Synode sur la famille : du jugement à la bienveillance

Synode sur la famille : du jugement à la bienveillance

Si l’Eglise ne retire pas un iota de sa doctrine sur le mariage et la famille, elle saute généreusement le pas de la miséricorde. Et cela change beaucoup de choses ! 

Exhortation apostolique

Cet article a été repris et mis en ligne sur les sites Aleteia et causeur.fr ainsi que sur le site du diocèse de Gap que je remercie. 

D’une longue fréquentation des textes pontificaux j’ai appris qu’il fallait les lire deux fois. Dans une première lecture, on part fébrilement à la recherche des paroles que l’on voudrait entendre, au risque d’être déçu si l’on ne les y trouve pas. De ce point de vue, Amoris Laetitia (1) n’a pas dérogé à la règle. Sur aucune des «questions qui fâchent», qu’il s’agisse de la contraception, de la conjugalité homosexuelle ou de l’accès aux sacrements des divorcés remariés, le pape François n’apporte explicitement la réponse attendue par de nombreux fidèles, dont je suis. Une seconde lecture, dans la foulée, fait alors découvrir le texte pour lui-même et ses richesses. Et procure quelques surprises pour peu qu’on sache lire les notes en bas de page.

Les derniers paragraphes de l’exhortation apostolique en résument parfaitement l’esprit lorsque le pape écrit : «D’aucune manière l’Eglise ne doit renoncer à proposer l’idéal complet du mariage» (2) avant de poursuivre : «Cependant, il faut accompagner avec miséricorde et patience les étapes possibles de croissance des personnes qui se construisent jour après jour.» (3) Et comme pour répondre par avance aux objections il précise : «Je comprends ceux qui préfèrent une pastorale plus rigide qui ne prête à aucune confusion. Mais je crois sincèrement que Jésus Christ veut une Eglise attentive au bien que l’Esprit répand au milieu de la fragilité.» (4)

Un seul modèle, plusieurs réalités…

Tout est dit. Et les deux-cent soixante pages de ce texte, organisé en trois-cent vingt-cinq paragraphes n’est que le long développement de cette double exigence : fidélité et ouverture. Si le pape François, se faisant en cela l’expression du synode romain, ne veut pas toucher à la doctrine c’est parce qu’elle exprime le «projet de Dieu» sur la famille, et que ce que propose l’Eglise au travers du sacrement de mariage, lui semble correspondre à ce à quoi continuent massivement d’aspirer nos contemporains : un amour durable, vécu dans la fidélité et la fécondité.

L’exhortation apostolique réaffirme donc la conviction de l’Eglise que le seul modèle familial réellement utile à la société est celui qui repose sur le mariage hétérosexuel indissoluble et fécond. «Aucune union précaire ou excluant la procréation n’assure l’avenir de la société» écrit le pape François (5) Ce qui, bien évidemment, ne correspond pas à l’état actuel de l’opinion publique dans un pays comme la France. Pour autant, prenant acte de la diversité des familles et des situations, le texte reconnaît l’existence «d’éléments positifs» dans d’autres formes matrimoniales : concubinage, mariage civil ou remariage. Il invite donc les prêtres à accueillir les personnes telles qu’elles sont, sans renoncer à leur proposer l’idéal que préconise l’Eglise au travers de ce que le texte appelle une «pédagogie divine.»

Des vertus d’une note de bas de page…

Pour le pape François, le chemin est clair : «Deux logiques parcourent toute l’histoire de l’Eglise ; exclure et réintégrer (…) La route de l’Eglise, depuis le Concile de Jérusalem, est toujours celle de Jésus : celle de la miséricorde et de l’intégration. (…) La route de l’Eglise est celle de ne condamner personne éternellement.» (6) Or, précisément, la question soulevée par le refus d’admettre aux sacrements les divorcés remariés est bien celle d’une «condamnation à perpétuité». Si l’exhortation apostolique ne lève pas «explicitement» l’interdit, tout le propos du pape François est de nous faire comprendre qu’il y invite, dans le discernement.

Il écrit : «Il est possible que, dans une situation objective de péché, l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Eglise.»  Pour qui est peu averti du langage ecclésiastique cela pourra sembler bien banal ou obscur. Il n’en est rien ! La mention faite de «l’aide de l’Eglise» peut déjà suggérer qu’il puisse y avoir là une possible allusion à l’accès aux sacrements. Une lecture plus attentive montre que cette phrase fait l’objet d’un renvoi à une note de bas de page n°351 où il est dit «Dans certains cas, il peut s’agir aussi de l’aide des sacrements.» Le mot est lâché ! La boucle est bouclée. Sans crier gare, en évitant toute provocation inutile sur un sujet sensible, le pape François, comme l’assemblée synodale l’y autorisait, ouvre une porte verrouillée depuis toujours. (7)

L’Eglise accepte-t-elle de recevoir aussi, de la société ? 

On savait l’homme rusé et déterminé. Il en apporte ici la preuve, dans une totale fidélité aux délibérations des Pères du Synode. C’est là un point qu’il convient de souligner : on est étonné de la volonté manifeste du pape François de «jouer le jeu» de la collégialité synodale, en n’allant pas au-delà du consensus exprimé au terme des deux sessions.

