Pape François : l’ombre d’un doute

Pape François : l’ombre d’un doute

Adulé par l’opinion publique, contesté en certains lieux d’Eglise, le pape François jette aussi le trouble, ici ou là, parmi ses partisans. 

Cet article a été repris par le site Aleteia que je remercie. 

Le 13 mars 2013, le cardinal Bergoglio devenait pape sous le nom de François. Quatre ans déjà ! Un pontificat encore jeune, marqué d’un style différent de ses prédécesseurs, d’actes importants de gouvernement en réponse aux souhaits exprimés durant le conclave et de quelques textes essentiels portant fortement sa marque. On pense ici à Evangelii Gaudium, présenté par le pape François lui-même comme son «programme», à Laudato si’ sur l’écologie ou à Amoris Laetitia sur la famille. Ces deux derniers textes donnant corps à cette «écologie intégrale» dont il se fait le héraut.

Quatre années marquées par la formidable adhésion des opinions publiques dans et hors de l’Eglise catholique et, parallèlement, par de fortes résistances internes pouvant aller parfois jusqu’à la contestation ouverte dans certains milieux ecclésiastiques. Comme sur l’affaire des «dubias» ces «doutes» formulés par quatre cardinaux, concernant le chapitre huit de l’exhortation apostolique sur la famille, relatif à l’accès aux sacrements des divorcés remariés. On pense aussi, à cette campagne d’affichage dans les rues de Rome, interpellant le Saint-Père : « Tu as placé sous tutelle des congrégations, renvoyé des prêtres, décapité l’Ordre de Malte et les Franciscains de l’Immaculée, ignoré les cardinaux… Mais où est donc ta miséricorde ? » Sur l’ampleur, souvent exagérée, et les raisons de ces oppositions, la littérature est abondante et ce billet n’a pas la prétention d’en proposer une relecture exhaustive.

Un retour à l’intuition de Vatican II

Disons simplement que dans une Eglise catholique marquée par le centralisme romain, l’insistance mise sur la doctrine, la place centrale du droit canonique et une certaine conception très «ecclésiastique» de l’Eglise, le pape François semble marquer un retour à l’intuition du Concile Vatican II d’une Eglise miséricordieuse, proche des gens, soucieuse d’honorer le principe de subsidiarité dans son propre mode de fonctionnement, attentive à développer une juste autonomie des conférences épiscopales et à redonner aux baptisés laïcs, hommes et femmes, leur juste place dans l’évangélisation.

Evolution qui soulève inquiétudes et hostilité tant au sein de la Curie elle-même, que parmi certains évêques ou cardinaux. Les raisons en sont variées. Certaines sont discutables qui tiennent à la remise en cause de prérogatives et de baronnies consolidées au fil du temps, à la faveur du désintérêt de Jean-Paul II pour la gestion de l’administration vaticane et de l’impossibilité dans laquelle s’est trouvé Benoît XVI d’y engager les réformes qui lui semblaient s’imposer. Les raisons tiennent aussi à une certaine image idéalisée de l’institution qui devrait se protéger de l’hostilité supposée du «monde». Avec l’impératif d’éviter le scandale à tout prix… A trop évoquer «Notre sainte mère l’Eglise» on finit par ne plus oser regarder en face les turpitudes de certains de ses serviteurs.

Une crainte pour la doctrine et l’unité de l’Eglise

D’autres, plus compréhensibles, tiennent à la crainte de voir une trop grande ouverture pastorale conduire, demain, à la remise en cause de pans entiers de la doctrine catholique ; et le développement de la synodalité et de la collégialité, menacer l’unité de l’Eglise au nom de la nécessaire prise en compte de la diversité aujourd’hui contrariée par un forte tendance à l’uniformité.

D’autres enfin, sont de nature plus directement politique. La volonté affichée du pape François de remettre l’accent sur la justice sociale, en relativisant les questions éthiques chères à ses prédécesseurs nourrit de fortes critiques. Son plaidoyer, à travers Laudato si’, pour une «écologie intégrale» en réponse aux dérives d’un capitalisme consumériste destructeur de la planète et du lien social, est dénoncé ici ou là, comme purement idéologique et partisan.

Les ennemis les plus déterminés de François sont ailleurs.

