Une « conférence des baptisés » ?

Dimanche 11 octobre, à Paris, sur le parvis de l’église Saint-Sulpice, les fondatrices du Comité de la jupe ont annoncé la création d’une « Conférence des baptisés de France ». Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée.

On se souvient de leur coup de sang, voici un an, au propos pour le moins malheureux du Cardinal Vingt-Trois : « Le tout n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir quelque chose dans la tête. » Les femmes, si présentes dans tous les rouages de l’Eglise, pouvaient-elles, à ce point se laisser humilier ?

Depuis, le combat du Comité de la Jupe s’est élargi. C’est plus généralement la place des laïcs dans une Eglise catholique en voie de recléricalisation qu’il leur semble devoir défendre. A contre courant des évolutions les plus récentes.

Ces idées généreuses, cette volonté de ne pas se résigner à quitter l’Eglise sur la pointe des pieds, comme des centaines de milliers d’hommes et de femmes – des millions peut-être – au cours des dernières décennies, et de conserver une parole publique pour dire l’urgence de l’Evangile et l’égale dignité de tous les baptisés, se heurtent, néanmoins, à bien des obstacles.

Le premier est sans doute la lassitude de ceux-là même qui se reconnaissent dans leurs analyses, dans leur combat, mais qui ont le sentiment qu’à de rares exceptions près les évêques de France ne les entendent pas. Que la priorité insufflée depuis Rome sur l’urgence de redonner des prêtres à l’Eglise catholique l’emporte sur toute autre considération. Et que la perspective d’une nouvelle hémorragie silencieuse suscite , dans la hiérarchie et au Vatican, plus de résignation que d’appréhension, dès lors que ces chrétiens qui s’éloignent ne sont pas organisés de telle manière que l’on puisse redouter un schisme.

Une « Conférence des baptisés de France » est-elle une réponse adaptée au défi ? Je ne le pense pas. Il y a trente ans, dans un autre contexte, André Frossard plaidait déjà pour la constitution d’un « parti de Dieu ». L’Eglise m’a toujours semblé suffisante pour répondre à ces ambitions ! Aux croyants, notamment laïcs, d’y prendre effectivement la parole et toute leur place, avec courage mais sans agressivité vis à vis des évêques comme des prêtres. Au nom de leur baptême qui les fait prêtres, prophètes et rois. Même si, j’en conviens, ce combat n’est pas facile.

5 comments

  • avez-vous lu leurs déclarations? leurs interrogations? les avez-vous rencontrées?
    j’ai décidé après réflexion de les aider, leur action ne peut en aucun cas géner l’appel à la prêtrise ou alors en souriant je trouverai que cela reprendrai un argument d’autrefois: pas d’enfants de choeur fille car sinon les garçons partent…….
    je ne suis pas si sûre que si peu de pasteurs, d’Evêques? de théologiens et de théologiennes ne s’y retrouvent pas.
    je pense surtout que la parole, en Eglise , est difficle , le dialogue n’existe pas réellement au niveau supérieur….c’est une constatation , non de moi mais d’Evêques , de Cardinaux.
    la peur et la frilosité ne sont pas de bon conseil.
    l’absence d’un vrai dialogue est mortel dans un couple , comme dans toute communauté humaine et l’Eglise de France l’a bien senti dans le cadre de la bioéthique.
    l’urgence est de former des prêtres , c’est évident….mais quelle formation? je pense que vous êtes bien informé pour connaître la réalité et l’évolution actuelle…..il faut des prêtres pour demain , pas pour il y a un siècle ou dix…..des prêtres heureux , non face à la société , mais avec elle , pour elle……
    je pense que l’enjeu est plus grand……que Vatican II doit non seulement être relu mais aussi déployé, prolongé où il s’est arrêté…..
    ce mouvement s’inscrit dans l’Eglise, pour l’Eglise, avec l’Eglise qu’elles aiment , il est formé d’hommes , de femmes, d’ordonnés, de consacrés….de baptisés qui souhaitent une Eglise visible , audible, joyeuse, porteuse de vie et de paix.
    je finirai par une phrase de Jean XXIII:
     » nos textes ne sont pas des dépots sacrés mais une fontaine de village, une fontaine à laquelle chaque génération vient s’abreuver en buvant à l’eau sans cesse différente, en redonnant vie à la fontaine »
    bonne journée et en union de prières avec vous