Faut-il en conclure que l’Eglise change d’époque ? Sans doute pas ! Si la lecture, même rapide, de ce texte séduit très vite par sa richesse et l’ouverture qu’il propose, un point au moins continue de faire question. Certes, l’Eglise accepte de regarder la société telle qu’elle est, en évitant de multiplier les condamnations que l’on pouvait trouver sous la plume de ses prédécesseurs. Mais cette description des réalités de la famille contemporaine semble ne l’interpeller que sur sa capacité – ou sa non-capacité – à faire prévaloir sa propre « vision »  dans la société. Jamais l’Eglise ne se reconnaît questionnée «au fond» par telle ou telle réalité nouvelle.

Il y a là un décalage, pour ne pas dire une contradiction, avec les propos du pape François dans son interview aux revues Jésuites de l’été 2013 où il déclarait : «La compréhension de l’homme change avec le temps et sa conscience s’approfondit aussi (…) Les sciences et leur évolution aident l’Eglise dans (sa) croissance en compréhension.» (8) Or, on reste étonné que sur une question aussi sensible que la contraception, l’exhortation revienne à quatre reprises sur l’encyclique Humanae Vitae pour en souligner la pertinence notamment en ce qui concerne le lien exclusif qui existerait entre méthodes naturelles et respect de la dignité de la personne (9), ce qui mériterait un plus large examen.

De même, sur la question de l’homosexualité, on s’étonne que l’exhortation donne le sentiment de ne pas «entendre» les personnes homosexuelles elles-mêmes et de ne pas leur parler. Sinon pour confirmer, comme pour les autres personnes  se trouvant dans des situations non conformes à l’enseignement du magistère, qu’elles sont aimées de Dieu et ont toute leur place dans l’Eglise. La seule attention pastorale vise leurs familles – parents ou enfants – que le texte invite à accompagner avec charité. Ce qui peut sembler un peu court.

Que dire d’autre ? Qu’il faut lire et sans doute relire Amoris Laetitia, selon l’invitation du pape François lui-même. En prenant le temps d’entrer dans une réflexion dont ne peuvent rendre compte les codes binaires et expéditifs de la communication dans nos sociétés modernes. Pour l’Eglise, restera malgré tout posée une question essentielle : comment faire prendre conscience de ce nouveau regard sur les réalités familiales, à celles et ceux qui sont éloignés d’elle ?

________

  1. Exhortation apostolique post-synodale Amoris Laetitia, pape François, 260 p. à paraître dans les prochains jours chez de nombreux éditeurs.
  2. n°307
  3. n°308
  4. ibid
  5. n°52
  6. n°296
  7. Il est même possible que cette «ouverture» ait échappé aux membres de la Secrétairerie d’Etat du Vatican qui ont traduit le texte en différentes langues. Dans un document pédagogique «questions et réponses» fourni aux évêques et aux journalistes, ils écrivent à propos des divorcés remariés : «Même s’ils ne peuvent pas prendre pleinement part à la vie sacramentelle de l’Eglise, ils sont encouragés à participer activement à la vie de la communauté». Ce qui était la position de l’Eglise…. avant l’exhortation !
  8. Pape François, l’Eglise que j’espère, Ed. Flammarion – Etudes, p. 132
  9. n°82

32 comments

  • Merci, cher René Poujol pour votre commentaire si bienveillant et lumineux. J’y adhère sans réserve. Il me semble que le ‘déroulement des têtes de chapitre’ donne aussi une impression de paix et de cette sérénité que les gens de notre génération devraient avoir, me semble-t-il le devoir de transmettre.

    Pour ce qui concerne les références à Humanae Vitae qui navreront plus d’un esprit, j’y vois, malheureusement, une des seules concessions faite à une sorte de ‘politique vaticane’ au sein de laquelle l’argument africain me semble un mauvais argument

    Bien fidèlement à vous. Elisabeth Dufourcq

  • Merci René pour ton analyse et ton point de vue juste et courageux.
    Ce pape nous fait grandir dans la foi et la charité. Je suis heureux de partager cette réflexion avec toi.
    Bruno Courtois

  • Ayant entendu aux informations qu’une porte venait de s’ouvrir aux divorcés remariés, j’ai bondi de joie en pensant à la profonde joie et la paix que devaient ressentir mes frères et soeurs (spirituels) divorcés.remariés. Pensez donc, vis – vis de l’Eglise catholique , » ces pêcheurs publiques » leur faute était un péché irrémissible…Situation désespérante à moins de se détacher de leur Eglise ou même d’un Dieu qui paraissait tellement loin des réalités de la vie et rancunier vis-à vis des « ratées » humaines.

    Je me réjouissais tant pour eux que, dès le petit matin.je me suis précipitée sur mon ordi à la recherche des paroles de notre Pape François, paroles de miséricorde. Impossible de trouver un écho à ma gratitude! Que des criques de journalistes face à un acte qui révèle le courage du Souverain Pontife qui n’hésite pas, pour revenir à l’esprit de l’Evangile, à se faire de nombreux ennemis. Au lieu de critiques négatives, émerveillons-nous de l’Amour de François, notre Pape, cadeau merveilleux de l’Esprit qui se rend présent aux souffrants du monde.(1)

    (1) Pas seulement aux divorcés remariés

  • Alors il faudrait le remercier, nous homosexuel, de daigner nous laisser respirer ?

