Dérives dans l’Eglise : silence sur les silences !

Dérives dans l’Eglise : silence sur les silences !

En revenant sur le récit de sa vie, Anne Mardon tente de conjurer la non réception de son témoignage de victime. 

Il y a un an, paraissait le livre d’Anne Mardon : Quand l’Eglise détruit (1) dont j’ai rendu compte sur ce blog. Evoquant ses années passées au sein des Fraternités monastiques de Jérusalem, pour l’essentiel dans la décennie quatre-vingt, l’auteure y mettait directement en cause son fondateur le père Pierre-Marie Delfieux, pour des faits d’abus moins directement sexuels que spirituels, de conscience et de pouvoir. Cette publication allait provoquer, comme souvent dans ce type d’affaires : un démenti scandalisé des proches du fondateur, une décision de la Communauté de lancer un « appel à témoignage » et, semble-t-il, la saisie de la Commission indépendante créée par les évêques (Ciase) par d’autres « victimes » des mêmes Fraternités. Or voici que l’auteure récidive avec la publication d’un nouvel ouvrage (2). S’il porte sur les silences qui ont entouré ce qu’elle a vécu comme une « descente aux enfers », on peut le lire surtout comme une tentative pour briser l’ultime silence : celui qui a entouré la parution du premier livre et étouffé sa parole de victime. 

Pour un journaliste-blogueur qui, comme moi, a choisi de faire de la lutte contre la pédocriminalité et les dérives sectaires dans l’Eglise, un de ses combats, il ne fait aucun  doute que le Président de la Ciase, Jean-Marc Sauvé, est dans le vrai, lorsqu’il rappelle  qu’il convient « d’écouter les victimes avant de théoriser ». Ecouter et donc lire celles et ceux qui voient dans l’écriture une forme de thérapie, face à la souffrance. J’ai donc lu. L’ouvrage qu’Anne Mardon vient de publier est plus modeste, dans sa pagination, que le précédent. Il reprend, pour l’essentiel, le récit d’une vie bouleversée par une conversion un rien « précipitée » à l’âge adulte, un séjour dans un lieu d’études et d’accueil tenu par les pères jésuites qui se soldera pour elle par une grossesse non désirée, un avortement et une forme d’abandon, puis sa fréquentation des Fraternités monastiques de Jérusalem où sa quête spirituelle sera interprétée, faussement, comme une vocation monastique, nourrissant une relation destructrice avec son fondateur. 

Le triple silence de l’institution, des Fraternités… et de l’auteure ! 

Dans ce second récit, la nouveauté vient de la tentative, réussie, de l’auteure d’analyser ce qui lui est arrivé à travers un triple silence. D’abord le silence de l’institution ecclésiale qui, à aucun moment de son parcours, ne l’a protégée alors que dans sa fragilité et sa quête elle faisait confiance à l’Eglise. Silence de l’institution à l’égard du père Thomas Philippe, aumônier de l’Arche, qui la baptise sans réelle préparation ; silence des pères Jésuites sur sa liaison avec l’un d’entre eux dont elle tombe enceinte avant de se voir proposer l’avortement ; silence du diocèse de Paris sur la face obscure des Fraternités monastiques. Elle écrit : « Je me suis souvent interrogée sur le fait que, chaque fois que je m’étais confiée aux représentants de l’Eglise, ces derniers n’avaient pas eu l’air surpris par mon récit (…) Et puis j’ai découvert que les scandales que je leur livrais existaient depuis des décennies, au moins au sein des communautés nouvelles, et qu’ils savaient. »

Le deuxième silence est celui qui règne au sein des Fraternités elles-mêmes. Les foules priantes de Saint-Gervais, fidélisées par cette même liturgie qui a opéré sur Anne Mardon comme un aimant spirituel, confortent la hiérarchie catholique dans le sentiment qu’il y a là l’expression d’un renouveau salvateur pour l’Eglise. Qui vaut sans doute qu’on ferme les yeux sur l’envers du décor. Je sais, pour avoir longuement échangé, il y a un an, avec un  ami des Fraternités, proche de leur fondateur, qu’un soupçon de « mensonge » pèse sur certaines allégations de l’auteure lorsqu’elle évoque la vie interne à la communauté. Mais, outre le fait que des témoignages à ce jour confidentiels vont dans le même sens (3), il est des faits publics vérifiables, qui corroborent ses dires. (4) Ce qui rend crédible sa dénonciation du silence interne aux fraternités. Dès lors que les choses n’étaient pas dites – et elles ne l’étaient pas – (départs de frères et de sœurs, suicide, dépressions…) elles n’existaient pas.

Le plus nouveau, au regard du récit précédent de 2019, est sans doute le travail engagé sur elle-même par Anne Mardon pour tenter de comprendre les raisons de son propre silence. Car enfin, rien a-priori, ne l’empêchait de partir, de parler et d’écrire, ce qu’elle ne fera que tardivement. Après la mort de sa mère puis du père Pierre-Marie Delfieux qui représentent les deux « dépendances » psychologiques de son existence. « Si les victimes) parlent, on les accuse de faire œuvre de destruction. Si elles ne parlent pas on leur reproche plus tard de n’avoir pas parlé (…) Et quoi qu’il en soit les victimes ont tort d’être victimes : elles avaient qu’à ne pas se laisser abuser, en admettant, bien sûr, qu’elles ne mentent pas, tout simplement. »

Un quatrième silence : celui qui a entouré la sortie du livre.

Ce travail de vérité sur ce qui lui est arrivé, nécessaire pour se reconstruire, est également d’un apport précieux pour ceux qui, à l’extérieur, tentent de comprendre pour mieux prévenir. Dans sa préface à l’ouvrage, Jean-Louis Schlegel, sociologue des religions, qui a longuement rencontré l’auteure écrit ceci : « grâce à ses réactions très franches, j’en ai plus appris et compris sur les victimes d’abus et leur combat qu’à travers toutes mes lectures antérieures et mon savoir historique et sociologique sur la nature et les causes des dérives sectaires. »

Mais la clé essentielle de ce nouveau livre me semble être ailleurs. Non dans le décryptage du silence initial de l’institution ecclésiale, des Fraternités monastiques de Jérusalem ou de l’auteure elle-même qui ont rendu possible ce qui lui est arrivé et l’a détruite, mais dans la dénonciation d’un quatrième silence, ultérieur : celui qui a entouré la parution de son premier livre et donc de son témoignage. Non seulement elle n’a aucun « retour » de la part des évêques, y compris de la commission en charge des dérives sectaires, mais lorsqu’à sa demande, elle est reçue à l’archevêché de Paris c’est pour découvrir que nul n’a lu son livre et pour s’entendre dire par un vicaire général : « Mais madame, l’Eglise n’existe pas. Ce sont les communautés qui existent et c’est à elles que vous devez vous adresser. » Ce qui, dans le livre, lui arrache ce cri : « L’Eglise qui avait fait voler ma vie en éclats n’existait pas. » Seuls, dit-elle, sœur Véronique Margron, Présidente de la Corref (5) et le responsable des Jésuites rencontré l’ont réellement écoutée et soutenue dans son désir d’expression et de vérité. 

Que vaut pour sa propre guérison, la parole d’une victime si elle n’est pas reçue ? 

Silence, on le devine, du côté des Fraternités où personne ne prend contact avec elle. Silence embarrassé des médias chrétiens qui se gardent bien de lui donner la parole. La Vie et la Croix se contentant, pour l’un, de recueillir les réactions du prieur général Jean-Christophe Calmon, pour l’autre de rendre compte du livre en annonçant le lancement d’un « appel à témoins » à l’initiative des Fraternités. Silence, tout autant, des médias généralistes non confessionnels qui n’on rien à faire d’une affaire de dérives dans l’Eglise dès lors qu’elle n’a pas de dimension sexuelle. 

Or que vaut, pour sa propre guérison, la parole d’une victime si elle n’est ni écoutée, ni entendue ? Et pour une victime qui prend le risque du passage à l’écriture, parce qu’elle en a la force et la compétence, combien qui se murent dans une autre forme de silence ? Peut-être la commission Sauvé est-elle à ce jour le seul « lieu », certes privé mais officiel, où la parole est reçue. A la demande même des instances de la Cef. Ce qui ne présage rien de la manière dont ses propres conclusions – sa propre parole – seront « reçues » à l’automne 2021, par la hiérarchie, les fidèles et l’opinion. Le livre Silences dans l’Eglise vaudra-t-il à Anne Mardon, plus d’écoute bienveillante et au besoin critique, que son précédent ouvrage ? 

  1. Anne Mardon, Quand l’Eglise détruit. Ed. L’Harmattan 2019, 266 p. 22 €
  2. Anne Mardon, Silences dans l’Eglise, par action et par omission. Ed. L’Harmattan, 136 p., 15 €
  3. On attend toujours que les Fraternités communiquent sur les résultats de leur « appel à témoignages ». 
  4. Comme la demande de dissolution engagée en 1983 par les sœurs, sept ans seulement après leur fondation, demande acceptée par le cardinal Lustiger accompagnée d’une interdiction, non respectée, de refonder un ordre féminin. 
  5. Corref : Conférence des religieux et religieuses de France. 

90 comments

  • C’est que beaucoup de personnes se sont construites sur une spiritualité déviante. Ecouter les victimes, c’est souvent une réelle remise en question de sa foi, d’où l’absence de réponse et les dénis. A la racine, des restes cachés et enfouis de Jansénisme dont un autre livre qui va paraître le 8 octobre aidera et continuera, je l’espère, à une prise de conscience nécessaire et salvatrice pour le Catholicisme en France.

  • J’ai connu Anne Mardon. Son témoignage est précieux et sincère. Tout n’a pas été clair dans les débuts des fraternités et, même si Pierre Marie Delfieux aura été très proche de ma famille, et s’il y a été une sorte d’exemple, il peut y avoir de l’ivraie, qu’il ne nous appartient pas d’arracher. Mais nous croyons en la lumière, et il faut qu’il y ait lumière, même si c’est difficile. Sans haine mais vers la vérité.

  • Cher René,

    C’est la deuxième recension que je lis sous votre plume de ce parcours douloureux, mais le silence ne me paraît pas de mauvais aloi face à la douleur, et le statut de victime finit par être brandi à tort et à travers pour justifier une passivité de celle qui se dit « détruite » (donc irreconstructible?), qui reconnaît elle-même avoir eu « deux pôles de dépendance psychique », sa mère et le P. Pierre-Marie Delfieux (ni l’un ni l’autre ne sont plus là pour se défendre), donc être prédisposée à une certaine dépendance affective, la dépendance entraînant l’abus, entraînant, non pas appelant. J’irais même jusqu’à oser sur la pointe des pieds que l’auteure a pu elle aussi, en raison de cette structure psychique dépendante ayant besoin d’emprise, être prédisposée à abuser de l’Eglise pour lutter contre ses propres névroses. Tout ce qui est humain étant sexualisé, l’auteure n’est pas « tombée enceinte ». Cet enfant avec un jésuite tout juste après sa conversion, l’auteure et le jésuite l’ont fait à deux. Là où le scandale commence, c’est, s’il est avéré, quand l’institution propose un avortement pour faire passer l’enfant par profits et pertes au bénéfice de la réputation de la compagnie de Jésus.

    Puis, bien sûr, il y a le manque de discernement des fraternités monastiques de Jérusalem qui voient une vocation monastique derrière tout cela. Ici, on entre dans la dérive propre aux communautés nouvelles fondées sur le charismes du « leader » et du « berger », opposé à l' »ordre » sacramentel conférant le rappel au sacré, de celui qui ne s’est pas institué missionnaire et n’a pas attiré à lui, mais a été institué et est donc en responsabilité pour ne pas abuser, de celui qui n’a pas dit: « Prenez-moi pour modèle » à la manière de saint Paul, que son zèle a imposé apôtre plus qu’il n’a été institué tel par la première Eglise. Loin de moi de nier l’apostolicité de l’évangélisateur (ou du paulinisateur) des gentils, mais la dérive commence bien là, ou du moins la voie lui est ouverte.

    Ici, point d’abus sexuel, mais le charisme mêle pouvoir et sex appeal, qui sont les noeuds de toute dérive sectaire, items qu’on a isolés aujourd’hui, mais jusqu’où peut-on lutter contre? Les communautés nouvelles ont abondamment prouvé ce dysfonctionnement relationnel. Monique Hébrard en avait averti dès « Les nouveaux disciples » il y a près de quarante ans. J’ai lu cet ouvrage bien après sa parution et une chose m’a frappé: la personne qui résume les rapports de la communauté en disant que « nous devons tous obéir à Jacquy qui lui-même obéit à Dieu. » C’est pyramidal, mais c’est sans ordre.

    Est-ce à dire que les ministres ordonnés sont préservés parce qu’en responsabilité? Non, mais le problème vient d’ailleurs. L’Eglise les travestit, les féminise, les dé-genre, en fait des femmes comme les autres qu’elle habille en robe, les configure à la fois à l’épouse et à l’Epoux tout en refusant le sacerdoce des femmes.

