sans cesse d’un extrême à l’autre : d’une spiritualité déconnectée du réel qui la coupe du monde (tendance actuelle) à une revendication d’être dans le monde au risque d’y perdre son identité ( tendance des années 70 dont j’ai la faiblesse de croire ,malgré tous les excès dus à l’époque qu’elle n’a pas peu contribué au témoignage crédible et fécond de l’Evangile )

      • Ces critiques et déformations systématiques ne méritent d’autres commentaires. Seuls la bienveillance et l’amour de l’autre peuvent remettre l’Eglise et les chrétiens quelque soient leurs orientations politiques et autres sur le chemin de la reconstruction.

        • A Benoit ,
          La lucidité n’est pas antinomique de l’amour. .Au contraire elle en est une condition .De plus vous mettez sur le même plan les structures et institutions et les personnes . Dire les choses sur le fonctionnement des unes n’implique rien quant à nos relations aux autres .
          Enfin vous proposez ,au nom de l’unité des catholiques ,la morale du déni .On a vu ou cela conduit en ce qui concerne les abus des clercs .

  • Cher ami,
    Après la lecture de votre article dont je vous remercie, je voudrais vous faire par de l´effarement dans lequel je me trouve après avoir lu le récent livret du Conseil Permanent de la Conférence des évêques de France, Qu´est-ce que l´homme pour que tu penses à lui? Paris: Bayard- Cerf -Mame, 2019. Un livret qui veut nous présenter des « fondements d une anthropologie catholique » et qui ne passe pas d´une sorte de pamphlet d´une anthropologie (?) dogmatique et paradigmatique dont les prémisses créées au long de l´histoire de l´Église et des Conciles, sont désormais immuables.
    J´avoue que j´ai du mal à digérer ce cadre de pensée préétabli, d´autant plus que la manière d´en parler est caramélisée, éculée, grandiloquente à la manière de St Sulpice. Peut-être eut-il été plus salutaire d´offrir aux hommes d´aujourd’hui un texte qui aurait eu comme titre: Qu´est-ce que Dieu pour que tu penses à lui?
    Un article serait intéressant pour un autre débat!
    Je le souhaiterais. Bien à vous.

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