    En perpétuant l’idée que l’homosexualité est une grave déviance, des jeunes vont encore être tourmentés et se suicider, convaincus de ne pas être normaux, d’être condamnés à une vie de solitude car incapables d’avoir une  »vraie » vie affective.

    Cette Eglise continue de sous-entendre qu’être homosexuel n’est pas tout à fait humain, que, dans le fond, nous sommes né pour rien puisque, selon elle, nous ne pouvons participer au ‘dessein de dieu »…

    Tout humains a le besoin d’avoir un sens à sa vie et cette Eglise crache sur le  »sens » de la vie des homosexuels. Ce qui crée des tourments inutiles et injustes. Jamais elle ne daigne, même faiblement, dire que cela puisse avoir du bon, juste même un peu.Cela reste un mal objectif pour elle.

    En faisant cela, elle condamne à mort les homosexuels, une lente mort spirituelle.Et souvent, une mort réelle pour les jeunes homosexuels qui vivent dans une famille catholique où ils sentiront toujours un pesant jugement, même si il est silencieux.

    • D’accord avec vous Tom, ce pape a beau aller de l’avant, il n’est pas plus libre que chacun de nous. La pesanteur cléricale est bien plus puissante que la pesanteur physique! Alors je ne lui en veut pas, je regrette. Pour ce qui est de l’Église, on n’est pas obligés de croire ce qu’on nous a inculqué -que l’Église c’est le pape, les évêques, les baptisés-. Pour moi, l’Église est l’ensemble des humains de bonne volonté dont nous faisons partie, baptisés ou non, croyant ou non. Les humains ont toujours souhaités aimer les autres -et être aimés d’eux-, ils ont toujours, aussi, causés des peines et des souffrances à leurs frères comme à eux-mêmes. Nous sommes souvent maladroits et, selon mes observations, rarement pêcheurs, et jamais pêcheurs quand il s’agit d’Amour.

      • Je vous signale tout de même que la définition que vous donnez de l’Eglise est pour l’essentiel celle qui fut adoptée au Concile Vatican II. Il est écrit dans Gaudium et Spes (n°22) : « Nous devons tenir que l’Esprit Saint offre à tous, d’une manière connue de Dieu, la possibilité d’être associés au mystère Pascal » (sous-entendu : même en-dehors de l’Eglise instituée).

        Cette position a été ultérieurement précisée par la Commission théologique internationale en ces termes : « C’est à travers la vie, le témoignage de l’action quotidienne des disciples du Christ que les hommes sont conduits vers leur Sauveur. Certains, par la connaissance du signe de l’Eglise et la grâce de la conversion, découvrent qu’elles sont la grandeur de Dieu et la vérité de l’Evangile, de sorte que pour eux l’Eglise est tout à fait explicitement « signe et instrument » de Salut. D’autres sont associés par l’Esprit Saint d’une façon que Dieu seul connaît au mystère Pascal du Christ et donc aussi à l’Eglise ».Cité par Maurice Vidal dans son livre A quoi sert l’Eglise, Bayard Editions 2008, p.135)

  • Très bonne analyse, mon cher René, à laquelle je souscris assez largement.
    Cependant, il me faut lire ce texte une deuxième fois afin d’y déceler les signes de ouverture que j’appelle de mes vœux et que j’ai perçus comme des « signaux faibles » lors de ma première lecture.
    Je trouve, en effet, très alambiqués les propos relatifs à l’accès aux sacrements des divorcés remariés.
    L’éloge des méthodes « naturelles » de régulation des naissances relève d’un aveuglement insensé.
    L’absence, enfin, d’ouverture envers les personnes homosexuelles est choquante. Les personnes homosexuelles ne sont-elles pas sacrifiées sur l’autel de l’unité de l’Église ?

    • Merci de ce commentaire. Il me permet d’expliciter un peu la réserve formulée dans mon texte sur l’insuffisante prise en compte par l’Eglise, des progrès des sciences humaines. L’Eglise reste trop sur l’idée « à tout péché miséricorde ». Sauf que pour nombre de catholiques la question est précisément de savoir si l’utilisation de la contraception artificielle et les relations homosexuelles peuvent être considérez comme des péchés. C’est ce que dit à ce jour l’enseignement de l’Eglise mais que certains, dont je suis, ont du mal à valider. Comment considérer l’hétérosexualité comme un idéal à atteindre, pour une personne qui se sent profondément homosexuelle ? C’est tout simplement absurde !

      Sur l’homosexualité on voit bien la difficulté pour l’Eglise : lire d’une autre manière, plus large, le texte de la Genèse. Accepter une autre compréhension de l’altérité et de la fécondité. J’ai écrit, voici quelques mois, sur ce blogue, pourquoi je craignais que sur ce sujet l’Eglise ne « bouge pas » de sitôt. https://www.renepoujol.fr/homosexualite-pourquoi-leglise-ne-bougera-pas/

      Le texte, au demeurant très riche, du pape François, en apporte la preuve manifeste.

