PMA : les évêques sont-ils légitimes à intervenir ?

PMA : les évêques sont-ils légitimes à intervenir ?

Avant même que d’avoir lu leur texte, voilà une partie de l’opinion tentée de renvoyer les évêques à la sacristie. 

Le texte est d’importance. Un livre d’une centaine de pages (1) publié, à dessein, en cette rentrée où le gouvernement devrait préciser ses intentions concernant la révision des lois de bioéthique et plus particulièrement l’élargissement de la PMA à toutes les femmes. Un texte publié non sous la signature du Conseil Permanent ou de la commission Famille société de la Cef en charge du dossier mais de la totalité des évêques français. 

Comme souvent le commentateur se trouve pris entre la double exigence de lire vraiment le texte, dans son intégralité, ce qui demande un minimum de temps, et celle de participer au débat dès qu’il se fait jour c’est-à-dire désormais immédiatement. Fort heureusement, la Cef a eu la bonne idée, désormais commune à bien des institutions, de publier simultanément une synthèse, plus facile d’accès, qui permet de se faire une idée précise du contenu et des conclusions.

L’accueil et le respect dus aux enfants, quels que soient les moyens utilisés pour leur venue au monde

En introduction, les évêques soulignent que le don de la vie, pour un couple, est une aventure merveilleuse où toute la tradition biblique voit un don de Dieu. « Aussi, poursuivent-ils, l’Église catholique se veut attentive au désir d’enfant et à la souffrance due à l’infertilité. Elle encourage les recherches qui visent à prévenir cette infertilité ou à la guérir. Elle insiste sur l’accueil et le respect bienveillants dus aux enfants, quels que soient les moyens utilisés pour leur venue au monde. » Cette dernière phrase disant ouvertement que nul n’a le droit de faire porter à l’enfant – et l’Eglise pas plus que les autres – le prix d’une conception qui ne serait pas conforme à la loi. C’est là le prix de la dignité du à tout être humain.

Pour autant, et cela ne constitue pas vraiment une surprise, les évêques disent leur désaccord avec tout projet d’élargissement de la PMA aux couples de femmes et aux femmes célibataires. En cela ils sont logiques avec eux-mêmes et avec l’enseignement du magistère qui, déjà, refuse l’accès à la PMA aux couples hétérosexuels même dans les cas de fivette homogène. C’est-à-dire lorsque le sperme utilisé pour la fécondation de l’ovule est celui du conjoint même de la femme qui va le recevoir. Ce qui, disons-le ici, est généralement incompris et jugé irrecevable par les intéressés, fussent-ils catholiques.

Une objection à l’élargissement de la PMA en cinq points

Concernant la perspective de l’élargissement du droit à la PMA, les évêques soulèvent cinq objections développées dans leur texte. 

1 – L’intérêt supérieur de l’enfant à naître exige une référence paternelle qui, ici, le plus souvent, n’existera pas puisque le don de sperme est anonyme. Peut-on légitimement fabriquer des orphelins de père au motif qu’on se propose de les adopter ?

2 – L’élargissement de la PMA porte en elle le risque d’une marchandisation du vivant. En effet, le décalage entre l’offre de gamètes (sperme) et la demande, poussera les candidates à la PMA à acheter des gamètes à l’étranger avant qu’on se décide  à ouvrir en France un tel marché ce qui,  rappelle le Conseil Consultatif National d’Ethique (CCNE), est parfaitement contraire au principe de gratuité du don pour tout ce qui touche le corps humain (sang, sperme, organes…)

3 – La généralisation de la PMA transforme en profondeur le rôle du médecin et plus largement de la médecine, qui sont pour l’un et l’autre de « soigner » et non de répondre à des demandes sociétales. Dans un contexte de tension sur les dépenses de santé est-il légitime de faire rembourser par la Sécurité sociale de nouveaux actes médicaux non liés à des problèmes de santé, au détriment d’autres dépenses générées, elles, par la maladie ?

4 – L’élargissement du droit à la PMA promeut le concept de « projet parental » comme supérieur aux droits propres de l’enfant à naître. Or on peut imaginer un projet parental prévoyant la mise au monde d’enfants à partir de sperme mais également d’ovules appartenant à des tiers, privant ainsi l’enfant de toute filiation biologique.

5 – Le principe d’égalité des droits, comme justification de la demande d’élargissement de la PMA, est reconnu comme contestable par le Conseil d’Etat lui-même dans son rapport, dès lors qu’il s’agit d’égalité des droits portant sur des situations qui ne sont pas comparables. Reconnaître une égalité des droits pour les femmes au travers de la PMA signifie par ailleurs prendre  une option, demain, sur la GPA, au nom de l’égalité du droit des hommes de recourir à une aide médicale à la procréation.

Des objections fondées « en raison »

Voilà pour l’essentiel d’une argumentation qui emprunte largement aux rapports du CCNE et du Conseil d’Etat même si l’une et l’autre instances considèrent par ailleurs, curieusement, que le législateur souverain peut faire fi de ces obstacles objectifs, et tenter de les dépasser, dès lors qu’il existe une demande sociétale. Ce qui soulève un problème majeur dont les citoyens de ce pays semblent ne pas être conscients : est-il légitime de remettre en question des principes de droit et de justice auxquels les Français sont attachés, pour répondre à la demande de quelques milliers d’entre eux, si compréhensible soit-elle humainement ? Et suffit-il de formuler la question pour basculer irrémédiablement dans le camp de la réaction ?

Les objections formulées par ce texte sont des objections que je fais miennes, non par sujétion aveugle à une autorité épiscopale, mais parce qu’elles me paraissent fondées en raison. (2)  Et que paradoxalement, nous vivons une époque où l’obscurantisme semble parfois avoir changé de camp. Les évêques écrivent encore : « Considérer l’enfant comme le fruit de l’amour durable d’un homme et d’une femme n’est pas devenu une option ; cela reste la norme éthique fondamentale qui doit encore configurer cette forme première de l’hospitalité qui est la procréation. » 

Ne pas confondre filiation et parentalité

J’entends d’ici les critiques : mais l’homoparentalité est une réalité. Il faut être évêque pour être à ce point dans l’aveuglement et le déni ! Au niveau du débat qui nous occupe, c’est confondre filiation biologique et parentalité. Peut-on légitimement bricoler une filiation biologique à des enfants à naître au seul motif qu’on est en mesure de leur offrir une parentalité et une éducation dont personne – en tout cas pas moi – ne conteste qu’elle puisse être aimante ? Non, on ne nait pas de deux hommes ou de deux femmes, même si on peut être élevés et aimés par eux comme tout autre enfant. Hier une génération aspirait au droit de pouvoir faire l’amour sans mettre au monde, la prochaine émancipation de nos sociétés sera-t-elle de pouvoir enfin mettre au monde sans faire l’amour ? Lorsque demain des enfants naîtront après neuf mois vécus sous la douce caresse d’un utérus artificiel, aurons-nous véritablement progressé en humanité ?

Le grand défi : la reproduction détachée de la sexualité

Les catholiques qui viennent de « célébrer » le cinquantième anniversaire de l’encyclique de Paul VI Humanae Vitae s’époumonent, pour certains d’entre eux, à plaider son caractère prophétique qui est d’avoir voulu maintenir, contre la libéralisation des mœurs, le lien entre sexualité et reproduction. Se rendent-ils seulement compte que le défi du temps est de prétendre accéder à la reproduction en se passant de la sexualité ? Grâce à la science et à la médecine, pour le plus grand profit du capitalisme liibéral. Et que c’est là un enjeu éthique d’une toute autre ampleur.

Voilà donc un texte qui dérange et qui bouscule, pour peu qu’on accepte d’en prendre connaissance. Qu’à cela ne tienne : il suffit de délégitimer ceux qui en sont les signataires. Ce que médias et réseaux sociaux ont déjà largement engagé. Quatre types d’arguments sont le plus souvent avancés : 

Quatre objections en retour adressées aux évêques

Les évêques, nous dit-on, devraient avoir la pudeur de se taire, alors même qu’ils ont été incapables d’empêcher les crimes pédophiles d’atteindre l’ampleur que l’on sait. Venir plaider le droit  des enfants à naître lorsqu’on laisse bafouer celui des enfants nés serait juste ignoble. Osons reconnaître que c’est là une attaque qui, hélas, fait mouche, même si elle ne constitue pas l’ombre du prémisse d’un argument rationnel concernant la question en débat. Il est clair que l’Eglise n’a pas fini de payer les conséquences de son aveuglement et de ses lâchetés. 

Le deuxième argument avancé est que les évêques n’auraient pas compétence pour traiter du sujet. Que peuvent savoir des célibataires masculins du désir d’enfant que peuvent éprouver des femmes ? Ni plus ni moins, en effet, que bien des membres également masculins des instances qui depuis des mois publient sur le sujet ou des parlementaires qui auront à en débattre. Tenir ce type de propos signifie que la décision de mettre au monde des enfants, et les conditions de la réalisation de ce projet, serait du seul ressort des individus concernés et n’impliquerait aucunement la société qui devrait s’en tenir à rendre la chose possible. Parfaite illustration des dérives ultimes du libéralisme sociétal dont le gouvernement Français ne semble pas vouloir se démarquer. 

Le troisième argument, prévisible, consiste à affirmer que dans une société laïque, les représentants d’une religion, quelle qu’elle soit, n’ont pas à faire pression sur la représentation nationale au nom de leurs croyances et d’une anthropologie qui leur appartient en propre. C’est oublier ici que les cinq objections formulées par les évêques peuvent être reprises par tout citoyen, quelles que soient ses convictions religieuses ou philosophiques, puisqu’elles renvoient à des « valeurs » qui nous sont communes.

Le dernier argument entendu, notamment dans les rangs catholiques, est qu’en publiant ce texte, les évêques prétendent parler au nom de l’Eglise et donc de tous les fidèles, alors même que certains d’entre eux sont favorables à de telles évolutions de société. Parfois même « au nom de l’Evangile.» C’est, me semble-t-il, négliger tout à la fois le fait qu’ils ont le droit de s’exprimer pour ce qu’ils sont, pour ce qu’ils pensent, au nom de la mission qui est la leur, et que nul, fut-il catholique, n’est tenu de faire sienne leur argumentation si, en conscience, il la désapprouve. Et qu’il conserve la liberté totale de le faire savoir… 

Que le dialogue soit… 

Billet engagé ? Sans nul doute ! Concernant ce débat, les familiers de ce blogue n’en seront pas surpris ! Qu’ils m’accordent pour le moins de n’être pas systématiquement d’accord avec les évêques ! Et maintenant me dira-t-on ?  La synthèse du document publiée par la Cef se termine sur cette phrase : « Nous plaidons donc à nouveau pour le dialogue grâce auquel chacun s’engage à servir une vérité qui le dépasse comme elle dépasse chacun des interlocuteurs. » Lors de sa rencontre avec les évêques aux Bernardins, le président de la République, Emmanuel Macron, a reconnu la légitimité de l’engagement des catholiques dans le débat sociétal, tout en réaffirmant qu’in fine c’est lui et lui seul qui déciderait de la proposition qui sera présentée au Parlement. Nul ne lui conteste ce rôle. Ni le fait qu’il soit, devant le pays, garant du bien commun et de la paix sociale. 