«La politique ne doit pas se soumettre à l’économie et celle-ci ne doit pas se soumettre aux diktats ni au paradigme d’efficacité de la technocratie. Aujourd’hui, en pensant au bien commun, nous avons impérieusement besoin que la politique et l’économie, en dialogue, se mettent résolument au service de la vie, spécialement de la vie humaine. Sauver les banques à tout prix, en en faisant payer le prix à la population, sans ferme décision de revoir et de réformer le système dans son ensemble, réaffirme une emprise absolue des finances  qui n’a pas d’avenir et qui pourra seulement générer de nouvelles crises après une longue, coûteuse et apparente guérison.» (1)

Inutile de multiplier les citations. La focalisation médiatique excessive sur les oppositions internes à l’Eglise au pape François ne doit pas occulter le fait que ses ennemis les plus déterminés sont ailleurs. Ils se situent dans le monde de la finance internationale, au sein des lobbies du pétrole et de l’armement, ou encore parmi les gagnants – il y en a toujours –  des tensions géopolitiques.

Il faut lire, sur ces questions, le remarquable ouvrage de Nello Scavo. (2) L’auteur y salue ce «chef d’œuvre de la diplomatie vaticane» que constitue le rétablissement des relations diplomatiques entre Cuba et les Etats-Unis ; il souligne la constance de l’opposition du Saint-Siège à une escalade anti-iranienne aujourd’hui renforcée par l’élection du président Trump. Mais surtout, il démontre comment dans un monde multipolaire «Bergoglio est passé à l’action, faisant du Vatican une alternative valable aux organisations traditionnellement vouées à la résolution des conflits. Nations unies en tête.» (3) Et comment «Les émissaires de François travaillent à la cessation des hostilités» dans nombre de conflits de la planète.» (4) Ce qui dessert certains intérêts, y compris en France.

Avec cette conclusion qui vaut pour l’ensemble des oppositions actuelles au pape : «Il est indéniable que plus les interventions de François sont décisives, plus le nombre de loups rejoignant la meute augmente» (5)

Savoir entendre les «plaintes» 

Pour autant, il faut savoir entendre les «plaintes» formulées ici ou là à son encontre. Pour tenter d’en faire une juste évaluation. L’exercice n’est pas simple. Car il faut pouvoir faire le tri entre certaines accusations d’autoritarisme qui visent simplement à le déstabiliser, de récriminations peut-être fondées, de collaborateurs fidèles qui ont le sentiment d’être injustement suspectés voire méprisés. Dans un livre récent, Virginie Riva, correspondante d’Europe 1 à Rome cite un haut responsable de Radio Vatican : «En trente-cinq ans, je n’ai jamais constaté un tel mécontentement à l’intérieur du Vatican.» (6)

On peut comprendre que le pape François, conscient de bousculer des pratiques fortement ancrées, qui avaient justifié l’alarme des cardinaux lors du conclave et son élection, éprouve le besoin de s’entourer de collaborateurs sûrs. Le revers de la médaille, analysent certains vaticanistes, serait qu’il s’en remet peut-être trop – aveuglément ? – à ceux qui ont su gagner sa confiance. Au risque de manipulations, de faux pas, ou de positions indéchiffrables.

Trois dossiers qui nourrissent le trouble.

Sur la question de la pédophilie, le principe posé d’une «tolérance zéro» se trouve ébranlé par le sentiment que la Commissions mise en place se heurte à l’hostilité d’une partie de la Curie. La récente démission de Marie Collins, dernière représentante au sein de la Commission, de fidèles victimes de pédophilie dans l’Eglise, a accentué le malaise. Si l’intéressée tend à dédouaner le pape François qui, selon elle, «essaie de faire de son mieux», les questions demeurent. A commencer par le fait qu’elle n’ait jamais pu s’entretenir avec le pape seule à seul. Concernant le diocèse de Lyon, certains s’interrogent sur l’empressement du pape François à recevoir un prêtre en rupture de ban alors même que les demandes de rencontre formulées par l’association La Parole libérée, représentant les victimes du père Preynat attendent toujours une réponse…

Parmi les acteurs du dialogue œcuménique, notamment avec le monde Orthodoxe, certains s’interrogent sur les conditions de la rencontre «historique» du pape François et du patriarche Cyrille, de Moscou, le 12 février 2016, à l’aéroport de la Havane. Le soupçon est formulé d’une impréparation par le seul Conseil pour l’unité des chrétiens, dans le dos du cardinal Parolin, Secrétaire d’Etat, qui aurait eu pour principale conséquence que le document final, largement inspiré par le patriarcat de Moscou, minimise le poids réel des gréco-catholiques d’Ukraine, contraignant le Vatican à une forme de rétropédalage ultérieur de nature à faire tomber la tension… Sans que le bénéfice de cette rencontre de Cuba apparaisse clairement en termes d’amélioration des relations entre Rome et Moscou.