      • « A tout péché miséricorde. Sauf que … considérées comme des péchés » écrivez-vous.

        Il me semble toutefois que sur la question de savoir s’il y a péché ou non, le Pape évite soigneusement de se prononcer.
        Car quoi qu’il en soit, et pour mettre tout le monde d’accord, le Pape joue ici la carte de la miséricorde – à la façon d’un « Joker » toujours gagnant.

        • Je ne crois pas du tout que contrairement à ce que je lis ici ou là, le pape François évite de se prononcer sur la nature du péché ou même le remette en cause. Il a toujours dit exactement le contraire. Simplement une partie de ses lecteurs se méprennent dans la mesure même où ils restent figés sur l’idée que la miséricorde est forcément liée au péché et le suppose, ce qui, pour le coup, n’est pas la pensée du pape François qui développe dans ses écrits une approche beaucoup plus large de la notion de miséricorde.

          • René, vous écrivez ci-dessus : « ce qui, pour le coup, n’est pas la pensée du pape François qui développe dans ses écrits une approche beaucoup plus large de la notion de miséricorde. »
            Pourriez-vous développer un peu plus ce que vous entendez par « plus large »…

            Pour ma part, je considère que la notion de « miséricorde » ( = compassion pour autrui dans la difficulté) n’a pas grand chose à voir avec « le péché », mais dans votre doctrine catholique l’un ne va pas sans l’autre…
            On a de la miséricorde pour le « pécheur » et encore…. à condition qu’il se repentisse, « aille à confesse » comme on disait dans mon temps, et surtout « prenne la ferme résolution de ne pas recommencer ».

            Or la compassion pour une femme violée (simple exemple…) ne suppose pas qu’elle ait péché de l’avoir été…

            Le pape change-t-il la doctrine chrétienne sur ce point ?

          • Je n’ai pas sous la main la documentation qui me permettrait de répondre précisément à votre requête (je suis en déplacement). Mais je peux sans crainte de fausser la pensée du pape François répondre que la notion de miséricorde, telle qu’il la précise dans plusieurs documents liés à l’année de la Miséricorde, se rapproche en effet de la notion de compassion telle que vous la définissez. C’est dire qu’elle échappe au seul domaine du péché où certains rêvent de l’enfermer (pas de miséricorde pour les divorcés-remariés plaident certains, si les intéressés ne mettent pas fin à une union durable adultère donc pècheresse ou, tout du moins, ne s’engagent pas à vivre le restant de leurs jours en « frères et sœurs » donc dans la continence).

            Lorsqu’on lit dans les Béatitudes : heureux les miséricordieux car il leur sera fait miséricorde, on voit bien qu’on est déjà au-delà de la simple situation de péché puisqu’il n’y a de péché que contre Dieu. Le pape François va en effet plus loin, mais je ne suis pas sûr qu’il révolutionne la pensée catholique sur le sujet. Simplement (c’est en tout cas mon sentiment) il remet à l’honneur une lecture que nos moralistes avaient trop vite abandonnée.

  • Ce débat est intéressant par sa richesse et le respect mutuel des interlocuteurs. Mais il esquive une difficulté : celle de comprendre un texte de plus de deux cents pages, qu’il faut lire entre les lignes pour en dégager le véritable sens. Est-ce une façon efficace de communiquer? Ou bien est-ce une contrainte de nature politique, à savoir de ne pas créer un schisme en énonçant une position claire? Est-ce une marque du christianisme ou bien de l’Eglise catholique?

    Certes on sort de l’automatisme des condamnations. Mais on continue de présenter un idéal de la famille que la plupart des fidèles sont bien peine d’atteindre. Faut-il alors parler de bienveillance ou de miséricorde pour certains actes qui sont objectivement honnêtes et justes, comme l’usage de la contraception, le remariage des divorcés ou les relations homosexuelles?

    Le pape François est habile et évite de déclencher une controverse qui pourrait déboucher sur un schisme. La crainte de celui-ci doit elle constituer un impératif? Ne serait-il pas plus habile d’admettre une diversité d’opinions sur ce sujet en conformité avec les mœurs d’un lieu ou d’une société que de vouloir toujours énoncer une norme universelle? Ce document témoigne de l’impasse dans laquelle l’Eglise catholique s’est enfoncée. On attend qu’elle accepte de s’être trompé jadis. Combien de société civile ne sont-elles pas plus ouvertes c’est-à-dire plus proches de l’esprit du christianisme dans ce qu’il a de plus authentique?