 

(1) Les évêques de France, La dignité de la procréation. Ed. Bayard-Cerf-Mame, 112 p. 5€.
(2) Il suffit d’ailleurs de relire tel ou tel papier déjà publié sur ce blogue (comme ici), pour retrouver l’argumentation développée par le texte des évêques. 

 

69 comments

  • ce n’est, hélas,pas tout les jours que çà arrive, mais je suis bien obligé de dire que je suis parfaitement d’accord avec ce qu’écrit René, et je l’en remercie

    • Pardonnez-moi mais cela fait souvent, en fait, que vous êtes d’accord avec moi tout en expliquant que ce n’est pas fréquent. Mais il n’y a pas péchéà cela …

  • Pas eux, pas maintenant .

    Merci à René pour cette synthèse claire et
    argumentée de la position des évêques sur la problématique de la PMA et les questions que leur texte pose .

    Oui la PMA pour tous pose la redoutable question de la filation dans la construction de la personne humaine . On ne peut donc pas minimiser cette question
    A ce titre l’Évangile est très intéressant puisque la généalogie de Jésus interrompt brusquement la liste des hommes dont il descend pour ne mentionner que Marie dans sa filiation .

    René évoque à juste titre l’hypothèse de l’illégitimité des évêques a parler sur ce sujet maintenant même s’il l’evacue d’un revers de main .

    Elle me parait pourtant essentielle . Aujourd’ui comme hier le sort des enfants concrets ne les intéresse pas . HIer ils benissaient les autorités responsables de la rafle du vel d’hiv envoyant notamment des centaines d’enfants préalablement séparés de leurs parents dans les camps d’extermination (Parmi eux ceux qui étaient mes grands oncles et mes grands tantes ).Aujourd’hui ils ne reconnaissent pas leur faute pour avoir protégés les clercs qui ont violé des enfants .
    Et ils ont l’inconscience et ou l’indécence de vouloir faire la morale à la société toute entière . Et ils ont l’impudence de se poser en défenseur des enfants .

    Quelques soient leurs arguments que je lirais avec soin ,quand bien même certains pourraient être pertinents , leur parole est disqualifiée parce qu’ils ont démontré et qu’ils démontrent encore que le sort des enfants réels leur est indifférent .

    Pas eux, pas maintenant .

    • Vous voyez bien, Guy, que vous avez des attitudes « globalisantes » vis-à-vis des évêques… en leur interdisant toute parole.
      Cette attitude est injuste et inacceptable.

      • A Michel
        Contrairement à vous je differentie la personne de la fonction . .Je ne parle ici que de la fonction d’évêque comme rouage responsable d’une organisation . J’aurais pu écrire administration ecclésiale si cela vous semble plus clair .

        Comment ne pas globaliser alors que ce texte a été signé de tous les évêques sans exception .
        A qui fera t’on croire q’il y a eu un réel débat entre eux sur une question aussi complexe ? On aimerait connaître la procédure qui a permis d’aboutir sans aucune inflexion ni modification du texte rédigé par la commission Ornellas à une telle unanimité . Vous savez aussi bien que moi que les évêques ont reçu la consigne de le signer alors même qu’ils n’avaient pas tous eu le temps de travailler sérieusement les 122 pages d’un texte dense sur une question complexe .

        Face a l’adversité lles évêques serrent les rangs et veulent montrer une solidarité indéfectible . Je ne suis pas sûr que le sujet de la PMA soit le plus adapté pour une telle opération de communication sur leur unité à l’heure ou certains d’entre eux,v se voient contester leur capacité a remplir leur fonction d’episcope , c’est à dire de vigilance pour protéger les plus faibles .

        • Cher ami, je connais des débats parlementaires où les députés de la majorité ont eu la consigne de voter comme un seul homme (ou femme) un texte dont ils n’avaient pas davantage idée de la portée et que certains désapprouvaient ouvertement. Et je ne peux pas exclure que la consigne soit reconduite, par une autre majorité, pour le vote de la PMA. Arrêtons de nous bloquer sur l’unanimité des signatures et regardons l’argumentation développée dans le texte. Cela seul importe. Et face à cela chacun de nous est libre.

  • Quelques éléments de réponse à l’objection à l’élargissement de la PMA en cinq points :
    1/ le père est celui qui éduque, peu importe qu’il ait ou non offert son sperme…
    2/ Le risque de marchandisation du vivant existe aussi en cas de non élargissement.
    3/ Soigner consiste à aider à récupérer la santé physique et mentale. Satisfaire le besoin d’enfant peut en faire partie.
    4/ Je ne vois pas en quoi le projet parental serait amené à être supérieur à celui de l’enfant. Ils doivent être égaux, et il est vraisemblable que pour des enfants vraiment désirés, celui de l’enfant passe en priorité plus facilement…
    Quant à la filiation biologique, je ne vois pas comment un enfant pourrait en être privé : l’ADN permet de savoir sur ses ascendants tout ce que l’on a besoin de connaître.
    5/ Bien sûr que la PMA conduit à la GPA ! Mais il faut un autre débat.

    • Désolé mais je ne peux souscrire à votre argumentation. Il n’y a pas de père qui éduque s’il n’y a pas au préalable un père biologique dont l’enfant a le droit d’avoir connaissance. Il suffit de voir avec quelle avidité nombre d’enfants engagent une recherche en ce sens lorsqu’ils en sont privés. Certes la marchandisation du vivant est théoriquement possible dès à présent, sauf qu’elle est sans réel objet puisqu’on peut, avec une légère attente, faire face à la demande de gamètes. Il ira d’évidence différemment si la demande explose à la faveur d’un élargissement du droit à toutes les femmes, même d’ailleurs les femmes mariées dans le cadre d’un couple hétérosexuel qui pourront, le cas échéant, désirer être enceintes d’un autre que de leur mari s’il y a du tirage dans le couple… Votre définition du soin est sympathique et généreuse mais ne tient aucun compte des arbitrages qui se font chaque jour en matière de santé. Va-t-on demain renoncer à soigner un Alzheimer parce qu’il faut financer une PMA ?

      Cette soumission à la technique nous conduit tout droit à une déshumanisation de la procréation avec la perspective, à moyen terme, de l’utérus artificiel. Alors, certes, on pourra mettre au monde un humanoïde conçu « hors sol ». Mais je vous pose une question : est-ce la même chose pour un enfant à naître d’être porté neuf mois durant par celle qui l’a conçu dans l’amour et entend l’élever, d’être porté pendant la même durée par une mère porteuse qui sait que de toute manière cet enfant n’est pas pour elle et donc qu’à la naissance elle va en être définitivemet séparé, ou d’être amoureusement mijoté dans un utérus artificiel en vue de sa mise sur le marché ? Vous avez dit égalité ?

      • Effectivement René, il nous arrive décidément d’être d’accord et pleinement encore et par sur des sujets secondaires. Par ailleurs,et à juste raison on a poussé les parents d’enfants adoptés à leur dire la vérité le plus tôt possible dans l’intérêt supérieur de l’enfant, et voilà maintenant que pour un enfant avoir deux pères ou deux mères ou pas de père du tout ne saurait avoir de conséquences dommageables. Bah! nous ne sommes plus à çà près…
        Par ailleurs on conseille vivement aux futures mères de parler à l’enfant à naître afin de lui faire sentir déjà qu’il sera le bienvenu. Comment croire qu’une mère ayant accepté une GPA sera vraiment en l’état d’agir de cette façon vis -à vis d’un enfant pour lequel il ne faut surtout pas qu’elle éprouve de sentiment d’attachement puisqu’il devra immédiatement disparaître à tout jamais?

    • « Satisfaire le besoin d’enfant » pour la santé physique et mentale des parents… je vois là très exactement, même si je comprends le désir d’enfant et la souffrance d’un couple stérile, une sorte de « chosification », de marchandisation de l’enfant souhaité non pour lui-même mais pour satisfaire un besoin.

  • Pour être constructif .
    Et si la parole des catholiques ne se limitait pas à la seule approche dogmatique et théorique de l’épiscopat.?

    Et si l’ on avait recueilli les questions des couples catholiques ayant eu ou pas recours à la PMA pour connaître leur avis sur la manière dont ils concilient désir d’enfant et accueil de la vie ,sur la manière dont il font un choix réellement moral au sens de la théologie catholique , c’est à dire un discernement éclairé dans une situation concrète ?

    Et si on avait confronté cette réalité vécue avec l’approche des scientifiques et les questions éthiques qu’elle pose ?

    Et si on avait confronté tout cela avec l’Ecriture et son interprétation par les théologiens moralistes et les évêques ?

    Je crois alors que la parole de l’Eglise sur les questIons que pose la PMA quant à notre rapport à la vie , à notre conception de la personne humaine, au rôle de la figure paternelle, à la disjonction des notions de géniteurs, de paternité et de maternité aurait été non seulement plus riche mais plus crédible parce que plus questionnante a l’heure ou certains réfutent à priori les questionements éthiques et moraux oublieux du fait que la morale c’est ce qui va dans le sens de la vie .

    Pour reprendre le juste questionnement de René , Oui l’Eglise est légitime à intervenir dans le débat public sur cette question si l’on oublie pas que la parole de l’Eglise ne se réduit pas à celle des évêques et qu’elle ne peut faire fi de la prise en compte de l’avis de ceux qui ont concrètement été confrontés à ces situations

    Je rêve d’une parole de l’Eglise qui n’assène pas une vérité théorique , mais qui questionne et appelle à éclairer notre liberté dans un à priori de confiance sur les capacité de chacun à véritablement « choisir la vie « dans la situation particulière qui est la sienne .

    • Merci, 1000 fois merci, pour ce commentaire qui dit exactement ce que je pensais mais n’arrivais pas à formuler, tant les divers positionnements exprimés m’énervent…
      cette manière froide et impersonnelle dont l’administration ecclésiastique s’exprime, ces théories religieuses ressassées à base d’arguments largement contestables et contestés, montrent que la caste ecclésiastique a laissé dans la sacristie les sentiments nobles et humains possédés sans doute à la naissance. Mais à force de se regarder le nombril entre soi, on en perd son âme.

      Les hommes et les femmes qui ont le désir de bénéficier de la possibilité de fonder une famille « normale » grâce aux possibilités que l’évolution leur permet, non pas à être rejeté/e/s d’un revers de crosse d’évêque, sous prétexte que cela modifie une sacro-sainte tradition, dont plus grand monde n’a quelque chose à faire.
      Certes, on ne pouvait espérer rien de bon d’une administration ecclésiastique refermée sur elle-même et coupée de l’humanité des êtres humains qui s’aiment.

      Hélas, vous rêvez de ce qui ne peut advenir. L’administration ecclésiastique et là pour asséner SES vérités théoriques, puisqu’elle est, paraît-il, détentrice à jamais de celles-ci qui sont de droit divin. Dès lors tout dialogue ne sert strictement à rien… on prend… ou rejette… pour ma part, le choix est fait depuis longtemps.