Troisième dossier qui suscite bien des interrogations la signature imminente d’un «accord historique de réconciliation» entre Rome et la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X qui devrait entériner l’autonomie revendiquée de longue date par les disciples de Mgr Lefebvre, par le biais d’un rattachement direct au pape (sous forme de prélature personnelle comme pour l’Opus Dei) ce qui aurait pour effet de soustraire ces communautés à l’autorité des évêques diocésains. Et cela, alors même que Mgr Fellay déclare : «Accepter un accord avec Rome ne veut pas dire que la Fraternité se range…» Ce qui suggère ce commentaire à Jean-Marie Guénois du Figaro : «De fait, et contre toute attente, c’est plutôt Rome qui a changé sous l’influence du pape François à l’égard de la Fraternité Saint Pie X, alors qu’elle n’a pas bougé d’un iota.»

Autant de dossiers qui créent le malaise parmi les mieux intentionnés vis-à-vis du pape François et des orientations de son pontificat. Peut-on dire qu’ils nécessiteraient, pour le moins, quelques éclaircissements ?

Le temps fait beaucoup à l’affaire…

Dans son livre, déjà cité, Virginie Riva écrit : « Ses soutiens comme ses ennemis ont désormais compris que le combat mené par François est révolutionnaire et qu’il se veut un processus irréversible.» Sauf que quatre ans après son accession au trône de Pierre, le pape François semble être au milieu du gué. S’il évoque parfois, comme pour s’en amuser, le fait qu’il n’est pas immortel, l’évidence s’impose que les réformes engagées ne sont pas arrivées à leur terme, loin s’en faut. Il y faudra du temps et de la détermination. Mais également la loyauté de l’appareil ecclésiastique dans leur mise en œuvre. (7)

Ce qu’un conclave a fait, un autre conclave pourrait-il le défaire ? Cette question, souvent formulée mezza voce, nourrit ici des angoisses, là des espérances… Ainsi en est-il des affaires humaines, dans l’Eglise comme dans la société civile ! Même si l’on peut penser que cela n’est pas très sain ! Même si certains préfèreraient que l’on s’abstienne de telles évocations… Pour protéger «Notre sainte mère l’Eglise».

Pour le reste prions, en ce quatrième anniversaire, que le pape François continue de bénéficier d’un «bouclier céleste». Oui, plus que jamais, God save the Pope ! 

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  1. Pape François, Laudato si’ n°189.
  2. Nello Scavo, Les ennemis du pape, Bayard 2016, 400 p.
  3. op cit p. 187
  4. ibid p. 189. Il cite notamment : la Syrie, la République centrafricaine, le Soudan du Sud, le Nigéria, la Terre Sainte, l’Irak, la République démocratique du Congo, la Corne de l’Afrique (Somalie, Kenya, Ethiopie, Erythrée Somaliland et Djibouti…
  5. ibid p.374
  6. Virginie Riva, Ce pape qui dérange, Ed. de l’Atelier, 2016, 180 p. p. 71
  7. Osons, en note, cette ultime provocation : d’ici trois ans une vingtaine de cardinaux vont atteindre l’âge de 80 ans, renouvelant d’autant le corps des électeurs du futur pape. Dans les épiscopats nationaux, nombre d’évêques vont eux-mêmes passer le cap des 75 ans âge requis pour présenter leur démission au Saint-Père. Pour la France continentale ou d’outre-mer, cela représente une vingtaine de nominations. Parmi lesquelles les remplacements de NNSS Vingt-Trois, Ricard et Pontier, tous trois anciens ou actuel, président de la Conférence des évêques de France. Le choix de leurs successeurs ne sera, bien évidemment, pas sans conséquence sur le soutien apporté à la ligne du pape François.
© René Poujol

22 comments

  • En bref, cher René, le Pape n’est pas Dieu, et il est même faillible, malgré tout ce qu’on aura pu écrire là-dessus. Et il y a du monde autour pour le contrer, ce qui ne me surprend guère.. Mais beaucoup de choses m’échappent dans ce que vous dites, aussi ne commenterai-je pas davantage et je vous livre seulement ce qui fait que parfois, je doute.

    Je lui reproche de se laisser trop souvent aller à des confidences lors de ses voyages…La phrase sur « la violence catholique » a du mal à passer…et était particulièrement malvenue. Et je ne sais si sa position sur l’islam est claire. Si elle résulte d’une volonté de pacifier et de protéger les chrétiens d’Orient, ou si elle résulte d’une certitude que le bien l’emportera tôt ou tard. En tout cas, ce n’est pas toujours facile à accepter. Les chrétiens d’Orient ne sont pas tous catholiques loin s’en faut. Mais les soutenir davantage est-il dangereux pour eux, ou n’est-ce pas vraiment son problème? Parfois, je doute.
    J’exerce dans un lycée juif. Mes collègues me disent tous « devant l’islam, le Pape vous laisse tomber », et « vous aussi, vous laissez tomber ». Ils rajoutent qu’ils « se sentiraient mieux protégés si les catholiques se défendaient un peu mieux ». Ces points de vue -là me semblent bien intéressants, parce qu’ils ne viennent ni de milieux chrétiens, ni de milieux anti cléricaux.