    • Mon cher Jacques, je suis heureux de ce commentaire qui, venant de vous, m’honore et dont je partage l’esprit. Dans un article publié aux Etats Unis, sur lequel je pense revenir dans un prochain billet de ce blogue, le jésuite James V. Schall parle à propos de l’exhortation apostolique « d’abolition du péché ». Il y a là, d’évidence, quelque exagération. Ce qui est vrai, en revanche, comme vous le soulignez, c’est qu’à ne pas vouloir toucher à la doctrine – par peur de créer un schisme – on se condamne à passer à côté de l’essentiel et à fausser le sens de l’ouverture pastorale. Je vous suis – et cela donne en partie raison au jésuite américain – pour dire que nombre de croyants ne peuvent plus percevoir comme étant systématiquement un péché, l’usage de la contraception, les relations homosexuelles voire le remariage. Certains parleront d’affadissement du sens moral ! On peut tout aussi bien plaider une lecture différente mais exigeante de la Parole de Dieu.

      L’ouverture à la vie du couple hétérosexuel peut être lue comme projet global du couple plutôt que comme engagement de chaque acte sexuel… la relation homosexuelle se fonder sur une autre approche de l’altérité (tout autre est différent de moi, fut-il du même sexe) et de la fécondité qui n’est pas que biologique ; le remariage n’est pas condamné à une lecture de « persistance dans l’état de péché » comme le développe notamment Mgr Jean-Paul Vesco dans son livre Tout amour véritable est indissoluble (Cerf).

      Bref, comme j’ai souvent eu l’occasion de l’écrire dans ce blogue (https://www.renepoujol.fr/synode-sur-la-famille-un-enjeu-historique/), c’est la vision que l’Eglise se fait de la sexualité qui est aujourd’hui questionnée. Et cela ne se réduira pas à des adaptations pastorales, voire doctrinales… sans toucher à certains dogmes. Je pense ici à ce « péché originel » dont on sait l’influence sur la vision catholique de la sexualité (un péché originel fondé sur une certaine lecture de la Bible et qui, pour autant, n’est repris par aucune autre confession chrétienne ou religion du Livre). Ce thème est fort bien développé dans votre livre Le savoir croire, auquel je faisais référence dans cet article : https://www.renepoujol.fr/synode-sur-la-famille-les-elements-dun-possible-debat/

      Je crois donc comme vous que le pape François est à la fois parfaitement conscient de la vraie nature de la remise en cause de la morale conjugale portée par nombre de croyants non pas en rupture mais en fidélité exigeante à ce qu’ils « entendent » de l’Evangile du Christ, mais qu’il porte le souci d’avancer à petits pas pour ne pas briser l’Unité. Peut-être me singulariserai-je par rapport à votre radicalité en écrivant que je puis comprendre ce choix même si, à terme, reste posée la question de la crédibilité de l’Eglise dans son rapport aux données de la science.

      • @ René,

        vous dites : « avancer à petits pas pour ne pas briser l’Unité »
        Peut-être faudrait-il s’interroger sur cette notion d’unité. Surtout avec une majuscule.
        N’est-elle pas souvent assimilée au concept de pensée unique ? Une seule doctrine valable pour toute la planète. Un magistère gardien de celle-ci, tel un gardien de prison, afin que que personne ne puisse s’enfuir vers sa liberté personnelle de conscience. Il faut penser comme l’église pense. Il faut vivre sa foi comme l’église l’établit dans ses dogmes et ses rites. Il faut une morale valable pour tous, en tout temps, en tous lieux, en tout siècle. Définitivement et éternellement.

        Ne pas considérer que tout ça, au XXIe siècle, a volé en éclats, c’est marcher allègrement vers l’extinction programmée.
        Et donc, « la politique des petits pas » alors que le monde avance à grandes enjambées, cela finit par sembler totalement dérisoire, et, forcément, particulièrement décevant pour ceux qui se veulent disciples de Jésus. Tous ceux qui attendent de ce pape des avancées significatives ne pourront qu’être déçus dans les années qui viennent. Ce ne sont même pas des petits pas, c’est juste remuer un peu les orteils.

        Tout cela au nom de la sacro-sainte Unité. Mais l’unité c’est d’abord une immense diversité de l’altérité. Parce qu’il en est ainsi dans la réalité de la nature humaine. Supposons qu’elle ait été créée par Dieu, elle a été créée singulière, unique, différente de l’autre, du voisin, différent dans ses pratiques, ses mœurs, la conception de sa foi, et les manières infiniment variées d’en témoigner.
        L’unité c’est en premier une diversité.

        Et c’est bien là le paradoxe que Jésus nous montre. il ne fait que s’intéresser aux différents de lui-même. Il ne cesse d’échanger avec ceux qui ne pensent pas comme lui, sans les juger ni les condamner. Simplement il se contente de leur dire, qu’à ses yeux de Jésus, il propose un chemin différent, un autre, l’Autre peut-être… mais chacun reste totalement libre de choisir ce qu’il veut, puisque la liberté nous est donnée en premier.

        Est-ce que parce qu’il faudrait ne pas déplaire à quelques prélats influents et/ou conservateurs réifiés, on continue à faire des tout-petits-petits-petits-pas pendant encore des dizaines d’années ?

        je crains malheureusement que la réponse soit : oui !