    La deuxième cause de scandale qui me paraît évidente à la lecture de votre recension est la réaction de ce vicaire général prétendant que « l’Eglise n’existe pas ». Autant dire que le Christ n’existe pas! N’existeraient que les communautés, que les « congrégations »,que les Eglises. Mais qu’attend ce bon vicaire général, parisien et non savoyard, pour se faire protestant ? Mais alors à quel titre supposerait-t-il que des communautés, des congrégations, des Eglises soient sous sa juridiction? Quelle responsabilité en assume-t-il?

    Je répète toutefois, revenant à mon propos liminaire, que le parcours d’Anne Marbon est tellement singulier dans sa douleur qu’on peut comprendre le silence gêné qu’il a suscité, qu’il soit celui des médias catholiques ou des médias généralistes, dont la gêne ne vient pas nécessairement du fait qu’il n’y a pas eu d’abus sexuel dans ce qui fut principalement dénoncé dans le premier livre d’Anne Marbon, puisqu’acte sexuel (à défaut d’abus si j’ose dire au point où nous en sommes), il y a eu dans la première phase de la conversion de l’auteur. En l’espèce, ce sont moins les silences de l’Eglise qui doivent être accusés que cette conversion qui doit être interrogée. Et là réside peut-être le travail le plus important qu’il reste à faire à l’auteure sur elle-même pour se reconstruire. Soit dit en espérant qu’elle ne le prenne pas en mauvaise part si elle lit mon commentaire.

    • « ce sont moins les silences de l’Eglise qui doivent être accusés que cette conversion qui doit être interrogée » écrivez-vous.
      Cette affirmation me sidère et je m’y oppose haut et fort, pour les raisons suivantes :

      A chaque fois que l’Eglise a gardé le silence en cette matière – comme meilleure stratégie de défense, dans l’espoir qu’on n’en parlera plus, plus jamais, au grand jamais – elle aura failli à sa mission sur toute la ligne, en persistant à protéger les coupables au lieu de prendre soin des victimes.
      Pareils manquements en toute connaissance de cause [péchés par omission] ne sauraient être assez dénoncés, en effet
      (renoncer – comme suggéré dans votre commentaire – à dénoncer en priorité les silences de l’Eglise, c’est dériver).

    • A Julien:

      « cette structure psychique dépendante ayant besoin d’emprise … » écrivez-vous.

      Penser que le besoin des personnes psychiquement dépendantes justifie l’exercice d’emprise sur celles-ci est déraisonnable.
      Dans la grande majorité des cas, les personnes abusées sont, en effet, plus jeunes – voire beaucoup plus jeunes – que celles exerçant l’emprise.
      Aussi est-ce en priorité à l’exercice d’emprise qu’il convient de s’opposer – avec sanctions à la clef en cas d’abus
      (contrairement à beaucoup d’autres pays respectueux du Droit de l’enfant – dont la Belgique, la France tarde depuis trop longtemps à adopter la présomption de non-consentement à l’acte sexuel de la part des mineurs).

  • J’espère ne pas sortir du sujet en vous disant que j’ai connu d’autres silences de l’église lors de mes 28 mois en Algérie ( 1957-1960), lorsque informant le curé de la paroisse de Collo (Constantinois) des tortures et exécutions il me répondit : « Mon pauvre Mr on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs !  » Lorsque j’ai reçu une lettre d’un aumônier militaire me recommandant le silence car ne possédant pas tous les éléments pour dénoncer avec clairvoyance . Lorsque j’ai organisé, à la demande de mes camarades, une veillée de prière lors du décès d’un camarade tué en opération et que quelques temps après, l’aumonier militaire en visite, après son repas au mess me disait :  » c’est bien ce que vous avez fait mais ne recommencez pas car vous portez atteinte au moral des troupes !  » . Je pourrais citer encore d’autres silences connus , tels ceux du Cl Feltin aumônier général des armées , de l’aumônier en chef en Algérie et même d’une certaine diplomatie ( dénoncée plus tard et qui lui a couté sa retraite de militaire) jusqu’à tardivement du Père De L’Espinay , pourtant un saint prêtre , aumônier général en Algérie . Les silences continuent sur bien d’autres sujets .

  • Cher René, ce que vous dites sur les « silences des Fraternités «  me choque ainsi que la manière dont vous présentez le temps où 1983 la communauté des sœurs fut dissoute, J’ai vécu ce temps avec eux et avec elles. Ces suppositions me désolent venant de votre part. Le premier livre de cette femme n’était pas le reflet de la réalité et vous n’en tenez toujours pas compte, c’est bien désolant.

    • Marcel, j’ai bien en mémoire nos échanges du début de l’année. Pouvez-vous accepter qu’il puisse exister des « vérités plurielles » liées à des expériences elles-mêmes plurielles ? Elle et vous n’avez pas vécu les mêmes réalités. Il est un exercice que l’on pratique dans toutes les écoles de journalisme qui consiste, sans prévenir les étudiants, à « provoquer » un incident dans la salle de cours que l’on demande, par la suite, à chacun de raconter. L’expérience constante montre qu’il y a autant de récits, parfois contradictoires, que de témoins. récits dont ils peuvent par la suite faire la relecture à partir d’un enregistrement vidéo de ce qui s’est réellement passé.

      Encore une fois, je n’ai pas compétence pour « trancher » fait par fait ce qu’exprime Anne Mardon de sa vie dans les Fraternités. Je souligne au passage que ce livre est également consacré aux circonstances de son baptême, et à son séjour chez les pères jésuites… Mais s’agissant d’un « événement » qui est ici la parution d’un livre, le journaliste que je suis, porteur d’exigences déontologiques, a le souci non de vérifier l’invérifiable mais de mesurer la crédibilité de l’ensemble de la démarche. Or des proches en qui j’ai toute confiance et qui ont rencontré l’auteure se portent garants de sa sincérité ; d’autres amis engagés dans le combat pour la transparence de l’Eglise sur ces questions d’abus me confirment que d’autres témoignages similaires existent, portés à la connaisance de la commission Sauvé ; mes propres relais d’information me disent qu’ici et là nombre d’évêques, malgré les engagements officiels de la Cef, continuent à faire obstacle à l’établissement de la vérité pour leur diocèse.

      S’agissant des Fraternités, il ne tient qu’à eux comme ils s’y sont engagés à faire toute la lumière. Mais l’attention aux victimes, même gérée avec prudence, me semble être aujourd’hui pour nous une ardente obligation.

      Permettez-moi de publier ici le texte de l’éditorial de Véronique Margron sur RCF le 13 septembre dernier.

      Jusqu’ à quand ?
      Jusqu’ à quand vais-je entendre ces récits tragiques, bouleversants, érodant jusqu’au tréfonds mon âme, de ces personnes fracassées par des abus spirituels, de pouvoirs, des emprises, des agressions sexuelles ? Jusqu’à quand tenter de se faire proche dans un infini respect de ces histoires qui vous mettent sens dessus dessous, tout au-dedans. Jusqu’au bout répond ma vie. Et je ne sais où se tiendrait ce « bout » hypothétique.
      Cette seule semaine quatre histoires, chacune si singulière et par là même universelle, où les premiers mots s’embrument, se perdre, cherchent un souffle, gardent une immense pudeur. Entendre encore et encore comment des hommes dits d’Église ont manipulé la confiance obvie de l’enfance, ou de l’enfant toujours présent en nous comme l’écrivait Françoise Dolto. Confiance piétinée, enfance volée, capacité d’aimer meurtrie parfois à jamais, culpabilité, honte, peur panique de tout espace clos, empêchements de vivre… les listes des ravages au trop long cours commis par ces crimes sont pires que des jours sans pain.
      Ici et là on entend encore que tout cela n’est que complot contre l’Église de la part de courants anticléricaux ou du sein de l’Église catholique, de ceux qui voudraient en finir avec l’institution, avec le sacré en la salissant ainsi.
      Je ne sais si nous mesurons les mots. De quel complot s’agit-il ? De quelle salissure est-il question ? De quel sacré parle – t-on ? sinon du complot contre le vrai et le bon amour, celui qui ne peut se départir de la loi. De quel sacré ? sinon le seul qui soit : celui de l’inviolabilité du corps, de l’âme, du cœur et de l’esprit, celui de la dignité de toutes les victimes, qui vient de Dieu lui-même. « Voici l’homme », cette parole – prophétique – de Pilate prend avec elles tous ces visages et ces corps meurtris, ces histoires retournées et vient nous enjoindre, enfin, de reconnaître en eux le visage du Dieu humilié par ses bourreaux.
      Comment résister encore quand vient et revient le récit saccadé du cynisme de ces bourreaux manipulateurs avertis, des compromissions de responsables et de communautés qui ont refusé d’entendre et d’agir, qui sont restés sans courage autant que sans la sollicitude élémentaire et la honte nécessaire.
      Le miracle c’est que beaucoup croient toujours au Christ. Le miracle c’est qu’aujourd’hui enfin grâce à leur courage, ces femmes et ces hommes relèvent l’Église du Christ en prenant parole et demandant des comptes. Le miracle c’est qu’elles soient encore en vie, mais à quel prix.
      Alors vraiment qu’elles sachent, autant qu’il est possible, qu’il est des voix qui les écoutent jusqu’au bout de leur nuit, là où ensemble peut-être, nous trouverons le chemin du levant.
      Qu’elles puissent non pas croire, mais voir, que nous ne les abandonnerons plus. Pas plus que nous ne délaisserons nos responsabilités.
      Véronique Margron op.

      Bien fraternellement à vous.

  • Cher René ,j’accepte très volontiers les « vérités plurielles » mais j’ai beaucoup de mal à accepter les « fausses vérités » Cette personne a été aidée comme je vous l’ai déjà dit’ par les Fraternités humainement et socialement. J’ai lu en son temps le texte remarquable de Véronique Margron et j’y souscris totalement. Je doute beaucoup que cette personne soit dans la claire vision de son propre vécu de l’époque. Vous devriez vous renseigner auprès des moines et les moniales qui vivent encore et qui souffrent eux aussi de voir qu’on ne parle que de fausses vérités, Bien cordialement.

  • Cher René, j’accepte très volontiers les « vérités plurielles » mais j’ai beaucoup plus de mal à accepter les « fausses vérités ». J’ai lu en son temps le texte remarquable de Véronique Margron et j’y souscris totalement. Cette personne auteure n’ai pas dans la claire vision de son propre vécu. Vous devriez vous informer auprès des moines et des moniales qui vivent encore et qui souffrent de voir qu’on ne parlent que de fausses vérités. Si les propos attribués à un Vicaire Épiscopal sont exacts, je les trouve scandaleux et inadmissibles, mais je voudrais bien savoir qui a dit ces imbéciles propos. Quel est son nom ? Pour l’instant c’est un anonyme ! Là aussi que le vrai soit mis au grand jour. Vous dites qu’en école de journalisme on a autant de récits sur un évènement qu’il y d’étudiante ! C’est un peu comme les Evangiles Synoptiques, ils sont trois et en nombreux passages il y a des correspondances avec l’Evangile de St Jean, mais tous les quatre ne visent que de dire leur témoignage sur Celui qui est la.Vérité et la Vie, le Christ. Ils ont pris un « très grand soin » et en s’informant sur les faits authentiques, comme le précise St Luc, pour écrire. Je pense que c’est un bel exemple pour comprendre la vérité des faits. Si des propos imbéciles ne sont pas vérifiés à leur source, (ce Vicaire Épiscopal) qui peut croire que ce soit vrai ? En plus que l’évêque lui-même accepte que son Vicaire parle de cette façon en son nom, puisqu’il est son représentant ! C’est encore plus imbécile..Je répète : Quel est le nom de ce Vicaire Épiscopal, auteur de propos imbéciles qui n’a certainement pas fait d’études sur l’ecclésiologie ou alors il a perdu la mémoire. Par contre si ces propos de Vicaire sont faux ou inexacts, il faudra qu’il se défende puisqu’il n’est pas mort et il faudra revoir les propos qui ont découlé de cela. Bien cordialement.