    Voilà, c’est ma petite contribution.

    Marie

    • Il est vrai que son style « direct » est un peu déroutant pour qui avait l’habitude de déclarations ponficiales toujours sous contrôle… Mais je pense qu’il n’a pas la prétention d’affirmer que chacune de ses déclarations ait une portée magistérielle. Ce qui permet d’aileurs à certains d’en contester la nature – mégistérielle – à ceux de ses écrits qui procèdent de ce registre sans ambiguité aucune comme Enagelii Gaudium, Laudato si’ ou, plus encore, Amoris Laetitia.

      Sur l’islam je pense que le pape François se situe tout simpelment dans la continuité du Concile et de Nostra Aetate. Il faut éviter de tomber dans les simplistes et les procès d’intention. J’ai entendu, personnellement, nombre de dignitaires des Eglises d’orient nous demander, à nous catholiques, d’être extrêmement prudents dans l’accueil que nous faisions de réfugiés ou dans nos propos susceptibles de les mettre en grande difficulté dans les pays où ils vivent, si ces propos apparaissaient comme des propos contre l’Islam.

      Enfin, pardonnez-moi, mais je reste réservé sur l’objectivité du jugement que peuvent porter des personnes de confession juive sur une question où elles sont tout de même « partie » à travers la position de l’Etat hébreu auquel elles sont, légitimement, attachées.

      • Soit. Mais qui est objectif ? Rein de ce que nous pensons n’est vierge d’influence; donc ce dernier argument ne me paraît pas convenable.

        • Marie C. puis-je vous entretenir de l’homme dont la famille musulmane a fêté les funérailles quand il s’est fait baptiser à l’âge de 24 ans – quel traumatisme!- avant de consacrer sa vie de prêtre franciscain qu’il est devenu ensuite à essayer de faire comprendre les beautés spirituelles de l’islam au clergé catholique, y compris des plus hauts rangs, sans vraiment y parvenir ?

          Il s’agit de Jean Mohammed Abd-el-Jalil (1904, 1979). Et puis-je aussi évoquer ce couple de français Jean et Jeanne Scelles (1904-1996, 1900-1993) qui a passé une partie de sa riche vie à faire le pont entre ces deux cultures profondément religieuses ? Alors que notre temps est trouble au sens maurrassien du terme, c’est à dire qu’il se cache à lui-même son racisme, il est essentiel que nous essayions de dédramatiser, d’apaiser, d’aider à faire se comprendre ceux que le climat ambiant incite à la haine.

          Ces tensions viennent autant des monde sémites, arabo-musulman et juif, que des mondes chrétiens, chacun défendant ses positions matérielles et sa culture en mettant en avant des traditions multiséculaires de rancœurs religieuses. Que les êtres profondément chrétien veillent à ne pas en ajouter, et fassent confiance à leurs frères profondément juifs et profondément musulmans qui font de même à leur égard. Ils sont tous sel de la terre, et nous tentons de l’être avec eux, et cela est dur, lourd.

          • Jean-Pierre,

            Merci beaucoup, Jean-Pierre, de me donner ces précisions sur deux personnes dont j’ignorais tout. Pouvez-vous me dire si des livres les évoquent? C’est tellement riche d’espoir et …de difficultés qu’il ne faut pas nier, comme le signale notre cher Rémi Brague.

            Bien à vous,

            Marie

    • Bonjour Marie

      Je crains que vos collègues aient un petit problème de racisme, en lien avec une vision très identitaire et violente, qu’on ne retrouve que dans certains milieux communautaires mais pas dans tous, heureusement. La preuve.
      Un petit lien à passer à vos collègues:

      http://www.ujfp.org/spip.php?article4753

      Je suis toujours frappée de constater que l’évocation des chrétiens d’orient est la plupart du temps le fait de groupes religieux intégristes et racistes et n’est pas tant fait pour prendre la défense de ces frères et soeurs (que certains tenants de l’extrême droite traitent d’arabes chrétiens) mais plutôt pour taper à bras raccourcis sur l’islam, assimilé aux intégrismes islamiques.
      Le raccourci est certes d’autant plus facile qu’il n’y a pas d’institution centralisée dans l’islam et que les courants intégristes sont plus importants que ceux qui ne le sont pas.
      Mais si l’on compare depuis l’ère JP2 avec notre catholicisme, qui a mis lui aussi en avant une majorité de communautés intégristes à dérives sectaires et criminelles et cette tendance religieuse est devenue, au moins médiatiquement, tristement majoritaire, franchement, nous sommes très mal placés pour entrer en critique étant donné la montée de l’intégrisme associé au racisme au sein de notre propre religion.