        • Ce qui est reposant avec vous c’est que vous faites les questions et les réponses… Je crois notre pape trop intelligent pour confondre unité et uniformité. Et tout le sens de son exhortation apostolique est précisément, de nous faire sortir de l’uniformité. Mais que cela plaise ou non, cette attitude se heurte à des réticences. Personnellement je souhaiterais qu’il puisse aller plus loin dans l’accueil de la diversité, mais mon propos était simplement de dire que je comprends fort bien qu’il ne s’y ose pas. Et que je respecte sa prudence ne serait-ce que pour ménager les ouvertures actuelles, tellement fondamentales que certains souhaitent déjà les remettre en question à la faveur du prochain pontificat. Voilà mon point de vue. Libre à vous de le partager ou non.

          • Je comprends la prudence d’un diplomate dans l’exercice de ses fonctions, manageant la chèvre et le choux.
            D’un Pape, on peut peut être aussi attendre qu’il se réfère plutôt à celui qu’il reconnait comme son Maître, à savoir Jésus. Or ce dernier me semblait plus audacieux dans ses actes vis à vis des puissances religieuses de son temps. C’es pour cela qu’on parle encore de Jésus aujourd’hui….. (entre autre évidemment).
            « Que votre parole soit oui, oui, non, non; ce qu’on y ajoute vient du malin. » (en Matthieu)
            Mais en effet on peut opter pour une « réalpolitk »…. qui ne satisfait jamais personne….
            « De l’audace ! toujours de l’audace ! » n’est certes pas le fleuron des prélats, dont tout pape est le fruit.

            Et, si je comprends bien, aller « un peu plus loin » c’est ouvrir la porte aux retours en arrière…
            hé bé ! Les chrétiens n’ont pas fini de désespérer.
            Le slogan est : « Le changement, c’est pour jamais ! »

          • L’idée de demander aux autres d’avoir du courage quand on n’assume pas soi-même les responsabilités est un grand classique !

          • Dans ce « grand classique », on ne peut donc émettre aucune opinion sur quoi que ce soit….
            Vous m’étonnez, d’avoir une telle conception de l’altérité envers celui qui ne pense pas comme vous….
            Il est vrai que tous vos commentaires sur mes interventions sont acerbes…..
            Suffirait que je dise que je rentre au bercail pour être « entendu » ??

          • Mais cher ami, vous exprimez librement toutes les opinions sur ce que vous voulez ! Simplement vous semblez attendre de moi que je valide vos analyses. Permettez que je m’accorde à moi-même, sur mon blogue, ma propre liberté d’expression ! Et si le sort que je vous réserve vous semble à ce point injuste ou insupportable, abstenez-vous !

  • Les clercs sont chargés de « remettre les péchés ».
    Dans le cas des « péchés irrémissibles » – divorcés-remarié-e-s et homosexuel-le-s – c’est pourtant là une mission impossible.

    Pour résoudre ces deux problèmes épineux, la hiérarchie charge tout le monde – clercs comme laïcs – d’« intégrer » les divorcés-remarié-e-s et les homosexuel-le-s « par la miséricorde » afin que plus personne ne se sente « condamné éternellement ».

    Au lieu de supprimer une fois pour toutes la notion étrange – voire incompréhensible – de péché impardonnable, l’Exhortation apostolique se contente d’une demi-mesure (intégrer sans pardonner) or ne dit-on pas « qui n’a pas tout donné n’a rien donné » ?

    • Je ne fais pas votre lecture. Lorsque le pape évoque la possibilité, lorsqu’on vit « dans une situation objective de péché », de recevoir « l’aide de l’Eglise » en précisant dans la note 351 qui fait tellement polémique « Dans certains cas, il peut ‘agir aussi de l’aide des sacrements », il dit tout simplement qu’il n’y a pas – ou plus – de péché impardonnable.

      • Admettons que pour les divorcé-e-s remarié-e-s, le problème « soit en passe d’être résolu un jour …» (mais n’oublions jamais l’adage « Qui vivra verra … » !)

        Quant aux homosexuel-le-s, remarquons ce qui suit :
        Précisant que « chaque personne, indépendamment de sa tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect, avec le soin d’éviter toute marque de discrimination injuste », le n°250 de l’Exhortation apostolique comporte en note de bas de page [276] une référence à l’Article 2358 du Catéchisme de l’Eglise catholique.
        Or cet article 2358 est on ne peut plus ambigu (voir ci-dessous)
        http://www.aquarelles-expert.be/Catechisme_2357_2358_2359_commentaire.pdf
        A défaut de spécification plus précise – mentionnant clairement qu’au sens du Magistère, la distinction entre homosexuels chastes et non chastes serait désormais obsolète – l’ambiguïté avérée de l’Article 2358 reste totale.
        Supposant – logiquement – qu’au sens du Magistère, la distinction entre homosexuels chastes et non chastes reste strictement d’application en 2016, les homosexuels non chastes devront donc se contenter, eux, d’une demi-mesure : être « intégrés » sans être pardonnés (voir mon post précédent).

        Résumons-nous :
        Relativement aux péchés dits irrémissibles : un (tout) petit pas en faveur des divorcé-e-s remarié-e-s et une demi-mesure en faveur des homosexuel-le-s.
        Une avancée plus que limitée donc.
        Les optimistes se diront que ça vaut toujours mieux que rien.
        Les autres risquent de s’exclamer : tout ça pour ça !