  • La recension de ce livre me fait penser à cette scène du film » Festen  » dans laquelle la famille est incapable d’entendre ce que révèle le fils lors d’un repas de famille : leur père les violait , sa sœur et lui .
    C’est sans doute un reflexe très partagé et une attitude banalement commune que de se refugier dans le déni lorsque la révélation de faits avérés met brusquement en cause des valeurs essentielles ,sur lesquelles on a fondé notre vie : la famille, la religion ,la communauté dont nous partageons les valeurs.
    Un reflexe inconscient très puissant , archaique moyen de survie lorsque notre représentation du monde semble s’écrouler.
    Il est toujours très difficile de regarder en face cette realite là : ce sur quoi j’ai fondé ma vie , ce a quoi je me suis engagé , non seulement ne correspond pas à ce que je croyais , à l’image qu’il voulait donner et a laquelle je voulais croire , mais de plus pratique en réalité le contraire de l’ideal affiché .
    C’est, je le crois , ce qui explique ce quadruple déni : celui des victimes jusqu’au moment où elles peuvent enfin parler , celui des communautés que la révélation des faits menace dans leur leur raison d’être affichée, celui de l’institution ecclesiale qui voit infirmer le pari hasardeux qu’elle a fait sur les communautés nouvelles et qui est soucieuse de son image , celui de la presse catholique toujours craintive de ne pas fragiliser l’institution ecclesiale .
    Donner la priorité au principe de réalité sur nos représentations idéalisées des hommes et des institutions est un apre combat , personnel et collectif toujours à mener .
    Encore faut il vouloir le mener .
    Si le traumatisme subi explique le déni des victimes , par contre celui de l’institution et celui de la presse trouvent aussi leur cause de la culture de connivence qui handicape lourdement le monde catholique dans son rapport à la vérité .
    Le déni est le moyen de conforter la loi du clan lorsque la révélation des faits la fragilise
    .A cet égard le récent livre de Ph Barbarin m’apparaît aussi , au delà du plaidoyer pour sa personne , comme un effort désespéré pour rester dans le deni en ce qui concerne le fonctionnement de l’institution ecclésiale .

    L’Evangile n’est il pas cet aiguillon perpétuel qui nous rappelle que la loi du clan , de tous les clans (familiaux , religieux politiques ), est mortifere et nous empêche d’accéder à une veritable humanité ?

  • Les pouvoirs du silence et de l’oubli transfigurent l’invérifiable en quasi vérité, et cela même si cette « vérité » s’avère ultérieurement certainement erroné. Quelle institution utilise mieux que toute autre ces pouvoirs ?

    (Le modérateur de Cath’lib que je suis a choisi de supprimer une partie de ce commentaifre qui m’apparaî sans lien immédiat avec le sujet en débat)

    Curieux à voir l’actualité et les siècles passés, la manière dont silences, d’oublis fabriquent des légendes. Et que dire du long et documenté travail du Conseil pontifical pour la culture de 1986 « Le phénomène des sectes ou nouveaux mouvements religieux, défi pastoral »* qui n’a eu aucune suite, Oui, qu’en dire aujourd’hui, alors que ce document annonçait une suite qui n’est jamais venu, alors que seuls ceux qui refusent de voir et entendre peuvent s’excuser d’un faible « mais on savait pas! », Pourtant l’urgence semble encore de béatifier canoniser à tour de bras.

    * https://www.lenversdudecor.org/Le-phenomene-des-sectes-un-defi-pastoral.html

  • « Elle faisait confiance à l’Eglise » écrivez-vous. Votre mot évoque en moi quelque chose de familial et indicible resté inexploré me semble-t-il par les historiens. J’appartiens à un milieu ancien de bourgeoisie provinciale et parisienne qui était croyant et pratiquant, éventuellement engagé (patronage, oeuvres diverses, démocratie chrétienne…). Et pourtant, jamais aucun prêtre n’était reçu au domicile. La distanciation était une règle implicite mais je crois non discutable, que marquait parfaitement les formules de salutations : Monsieur l’abbé, monsieur le curé (l’appellation « Père » aurait été jugée indécente et la génération de mes parents ne l’a jamais utilisé alors que moi même je trouve cette entrée en relation profondément inappropriée). Il m’a toujours semblé que cette séparation stricte ne relevait pas complètement de l’ordre de la distinction clergé/laïcs ou d’une volonté cléricale (évidente pourtant) de rester à l’écart. Était-elle alors le signe d’une réserve d’ordre politique parfois de la part d’une bourgeoisie intellectuellement cultivée et autonome ? peut-être mais à mon avis pas entièrement non plus. Ma grand-mère (1896-1982) nous avait rapporté sa stupéfaction de voir la décontraction et l’aspect familier des prêtres catholiques américains (aumoniers en clergyman des troupes US envoyées en 1917) et logés chez l’habitant dans les villes de garnison. Ils fumaient et devisaient sans façon. cette rencontre avec le clergé d’outre-Atlantique a été une révolution….En réalité, tout chez moi, nous disait sans nous le dire vraiment : restez à l’écart du clergé. Ai-je rêvé ? Ce sentiment un peu vague et confus vient de trop loin pour être complètement imaginé.

        • A Michel :

          SŒUR ANCILLA RÉPOND À DOM DYSMAS DE LASSUS :
          « Elle [Sœur Ancilla] a ainsi montré que la racine des dérives est le mensonge, aussi bien pour les dérives au niveau des mœurs que pour celles, connexes, concernant la doctrine et l’argent, même si le plus souvent elles sont passées sous silence. Le mensonge, en effet, occupe une place de choix dans notre société et il s’est introduit dans l’Eglise, avec l’effondrement massif de la morale. Un mensonge institutionnel s’est infiltré ensuite dans la vie religieuse, et cohabite avec une excellente formation théologique des supérieurs. Voilà pourquoi vouloir combattre les dérives avec le droit canonique et les visites canoniques paraît assez utopique. » (voir ci-dessous)
          http://www.derivesdansleglisecatholique.fr/?p=6448&fbclid=IwAR2WrdV6tHunLN56loDZ56UIcjIgEFojCthdihTkguksyiixxmMFHSfrNhU

          • N’ayant pas lu le livre de Dom Dysmas de Lassus (ni non plus celui de Pavel Syssoev), dont j’ai lu seulement plusieurs recensions élogieuses, et ne connaissant pas cette Soeur Ancilla, je ne sais comment interpréter cette polémique à propos de cet ouvrage.

            Je suis surpris de voir attribuée dans votre lien à Alexandre Soljenitsyne cette citation généralement attribuée à Joseph Goebbels : « Plus le mensonge est monstrueux, plus probable il est que les gens vont le croire » !

  • J’ai bien connu la communauté de Jérusalem à St Gervais, y compris l’auteure et cette période. Elle a ouvert la voie. Elle témoigne de ce qu’elle a vécu en vérité. C’est vrai PM.Delfieu avait du charisme et de l’allant, qui exercé sur des filles jeunes pouvait les aveugler voire les abuser. Et puis l’argument «  ben non je l’ai bien connu, à moi il ne m’est rien arrivé » c’est effectivement un déni de la souffrance des victimes mais surtout ce n’est en aucun cas une preuve de quoique ce soit !

    Ce qui me choque le plus est l’Omerta du Diocése. On sait, on laisse faire et ça recommence à d’autres.

    L’Eglise en tant qu’institution devrait protéger, garantir les personnes qui sont victimes de ces abus. Elle a le pouvoir et le devoir d’arrêter ces dérives. Aujourd’hui, avec les progrès de l’information, les drames sont révélés au grand jour, le silence et la honte brisés. Aujourd’hui l’Eglise à la chance de pouvoir choisir l’humanité avant tout. « Consolez, consolez mon peuple dit votre Dieu. » dit Isaïe, L’Eglise doit se convertir en portant secours aux victimes et non en les faisant taire. Le scandale est la faute des prédateurs pas des victimes !

  • J’aimerais compléter mon commentaire :
    en août 1987 à la sortie de la communauté, l’auteure a été logée par la famille généreuse d’un frère de la communauté. Mais en aucun cas elle a reçu de l’aide directe de la dite communauté,. J’étais présente, je témoigne de ce que j’ai vu.

    Elle n’avait même pas de quoi s’habiller, elle ne valait rien sur le marché du travail parce que 7 ans après, son diplôme d’orthophoniste ne valait rien du tout. Elle a fait la demande du RMI, et des stages à la Pitié-Salpêtrière pour se mettre à niveau.

    Quand on dit que l’auteure a été aidée humainement et socialement, c’est nous pas la communauté qui l’avons aidée !

    Ah oui ? que de mensonges pour défendre l’indéfendable !
    Je peux comprendre qu’on aimait admirer, idolâtrer PM.Delfieu mais je ne laisserai pas dire- qu’il ait aidé l’auteure, c’est faux.

    Je reviens sur la responsabilité du Diocèse qui savait et qui n’a rien fait.
    Interrogez-vous pourquoi parler 30 ans après ?

    C’est le temps qu’il faut aux victimes pour témoigner.

    L’horreur a quelque chose à voir avec l’indicible. on le sait, c’est ainsi.
    Pendant 20 ans l’auteure a dü lutter pour survivre. Alors oui, on peut dire qu’elle devait être fragile .oui pourquoi non ? à mes yeux, ç’aurait dû être une raison supplémentaire pour en prendre soin et non pas pour en abuser.

    Oui j’ai confiance aux personnes justes dans cette Eglise du Christ qui défendront les victimes, car comme disait Dostoieivski  » rien n’est plus humain que le Christ « .

    Il faut que l’on fasse église pour les aider à se reconstruire et non réduire ou invalider leur parole !

    • A C. Latour-Girard :

      « L’Eglise doit se convertir en portant secours aux victimes et non en les faisant taire. » écrivez-vous avec raison, et plus loin :
      « Il faut que l’on fasse église pour les aider à se reconstruire et non réduire ou invalider leur parole ! »

      Je suis entièrement d’accord avec vous.
      Un exemple particulièrement éloquent est celui du silence de l’Eglise sur les cas de pédophilie de certains clercs
      (à chaque fois, le silence de l’Eglise aura été adopté, en dernier recours, comme meilleure stratégie de défense).

      En 2006, Xavier Léger a quitté la Légion du Christ parce qu’il ne voulait plus cautionner par un silence complice un système pervers, protégé envers et contre tout par le Vatican depuis plus de soixante-dix ans.

  • J’ai bien connu Anne Mardon a l’époque et aussi pendant des années après sa sortie des Fraternites.J’ai lu son premier livre. Je vais lire le second. Pour ce qui est du premier livre, je peux certifier qu’elle dit vrai ce ce qui concerne la personnalité de Pierre -Marie Delfieux, admirée par beaucoup de ceux qui ne le côtoyaient pas dans le quotidien, et, en particulier, des laïcs, critiquée déjà et beaucoup par ceux qui avaient un peu de lucidité et de recul, et, parmi ces derniers, bien des « gens d’Eglise ».

    J’ai fait partie un temps des «  petites Laures » moi même, bien qu’ayant été mise en garde contre le recrutement intensif dans sa communauté du dit Pierre- Marie Delfieux par un père carme Victor Sion et par un moine de St Benoit sur Loire, conseiller spirituel de la première communauté des sœurs qui s’est dissoute. Et je peux dire que je n’ai été séduite à aucun niveau par Pierre-Marie Delfieux: bien au contraire, et ce, dès le premier entretien avec ce dernier, tant sa personnalité m’a parue d’emblée « floue ».Je connais par ailleurs les dégâts qu’il a occasionnés sur beaucoup de personnes qui sont restées et resteront dans le silence pour diverses raisons qui ne regardent qu’elles, en particulier parce qu’elles ont reconstruit leur vie, et parfois fort difficilement, sur d’autres bases. Pour ma part je n’indique que mon prénom. Certaines personnes me reconnaîtront sans problèmes.

    Anne Mardon dit encore vrai sur la relation exclusive que le Père Delfieux entretenait avec elle: j’en ai été le témoin et encore vrai sur l’histoire des débuts des Fraternites. Donc je ne vois absolument pas pour l’instant sur quels points elle mentirait ou affabulerait, contrairement à ce que peuvent avancer apparemment les membres de la communauté qui auraient vécu à la même époque. Et je les connais bien. il en reste très peu.

    En ce qui me concerne, il n’est pas question de demi-vérités, de «  fausses vérités « ou encore de points de vue différents.

    Je me refuse aussi à entrer dans le débat sur l’histoire ou la personnalité particulières d’Anne Mardon, ses motivations personnelles ou autres considérations. Ce qui m’importe avant tout est la vérité. Or, encore une fois, pour ce que j’en sais par expérience et ai pu en lire dans son premier livre, Anne Mardon dit vrai.

    Quant à avoir confiance dans l’Eglise et ses représentants: il me semble que c’est bien le premier réflexe de qui trouve ou retrouve la foi, surtout si la personne en question est jeune et n’a guère d’expérience des jalousies, mesquineries et autres maux divers qui y règnent aussi. Il est donc extrêmement grave de trahir cette confiance par des lâchetés et silences devant le mal, puis des mensonges et dénis lorsque ce dernier est mis en lumière, quelle que soit la personne qui dit tout haut ce que beaucoup et pas des moindres, savent depuis très longtemps.

  • Je reviens moi aussi, après avoir relu les premiers commentaires.

    Non : Anne Mardon n’a pas été aidée ni humainement ni financièrement par les Fraternites à sa sortie. Elle a eu, c’est vraI, une petite allocation des Fraternites à sa sortie pendant un an et une réparation des décennies après.

    Et, d’ailleurs, à ma connaissance du moins, aucun membre sorti des Fraternites n’a été aidé.

    C’est ma mère qui, parmi d’autres personnes aidantes dont il est fait mention plus haut, lui a payé son électricité.

    Et puisqu’on en est à parler argent, j’ai donné toutes mes économies personnellement au Père Delfieux quand je suis entrée et ne les ai jamais réclamées a ma sortie car, contrairement à elle, je n’étais pas dans le besoin.