      Quand les partisans catholiques des chrétiens d’Orient (Opus Dei, Légion du Christ, Renouveau Charismatique, FSSPX, tous relevant de l’intégrisme catholique le plus violent) se retrouvent chez Robert Ménard l’an dernier à Béziers pour mener un congrès où toute l’extrême droite aussi bien monarchiste, que nationaliste et ultra libérale se congratule dans un grand élan de haine fraternelle pour poser un discours commun raciste et franchement pas évangélique, comment ne pas s’inquiéter d’une dérive complète à la fois religieuse et politique…Et qui n’est hélas pas nouvelle, mais prend des proportions inquiétantes depuis quelques années. (avec même un groupuscule néo-nazi du côté de Bordeaux, Dies Irae, fortement soutenu idéologiquement par la FSSPX, et qui prétend être une milice armée catholique)…je ne vois pas où est la légitimité de ces tristes sires…qui en plus, pensent représenter l’ensemble des catholiques français.
      Personnellement, quand je vois la résurgence de l’Action Française, de Ichtus (lié autrefois à la Cité Catholique de Jean Ousset et à l’OAS), j’ai la nausée.

      Que F1, dans ce contexte de radicalisation, ne rentre pas dans cette vision raciste et violente, mais fasse au contraire la promotion d’ une coexistence et demande un partage fraternel, égalitaire est plutôt une bonne nouvelle.

      • Françoise,
        Les personnes ou groupes extrémistes dont vous citez les noms ne font partie ni des milieux que je fréquente en tant que catholique, ni des milieux que je fréquente dans mon lycée. Vous avez des craintes que je peux comprendre, car il y a effectivement de tous côtés des durcissements identitaires dangereux, mais vos craintes sonnent plus comme des accusations que comme de simples nuances.
        Parler de racisme est en effet très grave. L’interrogation sur l’islamisme, et sur l’islam en général, n’a rien de raciste, sauf à aplatir l’islam sur les pays arabes, ce qui est une aberration: vous savez aussi bien que moi qu’on peut être arabe et chrétien, et qu’on peut être musulman et asiatique. Et certaines positions du Pape François au sujet de l’islam ne me paraissent pas aller dans le sens d’une bonne nouvelle mais d’un simple déni qui ne facilite pas un dialogue en vérité. Je me réfère plutôt à Rémi Brague ou François Jourdan qu’à l’Opus dei pour penser à ces questions difficiles; je vous renvoie à la lecture de leurs écrits; pardonnez moi de penser que ces deux auteurs ne sont pas de dangereux identitaires.

        Cordialement,

        Marie

        J’ajoute que deux de mes collègues sont en contact avec le village Neve shalom – Wahat al Salam et m’ont proposé de m’y rendre, ce qui est un de mes rêves…

        • Bonjour Marie C
          Neve Shalom est une vitrine hélas (même si le village et le projet sont magnifiques). Posez la question à Gideon Levy, Amira Hass, ils vous le diront mieux que moi. Et vue le renforcement de violence de la colonisation et l’oppression subie par les palestiniens, j’ai bien peur que votre rêve d’y aller, reste un rêve.

          Malheureusement, depuis près de 20 ans, la communauté juive de France a été incitée par différents groupes (Ligue de Défense Juive, quelques dirigeants du CRIF, l’union des patrons juifs de France) à plus se positionner de façon raciste que pacifiste. Aujourd’hui, ceux de la communauté qui se positionnent sur les positions pacifistes et antiracistes de l’Union Juive Française pour la Paix sont minoritaires.

          Et Charles Palant qui nous a quitté il y a peu, n’est plus là pour rappeler (comme du temps où il était encore co-dirigeant du MRAP) que la lutte qui doit unir les communautés pour aboutir à une coexistence heureuse et fraternelle au PO comme en France, c’est la lutte contre le racisme. J’espère que Rony Brauman, Michel Warchawski sauront le rappeler car c’est le plus important.

          Rémi Brague, référence préférée de Famille Chrétienne et Français de Souche (extrême droite et intégrisme catho), je ne suis pas sûre que ce soit un philosophe très engagé pour la paix.