        • Je crois qu’il faut lire un même traitement sur les deux questions. La note 351, les « adversaires » de François l’ont suffisamment souligné, ne vise pas nommément les divorcés-remariés mais toutes les personnes en situation irrégulière par rapport à l’enseignement de l’Eglise, donc tout aussi bien les homosexuels ne vivant pas dans la continence requise par le catéchisme de l’Eglise catholique.

          Il me semble que la question soulevée par cette exhortation est celle d’une remise en cause, non pas de la notion de péché, mais de la notion d’état de péché permanent qui aujourd’hui justifie un refus des sacrements. Dans son livre Tout amour véritable est indissoluble (Cerf) Mgr Jean-Paul Vesco introduit et argumente l’idée qu’il y a eu péché, de fait, au moment d’un remariage suivant un divorce, mais que le maintien durable dans cette nouvelle union, selon les circonstances, ne peut pas toujours être qualifié de « persistance dans le péché ». Vingt ans après une séparation, dire à un divorcé-remarié ( ou à une divorcée remariée) dont la situation initiale a été apaisée, qui a reconstruit sa vie dans la droiture et la fidélité… qu’il est toujours adultère aux yeux de l’Eglise est devenu irrecevable ! Et n’est plus reçu ! Ce n’est pas signe d’un avachissement de la conscience morale mais d’un affinement.

          Je dirais la même chose pour certains homosexuels vivant en couple sans satisfaire aux exigences de continence édictées dans l’Eglise. Dans le pire des cas, admettons qu’il y ait péché (ce que personnellement je ne crois pas) lors de chaque rapport sexuel, un prêtre devrait pouvoir entendre cela en confession. Mais cela ne suffit pas pour décrire la situation du couple homosexuel – à l’instar de celle du couple divorcé-remarié – comme vivant dans la « persistance dans l’état de péché ». Or c’est bien sur la base de cette argumentation que certains diocèses continuent de refuser l’accès au catéchuménat, donc au baptême et aux sacrements, à certaines personnes vivant en couple homosexuel non-continent. Je pense qu’il faut lire la note 351 comme leur étant également destinée et leur ouvrant désormais, là encore sous conditions de discernement, la porte des sacrements.

          • « Je crois qu’il faut lire un même traitement sur les deux questions » dites-vous.

            Avec la publication, en 1992, de son Catéchisme de l’Eglise catholique, le Magistère avait formalisé – dans le style diplomatique du non-dit – la différence de traitement qu’il réserve aux homosexuels selon que ceux-ci sont chastes ou non chastes (voir ci-dessous).
            http://www.aquarelles-expert.be/Catechisme_2357_2358_2359_commentaire.pdf
            Rejetés « de facto » depuis toujours par le Magistère de l’Eglise catholique, les homosexuels non chastes s’étaient vus confirmés « de iure » dans leur rejet par l’Eglise.

            En son n° 250, l’Exhortation apostolique tente une nouvelle fois de convaincre le lecteur d’ouverture sincère, de la part du Magistère, aux homosexuel-le-s, alors qu’il n’en est rien puisque la même hypocrisie, qui était sous-jacente à l’Article 2358 du Catéchisme de l’Eglise catholique, est encore présente – dans les mêmes termes – au n° 250 de l’Exhortation apostolique.

            Ne faudrait-il pas conclure de cette hypocrisie récurrente que le traitement réservé aux homosexuel-le-s est décidément mal engagé ?

          • On peut imaginer que l’ouverture pastorale proposée par le pape François soit, dans un premier temps, suivie d’effet, pour les personnes homosexuelles comme pour les divorcés remariés. Le parallélisme s’impose puisque les un s et les autres sont « interdits » de sacrements pour les mêmes raisons : état de péché permanent. On connaît la réflexion théologique de Mgr Jean-Paul Vesco concernant les divorcés remariés. Un parallèle semble possible pour les personnes homosexuelles, pour permettre au moins, dans un premier temps, qu’elles ne se voient pas refuser l’accès au baptême. Mais je vous accorde que sur le fond c’est insuffisant. C’est l’approche même de la sexualité par l’Eglise catholique qui est ici questionnée. Une pratique pastorale « ouverte » suffira-t-elle à lui faire, à terme, reconsidérer sa doctrine ? C’est ce que nous souhaitons et que certains redoutent au point de ne pas vouloir de cette exhortation.

          • « la même hypocrisie, qui était sous-jacente à l’Article 2358 du Catéchisme de l’Eglise catholique, est encore présente – dans les mêmes termes – au n° 250 de l’Exhortation apostolique. » (voir mon post ci-dessus)

            René, lorsque vous dites que « sur le fond c’est insuffisant », vous passez sous silence l’« hypocrisie récurrente » que le Magistère n’hésite pas à inscrire dans le marbre de sa doctrine.
            Je ne vois pas comment on pourrait y voir autre chose qu’une expression hypocrite et fallacieuse, destinée sournoisement à tromper le lecteur.
            Car enfin lorsque le Magistère juge en réalité qu’il serait injuste de discriminer les seuls homosexuels chastes tout en formulant son jugement comme s’il concernait les homosexuels en général, sa formulation ambiguë lui permet de noyer le poisson .
            Et en noyant le poisson, le tour est joué.