    • A Marie Christine
      Ce que vous decrivez est un phénomène commun à toutes les communautés humaines .De la famille à la Nation en passant par les communautes religieuses ou associatives .Le dissident ne permet pas seulement d’évacuer la violence du groupe en lui servant d’exutoire (le bouc emissaire de Girard) il permet aussi de renforcer par défaut l’identité de la communauté que les questionnements, et les actes du dissident menacent de fait quand bien même ils ne poursuivent pas ce but .Le phénomène est d’autant plus violent que la communaute est identitaire c’est a dire mal assurée dans son identité.
      C’est une des causes de l’antisemitisme et du racisme . C’est moins la haine de l’autre pour ce qu’il est que la haine de la difference qui questionne de maniere insupportable ma propre identirte
      Ce qui est étonnant c’est que des communautes qui se réclament de l’Evangile qui vient pourtant casser cette logique de gestion de la violence et du rapport a l’identité y cèdent aussi facilement que les autres .
      Il s’agit moins, de mon point de vue d’une spiritualite pervertie que du retour en force de l’inconscient archaique qui renverse toutes les bonnes intentions des lors que le mécanisme inconscient de construction de l’identité collective est menacé
      J’ai observe ce phénomène aussi bien dans des familles (exclusion d’un enfant homosexuel )que dans des paroisses ou dans des communautés professionnelles ou des gens individuellement bienveillants deviennent simultanément collectivement inhumains dès lors que l’identie de leur groupe leur semble menacée par un evenement ou un individu qui viient même involontairement questionner leur fonctionnrment .. Le seul antidote à ce phénomène est la séparation absolue des pouvoirs au sein du groupe , ce qui manifestement dépasse les capacites d’entendement des communautes nouvelles et de l’église catholique . Faute de ces contrepouvoirs au sein de l’institution pour limiter ce phénomène, c’est le monde extérieur qui fait alors pression , mais trop tard lorsque les scandales sont rendus publics :
      C’est la justice demandant des comptes à l’archevêque de Lyon , c’est la commission indépendante imposee à l’episcopat français par la menace d’une commission d’enquête parlementaire qui ont fait, trop peu et trop superficiellement évoluer l’église sur la question de la pedocriminalite de ses clercs .

      • Guy, ce n’est pas la justice qui a demandé des comptes à l’archevêque de Lyon, le ministère public ne l’a jamais poursuivi et a toujours demandé sa relaxe, ce sont les plaignants qui l’ont mis en cause devant les tribunaux par une citation directe pour contourner l’absence de poursuite.

        • Merci Michel de conforter ainsi mon propos . C’est bien parce qu’il existe une justice indépendante que les victimes ont pu faire entendre et surtout faire reconnaître publiquement et officiellement la réalité des faits .
          Comme vous le savez , il existe deux voies pour saisir la justice: soit par le procureur qui est l’avocat de la societe , soit par la victime elle même (Sans rentrer dans toute la complexite du code de procédure qui organise les modalites d’emploi de ces deux voies qui peuvent être simultanées lorsque l’action possède des facettes pénales et civiles .)
          Au delà de la personne de Ph Barbarin que la justice a relaxé , les deux jugements convergents sur ce point ont mis en évidence que l’archevêque de Lyon connaissait le dossier de Preynat et son passé pedocriminel et qu’il l’a cependant nommé comme curé à un poste pour lequel il était en contact avec des enfants , mettant ainsi officiellement en évidence ce grave dysfonctionnement dans la conduite par l’institution ecclesiale de l’administration du diocèse .Il faut le souligner, au delà des personnes qui occupent les fonctions d’archeveque, au delà de la motivation des victimes c’est la justice et elle seule qui a permis d’acter publiquement le dysfonctionnement de l’église pour prendre en compte la pedocriminalite de ses clercs et dont elle a mis en evidence le caractère structurel .. En interne à l’eglise et quoi qu’elle en dise c’est impossible et en externe la parole des victimes se heurte au deni et à la suspicion qu’elle ne peut à elle seule,
          d’elle même dépasser pour les raisons évoquées dans mon post précédent .
          C’est donc bien le recours à un tiers légitime qui est le seul moyen de faire reconnaitre la réalité des faits préalable indispensable à toute évolution.

          • Et les prédécesseurs de Mgr Barbarin lesquels ,eux, étaient directement concernés par les crimes de Preynat,curieusement, eux ne méritent aucun jugement de ta part?

          • Oui, Dominique, c’est tout le paradoxe, alors même que Preynat avait cessé ses activités pédocriminelles depuis 1990, bien avant l’arrivée de Mgr Barbarin à Lyon…
            Philippe Barbarin est le parfait bouc émissaire dans cette triste affaire.
            Il paie pour une évolution de la société tout entière qui était très tolérante pour ces crimes, voire faisait l’apologie de la pédophilie dans les années 70 en prônant la liberté sexuelle des enfants.

  • Même si je garde plutôt un bon souvenir des répétitions de chant avec Marcel Bardon, je ne vois pas ce qui l’autorise à parler « du départ des soeurs en 83 », il ne l’a pas vécu avec nous ! (et encore moins de la dissolution canonique en 84… (le Cardinal Lustiger nous avait accordé une année pour prendre une décision définitive). J’imagine qu’après notre départ, il a continué son rôle « musical » après des soeurs « laures » qui ont assuré la liturgie, sans nous. Merci de ne pas réécrire l’histoire à la place de celles qui l’ont vécue, cela a été assez douloureux comme cela.
    Si nous sommes parties, ce n’est pas sans raison…

  • Mars 2019, Arte a programmé « religieuses abusées » sur l’omerta qui dure depuis au moins 30 ans et que l’auteure qualifie de proxénétisme clérical. Par ailleurs, les supérieures de congrégations ont décidé de privilégier le placement des orphelins en famille d’accueil, donc de fermer l’essentiel de leurs orphelinats sur la planète. Les bombes à fragmentation du silence n’ont pas fini d’inviter les autorités des religions à la raison et à l’humilité. Mais est-il raisonnable d’espérer que ces corporations, dont les membres se disent choisis par Dieu, soient perméables à l’humilité.
    https://www.la-croix.com/Religion/Religieuses-abusees-grand-silence-enquete-dire-linnommable-2020-10-07-1201118125
    https://www.la-croix.com/Religion/A-Rome-revolution-copernicienne-religieuses-orphelinats-2020-10-02-1201117222

  • « Mais madame, l’Eglise n’existe pas. »
    Voilà une phrase tout à fait intéressante, parce qu’il est effectivement probable que « L’EGLISE » (la grande, tout en majuscule) capable de traiter chacun comme une personne avec tout l’amour de Dieu et de discerner avec tout l’appuit de l’esprit saint, cette « EGLISE » la, fantasmée, n’existe pas.

    A la place de cela, il n’y a qu’une « Eglise », constituée de pécheurs (selon la formule consacrée) et d’un clergé plus ou moins avisé.
    Il est tentant de renvoyer Anne Mardon à son erreur d’avoir cru à l’existence de l’EGLISE, qu’elle accuse après coup de n’avoir pas été a la hauteur.

    Le soucis, c’est que clergé entretient lui même la confusion entre l’EGLISE et l’Eglise, qu’il l’imagine « Experte en humanité » (Paul VI), qu’il se pense « Infaillible » (Vatican I), et qu’il n’hésite pas a dire que « Les évêques bénéficient de plus d’esprit saint que les simples fidèles » (entendu il y a quelques mois de la bouche d’un évêque auxiliaire).

    Quand ça l’arrange, l’Eglise ne se gêne pas pour faire croire qu’elle est l’EGLISE, parfait et détentrice de la vérité, et c’est pour cela qu’on l’attend au tournant.
    Et c’est pour ça qu’elle va avoir beaucoup de mal à sortir vivante du 21eme siècle.

  • Monsieur Legrand,

    Je suis tout à fait d’accord avec vous. D’après mon expérience, qui ne concerne bien entendu pas tous les cas parvenus à la connaissance du public (sans parler des cas inconnus et qui le resteront ) seul le recours à un tiers indépendant peut avoir raison de l’inertie ou la lâcheté ou l’incompétence ou la désinvolture des autorités ecclésiales composées de clercs célibataires et masculins.
    Ces clercs peuvent être individuellement des personnes honnêtes et compatissantes dans leurs relations individuelles avec les fidèles. Mais ils sont baignés par leur statut et leur vie, dans le monde ecclésial qui a, comme tout milieu particulier, ses codes non écrits, ses manières de régler ou de croire régler les problèmes, ses solidarités conscientes ou inconscientes, et, en l’occurrence, on langage et sa mentalité «  pieuses « inappropriés à la gravité de certains faits.

    Ces clercs n’ont pas de responsabilités familiales ou professionnelles ou autres engagements, donc pas de comptes à rendre sinon à leur hiérarchie elle- meme composée de clercs, à Dieu ou à leur conscience. Ce qui fait aussi, que si leur conscience morale n’est pas droite, il peut y avoir dérives et abus de toutes sortes. Quand on a une famille, on ne peut raisonner ainsi. Car la responsabilité de plus fragile que soi ( enfants ou parents vieillissants, conjoint malade ou affaibli) dure jusqu’à la mort. Et il est alors impossible de dissocier culpabilité et responsabilité. Une mère de famille à propos des difficultés d’un de ses grands enfants, me disait récemment que les prêtres qu’elle côtoyait et qui montraient pourtant leur compassion, ne se rendaient absolument pas compte de l’importance de sa souffrance, tant il est vrai que l’on ne comprend que ce que l’on a vécu.

    Je me suis aperçue aussi que les plus scandalisés par la révélation d’abus divers etaient des laïcs comme si, pour les autorités ecclésiales, il allait de soi que « l’on ne fait pas d’omelettes sans casser les œufs« . Et, pour la plupart, il ne s’agit pas de cynisme mais d’une impossibilité à réaliser la profondeur de la souffrance d’une victime d’abus et, littéralement, à savoir quoi en faire dans l’institution. Dans la conscience des responsables, il semblerait que, étant donné les bonnes intentions sincères ou seulement affichées des individus,
    et des communautés, étant donné qu’on est entre «  gens bien « , il ne puisse réellement y avoir de victimes.

    A cet égard, le titre du livre du cardinal Barbarin «  En mon âme et conscience «  est significatif car sa conscience personnelle n’est pas en cause. Cependant sa démarche de «  deculpalisation » et de « victimisation », osant se comparer au Christ, me parait incompréhensible et inopportune. Ce faisant, il ne se rend pas compte, et, en toute bonne foi, que les plus à plaindre dans l’histoire sont les victimes qui n’ont pas eu, comme lui, la possibilité de partager leur souffrance avec quiconque, puisqu’elles étaient murées dans le silence depuis des décennies. Ce sont les victimes qu’il devrait comparer au Christ, silencieux devant ses bourreaux. La plus grande victime en effet est celle qui ne peut faire entendre sa souffrance, pas celle qui, si peu de temps après les faits, peut se défendre et pouvait le faire au tribunal personnellement ou par l’intermédiaire de ses avocats, pas celle qui aura toujours un toit sur sa tete, des soutiens divers de son milieu religieux et une mission à accomplir. Ce faisant, je ne nie pas les souffrances, certainement très grandes, du Cardinal. Mais je pense qu’hélas il n’a rien compris et rien appris de la responsabilité morale qui ne va pas nécessairement de paire avec la culpabilité individuelle. Incompréhensible pour quiconque a conscience de ses responsabilités envers autrui. La morale en effet nous apprend que l’on est toujours en dette envers autrui ( voir les analyses d’ E.Levinas ) comme nous l’apprend aussi l’Evangile. Le droit ne va pas jusque là. Le cardinal a «  raté «, si je puis dire, son passage par la « porte étroite » du message évangélique.

    Ceci dit, il existe des laïcs encore plus cléricaux que les clercs. Comme si le pouvoir soudain qu’ils n’ont jamais eu dans l’Eglise, les enivrait et leur faisait perdre tout bon sens. D’où les désastres advenus dans beaucoup de communautés nouvelles composées de laïcs. Il n’y a en effet que la loi doublée de la séparation des pouvoirs qui peut préserver de graves abus quand la conscience morale et donc le respect d’autrui ne sont plus présents. La mentalité moderne éduquée aux principes démocratiques le sait bien. L’Eglise ne l’a pas compris. J’en suis bien d’accord avec vous, alors que, pourtant, les règles des communautés monastiques anciennes, la distinction du fort interne et fort externe etc…existent bien dans le droit canonique.