  • Pingback: 13 mars 2017 | Le Synode vécu au fil des jours

  • « De la crise d’aujourd’hui émergera une Église qui aura perdu beaucoup. Elle deviendra petite et devra repartir plus ou moins des débuts. Elle ne sera plus en mesure d’habiter la plupart des édifices qu’elle avait construits au temps de sa prospérité. Et étant donné que le nombre de ses fidèles diminuera, elle perdra aussi une grande partie des privilèges sociaux … mais malgré tous ces changements que l’on peut présumer, l’Église trouvera de nouveau et avec toute l’énergie ce qui lui est essentiel, ce qui a toujours été son centre : la foi en Dieu Un et Trinitaire, en Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme, avec l’Esprit Saint qui nous assiste jusqu’à la fin des temps.
    Elle ressurgira par les petits groupes, les mouvements et une minorité qui remettra la foi et la prière au centre de leur vie et expérimentera de nouveau les sacrements comme service divin et non comme un problème de structure liturgique.
    Ce sera une Église plus spirituelle, qui ne s’arrogera pas un mandat politique flirtant de-ci avec la gauche et de-là avec la droite. Elle fera cela avec difficulté. En fait, le processus de la cristallisation et de la clarification la rendra pauvre, la fera devenir une Église des petits, le processus sera long et pénible … mais après l’épreuve de ses divisions, d’une église intériorisée et simplifiée sortira une grande force.
    Les hommes qui vivront dans un monde totalement programmé vivront une solitude indicible. S’ils ont perdu complètement le sens de Dieu, ils ressentiront toute l’horreur de leur pauvreté. Et ils découvriront alors la petite communauté des croyants comme quelque chose de totalement nouveau : ils le découvriront comme une espérance pour eux-mêmes, la réponse qu’ils avaient toujours cherchée en secret… Il me semble certain que des temps très difficiles sont en train de se préparer pour l’Église. Sa vraie crise est à peine commencée. Elle doit régler ses comptes avec de grands bouleversements. Mais je suis aussi tout à fait sûr de ce qui restera à la fin : non l’Église du culte politique … mais l’Église de la foi. C’est sûr qu’elle ne sera plus la force sociale dominante dans la mesure où elle l’était jusqu’il y a peu de temps. Mais l’Église connaîtra une nouvelle floraison et apparaîtra comme la maison de l’homme, où trouver vie et espérance au-delà de la mort »

    Joseph Ratzinger, « Foi et Avenir », Paris, ed. Mame, 1971, traduit de l’allemand par P. Chambard

  • Merci Sadys, pour cette citation- commentaire, qui rappelle combien immense fut le Pape Joseph Ratzinger, plein d’humilité lui-aussi, et quel écrivain il est..

  • Cash investigation a programmé pour le mardi 21 mars, une enquête de deux heures sur la pédophilie dans l’Eglise.

    Pédophilie dans l’Eglise le poids du silence.
    Pendant près d’un an, des journalistes ont enquêté sur l’un des secrets les mieux gardés de l’Église de France, révélant ainsi que des religieux condamnés pour pédophilie sont toujours en activité, parfois même au contact d’enfants. La rédaction du magazine dévoile la façon dont les hauts responsables de l’Église ont couvert certains agissements et protègent des prêtres accusés d’agressions sexuelles sur mineurs, en les déplaçant de pays en pays, notamment en Afrique… Des États-Unis à la Guinée, du Cameroun à l’Argentine, l’équipe de «Cash investigation» a enquêté sur l’un des derniers tabous de l’Église, où la loi de Dieu semble souvent prévaloir sur celle des hommes

  • En conclusion de son livre, Virginie Riva écrit :
    « La question concernant le pape François, se pose dorénavant en ces termes : comment porter le changement au-delà de son pontificat ? L’incarnation de celui-ci dans des gestes et des symboles forts suffit-elle à bousculer une institution solide comme l’Eglise ? Difficilement selon le canoniste Carlo Fantappiè : « Comme toute institution, l’Eglise a besoin d’une légitimation du changement. Les décisions du pape doivent être légitimées par l’apport de la tradition, et toujours réinterprétées… » Le pape n’a pour l’instant pas obtenu cette légitimation, qu’il appelle pourtant de ses vœux afin de renforcer l’Eglise. » (Virginie Riva, « Ce pape qui dérange », Éditions de l’Atelier, 2017, p.170-171)

    P.S.
    Faire la distinction entre Tradition et traditions – au sens d’Yves Congar (voir le commentaire de Bernard Sesboué s.j. ci-dessous) – restera une gageure (insurmontable ?) pour la majorité silencieuse de l’Eglise catholique
    http://www.nrt.be/docs/articles/1990/112-4/409-Tradition+et+traditions.pdf