            Non seulement la forme laisse beaucoup à désirer et sur le fond c’est insuffisant : par rapport à l’homosexualité, l’hypocrisie serait-elle l’unique bouée de sauvetage de l’Eglise catholique ?

          • Je ne me contente pas de dire que c’est insuffisant. Je poursuis : « C’est l’approche même de la sexualité par l’Eglise catholique qui est ici questionnée. » Et notamment le lien exclusif qu’elle maintient entre sexualité, mariage hétérosexuel et ouverture à la procréation. Je ne crois pas que le terme hypocrisie soit approprié. Simplement l’Eglise s’enferme dans sa logique : si la sexualité n’est justifiée que dans le mariage hétérosexuel, des personnes homosexuelles – dont l’Eglise reconnaît néanmoins qu’elles ne sont pas responsables de leurs tendances sexuelles – ne peuvent vivre chrétiennement qu’en s’abstenant de toutes relations sexuelles. Ou alors l’hypocrisie vient du fait qu’elle pense que ce discours peut être encore majoritairement recevable en 2016. Mais je me suis, sur ces questions, suffisamment exprimé sur ce blogue, pour qu’il n’y ait aucune ambiguité sur ma position. Oui l’Eglise doit en grande partie revisiter son enseignement sur la sexualité humaine.

          • J’avais écrit : « Lorsque vous dites que « sur le fond c’est insuffisant », vous passez sous silence l’« hypocrisie récurrente » que le Magistère n’hésite pas à inscrire dans le marbre de sa doctrine. »
            Dans votre réponse, je relève : « Je ne crois pas que le mot hypocrisie soit approprié. »
            Pour éviter de juger – au risque de mal juger, remplaçons donc « hypocrisie » par « chef-d’œuvre de rhétorique ».
            Mais pour aller plus loin, interrogeons-nous plutôt sur le double langage qui, en l’occurrence, est utilisé par le Magistère. Je m’explique.

            Un discours présente souvent un double langage – un message explicite et un message implicite.
            Or la seule présence d’un double langage au sein d’un discours suffit à en faire un discours ambigu et prêtant à confusion.

            Cas particulier : la phrase « On évitera à leur égard toute marque de discrimination injuste. » qui figure dans l’Article 2358 du Catéchisme de l’Eglise catholique.

            Pour bien comprendre ce passage de l’Article 2358, il faut remarquer, en effet, qu’il s’agit là d’un double langage : un message explicite, d’une part – s’adressant au tout-venant – et un message implicite, d’autre part – s’adressant aux initiés, comme expliqué ci-dessous :
            De manière explicite, ce passage énonce simplement que toute discrimination à l’égard des couples du même sexe – 2 hommes ou 2 femmes – dont les relations restent chastes serait injuste et doit par conséquent être évitée (mais puisque cela va de soi, cette lecture explicite ne nous apprend rien et n’est finalement rien d’autre qu’une lapalissade).
            En revanche, de manière implicite – et c’est là son principal intérêt – ce passage sous-entend en fait qu’au sens du Magistère, les discriminations à l’égard de personnes du même sexe dont les relations sexuelles ne seraient pas chastes sont à considérer comme des discriminations justes, c’est-à-dire des discriminations qui, elles, ne doivent pas être évitées.

            QUESTION : dans cet Article 2358 du Catéchisme de l’Eglise catholique, pourquoi le Magistère tient-il donc ce double langage, au risque de rendre son discours ambigu et difficile à comprendre car prêtant à confusion?

          • Je ne vous suis pas dans votre lecture. Traditionnellement l’Eglise distingue les tendances homosexuelles dont elle estime que les personnes ne sont pas responsables, des « actes » jugés pécamineux – puisqu’aux yeux de l’Eglise la sexualité n’est légitimée que dans le cadre du mariage hétérosexuel – actes dont on présuppose que chacun reste libre de les poser ou non. Dès lors, lorsque l’Eglise appelle au refus des discriminations à l’égard des homosexuels elle dit simplement qu’on ne peut pas les discriminer – ou pire : les mépriser – du fait de tendances sexuelles dont ils ne sont pas responsables. L’appel à la chasteté auquel vous faites référence est d’une autre nature. Il concerne tout aussi bien les célibataires hétérosexuels et n’a donc aucun effet discriminatoire à l’égard des seuls homosexuels. Que cette vision de la sexualité soit d’un autre âge et ne soit plus aujourd’hui « reçue » par nombre de catholiques eux-mêmes, est une autre question, qui n’a rien à voir avec un prétendu double langage. Par ailleurs, je ne suis pas sûr que l’Eglise ait le monopole du double langage. Lorsque le gouvernement nous parle de « mariage pour tous »… difficile d’imaginer qu’il autorise pour autant le mariage entre personnes d’une même famille (frère et sœur par exemple). Il s’agit simplement de mariage homosexuel… Double langage donc pour faire entendre autre chose – jugé plus sympathique pour l’opinion publique car totalement non-discriminant – que ce que l’on dit vraiment !

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