    • Croire que, comme vous l’espérez, « il ne se rend pas compte » a pu être crédible, tant que sa corporation fonctionnait sur le mode « pas vu pas pris ». Après Benoit XVI qui a commencé de faire réellement bouger les lignes -lignes maintenues de fait par son prédécesseur – il n’est pas crédible que Barbarin ait pu continuer de rassurer sa conscience par les analgésiques usuels: ignorance et tradition. Probable que, comme vous le suggérez, le poids de laïcs engagés et proche des hauts clercs a pu jouer. Mais alors, dans quel enfermement se trouvent ces « responsables » et pourquoi refusent-ils d’entendre les laîcs engagés autrement, dans la société ouverte et qui leurs crient « casse-cou ». L’épiscopat vient de récidiver gravement en poussant à une manifestation sur la loi éthique au lieu de rappeler que le recours à l’avortement est un échec individuel et collectif, ce que tout le monde sait, et qu’en matière de fertilité, d’avortement, de mortalité « en couche », de natalité la France est transparente et se tient mieux que des pays soi-disant très chrétiens comme Pologne, Italie Russie. La CEF aurait pu aussi se féliciter que la France soit en vrai fraternelle (allocations familiales, bonifications des retraites notamment). Ils sabotent eux-même un capital de confiance déjà très affaibli par la manif pour tous, sens commun et alliance vita. Plus que désolant, nos évêques sont pitoyables.

      • Concernant la position des évêques sur les questions de bio-éthique ou d’avortement, il me semble y avoir deux dimensions à ne pas confondre : une position sur le fond, et une question d’opportunité dans leur prise de parole.

        J’ai déjà dit à multiples reprises combien me semblaient aujourd’hui vaines ces prises de positions que personne n’écoute dans un contexte où l’opinion perçoit ces évolutions sociétales de manière positive. Pardonnez-moi de citer ici un passage de mon livre Catholique en liberté (p.119) : « Il est peu d’institutions qui, autant que l’Église, auront systématiquement perdu tous les combats menés depuis trois quarts de siècle. Sans remonter au divorce, dont l’introduction dans notre législation date de la Révolution française, citons : la contraception, les relations sexuelles hors mariage, l’avortement, le mariage gay, la PMA et demain, n’en doutons pas, la GPA et l’euthanasie. » Je crois hélas que le combat est vain et que descendre dans la rue ne sert à rien. Tout cela donne l’image de chrétiens qui ne se définissent plus par leur adhésion au Christ mais par leur opposition aux lois sociétales.

        Sur le fond, je persiste à penser, contrairement à vous, que leurs critiques ou réserves sont fondées. La dérive engagée depuis des décennies sur l’avortement en est une parfaite illustration. Qui se réfère aujourd’hui à la loi Veil qui réservait l’avortement à des situations de détresse, passe désormais pour un affreux réactionnaire. De l’avortement perçu comme un « droit » on a tiré la conclusion que le fœtus et l’embryon n’avaient pas de personnalité. C’est l’existence d’un « projet parental » qui seuls, pouvait différencier un enfant à naître d’un simple amas de cellules. Ce qui est biologiquement une absurdité. Or voilà que des élus de la République, au-delà du report de 12 à 14 semaines qui vuardiat à lui seul un autre commentaire – nous proposent d’élargir le concept de détresse à la détresse psycho-sociale pouvant justifier un avortement jusqu’au terme de la grossesse. Ainsi un foetus qui pouvait avoir statut d’enfant à naître, parceque correspondant à un projet parental pourrait perdre ce statut à huit mois ou au-delà parce qu’entre temps la femme qui le porte a renoncé à son projet… pour cause de détresse psycho-sociale.

        Et nousserions au pays de la raison cartésienne ! Comprenez-moi bien : je suis prêt à prendre toute souffrance en considération. Mais à huit ou neuf mois de grossesse (et même avant) il existe des alternatives à l’avortement ne serait-ce que l’accouchement sous X et l’adoption de l’enfant, dans un contexte où par ailleurs on voit des couples hétérosexuels ou homosexuels, ne pouvoir adopter par manque d’enfants susceptibles de l’être.

        Et je terminerai ce propos par une nouvelle citation de mon livre (p.159) : « «Obscurantisme», accuseront certains! Je tiens pour ma part que le pire obscurantisme est de congédier la raison qui nous demande d’être toujours en questionnement, en prétextant de la souveraineté de la délibération démocratique. Il arrive, contre bien des idées reçues, que ce soient les catholiques qui en appellent à la raison contre la molle résignation ou la fausse compassion des opinions publiques. Une manière pour eux de servir loyalement le Bien commun. »

        • Je vois pour ma part ces dérives comme les « enfants du cartésianisme ». De l’éloge de la raison à découlé le triomphe de l’esprit, seul maître à bord pour définir la réalité.

          C’est maintenant l’esprit seul qui crée ou supprime le « projet parental » et distingue alors la « masse biologique » de la personne humaine – ou qui définit si l’on est homme ou femme (j’ai appris récemment qu’il existe aussi des « blancs » qui se définissent « noirs »).

          Et sur ce point j’ai vraiment envie de renvoyer dos à dos l’Eglise et le monde : je n’ai notamment toujours pas digéré « Fides et Ratio » qui fait la part belle à la raison et risque la comparaison avec la Foi, pas plus que tout un pan de la « morale » Catholique qui entend mettre le corps sous le contrôle de la raison.

        • Critiques et réserves seraient fondées si elles étaient sur un ton autre que la condamnations. Je sais trop intimement le mal que font de telles condamnations, au sein des familles qui ne pratiquent pas la poussière sous le tapis (oubli et silence), et cela sur plusieurs générations, et la force dont font preuve ces familles pour rester debout malgré les peine que leur inflige l’Institution pour dire que les épiscopats sont , pour les mêmes raisons systémiques qu’en matière d’abus de tous ordres, ici abus de « pouvoir » gravement dans l’erreur. Leur refus collectif d’entendre est inexcusable et la dernière phrase que vous citez de votre livre montre que, vous aussi, n’entendez pas. Qui dit qu’il faudrait cesser d’être en questionnement quand l’article de La Croix https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Avortement-pourquoi-chiffres-augmentent-2020-10-08-1201118281 explique pourquoi le nombre d’avortements progresse, indique que l’augmentation est connue en France. Ce pendant l’article omet les avortements clandestins, la mortalité en couche, le taux de natalité, qui tous montrent que la société française ne va pas mal et est transparente (statistique pas biaisées. Ces explications rapportées par l’article confirment que l’avortement est vécu comme un échec, preuve qu’il y a questionnement individuel, et que les raisons des ces échecs sont le plus souvent respectables et doivent interroger nos sociétés: sécurité de l’emploi, confiance en la solidité du couple, motifs sérieux de craindre pour l’avenir.
          J’aurais envie de poursuivre ce dialogue aussi avec Emmanuel et Marie-Christine, mais ne m’en sens pas la force, je m’en excuse. J’apprécie ce que vous dites, comme ce que dit René, même si nous avons des désaccords profond particulièrement sur la place de la spiritualité, qui pour moi est intime, quand le collectif relève des engagements associatifs et politique: distinguer radicalement l’institution de l’Église comme je fais, c’est être complètement sécularisé. C’est pourquoi, si je lis des ouvrages de témoignage de spiritualité, je lis aussi aussi sur la politique de l’institution. Ainsi, en ce moment le remarquable « Le Pape et Mussolini » de D. Kertzer, prix Pulitzer 2015, qui en dit beaucoup sur la sociologie et la mentalité politique au sein de l’institution. Sociologie et mentalité ne semblent guère avoir changé.

      • À Jean- Pierre Gosset

        Je crois que vous ne m’avez pas comprise car j’ai été trop longue; je m’en excuse.
        Quand on trouve un espace de libre échange sur des sujets qui nous tiennent à cœur, il arrive que l’on soit peu clair et trop bavard.

        Bref, je n’ai pas dit que des laïcs haut placés avaient influencé le cardinal Barbarin mais que ce que l’on appelle maintenant, par facilité de langage, le « cléricalisme »  ne concernait pas que les clercs et avait à voir avec le pouvoir sur autrui tant au sein de l’institution Église que des communautés religieuses.

        J’essaye de comprendre tous ces silences et lâchetés sur des formes d’abus très graves. Et, honnêtement, malgré toutes les explications avancées, je n’y arrive pas vraiment.

        Ce que je ressens: c’est qu’à cause de toutes ces incohérences scandaleuses, l’Eglise, selon moi, n’est absolument plus audible. Et c’est bien dommage a cause des trésors de spiritualité ( et non de moralisme étroit ) qu’elle renferme.

        L’appel à des manifestations ne peut pas être compris non plus. Il renforce le sentiment que l’Eglise ne sait plus rien faire d’autre que défendre des positions « dépassées »  et veut encore faire régner son propre « ordre moral ».

        En ce qui concerne le cardinal Barbarin, il enfonce le clou par sa défense maladroite et alambiquée. Quand on est responsable, on assume, même les fautes ( et non les « erreurs » ) de ses prédécesseurs.

        Et l’explication par les mœurs du temps des années 70 ne justifie rien du tout. G.Matzneff et tous ceux qui ont fait l’éloge de la pédophilie n’ont jamais prétendu donner des leçons de morale à quiconque. Bien au contraire !

        • « malgré toutes les explications avancées, je n’y arrive pas vraiment. »
          Le film « Spotlight » m’a beaucoup aidé à comprendre à la fois la gravité des faits et l’enchainement des actions qui ont conduits au désastre que l’on sait.
          Quelques scènes en particulier :
          – lorsqu’une victime témoigne de son parcours et que les journaliste sont bouleversés d’apprendre les conséquences des viols
          – lorsqu’un curé visiblement totalement déboussolé explique qu’il « n’a jamais voulu de mal aux enfants »
          – lorsque le journaliste réalise que lui-même avait preferé fermer les yeux par le passé

          Contrairement à Jean-Pierre Gosset, je crois réellement que Barbarin ne se rend pas compte et qu’il se sent « injustement attaqué » et désireux de rétablir la vérité.

          Il me fait penser à mon pauvre curé qui nous fait des homélies – très travaillées – sur les bienfaits du cilice et s’étonne ensuite de la fuite des fidèles. Je les pense tout deux totalement hors de la réalité (même si les conséquence sont moins graves dans le second cas). Depuis qu’elle ne parvient plus à dialoguer avec le monde, une partie de l’institution s’est comme repliée sur elle même et vit dans une illusion.

          • À Emmanuel,

            Merci de votre réponse.Je comprends bien en effet les raisons qui font que la psychologie des uns et des autres n’est pas prête à réaliser l’horreur de l’abus et préfère donc s’enfermer dans le silence et le déni. Mais je ne comprends toujours pas comment des responsables n’assument pas leurs responsabilités face à plus faible qu’eux dont ils ont accepté la charge, tout au moins quand ils ont connaissance de la gravité des faits. Qu’ils ne réagissent pas, sauf par de « belles » paroles « pieuses » inadéquates et en fait insultantes.

            Il existe quand même, chez tout être humain, à part psychopathes et pervers, des sursauts de la conscience morale qui devraient inciter à réagir. Ou alors autant dire que l’on s’accommode de l’abjection et, en conséquence, de ne plus jamais oser faire de leçons de morale à personne. Qu’est ce en effet qu’une institution qui se prétend porteuse de la plus haute morale et qui réagit si mollement et, seulement sous la contrainte extérieure au mal fait à autrui en son propre sein ?

            Selon moi, l’Eglise a failli moralement en préférant ses clercs ou les communautés reconnues, voire encouragées par elle, aux victimes. Donc elle n’est plus du tout crédible. J’en prends acte avec regret.

            Et pour répondre à votre autre message, je pense que l’Eglise ne souffre pas d’un trop plein de raison. Au contraire, en faisant prévaloir le charisme ( sous lequel on peut mettre tout et n’importe quoi), ou la piété, entre autres mariale, à l’excès ( je n’ai pas dit la prière ), elle a abandonné toute raison. Seul le travail exigeant de l’intelligence permet de ne pas confondre le réel et l’illusion confortable.

            Donc j’en veux à Jean-Paul II mais pas pour les mêmes raisons que vous.

  • @Marie Christine
     » comment des responsables n’assument pas leurs responsabilités face à plus faible qu’eux dont ils ont accepté la charge »
    => Je ne suis pas convaincu que la majorité des responsables se sentent « en charge des faibles ». A l’extrême je doute qu’une personne vraiment attaché à « la défense des faibles » puisse vraiment monter dans une hiérarchie humaine quelle qu’elle soit. Sinon, Jésus serait devenu Roi sur terre 😉

    « Donc elle n’est plus du tout crédible. »
    J’en suis arrivé à la même conclusion. Ce qui m’inquiète c’est de savoir qui va pouvoir livrer les éventuels combats éthiques qui s’annoncent.

    Sur la raison : je me méfie terriblement de « l’intelligence », et je doute fortement de sa capacité à nous faire découvrir le vrai. Miser tout sur l’intelligence, c’est risquer la paréidolie : construire une « vérité » subjective à partir d’un fait qui ne devrait pas le permettre (typiquement à mon avis : le magistère qui croit voir dans les cycles féminin le dessein de Dieu pour une sexualité « responsable », alors qu’ils ne sont très probablement que le résultat d’une évolution naturelle)..