  • Merci à Jean François Sadys de nous avoir communiqué ce texte admirable de Benoit XVI auquel tant ne lui ont été reconnaissant que d’avoir » démissionné « et rien d’autre
    Quant à François si j’aime ce qu’il écrit je suis bien souvent quelque peu sidéré de la légèreté de certaines de ses déclarations spontanées, il y a eu bien sûr ses propos sur la violence chrétienne en donnant comme exemple ce jeune italien qui a tué sa fiancée comme si c’était au nom du Christ qu’il avait commis ce crime ; de même recommander aux parents de ne pas faire des enfants comme des lapins dans un pays comme l’Italie où le taux de natalité est de 1.4 enfants par femme ne m’a pas paru des plus heureux

    • Dominique, je ne suis pas sûr que les propos du pape concernant la natalité ait visé particulièrement l’Italie. Il vient d’un sous-continent où, au nom d’une certaine morale chrétienne, on a demandé aux femmes d’accepter tous les enfants que Dieu voulait bien leur envoyer… même si d’évidence elles n’avaient pas les moyens de les élever dignement. Lorsque le pape parle c’est urbi et orbi…

  • Les propos concernant la natalité ne visaient sûrement pas l’Italie,sûrement pas, mais, ou je me trompe fort ce qui est possible bien sûr,ils ont été prononcés en italien , par ailleurs ,que je sache ,aucun pays de notre monde occidental ne souffre de surnatalité. Il me semble que François oublie trop souvent qu’il n’est plus archevêque de Buenos Aires

    • Dominique, nous n’allons pas polémiquer une fois encore. Si les curés n’avaient pas été aussi présents dans les chambres à coucher dans tous nos pays de vieille chrétienté… peut-être que les catholiques n’auraient pas à ce point rompu avec l’Eglise. Il n’est plus archevêque de Buenos Aires, mais il n’est pas non plus le patriarche de la seule vieille Europe. Voilà mon sentiment que vous n’êtes pas obligé de faire vôtre…

  • En réponse à l’invitation de Marie C, J’ai « croisé ce franciscain par un livre de D. Tollet « la religion que j’ai quittée » qui lui consacre un « article » (livre universitaire). Si je lisais quelque chose de lui, ce serait « Massignon – Abd el Jalil : Parrain et filleul. Correspondance, 1926-1962 » (Cerf 2007). Pour Jean et Jeanne Scelles, leur fondation qui se consacre à lutter contre la traite d’êtres humains et la pornographie depuis la fin de la guerre a publié « Vers un humanisme méditerranéen (anthologie de leurs écrits, préface de Boubakeur, 2010) et l’Harmattana publié en 2003″Algérie, dialogue entre christianisme et islam, mémoires et notes 1900 à 1974 .

  • La Commission pontificale pour la protection des mineurs : de la poudre aux yeux ?

    « 95% des conférences épiscopales dans le monde ont entre les mains un document d’intervention et de prévention, qu’elles ont-elles-mêmes rédigé, comme l’exigeait la Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais entre la connaissance brute des faits et la volonté de changer les choses, il peut se passer des années… Si la difficulté du traitement de ce problème s’explique notamment par la pression médiatique, selon le Père Zollner [père jésuite allemand, psychothérapeute et directeur de l’Institut de psychologie de l’université grégorienne et membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs], il y a également d’autres causes à prendre en compte : « Tout cela est lié à différents facteurs dont les sensibilités culturelles et la situation générale de la sexualité dans la société. Par exemple, en Corée ou au Japon, on ne parle pas de sexualité, mais on peut noter que la mobilisation est également faible dans les pays méditerranéens comme l’Italie, la France ou l’Espagne. » (Virginie Riva, « Ce pape qui dérange », Éditions de l’Atelier, 2017, p.122-123)

    « le principe posé d’une «tolérance zéro» se trouve ébranlé par le sentiment que la Commission mise en place se heurte à l’hostilité d’une partie de la Curie. » peut-on lire dans le billet ci-dessus.
    Au lieu d’un « sentiment », c’est plutôt une certitude que semble avoir le Britannique Peter Saunders (un Britannique victime de pédophilie qui a été membre de la Commission et qui en a été écarté à cause de son franc-parler):
    « Le pape François fait partie du problème […]. … L’Eglise ne nous laissera rien faire. Le travail de la commission n’est que de la poudre aux yeux. Il ne se passera rien de vrai. […] Ce cancer de l’Eglise ne sera jamais pris en compte tant que nous resterons autour d’une table à discuter de comment mieux recruter les prêtres à l’avenir, ou à adapter le droit canon. Clairement le Vatican ne comprend pas. Nous ne parlons pas d’histoire ancienne. C’est un problème d’aujourd’hui, et il faut l’affronter maintenant. Le pape pourrait faire tellement plus et il ne fait presque rien. » (Virginie Riva, « Ce pape qui dérange », Éditions de l’Atelier, 2017, p.127)