      Rendons hommage à la république française laïque et à la liberté de conscience, qui n’assigne pas à résidence de pensée les citoyennes et les citoyens de ce pays libre et non asservi aux évêques et consorts

      • Vous restez libre de votre commentaire. Permettez moi néanmoins de souligner, contre votre référence à des « théories religieuses ressassées à base d’arguments largement contestables et contestés »… que la totalité des cinq objections à l’élargissement de la PMA contenues dans leur texte se trouvent dans les rapports successifs du Conseil Consultatif National d’Ethique et du Conseil d’Etat qui ne sont pas d’obédience vaticane. Simplement, l’une et l’autre institution soulignent qu’il appartient au Parlement souverain de trancher, dans un sens ou dans l’autre, en essayant le cas échéant de réduire les conséquences générées par leur choix, là où les évêques considèrent que le bien commun objectif exige le statu quo, et que c’est au fond ce que pensent les Français lorsqu’ils sont honnêtement informés. Permettez-moi de terminer sur cette citation d’André Comte Sponville : « A force de ne connaître le peuple que par les médias on finit par prendre les médias pour le peuple. Et on a le sentiment parfois d’un consensus populaire, là où il n’y a, en vérité, qu’un consensus médiatique. »

  • Quelques remarques qui n’ont pas de lien entre elles :
    – la proportion de femmes qui écrivent des commentaires sur ce blog est faible
    – j’ai dépassé l’âge de porter un enfant mais je sais que, puisque mon époux ne souhaitait pas que notre famille s’agrandisse, et puisque j’aimais être enceinte, j’aurais été heureuse de porter gratuitement un enfant pour un couple stérile.
    – je reconnais le droit aux évêques de donner leur argumentation et leurs conclusions
    – cependant il m’apparait qu’ils ont, dans ce texte , une vision idyllique de la famille alors que par ailleurs ils affirment que certes, il existe des clercs qui se sont livrés à des actes pédophiles mais que dans notre société la majorité des actes pédophiles sont commis dans la sphère familiale. Pour faire bref, il m’apparait que la CEF ne connait rien aux familles dysfonctionnelles, ce qui laisse penser, une fois de plus, qu’ils vivent dans leur bulle. Peut-être oserais-je leur suggérer de (re) lire « Poil de carotte » ou « Le sagouin » sans aller jusqu’à la lecture d’œuvres contemporaines. Par conséquent si je peux être d’accord avec leurs positions de principe je leur demande de ne pas oublier qu’en glorifiant la famille, ils blessent un nombre important de personnes catholiques et non catholiques. Il leur suffit de penser à tous ceux et celles qui ont mis des années avant de dire « Notre Père … »

    • 1) Sauf le cas d’une femme sans utérus, il est possible à tout couple hétérosexuel de recourir à la PMA sans passer par la GPA, et donc votre offre concerne soit des femmes qui contrairement à vous n’aiment pas être enceintes et ne veulent pas porter leur enfant, soit des couples homosexuels masculins.
      Vous parlez de le faire gratuitement, c’est sûrement généreux de votre part, mais vous savez très bien que cela se négocie habituellement très cher, que cela rend esclaves des femmes payées pour cela sans tenir compte du lien qui s’établit entre l’enfant qu’elles portent même si ce n’est pas « le leur » et en considérant l’enfant comme un bien de consommation.
      Témoin cette histoire d’un enfant commandé à une femme thaïlandaise porteuse par un couple australien et qui a été renvoyé à l’expéditeur parce que l’enfant s’est révélé être non conforme à la commande (trisomique 21) ; cette mère thaïlandaise s’est alors occupé de « son » enfant…

      2) Plus intéressante me paraît votre remarque sur la difficulté de dire « Notre Père » pour des personnes qui ont été abandonnées par un père défaillant, voire pire.
      C’est vrai que nous sommes alors piégés par les mots ; comment faire comprendre à un enfant victime d’une telle situation la tendresse de Dieu pour ses enfants…
      L’imagerie du vieillard barbu représentant Dieu le Père est totalement inadéquate, et on parle dans le Bible des entrailles du Dieu miséricordieux renvoyant à une image maternelle.
      Les anthropomorphismes pour parler de Dieu ont leur limite, mais le « Notre Père » nous vient tout simplement du Fils incarné qui nous a appris cette prière, lui-même disant : « Qui me voit voit le Père »…

      Plus important

      • J’ajoute que les enfants issus de PMA sans père feront aussi partie demain de ceux qui auront du mal à dire « Notre Père », mais là ce ne serait pas en raison d’une défaillance du père, mais de son exclusion a priori.

  • Cher Renè,
    je suis d’accord avec l’analyse que tu fais du document de la CEF. Il est regrettable, cependant, que le refus apriori des évêques de toute aide de l’AMP pour les couples hétérosexuels stériles, même sans intervention de gamètes venant d’un donneur anonymisé, ne leur permette pas d’introduire dans leur réflexion des points concernant le fonctionnement des centres de procréation, que nous avions inscrits dans la contribution des Semaines Sociales de France aux auditions du CCNE (https://etatsgenerauxdelabioethique.fr/pages/contributions-des-auditions). Ainsi la levée de l’anonymisation actuelle des donneurs de gamètes , permettrait de rétablir , au moins en partie , cette perte de filiation dont ils s’inquiètent à juste titre Cette anonymisation facilite déjà des pratiques marchandes, ici et ailleurs , sources de mauvaises pratiques médicales ( nombreuses fécondations issues d’un même donneur itinérant…).
    L’élargissement envisagé réduira l’effectivité des « droits » de couples hétérosexuels stériles et leur accès aux soins par des centres de PMA. Compte tenu des ressources contraintes de ces centres, en personnel, financement et gamètes, de leur refus de hiérarchiser par la suite l’ordre de satisfaction à donner selon qu’il s’agira d’ un couple hétérosexuel, porteur d’une demande médicale , ou d’un couple homosexuel en demande sociétal, les délais pour les premiers s’allongeront , au risque qu’ils ne soient plus dans les temps pour une prise en charge de soins de leur infertilité par la Sécu (43 ° anniversaire de la femme).

    • J’avoue en effet ne pas comprendre le refus de la PMA sans intervention d’un donneur extraconjugal pour un couple stérile.

      • Autant je suis réservé quant à la Fivette sans donneur extraconjugal car qui dit « fivette » dit élimination des embryons surnuméraires,autant je ne comprends pas pour les couples stériles le refus de l’insémination artificielle sans donneur extraconjugal

        • Oui, Dominique, vous avez raison de préciser ce point.
          L’élimination des embryons surnuméraires pose de graves problèmes éthiques, à plus forte raison quand il s’adit de tri sélectif et d’eugénisme, et plus encore l’expérimentation sur ces embryons surnuméraires.

          • Michel, je ne veux pas ici lancer un « débat dans le débat ». Il nous faudra reprendre la chose. Mais la position que vous définissez et qui est celle de l’Eglise est sur la durée intenable. A avoir voulu sacraliser la vie dès la conception, pour des raisons qu’on peut comprendre, le magistère s’est mis dans une impasse. Je trouve sage, la positon juive des 40 premiers jours de la vie où l’on accepte de ne pas savoir quel statut donner à une vie naissante. Refuser pour aujourd’hui et pour demain le moindre tri embryonnaire, pour des parents susceptibles de mettre au monde des enfants atteints de maladies génétiques mortelles ou lourdement invalidantes, me semble tout simplement criminel. « Ils ont les mains pures mais ils n’ont pas de mains ». Je sais les dérives possibles. Mais cette intransigeance me semble contraire à tout ce que je comprends de l’Evangile du Christ et je comprends que des personnes, confrontées à cette condamnation morale, se détournent défintivement del’Eglise. Mais de grâce, gardons ce débat pour une autre fois. Ce n’est pas l’actualité qui nous fera défaut pour l’aborder.

          • à René
            Sans entrer prématurément dans le débat , je crois qu’il nous faut réfléchir non seulement au contenu de la doctrine de l’église , mais aussi , surtout, à la méthodologie et aux présupposés qui président à son élaboration . Comment passer d’une approche fondée sur la défiance et qui veut verrouiller toutes les occurrences par peur de l’erreur , à une approche fondée sur la confiance en la capacité de l’homme à choisir » la vie  » . Comment passer d’une approche qui dit le bien et le mal , à l’avance et dans l’absolu , à une approche qui donne des repères , qui éclaire les consciences en les aidant à opérer un véritable discernement dans la situation spécifique qui sont les leurs . Comment , y compris sur le terrain doctrinal être fidèle à l’attitude de Jésus avec ceux qu’ils rencontre ? Aider à une prise de conscience et faire confiance à la personne :  » vas , TA foi t’a sauvé « .

          • René, je comprends très bien que vous ne vouliez pas poursuivre ici, mais laissez-moi simplement vous dire que je trouve archaïque cette position juive des 40 premiers jours de la vie (adoptée aussi par St Thomas d’Aquin).
            Le cœur bat déjà à 21 jours et il ne se passe rien de fondamentalement nouveau entre le 39ème jour et le 41ème jour du développement embryonnaire…
            Quant à l’élimination quasi-systématique des trisomiques 21 avant la naissance, vous me permettrez de ne pas considérer cela comme un progrès de l’humanité.

  • A Dominique et Michel ,
    Je m’étonne de votre incompréhension de la part de catholiques aussi respectueux de la saine doctrine que vous .
    Sans doute avez vous oublié le contenu de ce texte « prophétique qu’est Humanae vitae et notamment le point 12 qui rappelle: « le lien indissoluble que Dieu a voulu et que l’homme ne peut rompre à son initiative » entre l’union des époux et la procréation .
    La PMA y compris sans intervention d’un donneur extra conjugal est un acte qui dissocie le rapport sexuel de la procréation . En conséquence , elle ne peut être, en toute hypothèse , conforme au plan de Dieu .

    On ne peut pas reprocher aux évêques leur manque de cohérence dans l’interprétation de la doctrine catholique . Donc leur position qui refuse aussi la PMA même lorsque le donneur est le mari , est donc d’une logique imparable .

    Si vous êtes favorable à la PMA dans le cas ou le donneur est le mari , vous vous inscrivez alors dans une logique casuiste qui est le début d’un dangereux relativisme . Or le relativisme constitue une atteinte à l’intégrité de la doctrine catholique . dont l’origine est le Christ lui même . Celle ci est un tout à accepter en bloc ; on ne peut pas y prendre ce qui nous arrange et rejeter le reste .
    Votre incompréhension est la conséquence soit d’une ignorance de la doctrine , soit de l’exercice de votre libre arbitre . Donc dans les deux cas une faute grave vis à vis de notre sainte mère l’Eglise qui ne peut « ni se tromper , ni nous tromper « .

    Je vous engage donc à rentrer dans le rang et à accepter de vous soumettre humblement en reconnaissant la parfaite conformité du texte de l’épiscopat français à la doctrine catholique .