  • Passionnant !
    Décidément, je vais y passer mon après-midi…

    A Emmanuel,

    Si j’ai bien compris, toute autorité dans l’Eglise vient d’un appel à un service et non d’un désir de monter dans la hiérarchie..
    Et, dans l’Evangile, le berger délaisse bien les autres brebis pour aller chercher « la brebis perdue » c’est à dire la plus faible, sans compter le lavement des pieds etc…etc….
    Donc, si on n’est pas capable d’assumer ces exigences «  redoutables « , on refuse toute responsabilité ou on démissionne . Il faut être cohérent.
    De même, sans aller jusque là, dans un métier au service par exemple de malades, d’enfants, de personnes en grandes difficultés, mais pas seulement, il faut bien avoir une conscience professionnelle.. Et si on fait mal son travail, on a des comptes à rendre. De même dans la vie en général, on rend compte de ses actes , a part si on a choisi d’être «  truand » ( et il y a des «  truands » dans beaucoup de domaines ).
    Et pas dans l’Eglise ? Cela dépasse mon entendement.

    Concernant l’intelligence, je ne puis être en accord avec vous. Car c’est son exercice bien mené ( on peut en effet raisonner faux ou «  dans le vide ») qui nous permet l’accès à la connaissance objective ( c’est à dire partageable par tous) du réel et nous délivre, autant que faire se peut, des opinions subjectives issues de nos désirs ou de nos besoins. Et il n’est pas besoin de beaucoup de culture- fort heureusement !- pour avoir du bon sens.
    «  Le bon sens- au sens de la raison- est la chose du monde la mieux partagée «  écrit Descartes, tout en précisant qu’il faut acquérir une méthode pour bien raisonner car la raison peut devenir « folle » , comme on le voit dans les idéologies.

    A Jean- Pierre Gosset,

    Simplement, je saisis ce que vous voulez dire, provenant de votre expérience personnelle . Et merci de ce partage.

    • « toute autorité dans l’Eglise vient d’un appel à un service et non d’un désir de monter dans la hiérarchie »
      => C’est effectivement la théorie, je ne suis pas totalement convaincu que ce soit le reflet de la réalité. « L’appel » dans l’Eglise vient de celui qui est au dessus (le curé, l’évêque, le cardinal, le pape) qui ne sont chacun que des hommes, et vont appeler selon des critères « humains » : celui qui semble à même de « prendre les responsabilités », de « diriger ». C’est rarement le plus humble qui se trouve promu. Les anglais ont une jolie formule pour le dire (en dehors de tout contexte ecclésial) : « Nice guys finish last ».

      Et Jésus nous a bien mis en garde « Si quelqu’un veut être le premier qu’il soit le dernier et le serviteur de tous ».

      « L’intelligence […] nous permet l’accès à la connaissance objective »
      Nous sommes effectivement en désaccord. Il me semble que seul le travail du corps, de l’âme et de l’intelligence nous permet d’emprunter le « chemin de la vérité et la vie ».

      « Gaudate et Exsultate » en parle dans les paragphes 36 et suivants, il renvoie dos à dos le gnostiscisme et le pélagianisme comme deux hérésies, l’une de l’intelligence, l’autre de la volonté : « Car le pouvoir que les gnostiques attribuaient à l’intelligence, certains commencèrent à l’attribuer à la volonté humaine, à l’effort personnel. C’est ainsi que sont apparus les pélagiens et les semi-pélagiens. Ce n’était plus l’intelligence qui occupait la place du mystère et de la grâce, mais la volonté. « 

  • Emmanuel,

    Il n’y a pas contradiction. Il est évident que tous ne sont pas aptes à diriger ( je préfèrerais : «  prendre soin de » d’ailleurs). Cependant les compétences de quelqu’un ne l’empêchent nullement de les mettre au service des autres, même s’il s’agit d’une exigence à laquelle se convertir chaque jour ( contre égoïsme et orgueil). Cela se produit dans de nombreux métiers, justement «  de service », dans l’humanitaire, dans le bénévolat et en fait dans toutes les activités si l’on se veut chrétien ou que l’on a simplement le souci d’autrui.

    De même, de mon point de vue, il n’y a pas de contradiction entre la raison et la foi. La raison seule ne peut donner la foi bien sûr qui est de l’ordre de la rencontre personnelle, même si elle peut néanmoins y conduire. Mais une foi incapable de faire appel à l’intelligence ( y compris dans les apports des sciences dites «  humaines » : psychologie, sociologie etc.) conduit au fidéisme et au piétisme ( repli identitaire) voire à l’illuminisme ( exemple de nombreuses dérives dans les communautés nouvelles ). Sinon, à quoi bon des théologiens qui tentent d’expliciter le contenu de la foi pour l’homme d’aujourd’hui et entament un dialogue avec ce dernier ? La pensée de St Thomas d’Aquin ( fondement de la théologie catholique ), bien que précieuse, n’est pas suffisante aujourd’hui. ( trop long à développer et pas assez de compétences pour cela. )

    Je suis moins savante que vous en théologie. Cependant je crois me rappeler une phrase de St Anselme: »Je crois pour mieux comprendre et je cherche à comprendre pour mieux croire ».( A vérifier )

    • Je pense que la pensée de Thomas d’Aquin a eu plus d’influence sur la philosophie que sur la théologie à proprement parler qui dispose tout de même d’autres sources. Mais je ne suis pas un spécialiste !

      • C’est tout à fait vrai.
        Mais la pensée de St Thomas d’Aquin, tentant de concilier la philosophie d’Aristote  et la foi, même si elle n’est pas la seule bien sûr, est cependant très importante dans la théologie catholique, du moins « officielle ».
        Un des chapitres de l’encyclique de Jean- Paul II «  Fides et ratio » porte pour titre « La constante nouveauté de la pensée de St Thomas d’Aquin ». Jean- Paul y écrit, se référant aussi à Paul VI et d’autres papes antérieurs, que «  St Thomas a toujours été propose à juste titre par l’Eglise comme un maître de pensée et le modèle d’une façon correcte de faire de la théologie ». L’ordre dominicain auquel il appartenait y puise ses réflexions. Jacques Maritain aussi etc…
        M. D. Philippe ( de triste mémoire ) base toute sa pensée sur une lecture de ce dernier ( voir son interprétation funeste de la « philia » aristotélicienne dans sa notion «  d’amour d’amitié »).
        Donc St Thomas peut être vu, soit comme un théologien indépassable ( et la théologie demeure alors « figée « et «  normative »), soit comme le modèle inspirant d’un effort de dialogue avec la pensée «  profane « : dialogue sans cesse à renouveler et à actualiser.

  • Pour moi, depuis le temps que je bataille dans l’Eglise pour faire entendre quelque chose – mais l’expression « prêcher dans le désert » prend là tout son triste sens -, la confiance est tellement systématiquement, impunément, mise à mal, que la foi elle-même ne peut qu’en être atteinte, profondément. Ce qui devrait tout de même chatouiller la conscience des hommes d’Eglise. Mais non.

    La raison, l’intelligence me semblent en effet indispensables, au moins pour gouverner, « prendre soin », mais comme nous sommes loin du compte ! La hiérarchie est investie d’une mission trop lourde pour elle. Elle est incapable de le reconnaitre humblement car il faudrait pour cela conjuguer foi et intelligence, pour ne pas sombrer dans le rabâchage, la morale, le repli et la crispation quasi superstitieux. On est face à une « raison d’Eglise » qui ne sait s’alimenter que d’elle-même. Le scandale est pour moi si énorme que je ne trouve plus les mots. Je m’épuise à m’y heurter, c’est tout. Mais c’est comme hurler dans une pièce insonorisée.

    • Le problème n’est-il pas aussi de faire trop reposer la foi sur l’Eglise ? Ne l’a t-on pas trop « appris » ainsi par le passé ? Hors de l’Eglise, point de foi ? Personnellement je ne crois pas que l’Eglise soit un but en soi, au mieux je la vois un peu comme un véhicule qui accompagne, avec plus ou moins de pertinence, plus ou moins de charité, plus ou moins de bienveillance…L’Eglise institution n’est en rien différente de toutes les autres institutions humaines, prétendre le contraire ou le penser, c’est à l’évidence s’exposer à de graves désillusions. De toute façon, la foi ne peut être qu’une réalité intérieure, une expérience intérieure vécue, c’est un espace de totale liberté, la seule peut-être qui existe vraiment, il n’y a que vous, vous et le « Maître intérieur » comme le disait St Augustin…Rien ni personne ne peut vous ôter cela, même pas l’Eglise..L’Eglise, elle est censée donner une orientation, aider au discernement intérieur, non pas forcer les portes de notre intériorité. Si elle le fait, il faut prendre du recul et revenir à son coeur (encore St Augustin). On ne se convertit pas à un dogme ni à une Eglise mais à une source de vie renouvelée. C’est cela qui compte me semble t-il. Après qu’on veuille participer et se battre pour que l’Eglise évolue, c’est très bien et nécessaire mais si c’est pour entamer sa foi, se sentir trahie, déstabilisée ou en difficulté, je ne crois pas que le jeu en vaille forcément la chandelle.

      • J’aime bien citer à ce sujet le Cardinal Newman :
        « Elle [la conscience] est la messagère de Celui qui, dans le monde de la nature comme dans celui de la grâce, nous parle à travers le voile, nous instruit et nous gouverne. La conscience est le premier de tous les vicaires du Christ. »
        Lettre au Duc de Norfolk (1875)

      • On peut être d’accord avec vous sauf que ce n’est pas ce que dit l’Eglise «  sainte «  qui doit conduire les fidèles ( terme significatif ) à Dieu par ses sacrements et sa parole.

        La foi repose sur la confiance.
        Ainsi trahir cette confiance de l’enfant ( ou « de l’enfant qui sommeille toujours en nous » comme l’écrit justement V. Magron ) est une faute extrêmement grave. Et les victimes,
        ont l’impression d’avoir été trahies, jusque dans leur lien le plus intime à Dieu. qui peut avoir ainsi été abîmé et détruit à tout jamais. Il existe en effet, en dehors même des abus sexuels, des abus spirituels qui sont des véritables meurtres de l’âme. D’ailleurs un abus sexuel par des représentants de l’Eglise équivaut à un meurtre spirituel.

        L’Eglise est composée d’ humains certes faillibles comme dans toute institution.
        Cependant aucune autre institution ne se prétend médiatrice par ses sacrements dispensés par le prêtre, entre les hommes et Dieu. Le recours à la foi ne peut donc par lui-même réparer quoi que ce soit puisque c’est la possibilité même de la foi qui a été parfois aneantie. Ce serait contradictoire.

        Le seul remède est d’écouter les victimes, de reconnaître le mal commis, d’en accepter la responsabilité entière, sans émettre cette injonction contradictoire: on vous demandait une totale confiance ou du moins personne ne vous a dissuadé de la donner. Et maintenant on vous tient pour entièrement responsable de la confiance que l’on vous avez au préalable demandée. C’est absurde. Et, ce faisant, on redouble leurs souffrances et on ne répare rien du tout.

        Je sais bien que ce n’est pas ce que vous voulez dire. Cependant, face aux victimes, il y a beaucoup de discours qui ne passent pas. Il faut y aller «  avec des pincettes ».

  • Anne,

    C’est bien pour cela qu’il faut avoir recours à une autorité extérieure et, si nécessaire, à la médiatisation. L’expérience prouve qu’il ne faut hélas rien attendre de la hiérarchie car cette dernière ne bouge que lorsqu’elle y est contrainte. En effet, des individus, même de bonne volonté, n’émettront que leurs avis personnels face à une situation. Et la bonne volonté ne suffit pas pour que les choses changent.

    • est-ce donc sous contrainte que Léon XIII écrit Rerum Novarum encyclique à la suite de laquelle, parait-il dans certains couvents on priait « pour la délivrance » du siège de Pierre.

      • Si vous pouviez suivre le fil, au lieu de chercher sans cesse des objections ou de répondre à côté: ce serait bien.

        • Marie Christine que vous le voutiez ou non j’ai horreur des jugements expéditifs et des amalgames Donc je continuerai de réagir même si cela vous déplait

          • Il ne s’agit absolument pas « d’amalgames » ou autres «  jugements expéditifs « ?
            Le problème précis, dont il est question ici, est : qui est le plus à même de faire reconnaître les abus commis en Église ?
            Vous pouvez avoir sur ce point une opinion qui peut me plaire ou me déplaire; je dirais plutôt avec laquelle je peux être en accord ou en désaccord. Encore faut- il que votre opinion porte sur le problème pose.

  • Merci Marie-Do. C’est un raisonnement que je me tiens à moi-même tous les jours : l’Eglise n’est qu’une aide, une médiation. Elle n’est pas le Christ. Toutefois, on s’attend à ce que l’Esprit Saint y souffle de temps à autre ou, s’il prend la peine d’y souffler toujours, qu’il y soit parfois entendu. On peut tout de même se dire que CE N’EST PAS une institution comme les autres. Malheureusement, toute mon expérience prouve le contraire. Quel échec, que l’Eglise ! Et si l’on parle de la foi au Christ, reviennent automatiquement les paroles de saint Paul sur la tête et le corps, qui n’en finissent pas de m’interroger. Maintenant, si l’on parle de la foi en Dieu, en un Dieu, alors en effet, nul besoin de l’Eglise. Mais tout cela reste une déception et une souffrance.