    Marie Collins répond au cardinal Müller [Marie Collins est une Irlandaise victime de pédophilie ayant été membre de la même Commission pontificale, avant d’en démissionner le 1/3/2017]
    (publié le 16 Mars 2017)
    Nicolas Senèze dans son article pour la-Croix.com nous montre que dans un entretien au Corriere della Sera, le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi avait tenté de se justifier sur le manque de coopération de son dicastère dans le cadre de la lutte contre les abus sexuels que mettait en cause l’Irlandaise Marie Collins.
    L’Irlandaise Marie Collins, qui a récemment démissionné de la Commission pontificale pour la protection des mineurs, a vertement répondu, mardi 14 mars, au cardinal Gerhard Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, qui, dans un entretien au Corriere della Sera, avait tenté de justifier l’attitude de son dicastère.
    Lors de sa démission, Marie Collins, elle-même victime d’un prêtre pédophile dans son adolescence, avait sévèrement critiqué le «manque de coopération» de la Curie, et notamment de la Congrégation pour la doctrine de la foi (CDF), dans la lutte contre les abus sexuels dans l’Église.
    Dans sa lettre, publiée par l’hebdomadaire américain National Catholic Reporter, Marie Collins dresse une liste de rendez-vous manqués, de réunions annulées ou de courriers dont la CDF n’a pas tenu compte, soulignant l’absence de contacts réguliers entre la commission et la congrégation.
    Elle critique notamment le fait que, comme l’explique lui-même le cardinal Müller, «après un intense dialogue entre différents dicastères engagés dans la lutte contre la pédophilie dans le clergé», il avait été décidé de ne pas concrétiser le «projet» d’un tribunal interne à la CDF pour juger les manquements des évêques dans leur gestion des abus.
    «C’était un projet, dites-vous, seulement un projet ?», s’indigne l’Irlandaise, rappelant que le pape avait explicitement demandé «l’établissement d’une nouvelle section judiciaire» au sein de la CDF avec «la nomination d’un personnel stable» et d’un «secrétaire pour assister le préfet pour ce tribunal» auquel des ressources ont déjà été affectées.
    Elle souligne ainsi que la Congrégation pour la doctrine de la foi a délibérément passé outre une demande expresse du pape. Enfin, alors que le cardinal Müller dit n’avoir «jamais eu la chance de la rencontrer», Marie Collins lui rappelle un dîner à ses côtés à Dublin (Irlande), peu de temps après sa nomination…
    Cette réponse de l’ancienne victime au cardinal Müller fragilise un peu plus le préfet de la CDF, dont certains ont publiquement demandé la démission, alors que celui-ci est déjà en délicatesse avec le pape sur plusieurs sujets, notamment l’interprétation de l’exhortation Amoris laetitia.

    Une belle mise au point de Marie Collins qui attend mieux que des justifications de la part de la CDF, pour qu’elle puisse enfin avoir des actes de protection envers les mineurs, le pape devrait sans doute nommer quelqu’un d’autre.
    https://www.ncronline.org/news/accountability/lone-survivor-vatican-abuse-commission-resigns-frustration

  • Au temps où j’avais quelques années de moins, j’avais vu un film qui m’avait interpellé : « Le Cardinal ». Une phrase du scénario m’avait marqué et qui disait en substance : vous passerez, monsieur le cardinal, mais l’institution restera…la scène se déroulait lors d’une exécution conduite par le Khu khus klan (!!!) et qui suscitait une vive émotion de la part de ce jeune cardinal américain. J’y pense souvent devant des réactions souvent infantiles de certains de nos représentants ecclésiastiques ou non, aux différents problèmes de notre actuelle société civile, tels que l’euthanasie, l’avortement, l’accompagnement des mourants, la pédophilie, le problème de nos frères divorcés remariés ou non… En ce qui concerne ces derniers, on en arrive à favoriser les don Juan ou les nymphomanes incorrigibles au détriment de ceux qui ont conscience de leur conduite et souhaiteraient y remédier ; et je ne parlerais pas du véritable « parcours du combattant » que doivent souvent effectuer les familles recomposées : Difficultés plus dues aux familles elles-mêmes qu’à l’institution. Bref, l’empereur Constantin avait coutume de nommer les évêques d’alors, préfets, mais il me semble qu’il vivait il y a quelques siècles. Je soutiens à fond notre excellent nouveau pape, mais sans aucune illusion : Le gout du pouvoir, surtout sur les âmes, est un puissant viatique…surtout en ce temps où règne un certain renouveau spirituel qui semble hélas, hors de l’Eglise pour une bonne part.

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