    PS : j’espère que vous me pardonnerez d’avoir succombé à la tentation de mettre en évidence le hiatus entre votre bon sens humain et votre de fidélité à la parole de l’épiscopat . L’occasion était trop belle .

    • Guy, vous ne manquez pas d’humour, et je vous absous, mais vous me permettrez de ne pas mettre sur le même plan ce qui relève du traitement de la stérilité et ce qui relève de dérives sociétales.

      • à Michel de Guibert ,
        Je suis bien d’accord avec vous sur ce point . C’est pourtant ce que fait la CEF en mettant sur le même plan le traitement de la stérilité et les risques d’une dérive sociétale , au motif qu’il s’agit dans les deux cas d’une dissociation de la procréation et de l’union sexuelle ; dissociation qui serait par principe et dans TOUS les cas , contraire au plan de Dieu .

        Vous soulignez donc vous même ainsi les impasses auxquelles conduisent , tant la méthode adoptée par les évêques que l’anthropologie archaîque qui fonde la doctrine catholique .

        Comme le souligne René à force de vouloir avoir les mains pures ,ils ne se servent plus de leurs mains . Il me semble que l’Evangile répond pourtant à cette question dans l’histoire du bon samaritain (Luc 10,25-37) . C’est bien la préférence (craintive ?) donnée au respect de la règle de pureté rituelle qui empêche le prêtre et le lévite de porter secours au blessé . Ce n’est pas de l’indifférence de leur part vis à vis de cet homme , c’est juste la peur de transgresser la règle en matière de pureté liée à leur état de prêtre et de lévite . En prenant soin de lui , en risquant d’être souillé de son sang , ils perdraient leur pureté, élément important de leur statut social . C’est un samaritain , dissident de l’institution du judaïsme sacerdotal donc non tenu par des règles absolues , théoriques , et finalement inhumaines , qui, faisant preuve d’humanité répond à l’attente de Dieu concernant l’amour du prochain .

        Au delà de la boutade que constitue mon précédent post , sur ce point déjà , il n’est pas possible d’affirmer que le texte de la CEF nous aide d’une quelconque manière à témoigner de l’Evangile , bien au contraire . Voilà pourquoi il me semble difficile d’adhérer , comme baptisé , à leur texte . quand bien même il évoque , en leur apportant de mauvaises réponses , des questions qu’une partie de la société civile refuse , bien à tort , seulement d’envisager .

        Jj’ai fait dans un post précédent des propositions de méthode qui incluent d’autres catholiques que les seuls évêques et leurs experts stipendiés pour l’élaboration de ce type de texte . En effet une démarche descendante , théorique qui prétend se plaquer sur le réel , ne fonctionne plus . Je ne fais que reprendre ici le vieux principe oublié autrefois en vigueur dans l’Eglise : Quod omnes tangit , ab omnibus tractari et approbari debet  » ( ce qui concerne tout le monde doit être débattu et approuvé par tout le monde )

        Quand donc s’en rendront ils compte ? Et s’ils s’en rendent compte , quand donc s’adresseront ils donc au peuple de Dieu de manière un peu responsable , pour que leur texte ne soit pas seulement une parole parlée , ,le verbum (sans portée pratique ) mais aussi une parole parlante , la dictio pour reprendre la célèbre distinction de Saint Augustin sur les fonctions du langage .

        Quand donc comprendront ils que » pour rester vivante la religion doit être bousculée  » j’emprunte cette citation au rabbin Delphine Horvilleur dont la réflexion sur la notion de filiation pourrait utilement pallier l’indigence de celle du texte de la CEF qui la définit exclusivement comme la conséquence d’un rapport sexuel fécond .

        • « C’est pourtant ce que fait la CEF en mettant sur le même plan le traitement de la stérilité et les risques d’une dérive sociétale, au motif qu’il s’agit dans les deux cas d’une dissociation de la procréation et de l’union sexuelle »

          => La difficulté du magistère reste de trouver une voie médiane, qui lui permette de prendre en compte les situations concrètes et ce que les gens sont en mesure de faire (pour reprendre les mots de Paul VI), tout en évitant les dérives sociétales.

          Le soucis étant que la frontière est bien mince : si l’on considère légitime de traiter la souffrance engendrée par la stérilité des hétérosexuels (qui ne sont d’ailleurs pas malades au sens strict), au nom de quoi trouve t’on illégitime de traiter celle des homosexuelles ? Est-ce donc qu’elles souffrent moins ? Ou que leur souffrance serait moins respectable ? Ou qu’elles l’ont choisie ? Après tout, une femme dont l’époux serait stérile l’a bien choisi lui aussi ? Ou alors on accepte de traiter une femme qui se serait mariée sans savoir la stérilité de son époux, mais pas celle qui le savait ?

          Ce qui me chagrine dans tout cela, c’est que je suis bien en peine de tracer une limite entre l’acceptable et ce qui ne l’est pas. Entre ce qui relève de la compassion et ce qui relève de la bisounoursitude.

          L’attitude du magistère sur ces sujets – la contraception en tête – est de définir une ligne dure, tout en fermant les yeux au niveau local. Ce n’est évidement pas satisfaisant. Cela ne pourrait l’être que si, par ailleurs, le magistère ne cherchait pas a influencer les lois – ce qui est précisément le but du texte des évêques…

          Je crois que les évêques aimeraient bien avoir « une parole parlante » (très belle distinction, merci Guy). Il va probablement falloir que l’Esprit Saint souffle très très fort pour qu’on y arrive.

          • Je vous remercie d’exprimer les choses aussi clairement. Je trouve que vous posez bien le délicat problème de l’équilibre à trouver entre prise en compte du réel, de la souffrande et de la demande des personnes et attention à ce que le vivre ensemble qui exige aussi la prise en compte d’autres attentes, d’autres réalités, d’autres souffrances, ne se délite pas. Mais l’Eglise catholique, de par son histoire, a eu tellement l’habitude de se vivre comme « responsable » de l’organisation vertueuse de la Cité (ce qui n’a pas eu que des effets catastrophiques), qu’elle a du mal à perdre ses réflexes au moment où la Cité s’est, de fait, sécularisée.

            Où situer la « bonne attitude » ? Uniquement dans l’accueil évangélique des réalités sociales nouvelles ? C’est ce que j’entends de votre propos et que j’entends formuler par d’autres ici ou là. D’où une délégitimation de toute intervention collective dans le débat public, notamment au travers d’un texte comme celui que les évêques viennent de produire. Et là, c’est moi qui dis mon doute ! Si le propos des évêques était d’interpeller la société au nom de croyances religieuses extérieures à la société, je ratifierais ce jugement. Mais lorsque il est de rappeler une société à ses propres principes pour lui indiquer le risque de poser des lois nouvelles qui les contredisent, ne sont-ils pas il pas dans leur mission en quelque sorte citoyenne (même si certains considèrent qu’ils devraient alors s’exprimer individuellement) ? Ce n’est pas simple. C’est bien pourquoi le dialogue est nécessaire. Et je me réjouis que ce blogue serve aussi à ce débat… tellement absent par ailleurs !

          • Emmanuel, je pense que votre raisonnement est un peu spécieux, même s’il est animé par un souci compassionnel qui vous honore.
            Il y a tout de même une grosse différence entre une union homme/femme qui s’avère inféconde, et la médecine vient pallier cette stérilité accidentelle, et une union homosexuelle qui est inféconde par nature et non par accident.

          • Michel : Je suis bien d’accord avec vous, une petite voix me sussure que ce n’est pas pareil.
            S’agit-il pour autant de la voix de ma conscience ?

            Pour un couple homosexuel comme pour un couple hétérosexuel, il ne s’agit pas de rendre féconde une union qui ne l’est pas, mais de créer une fécondation en dehors d’une union.
            La seule chose qui change est la justification de l’acte, pas l’acte en lui même. Et donc, in fine, le regard que l’on porte sur la légitimité du désir d’enfant des uns comme des autres.

            Je suis marié, en couple hétérosexuel, j’aurais probablement usé de la PMA si nous avions rencontré des problèmes de fertilité, cela me semble acceptable. Est-ce que cela me semble acceptable parce que ça l’est, ou parce que je sais que j’y aurais eu recours ? Est-ce que la PMA homosexuelle me semble non acceptable parce qu’elle l’est, ou parce que, du fait que je suis hétérosexuel et homme, je sais que je n’en aurais pas besoin ? A l’inverse – et même si le Seigneur m’a comblé en ce domaine – je sais ce qu’est le désir d’enfants, et combien je ne connais de joie plus grande qu’une naissance.

            Je suis au final bien incapable de m’extraire de cette analyse. Si je trouve la position du magistère bien trop rigide, je ne trouve pas de position intermédiaire qui soit pleinement cohérente.

            Il faudrait que je lise en entier le texte des évêques, pour voir en quoi il pourrait m’aider à trancher ces questions, même si à la lecture des conclusions je suis moyennement tenté de le faire.

  • Je préfère passer rapidement sur le tempo désastreux choisit par la CEF. Il y a quelque chose d’indécent à publier un tel texte sous signature unique alors qu’ils semblent incapables de traiter ensemble les problèmes qui détruisent l’Eglise – et sur lesquels ils ont autorité et responsabilité.

    Sur les arguments (du moins ceux révélés dans ce texte), on est sur du classique, droite ligne du CEC.
    Ce qui me pose problème, c’est que leurs argument ne semblent pas étayés, par exemple : « l’intérêt supérieur de l’enfant qui exige une référence paternelle ». Est-ce que cela s’appuie sur des études sérieuses, ou bien sur une impression, une « idée générale de café du commerce » ?

    D’autres me semblent tout simplement faux, comme le rôle du médecin qui serait uniquement de soigner : Les médecins sportifs sont bel et bien des médecins, pourtant leur but n’est pas de soigner des malades, mais de permettre à des personnes d’améliorer leurs performances. Un anesthésiste qui pose une péridurale à un accouchement ne cherche pas à soigner quelqu’un (qui n’est d’ailleurs pas malade) mais à soulager ses douleurs. On pourrait en dire autant de ceux qui travaillent à rendre la vue à des aveugles nés : c’est à dire des personnes qui ne sont pas « malades », elles sont nés comme cela, et cela ne met nullement leur vie en danger. Faudrait-il refuser d’aider l’aveugle né ?

    Il y en aussi des farfelus, comme fonder une décision éthique (PMA ou pas) sur… son coût ! Sommes nous le peuple du Christ ou de Mammon ? Soit la PMA est bonne, et il faut s’efforcer de la rendre possible quelle que soit sont coût, soit elle ne l’est pas, et il faut le refuser quand bien même ce serait lucratif !

    Reste l’invitation au dialogue : il faudrait que les deux parties soient prêtes – au moins en théorie – à changer d’avis. Sauf que les évêques ne peuvent pas changer d’avis sur ces sujets, ils n’en ont pas l’autorité, même en théorie. Ils auraient pu se contenter de demander à être entendus. Par les temps qui courent, c’est déjà bien.