    • Chère madame,
      Comme vous je suis sensible à leur combat et à leurs arguments. Que je retrouve, par ailleurs, ces jours-ci aussi bien dans le nouveau roman de Pietro de Paoli (ce n’est pas un hasard !) : Dans la peau d’un évêque (Plon) que dans le livre testament de Mgr Rouet : J’aimerais vous dire (Bayard). Deux livres dont je vous recommande la lecture.
      Pour autant imaginez les moyens et l’énergie requises pour donner corps à cette Conférence des baptisés de France ? Il existe, depuis longtemps, l’équivalent en Allemagne et je ne suis pas sûr que le bilan soit si digne d’éloges.
      Vous avez, bien sûr, le droit de soutenir cette initiative. Mon véu personnel – mais peut-être suis-je trop optimiste – est qu’il existe encore dans les structures d’Eglise telles qu’elles existent ou dans des lieux comme ce blog, quelques moyens de s’exprimer. Peut-être changerai-je un jour d’opinion.
      Quoi qu’il en soit merci de votre contribution au débat.

  • Comment concilier le fait que la grande masse des fidèles souhaite une évolution positive du monde et de l’Eglise en manque de prêtres, et le principe ontologique selon lequel l’Homme est Symbole trinitaire. Les deux principes actif et passif, masculin et féminin, impliquent que l’homme et la femme ont chacun une mission particulière à remplir et qu’il ne convient pas de confondre les rôles respectifs. Une nouvelle dialectique est à découvrir qui place toute personne à sa juste place et non dans la confusion.

  • Merci de ce dialogue.+++++
    merci pour les pistes de lecture:
    le premier, je l’ai lu avec plaisir et je crois qu’il reflète bien la difficulté d’être Evêque aujourd’hui et personnellement j’essaye à mon niveau d’aider au mieux……
    le deuxième est en commande: le livre testament de Mgr Rouet que j’ai très envie de lire!
    c’est grâce à de tels pasteurs que l’on a envie d’avancer avec discernement , mais d’avancer….
    on peut peut-être parfois avancer comme un âne ….mais ce n’est pas une si mauvaise référence!!
    je pense que cela doit vous rappeler un merveilleux livre d’un pasteur merveilleux
    Merci à vous et en union de prières

  • René, René, je cherche, en vraie soeur Anne, la pointe de vos arguments contre la CBF et je ne les trouve pas, à part…. la lassitude et, dans votre commentaire ultérieur, le fait que les structures actuelles suffiraient.

    Comment voulez-vous que nous puissions nous en tenir à ces bras ballants, à cet esprit de défaite ? Plus encore, c’est une démission que je déplore dans vos propos, lorsque l’on constate que notre Eglise a besoin de disponibilité, de joie, de paroles surtout, pour que les puissantes forces de division qui la travaillent, du fait même de sa structure inadaptée à ce temps, se transforment en esprit de solidarité et d’entreprise. J’entends d’entreprise de construction de l’avenir.

    Entendez-vous la parole forte de notre ami commun, André Gouzes : « Si nous ne redevenons pas comme les premiers chrétiens, nous serons les derniers. »
    Si vous saviez le nombre de mails de laïcs engagés ou de chrétiens éloignés que nous recevons, si vous voyiez l’oreille tendue de religieux, de prêtres et d’évêques à la retraite, vous ne diriez pas cela!

    Si vous êtes las, René, pensez que vous n’êtes pas seul. C’est ce que nous apprenons de plus fort dans notre Eglise : ce que l’un ne peut faire, qu’il fasse confiance à l’autre qui le fera. L’Eglise est un corps. Quand les jambes se lassent, les mains peuvent travailler. Alors, aidez-nous à travailler, vous serez un frère.

    Anne Soupa, présidente du comité de la jupe

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