    Marie-Christine, merci aussi. Il est en effet illusoire, nous en savons quelque chose, de vouloir faire bouger les choses de l’intérieur, on est confronté à une extraordinaire force d’inertie. C’est scandaleux, révoltant, mais c’est ainsi. Le recours à une instance extérieure est ardu et éprouvant aussi, pas si souvent fructueux ; quant à la médiatisation, lorsqu’on a la possibilité d’y recourir – et c’est loin d’être simple – c’est probablement la solution la plus efficace. Tout cela, non pour détruire ni « faire du mal », mais pour la Vie, me semble-t-il, qui ne peut guère se passer de vérité et d’une certaine justice. Mais j’arrête là mon homélie, ne voulant assommer personne.

    • Anne
      Rassurez-vous ! Vous n’assommez personne, en tout cas pas moi.
      Vous ne faites que rapporter ce que vous ressentez qui mérite tout notre respect et notre attention.
      La Vie en effet ne se déploie entièrement que dans «  la vérité et la justice ».

  •  » c’est bien pour cela qu’il faut avoir recours à une autorité extérieure… »
    affirmation me paraissant très juste mais pour moi l’ autorité extérieure c’est Dieu et personne d’autre car enfin si Jésus est avec nous chaque jour jusqu’à la fin du monde ce n’est tout de même pas pour rien. Bien entendu cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut rester inerte et gober tout et n’importe quoi; cependant ce n’est pas parce qu’on est absolument persuadé qu’on a raison que cela prouve quoi que ce soit ni dans un sens ni dans l’autre
    Quant à l’arrivisme,il règne effectivement chez bien des membres de l’Eglise Catholique, mais franchement être Curé est déjà à une charge redoutable alors être évêque
    oh bien sûr se voir appeler Monseigneur doit être assez satisfaisant pour sa propre gloriole mais cela s’accompagne de critiques permanentes lorsque e n’est pas des calomnies que je ne suis pas convaincu que le jeu en vaille la chandelle…

      • Michel, oui, saint augustin a bien sûr raison (il ne manquerait plus que je lui donne tort…) mais le sentiment de son intimité avec nous il me semble qu’on ne le ressent que parfois et pas d’une façon continue surtout quand on traverse une épreuve et qu’on se sent très seul et que Dieu nous parait tout à fait extérieur

    • En plus de la transcendance et de la toute-puissance, l’immanence est l’un des 3 attributs de Dieu.
      Aussi considérer Dieu comme « autorité extérieure » ne me semble pas très catholique !

  • A Dominique Bargiarelli

    Je ne suis pas sûre de pouvoir vous suivre, même si je crois comprendre ce que vous voulez dire. Etre curé et a fortiori évêque n’est pas toujours drôle ni gratifiant, mais c’est le lot de tous ceux qui ont accepté une responsabilité et sont des personnages d’une certaine manière « publics ». S’ils sont critiqués sur leur petite cuisine interne, c’est assez normal. Mais nous parlons ici d’abus graves, répétés, nombreux, desquels ils sont mis au courant par les victimes qui parviennent à le faire – toutes ne le peuvent pas – et qu’ils ont étouffés, mis de côté, minimisés et ce, parfois pendant des décennies, se repassant le flambeau du silence sans trop de scrupules apparemment. Parlez à celles et ceux qui ont tenté de s’adresser à eux et ont eu en retour bonnes paroles, condescendance ou parfaite indifférence.

    Quant à Dieu, seule personne « extérieure » qui réparerait donc toutes les blessures, c’est un langage que peuvent difficilement entendre des victimes souvent anéanties par des hommes bien et seulement humains. A moins d’avoir une vocation au martyre. Ce qui du coup déresponsabilise tous les responsables d’un tour de passe passe , insupportable pour ceux qui attendent une légitime réparation et/ou, et c’est le moins qu’on puisse leur apporter, une écoute humble et attentive.

    • Il me semble que vous mélangez un peu tout car je ne parlais absolument pas de la situation des personnes victimes d’un viol surtout si c’est un ecclésiastique qui en est coupable D’autre part il est bien évident qu’on ne peut pas dire à une personne dans cette situation: « confie çà au Bon Dieu et tout ira bien » ni lui dre « tu es chrétien ? Donc tu dois pardonner »Le pardon pour y arriver il ne s’agit pas d’appuyer sur une touche de son ordinateur interne . Loin de là, c’est au contraire le résultat espéré d’un très long travail souvent de nombreuses années.
      Par ailleurs je crois avoir suffisamment dit que je déplorais absolument que les victimes de ces crimes horribles aient été si rarement vraiment écoutées et il est incontestable que cette modification du comportement de l’EGLISE en la matière est due à « la Parole libérée » même si je déplore son acharnement contre Mgr Barbarin

      • À Dominique bargiarelli,

        Pourtant, « l’autorité extérieure «  dont il était question concernait bel et bien, dans le fil de la discussion, l’instance capable de reconnaître les abus commis en Église sur des « personnes victimes de viol »!
        Par conséquent, sans vouloir vous offenser, depuis le début, il n’est question que de ce sujet quand on parle « d’autorité extérieure »…

        • Oh! vous ne m’offensez aucunement mais je pense que ma dernière réponse traite en partie de ce problème et d’ailleurs n’est-ce pas Paul qui reproche dans une de ces lettres à une communauté d’avoir eu recours justement à une autorité extérieure pour régler un problème interne?

          • À Dominique Bargiarelli

            Dans ce cas, je ne comprends pas votre réaction et c’est ma raison qui en est offensée.
            Parce que, dans un message, vous venez de dire: «  il est incontestable que cette modification du comportement de l’Eglise en la matière est due à la « parole libérée « : instance extérieure « , me semble – t-il…

            Et maintenant vous vous référez à St Paul qui reproche à une communauté d’avoir eu recours à une autorité extérieure pour régler un conflit interne.
            Il faudrait savoir ! .

            Par ailleurs, la pédo-criminalité ou autres abus ( qui est le sujet de ce débat depuis le début ! ) n’a rien à voir avec un quelconque «  conflit interne «. Il s’agit d’un crime ou d’un délit qui a donc à voir avec la justice, nécessairement «  extérieure «  auquel, quel qu’il soit, tout citoyen est ou devrait être soumis, même s’il n’est coupable que d’une infraction au code de la route.

            L’erreur de l’Eglise justement est d’avoir cru, de bonne ou de mauvaise foi, qu’il ne s’agissait que d’un simple péché individuel qui, comme tout péché, méritait pardon de la faute et miséricorde envers le pécheur et pouvait donc se régler en interne.. Or un crime concerne d’abord la justice à rendre aux victimes par le moyen d’une instance nécessairement extérieure.

            Dans le code de droit canonique, si je ne m’abuse, ce crime n’est considéré que du point de vue du coupable comme péché «  contraire à la chasteté «( d’où les communiqués de certaines communautés déplorant les «  gestes contraires à la chasteté » commis par leur fondateur ), alors qu’il s’agit d’une atteinte grave à la dignité et l’inviolabilité du corps et de l’âme d’autrui. Pourtant facile à comprendre, me semble t il.

            Se placer du point de vue des victimes change les perspectives en effet.
            Et je ne suis pas certaine que tous l’aient compris, tant leur ancienne «culture  religieuse » demeure prégnante.

          • C’est exactement ce que noous sommes en train de dire depuis un moment : lorsqu’on voit comment sont « réglés » les problèmes en interne, à moins de se satisfaire d’être négligé, balayé, voire maltraité il faut commencer à penser à une intervention externe.

          • A Dominique :

            « pour régler un problème interne » écrivez-vous.

            Or lorsqu’il s’agit de juger impartialement une interaction entre deux parties – avec l’une des parties s’estimant lésée par l’autre – la neutralité d’une troisième partie – ou « autorité extérieure – s’impose.

          • Concernant ce point : « gestes contraires à la chasteté […], alors qu’il s’agit d’une atteinte grave à la dignité et l’inviolabilité du corps et de l’âme d’autrui.  »

            => C’est très difficile à entendre pour l’institution qui, par le poids du passé, « oblitère » la sexualité et ne voit pas bien les liens qu’elle entretien avec le corps et l’âme.

            Pour le magistère, la sexualité ne peut ni apporter de réels bienfaits spirituels (on peut donc tout a fait demander la continence totale aux personnes « homophiles », voire à certains couples) ni apporter de réels méfaits (un acte pédophile n’est alors « presque pas plus grave » qu’une grosse gifle : c’est mal, mais on s’en remet).

            La sexualité reste quelque chose de très « pratique » : pour comprendre tout ça, il faudrait qu’au moins une partie du magistère en face l’expérience.

            Bref, tout est lié, c’est à la fois une mauvaise nouvelle (de grandes forces s’opposent au changement) et une bonne (une fois que ça changera, tout sera susceptible de changer)

  • « … pour rappeler que la France avait ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant adoptée par l’ONU il y a 30 ans. Cette convention demande aux États d’apporter aux enfants “un cadre protecteur en prenant en considération leur caractère vulnérable”. En France on est “loin du compte” … » (Mie Kohiyama, moiaussiamnesie.fr, 24/7/2019, voir ci-dessous))
    https://moiaussiamnesie.fr/moiaussiamnesie-a-lonu/

    • Ce que vous dites tous, ou presque, à propos de l' »autorité extérieure » est juste bien sûr. Les gens d’Eglise, lorsqu’il s’agit de pédophilie ou d’abus sexuels – malgré les grandes difficultés que l’Eglise a à reconnaitre ceux-ci comme il est dit plus haut – doivent rendre compte devant la justice civile.

      Mais qu’en est-il pour ce qui concerne les autres abus : spirituels, (liés ou non à des gestes ambigus), de pouvoir, tellement fréquents et qui ne choquent pas comme ils le devraient en raison même de ce que prône et valorise la foi chrétienne ou au moins,la religion : obéissance, « direction spirituelle », pardon des péchés, secret de la confession etc…
      C’est tout un système, bien étanche. Comment faire valoir cela devant la justice : non-assistance à personne en danger, abus de faiblesse ? C’est pourtant gravissime, mais il ne me semble pas que cela soit reconnu sur le plan civil. Pas à ma connaissance en tout cas. Je vois mal un(e) plaignant(e) engager un procês parce qu’il a eu affaire à un(e) supérieur(e) complètement cinglé(e), mégalomane, avide de pouvoir sur les âmes, ou seulement stupide ou incompétent, mais ayant pourtant le pouvoir de briser des vies Il faudrait faire jurisprudence.

  • J’ajouterai à mon dernier commentaire que j’ai bien conscience que ces « abus », non sexuels, ne sont pas reconnus comme des délits. Et pourtant que dire de toute la grande machine autour (l’institution) qui fait silence et donc acquiesce, se rendant ainsi coupable puisque les personnes soumises par définition à ceux qui ont autorité sur elles sont éminemment vulnérables ? Et l’on ose soutenir que c’est un problème de confiance ? Et même de foi ? A mon sens, il y a quelque chose’de biaisé dès le départ. C’est en tout cas déjà formidable de pouvoir en discuter ici.

    • Je ne suis pas loin de penser, comme le disait un autre commentaire (je ne sais plus de qui ?), que les abus spirituels sont sans doute plus graves que les abus sexuels.

      • @Michel : je pense que les mots nous induisent en erreur.
        Un abus, c’est quand on use « à l’excès » de quelque chose : Si j’avais un « père spi », je lui confierait une certaine « autorité spirituelle ». Il pourrait l’utiliser à bon escient pour me faire progresser. S’il l’utilisait mal il pourrait être amené à commettre un « abus spirituel » sur ma personne.

        A l’inverse, le viol d’un enfant n’est pas un « abus sexuel sur mineur » : c’est un viol, et rien de moins. Un adulte n’a rien de sexuel à faire avec un enfant, quelle que soit la situation. Le concept même « d’abus sexuel sur mineur » est horriblement relativiste : ce serait finalement « juste un abus » : on s’est laissés entrainés et on est allés « un peu trop loin ». De même quand un curé utilise sexuellement une religieuse, il ne commet pas un abus sexuel : c’est directement un viol, parce qu’un curé n’a strictement rien à faire sexuellement avec une religieuse.

        Je pense que l’Eglise gagnerait énormément à ne plus utiliser les euphémismes « d’abus sexuels » et « d’abuseurs », mais plutôt violences sexuelles, viols et violeurs.

        Je note pour ma part 3 degrés croissants de gravité (dans les faits, comme dans les conséquences) :
        1. L’abus spirituel commis par un « guide spi mandaté », dont la victime et le coupable ne sont pas forcément conscients de relation de manipulation
        2. Le « viol spirituel », commis par une personne dépositaire d’une autorité, sans que la victime ne lui ait demandé quelque chose (ce qui peut se produire dans certaines communautés, ou parfois en confession)
        3. Le viol « tout court », qui à mon avis touche l’âme à travers le corps : c’est littéralement une profanation qui s’inscrit dans la chair tout autant que dans l’esprit

        • Distinction intéressante qui conduit à qualifier de viol spirituel le fait d’inculquer avant l’âge de raison -où l’on prend conscience d’avoir une conscience- des notions religieuses. Par exemple l’idée de prier Dieu et pire encore la « bonne » position pour prier.