    Bref, un texte de plus qui reste au niveau des considération générales, et dont l’autorité supposée des signataires tient lieu d’argumentation (ce n’est pas un hasard qu’ils aient mis tout leur poids dans la balance). Un texte qui plaira énormément aux catholiques déjà convaincus (et qui auront l’impression qu’on place enfin la vérité sur le boisseau), qui ne convaincra pas les catholiques qui ne le sont pas, et qui sera ignoré par tous les autres. Fallait-il vraiment réunir les évêques pour cela ?

    On reste dans l’éthique de conviction, une éthique qui part de la conclusion (« Il faut bloquer la PMA ») et qui essaie ensuite d’y attacher un raisonnement (comme l’a fait St Jean Paul II avec la théologie du corps contre la contraception).
    Rien n’a changé depuis 50 ans et HV.

    A la relecture, je m’aperçoit que je suis bien dur avec les évêques qui font ce qu’ils peuvent.
    L’institution me lasse à ne mener que les combats qu’elle sait perdus, avec des armes que l’on sait bien trop émoussées.

    • Emmanuel, vous avez une bien curieuse conception du rôle du médecin, du soin et de la maladie…
      Pensez-vous sérieusement que le rôle du médecin sportif ne soit pas de soigner mais d’améliorer les performances… par le dopage ou je ne sais quoi d’autre ?
      Pensez-vous sérieusement que l’anesthésiste qui fait une péridurale lors d’un accouchement ne participe pas au soin quand il soulage la douleur ?
      Pensez-vous sérieusement que le médecin qui travaillerait à rendre la vue à un aveugle-né ne soignerait pas au motif que vous appelez cela un handicap plutôt qu’une maladie et sous prétexte qu’il est « né comme cela » ?

      Le texte des évêques que vous critiquez si fort est tout de même plus sérieux et plus étayé que vos élucubrations fantaisistes, ne vous en déplaise…

      • Michel : J’aurais probablement plutôt du citer la prescription de contraceptifs, par laquelle un médecin « soigne » quelqu’un qui n’est pas malade, avec un médicament qui pourrait le rendre malade, dans le but de satisfaire un besoin non strictement vital (la sexualité), tout en soutenant une demande sociétale de limiter la population. On n’est clairement pas dans une optique de soin mais dans la satisfaction d’une demande. Je veux simplement dire que l’on est depuis bien longtemps sorti d’une vision de la médecine qui ne ferait que soigner (et de fait, le magistère s’y oppose).

        Sur le fait que mes « élucubrations » sont moins sérieuses que le texte des évêques, je veux bien vous croire – et je l’espère même : Mon orgueil est certainement grand, mais pas encore au point de penser pouvoir produire en quelques dizaines de minutes, sur un temps de pause et sans être expert du sujet, quelque chose de plus construit que 120 évêques rassemblés 😉

        A l’inverse, s’il est possible en quelques minutes de démonter – même très partiellement – quelques idées du texte, quelle sera sa résistance face à des opposants formés et disposés à prendre leur temps pour faire savoir leurs idées ?

  • Personnellement, je reste marqué par la position suivante : « Il nous est donné de rester libre en n’adhérant pas à la liberté que nous offre la loi. »

    • Oui, et grâce à ce principe on est passé de la loi Veil qui à l’origine tolérait l’avortement avec certaines restrictions, au droit à ‘avortement , mais, bien sûr me direz- vous sans doute que jamais on a obligé une femme à avorter, jamais, et si si on accepte la PMA pour toutes on pourra bien sûr toujours se prévaloir du fait qu’on n’aura jamais obligé une femme à y avoir recours…
      Quant au discours, forcément inaudible par principe de la CEF selon certains,pour ma part je suis très satisfait qu’il ait été prononcé car avoir un enfant parce qu’on en a envie sans ce soucier du fait que l’on crée ainsi volontairement un orphelin de père ne me parait guère compatible avec « tu aimeras ton ^prochain comme toi-même » et même sans avoir recours à ce principe est-il dans l’intérêt de l’enfant d’être volontairement privé de son père , et je parle en connaissance de cause…

    • Pleinement d’accord avec vous, je m’en tient à ma conscience, comme Emmanuel aussi. L’anthropologie chrétienne est marquée par de grosses uances.
      Pour Gaudium et spes (24-3), « L’homme, seule créature que Dieu a voulue pour elle-même, ne se trouve pleinement que dans le don désintéressé de lui-même. » Il revient ainsi à chacun d’apprécier son aptitude au don désintéressé, de la cultiver.
      Pour JPII (théologie du corps) l’homme ne pourrait se réaliser pleinement que dans le mariage avec une femme ou le célibat consacré. Cela découle de Gaudium et spes, en étant fort restrictif … l’injonction est inacceptable.
      Il faut rappeler à temps et à contretemps aux corps qui se croient sacrés -militaires, médecins, juges, clercs, enseignants- la phrase outrancière (pas fausse) de Clémenceau: « la guerre est chose trop sérieuse pour être confiée à des militaires. »

  • A Emmanuel et René ,

    A ce stade de notre réflexion commune , je voudrai apporter les éléments suivants :

    1) Je ne crois pas que les évêques peuvent avoir une « parole parlante », et je ne pense pas qu’ils le souhaitent car la prise en compte du réel pour définir la norme est étrangère à la culture de l’église. « Héritière de la logique romaine , elle tolère avec bienveillance toutes les entorses possibles à ses règles à condition que cela reste dans l’ordre privé. Mais dans le même temps elle exige la reconnaissance de la valeur absolue, inconditionnelle et contraignante de ses normes ». ( Hegel in » Leçons sur la philosophie de l’histoire « ). Ce texte sur la PMA comme tous les textes magistériels, relève totalement de ce mode de pensée. C’est bien pourquoi il ne peut pas faire sens dans le débat sur cette question dans la culture qui est la nôtre indépendamment de la pertinence des arguments invoqués par les évêques.

    2) Je rejoins complètement René dans son analyse des risques d’un libéralisme économique et sociétal qui marchandise tout y compris la personne humaine et qui atomise la société en oubliant la dimension collective de notre vie commune . Toute vie en société implique une régulation de nos libertés individuelles au profit d’un « intérêt général  » indispensable pour que nous puissions vivre ensemble en harmonie. Je partage aussi son constat qu’aujourd’hui cette régulation n’est pas perçue comme nécessaire par l’opinion publique, ni effectuée par le pouvoir politique qui ne joue pas son rôle dans le retissage permanent du lien social, seul antidote à la guerre de tous contre tous qui est le risque d’un libéralisme non régulé.

    Par contre, et sans doute est ce là le coeur de notre divergence, je ne pense pas qu’un discours de l’église, même faute de mieux, qui se réduit à la seule réflexion du magistère, malheureusement déconnectée de la réalité, puisse être un facteur de cette régulation. Comme chrétien catholique, je le regrette, mais ne peut faire l’impasse sur les causes structurelles qui empêchent l’Eglise de jouer un rôle constructif et vigilant dans ce type de débat .

    3) Je rejoins aussi René dans son analyse de l’église qui se vit comme « responsable de l’organisation vertueuse de la cité » mais considère :
    – qu’elle ne peut plus le faire étant donné son « décalage  » culturel et l’incapacité de son discours à être en prise avec le monde réel
    – qu’elle n’est plus légitime à le faire de manière exclusive dans une société démocratique et sécularisée. Elle devient un acteur légitime parmi d’autres acteurs légitimes que sont les autres courants de pensée et religions .
    – que sa méthode pour définir le « bien  » collectif est fondée sur la défiance envers la capacité humaine individuelle et collective à s’orienter vers le » bien » alors même que tout le message évangélique implique de « faire confiance  » tant pour les choix personnels que pour les choix collectifs.

    Je rejoins ici l’analyse du théologien Hans Küng sur la convergence entre la foi au Christ qui exige de prendre le risque de faire confiance et le constat strictement temporel, que la confiance constitue la base du vivre ensemble des hommes ; convergence qui justifie la capacité de l’Evangile à donner sens à une vie d’homme ou de femme ici et maintenant dans le monde tel qu’il est.

    C’est je crois tout l’enjeu pour que le discours de l’Eglise joue effectivement son rôle dans les questions d’ éthique collective que doit cependant toujours se poser une société démocratique et sécularisée. Le choix pour l’église est le suivant : soit une parole fondée sur la confiance qui pose des balises au nom de l’éthique de la responsabilité, soit une parole qui affirme une vérité absolue, hors sol dont on sait parfaitement qu’elle n’a aucune chance d’être appliquée dans la réalité ; ce que l’église par tropisme culturel admet parfaitement.

    4) C’est au prix de ce renversement d’approche ( défiance versus confiance ) que le discours de l’église ne sera pas seulement une incantation que le magistère s’adresse en réalité à lui-même pour faire semblant de se rassurer sur sa capacité à « influer sur l’organisation vertueuse de la cité  » comme le dit René. C’est à ce prix qu’il sera effectivement une balise à prendre en compte par toutes les consciences éclairées pour tracer leur route et choisir « la vie  » dans les conditions de navigation qui sont les leurs .

    C’est, je le crois notre responsabilité de baptisés, au nom du sacerdoce commun de le dire au magistère de l’Eglise quand bien même il ne veut pas l’entendre. Prendre le risque …

  • Le Comité consultatif a repéré les difficultés que rencontrerait un accueil à l’extension de la PMA – c’est bien son rôle – et ne les jugeant pas insurmontables, les signale comme telles au législateur et aux femmes concernées. Bien ! à chacun de se positionner selon cet éclairage.

    La Conférence épiscopale reprend ces cinq difficultés (merci René d’en avoir présenté une synthèse ; je n’ai pas la santé pour affronter les cent pages), les juge insurmontables (à tort, merci Emmanuel) et y justifie son refus de toute réforme législative. Est-elle dans sa mission en sélectionnant et en recopiant des considérations de psychologie et d’économie ? Et ne prête-t-elle pas le flanc au soupçon de faire flèche de tout bois pour s’accrocher à une position conservatrice ?

    Alors qu’elle est attendue dans son champ spécifique, le religieux. Mais je ne vois dans la ‘synthèse’ aucune référence ni au message ni à la pratique de Jésus. On n’entend qu’une variante de la théorie théologique d’un cours naturel des choses comme révélateur de la volonté de Dieu. L’Écriture donc. Eliminons tout de même l’embarras qu’il y aurait à s’étendre sur le caractère exemplaire de la Sainte Famille, sur une procréation spirituellement assistée qu’aurait vécue une vierge, sur les perplexités d’un mari qui cherche dans ses rêves les bonnes raisons d’une adoption – tout un chacun se trouvant aujourd’hui en mesure d’apprécier la dimension proprement symbolique de ces récits inspirés de mythes anciens, ou gagnant à en être instruit.

    Il serait plus de circonstance de revenir sur les guérisons des infertilités de Sarah et d’Elisabeth. Mais il serait surtout plus inspiré de mettre en pleine lumière l’attention de Jésus aux personnes, sa remise de la loi à sa juste place, sa préoccupation de soulager et de guérir et donc de pallier les carences de la nature fut-ce par le miracle.
    Les évêques n’ont-ils pas une parole d’Évangile pour les femmes en espérance de maternité, et pour notre société si peu attentive aux personnes en difficulté ? (Merci Guy).

    Le respect des hormones naturelles, c’est un peu court et je n’arrive pas à croire que tous les évêques, tous, aient pu en conscience souscrire à ce refus d’extension de la PMA et notamment aux arguments de sa justification. Ne bavardent-ils pas avec les femmes de leur quartier ?

    Peut-on sortir de l’impasse ? Dans cette démarche, la Conférence ne semble pas représentative du catholicisme français, plutôt handicapée par ce cléricalisme que pointe François, trop de suffisance, d’isolement, de maintien des position acquises – les diagnostics se sont enchaînés dans ce blog et ses commentaires et on pourrait poursuivre.
    Non seulement il manque une opinion publique dans l’Église mais surtout une collaboration effective entre laïcs (hommes et femmes), prêtres (hommes et bientôt femmes), évêques.

    Ceux-ci font appel aux laïcs – n’y voyons pas qu’un aveu d’impuissance ou de paralysie ! C’est d’autant plus le moment ! Que se développent des associations, des structures intermédiaires où la parole catholique est libre ; que les déclarations officielles s’inspirent de la variété des opinions catholiques, proposent des orientations, des éclairages plutôt que du prêt à penser, que de l’interdit abrupt. Car il n’y a aucune raison que les catholiques soient unanimes sur quelque sujet que ce soit. La société en viendrait à écouter, sans doute même à se féliciter d’un tel apport. N’est-on pas curieux souvent de vérifier les positions des protestants, les sachant librement réfléchies, suggestives ?

    Plutôt que ressasser leur doctrine cloisonnée, que les évêques encouragent ces lieux et ces temps de débat, d’approfondissement, de respect de la complexité des choses et des vies, s’affranchissant de l’esprit de qui a inspiré plusieurs nominations – paix aux mânes de Jean-Paul II et de Benoît XVI ! Que les blogs s’enrichissent, se multiplient. Que les laïcs qui disposent de réseaux contactent et encouragent les évêques dans cette voie, les invitent, leur signalent des disponibilités.

    Un synode pour la jeunesse (tenu par des célibataires masculins âgés sans enfants, où seront peut-être entendus mais mal écoutés parents, mères monoparentales, jeunes croyants et non croyants, homosexuels) n’est-il pas voué à l’insignifiance ? Une réforme des ministères catholiques (la place des femmes, l’intérêt du célibat, l’assèchement du cléricalisme, l’éradication de la pédophilie) ne sera envisageable et éventuellement fructueuse qu’après des débats qui impliquent tous les ‘fidèles’, aussi conflictuels soient-ils.

    Un avis épiscopal sur l’extension de la PMA n’aurait eu de pertinence et un écho dans la société civile que s’il avait été précédé d’une réflexion libre et structurée des représentants de toutes personnes concernées par la problématique, dans le pays ou à l’étranger, et si possible attentives à s’inspirer de l’Evangile : des mères ayant déjà accouché dans ces conditions, des hommes et des femmes nés sous ce mode, des femmes demanderesses, des couples de lesbiennes, leurs familles, des gynécologues, des infirmières, des psychologues, des juristes, des journalistes, des théologiens, des prêtres de paroisses,… même des évêques. Ces résultats-là seraient audibles, intéressants. Voilà qui aurait pu plaire à un Jésus qui aimait débattre à la synagogue et libérer les paralysés.

    Il est indispensable que les législations soient adaptées à l’évolution des mœurs, des connaissances et des techniques et il serait heureux que les catholiques y contribuent par une attention aux personnes inspirée par l’Évangile. Une resucée des mises en garde du Comité consultatif n’est pas inutile mais n’y suffit pas.

    • Merci de cette contribution. Puis-je me permettre de me faire l’avocat du diable, puisque j’ai dit mon assentiment au texte des évêques, et peut-être mettre un peu de clarté dans la problématique qui me semble se dégager des commentaires accuellis sur ce blogue (merci de considérer qu’ils peuvent être un lieu de débat dans l’Eglise, ce que je ne cesse de précher depuis neuf ans…)

      Les évêques ont choisi un mode d’intervention qui est, effectivement, de pointer les risques qu’ils perçoivent à une généralisation de la PMA. Rsques, je l’ai dit qui ont également été identifiés tant par le CCNE que par le Conseil d’Etat, à cette différence près qu’ils ne sont pas pour eux redhibitoires dans une démocratie. Vous regrettez que les év^ques dans ce texte, n’avancent aucun argument de type spiritueL, en lien avec le message des évangiles. Mais l’auraient-ils fait on leur reprocherait de faire pression sur le Parlement à partir d’arguments de type religieux… dans un pays laïque. Je crois, contrairement à vous, qu’il y a une totale cohérence à n’argumenter qu’à partir d’éléments objectifs (pénurie de gamètes, risque de marchandisation…) que tout un chacun peut faire siens quelles que soient ses convictions philosophiques ou religieuses.

      La vraie question, telle que je la vois émerger de nos échanges, est de savoir si compte tenu du « passif » du débat sur le mariage pour tous, de la fragilité de l’Eglise catholique en pleine crise, et de sa mission première qui est l’annonce de la Bonne Nouvelle elle ne devrait pas renoncer, moins à à faire la morale comme on l’en accuse ici faussement, car ce n’est pas le registre choisi, qu’à se considérer comme étant en charge de la gestion de la Cité séculière, rôle dont elle a pris l’habitude au cours des siècles et qui lui est aujourd’hui contesté. Et là, j’entends vos regrets sur le rôle dont vous pensez qu’il devrait être le sien, de manière privilégiée.

      La critique porterait donc moins en fait sur le fond du propos que sur l’opportunité de choisir ce registre-là alors que peut être on l’attend ailleurs !

      • Merci René, de clarifier le débat sur la question du registre sur lequel l’église catholique est légitime pour donner son avis . C’est en effet une condition pour bien comprendre sa posture et son discours .
        Il suffit de relire l’article premier de notre constitution pour s’apercevoir que l’église n’a plus aucune légitimité pour se croire encore en charge de la gestion de la cité .
        Ce qui ne veut en aucun cas signifier qu’elle n’a pas son mot à dire sur les grands débats de société . Mais exclusivement à partir de son champ de légitimité qui est : ce que la foi en l’Evangile implique sur notre manière d’être au monde individuelle et collective .
        la bonne posture pour l’église : Ni se réfugier dans un registre spirituel hors sol ni prétendre régenter la loi commune .
        A cet égard on aimerait que la parole de nos évêques soit aussi fréquente sur les questions de justice sociale , sur l’immigration et l’accueil des réfugiés (le discours du pape étant bien peu relayé par les évêques français) sur les dérives du libéralisme économique et sociétal ; questions qui ne sont pas moins importantes que la bioéthique ou la morale sexuelle .

        Quand Philippe Barbarin explique péremtoirement à propos de la loi Taubira que la Genèse s’impose au législateur , il sort de son registre de légitimité ;
        Quand à propos de la dissuasion nucléaire , l’amiral de Joybert avait demandé au clergé de « rentrer dans les sacristies » il se trompait aussi de registre .

         » L’Eglise doit être l’éthique vivante du politique » disait Paul Ricoeur . Ce qui implique que son action ne se réduit pas au seul discours théorique de son magistère , qu’elle doit questionner les finalités de la loi , qu’elle doit aussi s’interroger sur les conséquences prévisibles des choix politiques , mais en aucun cas se situer sur le terrain du législateur .

      • >Je crois, contrairement à vous, qu’il y a une totale cohérence à n’argumenter
        > qu’à partir d’éléments objectifs
        J’ai un vrai doute la dessus.
        Le problème reste que les évêques sont non objectifs par nature, liés par leur obéissance au magistère. Il devient dès lors difficile de savoir s’il argumentent des éléments objectifs, fruits d’un vrai raisonnement, ou s’ils cherchent juste à justifier une doctrine de moins en moins écoutée.

        Il y a ensuite une vraie question de savoir si l’on peut argumenter « Ad evangelum » dans une société laïque. Pour l’expérience que j’en ai, cela se passe assez bien, y compris (surtout ?) avec des athées. J’ai souvent eu la surprise de voir que même ceux qui détestent l’Eglise ont une tendance naturelle a respecter ce qu’on leur raconte de l’évangile. Saint Paul nous le demande : Ne rougissons pas de l’évangile !

        Je pense qu’il y a aujourd’hui un véritable espace pour l’Eglise – magistère et fidèles – pour témoigner et faire vivre la bonne nouvelle depuis le Christ ! Nous y sommes dans notre rôle, la ou la société nous attend – mieux : nous espère. La seule condition – qui peut être terriblement frustrante – est de se limiter à « dire » plutôt qu’a « faire croire » (pour reprendre des mots attribués à Ste Bernadette), à essayer d’éclairer les consciences plutôt que de chercher à les intoxiquer pour atteindre nos buts.

        • à Emmanuel,
          Bien évidemment le raisonnement des évêques part toujours de la doctrine comme vérité absolue et se développe exclusivement à partir de ce présupposé .Les éléments objectifs ne sont utilisés que pour disqualifier tout ce qui peut être contraire à la doctrine .
          exemple : mon évêque dit sans rire que la loi Veil est contraire à la convention européenne des droits de l’homme en arguant du fait que ce texte dit que le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi .
          Son raisonnement ne peut se fonder que sur le présupposé de la prise en compte de la doctrine catholique selon laquelle il y a personne humaine dès la fécondation .

          Cet évêque étant par ailleurs président de la commission d’éthique de l’épiscopat français on peut aisément vérifier la permanence de ce type de raisonnement dans le texte produit contrer la PMA .
          Les évêques lisent toujours les faits objectifs exclusivement à travers le prisme de la doctrine .

          Pour mémoire , je rappelle que la convention européenne des droits de l’homme si chère à mon évêque quand cela l’arrange promeut aussi le droit au procès équitable en son article 6 Or l’église catholique via son état du Vatican n’a pas pu adhérer à cette convention car le droit canon ne respecte pas le droit au procès équitable ; le droit de l’église permet encore de vous juger sans que vous ayez connaissance de ce que l’on vous reproche et sans que votre défense puisse être obligatoirement entendue .

          • Guy,

            Vous êtes finalement aussi dogmatique que votre évêque. Que le discours épiscopal parte toujours de la doctrine, ou soit pour le moins en phase avec elle, pardonnez-moi mais c’est l’engagement de leur ordination épiscopale.

            Or la doctrine, qui n’aurait pas traversé vingt siècles si elle n’avait quelque consistance, ici ou là, nous dit qu’il existe une conscience morale commune à tous les humains, croyants ou non, catholiques ou non.

            Si bien que des citoyens lambda, sans appartenance religieuse, peuvent se retrouver avec des catholiques, sur des grands principes de droit et de justice.

            Que les évêques formulent quelques uns de ces principes dans un document ne disqualifie pas lesdits principes et lesdits évêques, parce qu’ils les justifient, pour ce qui les concerne, au nom de la doctrine.