          • Pardonnez-moi mais alors lire des contes à des enfants, faisant appel à leur sens du merveilleux, est également un viol spirituel. Là je crois que vous franchissez une ligne rouge dangereuse. Comme vous l’indiquez vous-même l’âge de raison permet de passer tout cela au crible de la raison. C’est à ce stade que le refus de prendre en compte un éventuel questionnement deviendrait une forme de viol. Pas avant !

          • J’imagine, Jean-Pierre Gosset, que si vous vous refusez à donner quelque éducation religieuse ou initiation à la prière avant l’âge de raison vous allez de la même manière vous abstenir de lui parler avant l’âge de raison, de lui apprendre une langue (la langue dite maternelle, la bien-nommée), etc.
            A moins que vous ne considériez que l’éducation religieuse serait moins importante que le reste ? ou que seule l’éducation religieuse serait un « viol spirituel » l

          • Michel, René, je suis bien d’accord avec vous et il n’est pas question de « jeter le bébé avec l’eau du bain » mais de reconnaître que transmettre culture (histoire, littérature, art), religion et discernement (esprit critique)t- nécessite plus de doigté et de respect que transmettre les chiffres et les lettres et que des abus, plus ou moins conscients car souvent systémiques, existent en ces domaines. La question de l’école à domicile, surtout dès la petite enfance, est dans le sujet comme l’ont été le constat que contrarier un gaucher, abuser de châtiments corporels, obliger une jeune enfant de se mettre à genoux est plus que maladroit, quelques soient les intentions, il faudrait aussi parler du genre..

          • Oui, Jean-Pierre, c’est vrai mais le risque dans ce domaine n’est pas moindre à l’école qu’à l’école à domicile…

        • Oui, Emmanuel, vous avez raison d’attirer mon attention sur le piège des mots, ici le mot « abus » si souvent employé.
          Il est vrai que la définition du Larousse est plus large, donnant deux sens, le premier (usage excessif) étant de fait ici inapproprié, le second correspondant mieux, quoique insuffisant, à la situation

          Mauvais emploi, usage excessif ou injuste de quelque chose : L’abus des médicaments. Abus de confiance.
          Fait d’outrepasser certains droits, de sortir d’une norme, d’une règle et, en particulier, injustice, acte répréhensible établis par l’habitude ou la coutume ; excès : Tenter de réprimer des abus.

  • Pas plus graves, je ne pense pas. Tout ça est de toute façon monstrueux. Et lorsqu’il y a abus sexuel dans l’Eglise, il a été démontré par ceux qui se sont penchés sur la question, qu’il y a également abus spirituel. De celui-ci découle celui-là ; il y a en fait un glissement, en général sans violence et extrêmement insidieux. Quand la confiance est gagnée et qu’on a de par son statut même, tous pouvoirs, le sexe ou la caricature du sexe – car on n’a pas affaire à des courageux – met un point d’orgue à la domination.

      • En effet, heureusement. Enfin, je ne sais pas si cela est rassurant. Tout cela est de toute façon innommable et peu ou pas du tout sanctionné, on en revient toujours la.

  • Anne,

    Je répondrais personnellement pour ce type d’abus non répertoriés par le code pénal , mais ce n’est qu’une opinion personnelle:

    – D’abord qu’il faut parler par tous les moyens à sa disposition, dans et hors de l’Eglise.
    – Ensuite qu’il faut essayer de se référer au droit canonique existant qui prévoit, concernant les communautés religieuses, élections des supérieurs, réglé de vie concrète et précise ( et non écrits spirituels « éthérés » qui ne tiennent aucun compte du réel ), chapitres, confesseur extraordinaire, au besoin visite canonique, distinction du for interne et du for externe etc…
    On n’obéit pas, en principe, à une personne particulière ( d’où méfiance nécessaire envers charismes et réputation de sainteté ) mais à un responsable chargé de faire appliquer une constitution écrite.

    Il faut, en quelque sorte, forcer les responsables à prendre conscience des problèmes et à réagir, même si j’ai bien conscience que l’on a affaire, pour l’instant, qu’à des pis allers.

    • @Marie-Christine : j’admire votre espérance, même si j’ai bien du mal à la partager.

      Il me semble que chacun de nous porte en lui la vision de la réalité qu’il s’est construite, et qu’il fera tout pour la protéger, au mépris de la vérité, et au besoin en mettant à contribution son intelligence (dont je me méfie encore une fois) pour lui trouver des raisons de ne pas se convertir.

      C’est en tout cas comme ça que je comprend Mt 19:14 : seuls peuvent se convertir ceux qui ont gardé une âme attentive et assoiffée : une âme d’enfant. Tout l’opposé de l’homme (pourtant jeune) de Mc 10:22 : « Mais, affligé de cette parole, cet homme s’en alla tout triste; car il avait de grands biens ». Plus encore que ses biens matériels, ce sont ses certitudes qu’il entend conserver.

      • Emmanuel,

        Ce n’est pas une espérance. Je n’ai confiance que dans la loi ( instance extérieure qui fixe droits et devoirs de chacun ) et non dans les personnes toujours prisonnieres, comme vous le soulignez justement, consciemment ou inconsciemment de leurs désirs ou intérêts.
        D’où ma reference au code canonique ou droit de l’Eglise pour des »abus » que le code pénal ne prend pas en compte, par exemple la distinction si précieuse du for interne et du for externe etc…Les constituions de certains ordres religieux sont d’ailleurs etonnamment démocratiques pour éviter, si possible, abus de pouvoir ou d’autorité ( =excès de pouvoir par rapport à une loi établie qui légitime cette autorité et en encadre l’exercice.)

        Le problème des « communautés nouvelles «  est l’ignorance ou le mépris pour ces règles anciennes et d’avoir tout miser sur les « charismes », comme si l’Esprit Saint ne passait pas aussi par la prudence et la sagesse ( dons de l’Esprit Saint ) donc, excusez- moi, pas que mais aussi par l’intelligence. L’erreur des autorités est d’avoir cru que la bonne volonté ou l’intention droite ( réelle ou seulement affichée) des individus, suffisait pour régir une communauté d’humains.

        La loi évolue avec l’évolution de la conscience morale qui prend conscience de la gravité de certains faits.
        Donc si le code canonique ne prend pas en compte la protection des victimes présentes ou futures, les peines proportionnelles à la gravité des faits, la transparence des décisions, il doit évoluer. Et il évoluera sous la pression de l’opinion catholique (et/ou publique ) qui prend peu à peu conscience, par divers témoignages, de faits graves et de l’impunité de leurs auteurs.

        Le pape François a déjà commencé à le faire évoluer en instaurant la fin du secret pontifical sur certains dossiers.
        Une mauvaise lecture de St Paul sur «  la Loi (torah) qui tue et l’Esprit qui vivifie «  est, à mon avis, à revoir comme s’il y avait rupture absolue entre A.T. et N.T.

        Sur le terme d’abus ( terme flou), je suis d’accord avec vous. Mais on ne peut parler d’abus que par rapport à la loi civile ou canonique.

  • Ce que les victimes ne peuvent pas dire, les romanciers s’en emparent et l’écrivent noir sur blanc :
    « Béni soit Sixtine », par Maylis Adhémar, chez Julliard : un premier roman tiré d’une expérience personnelle et familiale dans le milieu catho-identitaire et royaliste.
    « Le bois », par Jeroen Brouwers, traduit du néerlandais, chez Gallimard : l’histoire d’un moine témoin des mauvais traitements et d’agressions infligés aux élèves d’un pensionnat catholique franciscain dans la Hollande des années 1950.

  • Il y a un an un livre d’Anne Mardon surgissait dans l’ Eglise de France comme un nouveau coup de tonnerre. Evoquant ses années passées au sein des Fraternités monastiques de Jérusalem en charge de l’église Saint-Gervais, à Paris, elle mettait directement en cause son fondateur le père Pierre-Marie Delfieux, pour des faits d’abus moins directement sexuels que spirituels, de conscience et de pouvoir. Cette publication allait provoquer, comme souvent dans ce type d’affaires : un démenti des proches du fondateur, une décision de la Communauté de lancer un « appel à témoignage » et, on le sait désormais, la manifestation spontanée d’autres victimes. Sans que rien ne bouge vraiment du côté de l’institution. « J‘ai rencontré une grande résistance de l’Eglise à prendre en considération ma parole et surtout à agir. » D’où la publication d’un second livre, en octobre dernier. De l’un et de l’autre ouvrage j’ai rendu compte sur mon blog : ici http://www.renepoujol.fr/derives-dans-leglise-la-fuite-en-avant-dun-visionnaire/ et ici : https://www.renepoujol.fr/derives-dans-leglise-silence-sur-les-silences/

    Or voilà que l’hebdomadaire la Vie publie sur son site, avant parution la semaine prochaine dans le magazine, une longue et minutieuse enquête de sa journaliste Sophie Lebrun qui vient confirmer les accusations des deux livres et éclairer l’origine probable et l’étendue de ces dérives. La journaliste a rencontré une dizaine d’anciens frères et sœurs des communautés, entendu le prieur des frères et la porte parole de la supérieure des sœurs, ainsi que douze personnes, dont certains évêques, proches de la communauté.

    Les témoignages confirment la personnalité et le charisme hors du commun du fondateur (mort en 2013), mais aussi ses côtés colérique, manipulateur, sans scrupule lorsqu’il s’agit de parvenir à ses fins : le développement de son œuvre monastique. Mais, plus important, l’enquête met en en lumière « un système qui, dès sa naissance, était bien porteur de déviances » Et l’existence de « dérives qui persistent toujours » notamment du fait de la place que tiennent dans la hiérarchie des Fraternités, des proches du fondateur. Ce qui conduit les responsables à dire vouloir « Continuer à transformer nos pratiques. », ajoutant : « Celles qui sont sources de danger doivent disparaître ».

    Dans entretien accordée au magazine, Anne Mardon redit son désarroi face à des évêques qui semblent se défausser au motif qu’ils n’auraient pas autorité sur la communauté. Longuement entendue par la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Eglise (CIASE), elle redit sa détermination à ce que toute la lumière soit faite : « Il faut qu’on sache combien de vies ont été cassées. »

    https://www.lavie.fr/christianisme/eglise/enquete-les-fraternites-de-jerusalem-affrontent-leur-histoire-marquee-par-les-abus-spirituels-69194.php

  • Merci M.Poujol pour la recension de cet article de « la Vie «.

    Je savais, depuis très longtemps, ( en fait, comme déjà dit, depuis ma première entrevue avec ce dernier. Et pourtant je ne suis pas extralucide 😊), combien était problématique la personnalité de P.M.Delfieux ainsi que les bases bien «  fragiles «  de sa fondation, sous des dehors très séduisants et donc trompeurs, il faut bien le reconnaître.
    Le problème est que beaucoup le savaient et que les autorités ecclésiales étaient déjà alertees depuis des années. De plus, il est nécessaire de se méfier quand une communauté recrute à tour de bras et avec autant de sorties.
    Mais je n’imaginais pas l’ampleur des dégâts ultérieurs perdurant apparemment jusqu’à nos jours.

    Dans l’article de «  la Vie « , le plus triste et le plus décevant est la réponse des autorités qui ont eu à traiter de ce dossier.
    Je persiste à ne pas comprendre ce manque de vigilance et, puis, par la suite, ce refus d’assumer ses responsabilités, alors que, dans tout autre domaine de la vie « laïque », on a toujours des comptes à rendre.

    L’explication n’est sans doute pas à chercher chez les individus mais plutôt dans des structures sans contre pouvoirs, dans une gouvernance sans transparence, sans rigueur, chaque « responsable «  décidant ou s’abstenant de décider au gré de ses accointances ou de ses «  besoins » en communautés ou en prêtres.

    • C’est vrai, il.y a là un fonctionnemrnt extrêmement déroutant. Personne ne sait à qui il faut s’adresser, la hiérarchie elle-même n’en sait rien. Personne ne sait ou ne dit où sont passées les piles de dossiers concernant ces affaires, toutes plus tristes les unes que les autres. Rien non plus sur les archives. Les personnalités encore en vie qui ont fermé les yeux à l’époque, maintenant se défaussent, tout autant que leurs successeurs.

      Le principal à l’époque était vraiment que le choeur soit rempli de coules blanches et, comme disait le fondateur lui-même, peu importe qui était dessous. Je ne sais si nous en sommes toujours là. Je pense qu’on se trouve plutôt devant une sorte de désintérêt, de vague ennui et une grande tentation de laisser pourrir la situation car plus personne à présent ne sait ce qu’il faut faire. Et puis, comme je l’ai entendu à plusieurs reprises, au fond ce n’ést « pas si grave », il s’agit de « dommages collatéraux ». Mieux vaut entendre ça que d’être sourd, mais ça laisse sans voix.

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