            Ce qui est vrai est vrai pour tous, ce qui est faux est faux pour tous, ce qui est incertain peut être débattu par tous.

            Concernant mon billet, j’ai bien souligné que je ne me reconnaissais pas dans la partie du texte qui réfute tout recours à l’aide à la procréation, dans quelque cas que ce soit.

            Mais là n’est pas l’objet du débat qui nous occupe puisque le droit français reconnaît le droit à la PMA dans certaines circonstances.

            Pour ma part je continue de penser qu’il existe parmi les objections formulées dans ce texte des arguments objectifs que reprennent d’ailleurs à leur compte des hommes des femmes qui ne sont aucunement sous la sujétion des évêques. Allez-vous leur reprocher, à eux-aussi d’être inféodés à la doctrine catholique pour mieux vous dispenser de les écouter ?

  • Merci René pour votre réaction qui m’appelle à affiner l’expression de ma réflexion .

    1) Je ne reproche aucunement aux évêques de défendre la doctrine .
    – Je leur reproche d’une part , de ne pas se poser la question qui consiste à vérifier si la doctrine, dans son expression figée, est toujours le vecteur le plus adequat pour annoncer l’Evangile . La doctrine n’est pas une fin en soi . elle ne se justifie que comme une aide à l’annonce de l’Evangile .
    -Et d’autre part de donner la priorité à la doctrine quand bien même elle devient ou a minima pourrait devenir ( je ne suis pas si dogmatique que vous le dites ) un obstacle à l’annonce de l’Evangile : exemple le refus de la PMA lorsque le donneur est le mari chez un couple infertile )

    2) On ne peut pas raisonnablement affirmer que la doctrine a traversé vingt siècles . Elle a évolué , voire s’est contredite . Sur la question de la vie intra- utérine par exemple , la doctrine a évolué et ce n’est que progressivement , à partir de 1854 que l’on s’est mis à considérer qu’il y avait une personne humaine dès la conception alors même qu’il n’y a jamais eu de possibilité de funérailles religieuses ni pour les foetus suite à une fausse couche , ni pour les enfants morts nés . De même le dogme de l’immaculée conception constitue un revirement complet de doctrine puisque Thomas d’Aquin lui même considérait que Marie n’était pas indemne du péché originel ( de mémoire il emploie le mot « maculata  » la concernant) .

    3) enfin , n’inversez pas la charge de la preuve , vous avez écrit vous même que les évêques avaient repris certains arguments du CCNE et du Conseil d’Etat . Ce ne sont donc pas les arguments des évêques , mais ceux de la société civile qu’ils reprennent à leur compte . il faudrait donc dire : dans ce cas ce qui est vrai pour tout le monde l’est aussi pour les évêques et non pas l’inverse . La notion de conscience commune à tous les hommes préexiste à la doctrine catholique me semble t il . Là dessus rien à redire hormis qu’ils les instrumentalisent au service de leur présupposés comme j’en ai pris l’exemple avec la CEDH pour justifier leur opposition à la dépénalisation de l’IVG .

    J’espère avoir clarifié notre différence d’approche dans la lecture du texte des évêques et ne vous reproche en aucun cas votre approche écclésio centrée , elle est traditionnelle dans la culture catholique .
    en ce qui me concerne j’adhère totalement à toute la doctrine catholique comme « parole parlée  » , Je la relativise comme « parole parlante  » et m’oppose fermement au magistère lorsqu’il confond et mélange les deux registres .
    On en revient toujours au même problème , ce qui plombe le discours magistériel ce,n’est pas son contenu théorique , c’est qu’il refuse de s’inscrire dans l’histoire , de tenir compte de l’histoire à vivre .
    exemple : je crois à l’indissolubilité du mariage devant Dieu . Je ne crois pas qu’il suffise de le dire au début pour qu’il le soit ipso facto . Je pense qu’à la fin d’une vie de couple par la mort de l’un ou des deux , on pourra dire que l’union sans cesse plus étroite de ces deux êtres a abouti à ce que leur relation soit indissoluble . Pas avant , pas en le décrétant à l’avance . entre le « déjà là » et le » pas encore » qui sont les deux dimensions du sacrement il y a l’histoire à vivre .

    • Eh oui; et lorsque le Christ a déclaré que celui qui mange la chair du fils de l’homme et boit sons sang a la vie éternelle lui non plus ne s’est pas rendu compte que son discours était irrecevable, et il est bien certain qu’à sa place tu n’aurais jamais commis cette erreur et la preuve que c’était une telle erreur que beaucoup de ses disciples sont partis. Quel merveilleux résultat,n’est ce pas ?
      Pour moi si le Christ a prononcé des paroles qui n’étaient pas du tout dans l’esprit du temps il est normal que ses successeurs en fassent autant. Je crois voir de tenir un discours qui risquerait de déplaire. Or pour moi l’Eglise est là pour çà et il ne faut pas oublier que selon la Bible Israêl a toujours rejeté les vrais prophêtes et encensé les faux et nous ; eh bien nous en faisons autant…

      • Dominique, pardonnez-moi, mais le raccourci est un peu facile. S’il suffisait d’être « martyrisé » ou contesté pour être assuré d’être dans la vérité, cela se saurait. Sur la base d’un tel raisonnement on peut justifier tous les aveuglements, tous les totalitarismes…

        • mais René loin de moi,bien sûr l’équation selon laquelle si on est rejeté c’est le signe absolu qu’on est dans la vérité, ça serait évidemment beaucoup trop simple, mais je voulais rappeler néanmoins ces passages de l’Ecriture passages très désagréables si l’on veut les prendre au sérieux.
          En bref,pour être Chrétien il ne faut
          pas craindre d’être incompris, mais j, je suis bien d’accord être incompris en même temps ne prouve strictement rien.

        • Le raccourci de Dominique est peut-être un peu facile, mais il y a tout de même une grande part de vérité dans ce raccourci.
          Le Christ a été rejeté car sa parole, qu’elle soit « parlée » et/ou « parlante », prenait ses contemporains à contrepied.
          Quant à ceux qui l’ont suivi jusqu »au martyre, au risque de se tromper, c’est qu’ils avaient mis leur confiance dans cette parole et reconnu dans cette parole la Parole faite chair en notre humanité.
          A jeter la suspicion sur toute parole de l’Eglise institution, on prend le risque de se poser orgueilleusement en juge de tout (les scribes et les pharisiens) ou comme Pilate en sceptique se lavant les mains (« Qu’est-ce que la vérité ? »).
          Quant aux totalitarismes, il me semble qu’ils sont plutôt du côté des bourreaux que des martyrs… ou ici de la pensée dominante que de la contestation du prêt à penser…

      • Dominique, je crains que vous ne fassiez un contresens.
        Lorsque Jésus dit ces paroles, c’est leur nouveauté qui choque et qui fait fuir une partie de ceux – bien installés dans leurs certitudes – qui ont accepté de l’écouter jusqu’a ce moment, mais refusent de se laisser déranger. Ils fuient le vin nouveau.

        C’est précisément l’inverse qui se passe aujourd’hui, où la parole du magistère en général – et du texte des évêques – choque non plus par son côté révolutionnaire – ce qui est la marque du Christ – mais par son côté « archaïque ».
        On tente de nous convaincre qu’il est urgent de ne rien changer.

        Cette posture de « certitudes » est tellement ancrée dans l’Eglise qu’elle est dénoncée par le Pape François lui-même, lui qui rappelle la nécessité de s’interroger à chaque fois si tel ou tel changement ne serait pas en réalité « du vin nouveau ».
        (Gaudate et exsultate : « [..] il faudrait alors discerner pour savoir s’il s’agit du vin nouveau de Dieu ou bien d’une nouveauté trompeuse de l’esprit du monde ou de l’esprit du diable »).

        Ce que je reproche au final au magistère est de se croire « gardien » de la doctrine, alors qu’il devrait s’en sentir « responsable », deux attitudes très différentes.

        • Emmanuel, je ne crois pas du tout faire de contresens en ce qui concerne la fuite des disciples après le discours sur la Pain de Vie. Jésus Révolutionnaire alors ? Si l’on en croit le texte les disciples le quittent uniquement parce qu’il révèle quelque chose d’inconcevable au regard humai : « comment cet homme-là pourrait-il nous donner sa chair à manger ? » Et lorsqu’il interroge les Apôtres : « allez-vous partir vous aussi ? » et que Pierre répond « a qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » je ne crois pas du tout que Pierre ait alors vu Jésus révolutionnaire.

          Quant au « Vin Nouveau » j’ai tendance à considérer que le Vin Nouveau et la soupe tiède n’ont strictement rien à voir ensemble.

          Par ailleurs je ne vois pas trop la distinction que vous faîtes entre être gardien et être responsable car l’un ne va pas sans l’autre.

          Enfin, j’ai la faiblesse de ne pas prendre les évêques pour une bande de rigolos ne se posant jamais aucune question si ce n’est celle de comment faire encore tourner la baraque ? Je n’en déduis pas pour autant bien sûr qu’ils sont infaillibles mais parfaitement honnêtes pour la plupart d’entre eux. Ce que je sais, c’est que pour rien au monde je ne voudrais être à leur place^car pour être critiqués voire calomniés quoi qu’ils fassent ou presque ou être entourés d’une cour plus ou moins hypocrite. MERCI !

  • à Michel de Guibert
    Vous vous trompez de débat . Il ne s’agit pas de jeter la suspicion sur la parole du magistère par principe . En ce qui me concerne j’essaie aussi honnêtement que possible , en apportant des arguments , tout en connaissant l’irréductible part de subjectivité résiduelle propre à toute prise de position , d’analyser ce que les évêques écrivent sur la PMA . Vous même, tout comme René considérez , si je vous lis bien, que cette prise de position des évêques pose quand même quelques sérieux problèmes ( lorsque le donneur de sperme est le mari dans une PMA ) .

    Ma critique principale est d’ordre méthodologique . On ne peut plus , aujourd’hui plus qu’hier encore, prétendre pouvoir dire le bien et le mal moral à priori et de manière générale . On ne peut pas vouloir réduire à une approche exclusivement juridique (permis /interdit) valable en toutes hypothèses , le contenu du message évangélique dont toute l’herméneutique est un appel à la lucidité sur le réel et une exhortation à l’orientation de sa liberté vers la confiance en l’amour inconditionnel de Dieu .

    En deux mots , ce que je reproche au discours des évêques est de se situer plus dans le registre de la recherche d’un bon ordre social que dans la recherche de ce que l’Evangile implique pour notre manière d’être au monde . Donc de fonder leur discours plus sur la méfiance vis à vis de l’homme et de son comportement qu’il s’agit alors d’encadrer strictement plutôt que d’appeler à promouvoir ce que l’homme a de meilleur en lui quand il exerce sa liberté éclairée dans la confiance en l’amour inconditionnel de Dieu .

    Pour prendre un exemple concret : Concernant Luc 7,36-50, regarde t’on le comportement de cette femme qui ne sait comment exprimer ce qu’elle ressent comme provoquant et indécent ou y voit on, comme Jésus l’expression , sans doute maladroite d’un amour véritable ?
    Les tenants du bon ordre social choisiront la première occurrence . Quand on prétend témoigner de l’Evangile , on ne peut pas se situer , exclusivement sur ce registre là . Or c’est pourtant sur sur ce seul registre que se situe le discours des évêques : accès aux sacrements des divorcés remariés , IVG , contraception , fin de vie , bioéthique , PMA ….
    Que son rôle dans l’histoire ait conduit l’église à se croire la gardienne d’un ordre social chrétien est une chose , qu’elle prétendre encore se croire investie de cette mission là et qu’elle prétende de surcroit le faire au nom de l’Evangile n’est plus aujourd’hui ni audible ,ni acceptable .

    La société civile comme nombre de catholiques l’ont parfaitement compris et attendent d’elle qu’elle témoigne enfin de l’Evangile et exclusivement de lui .

    • Merci Guy, je pourrais adhérer à beaucoup des choses que vous dites sur notre rapport de chrétiens au monde, et je vous suis complètement dans votre lecture de Luc 7,36-50, mais je pense que nous n’avons pas dû lire le même texte des évêques.

  • A Michel
    Si vous adhérez à certains points de ce que j’essaie d’exprimer , j’ai du mal à comprendre comment la logique même, les présupposés de méthode dont procède le texte des évêques et que j’ai longuement évoqué dans mes post précédents ne vous questionne pas .

    Autant je n’adhère pas par principe ce que disent les évêques au seul motif que ce sont eux qui le disent ,(mais vous l’aviez sans doute remarqué ) autant je ne rejette pas par principe leur discours pour la même raison .Mais il y a quand même plus qu’un hiatus entre la recherche du bien commun vertueux pour la cité et les conseils évangéliques .Il me semble même que c’est précisément pour cette raison que Pilate a accédé a la demande de la caste des sacrificateurs juifs de faire condamner Jésus .

  • Pingback: Lettre ouverte à un jeune ami de la Manif pour tous | René Poujol

  • A René : les obligations professionnelles m’ont éloigné quelques jours du blog, et je ne retrouve plus un message dans lequel vous parliez à mon égard de « procès d’intention contre les évêques ».
    Le message à peut-être été effacé, quoiqu’il en soit je vous remercie de l’avoir formulé, parce qu’il me semble finalement assez juste, et qu’effectivement, je ne parviens plus à lire un texte d’évêque sans y traquer une intention sous jacente.

    Je reste assez marqué par l’époque où je me renseignais sur Humanae vitae, la théologie du corps et tout ce qui touche à ce sujet. Lisant les textes « officiels » du magistère – et uniquement ceux-la – j’ai un temps été très convaincu qu’il était dans le vrai, qu’il osait dire les choses. Jusqu’à ce que la nature me rappelle à la réalité (heureux rappel, sous la forme d’une adorable petite fille). Soupçonnant une incohérence, j’ai finis par varier mes sources, et par trouver des écrits qui m’on montré que le magistère était sur ces sujets beaucoup moins conforme à l’Évangile que je ne le pensait.

    D’ou le doute permanent qui m’habite maintenant. Lire un document des évêques sur la PMA me fait le même effet que lire un document sur les dangers de la viande écrit par un végan : cela peut être intéressant, il peut y avoir des parts de vérité, mais cela ne peut suffire à discerner.

    • Je ne vais par aller chercher le texte que vous mentionnez… Cela ne servirait à rien, vous le dites vous-même. Mais je puis vous assurer que je n’ai rien effacé. Je vous surprendrai peut-être en vous disant que je formule les mêmes réserves vis-à-vis d’Humanae Vitae et de la théologie du corps. Et que je ne cesse d’écrire sur ce blogue qu’il y a urgence pour l’Eglise à reconsidérer les fondements de son enseignement sur la sexualité humaine.

      Pour autant, je crois qu’au nom de l’honnêteté intellectuelle, il faut de fait éviter les procès d’untention, et prendre tout texte ou partie de texte pour ce qu’elle dit de vrai et de juste. Or, encore une fois, il n’y a pas que de « l’idéologique » dans le texte des évêques même s’ils ont le souci quasi obsessionnel de toujours justifier chaque paragraphe par cohérence au magistère et à la doctrine…

      • >’il y a urgence pour l’Eglise à reconsidérer les fondements de son enseignement sur la sexualité humaine.
        Est-ce qu’il n’y aurait pas encore plus grande urgence du magistère à se taire sur ces questions ?

        Jésus ne passe pas des heures à argumenter. Il nous recommande très clairement, lorsque l’on n’est pas entendu : : « sortez de cette maison ou de cette ville et secouez la poussière de vos pieds ». Ce que je comprend comme : se garder d’intervenir tant que l’on n’a pas la possibilité de délivrer une parole parlante (pour reprendre la très jolie distinction de Guy). Il le fait à l’identique dans l’épisode de la femme adultère (Jean 8, 1-11) : il n’argumente pas, il fait silence, jusqu’au moment ou il prononce une parole fulgurante qui va désarmer ses adversaires… et juste après, il retourne dans son silence, ce qui augmente encore la puissance de ce qu’il vient de dire.

        Jésus, c’est Jésus, il a ce talent incomparable pour unir l’éthique de responsabilité avec l’éthique de conviction. Nos évêques ne sont pas Jésus, on ne peut les en blâmer. S’ils pouvaient juste faire silence, reconnaissant qu’ils ne détiennent pas la vérité – pas plus d’ailleurs que l’esprit du monde ne la détient – ce serait a mon avis un grand pas.

        • Il est parfois utile en effet de faire silence, c’est l’attitude de la pécheresse pardonnée, de Marie Madeleine, de Marie de Béthanie.

  • René, vous avez gentiment « retoqué » un post, en m’invitant à être plus clair. Votre échange avec Emmanuel m’incite à exprimer plus clairement pourquoi l’institution n’est pas prête de renouer avec une audience qu’elle a perdu par ses erreurs réitérées à force de se croire si proche de Dieu donc au-dessus du vulgus pecum *.

    L’essentiel de l’anthropologie qui fonde les religions chrétiennes repose sur des mythes, significatifs de la manière dont l’humanité se comprenait, disons entre 5 et 2 millénaires avant notre ère. Ces mythes nous ont été transmis par des groupes de scribes au service du temple et/ou du roi de Judée, entre -700 et -70.

    Il semble désormais révolu le temps ou la dynamique démographique était sans effet sur le regard que l’homme porte sur lui-même: la vieille anthropologie est emportée par la foultitude!
    Entre -5000 et 0, la population a été multipliée par 20 en 50 siècles (passée de 10 millions à 200); est restée stable jusqu’à 1000: puis multipliée par 8 en 9 siècles, atteignant 1.6 milliards en 1900; enfin multipliée par 4 au XXème siècle. Ainsi, le coefficient linéaire de croissance par siècle est passé de 0.4 entre « -5000 et 0 » à 4 au XXème siècle.

    Il est salutaire que la société des hommes s’interroge sur ce fait majeur en matière d’écologie, de migrations, de ressources naturelles, de conflits entre « races » et régions du monde, de vieillissement de la population, .. Les religions, singulièrement la notre, sont-elles aptes à se remettre en cause? Trop d’indices montrent que non, si ce n’est à la marge. C’est le cas en particulier pour ce qui touche à la reproduction et aux conditions nécessaires à la découverte de ce qu’est l’Amour y compris dans sa dimension charnelle.

    « Croissez et multipliez » a pu être crédible tant que la dynamique de la population restait peu perceptible à l’échelle de quelques générations. Aujourd’hui, ce précepte est out et, surtout, dangereux. La beauté intellectuelle et spirituelle de HV n’en fait pas moins une erreur majeure. La beauté de la tradition du couple seulement homme et femme n’est pas en cause, seulement elle est bonne pour le musée. C’est une erreur majeure que considérer un couple en prenant en compte le genre de chacun de ses membres alors que ce qui importe est seulement l’honnêteté de leur Amour. Il faut faire confiance à l’Amour, malgré des raisons sérieuses de craindre des déviances à caractère mercantiles, …

    * La manière dont Rome (Cl Ferrer) traite « la parole libérée » dans « l’affaire Barbarin » est significative du dédain hautain d’hommes au dessus des autres. Ça ne passe plus! https://www.ouest-france.fr/faits-divers/pedophilie/affaire-barbarin-vers-un-proces-en-janvier-mais-sans-un-prelat-du-vatican-egalement-accuse-5948194

    • En effet, il faut remettre en question.

      « Croissez et multipliez-vous » a pu être crédible tant que … » : car cette expression a traversé les siècles tant que personne ne la remet en question.

      Comme ces autres expressions, d’ailleurs, également issues de la tradition religieuse et qui traverseront les siècles tant que personne ne les aura remises en question :
      – [moi, Dieu] J’augmenterai la souffrance de tes grossesses
      – Tu enfanteras dans la douleur
      – Il [le mari] dominera sur toi
      Cf. Genèse 3 :16 :
      « Une fois devenus désobéissants et par là, une fois devenus conscients, les humains sont chassés d’Eden avec des conséquences pour leur vie future:
      Il dit à la femme: J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi. »

        • Si ce n’est que l’unique préoccupation de l’auteur et de quelques autres est de « remettre en question »…

          • Michel, la « remise en question » vous ferait-elle peur ?
            Et si oui, pourquoi donc ?

            Le Magistère semble nous faire croire qu’à tout propos il aurait trouvé – une fois pour toutes – la réponse idéale, ce que je trouve particulièrement contestable.
            A preuve : la situation inextricable qui règne actuellement suite à la pédophilie dans l’Eglise et à la loi du silence qui a toujours prévalu à son sujet.

          • A reporter depuis des siècles les sujets difficiles, il reste peu de « l’Eglise du dedans » … Bientôt les rares bavards du dehors et ceux qui s’efforcent de maintenir un lien entre dedans et dehors vont se taire. Ce n’est pas ce que vous souhaitez, mais ce à quoi vos certitudes vont inéluctablement conduire? Si le grain ne tombe en terre, …!

          • Non, ce n’est pas la « remise en question » qui me fait peur en soi, mais le climat de suspicion, l’orgueil, l’arrogance, cette certitude d’être toujours le bon droit.
            A mes yeux le témoignage et l’évangélisation sont plus importants et plus urgents que toutes les ratiocinations, surtout quand elles sont malveillantes.
            Il faut revenir à l’essentiel !

          • Michel, je vous répondrais : (espérons sans « arrogance » ..)

            Au risque de prendre pour argent comptant :
            – [moi, Dieu] J’augmenterai la souffrance de tes grossesses
            – Tu enfanteras dans la douleur
            – Il [le mari] dominera sur toi

            Quant au « climat de suspicion », il me semble totalement justifié dans le cas de la loi du silence qui a toujours régné à propos de la pédophilie dans l’Eglise.

            Abraham Lincoln avait sans doute raison lorsqu’il a dit :
            « On peut tromper une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tromper tout le peuple tout le temps. »

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