Deux heures de pure émotion.

La huitième édition des « nuits blanches » organisées, hier samedi, par la Mairie de Paris a fait descendre dans la rue un million et demie de personnes. Combien auront seulement soupçonné qu’à deux pas de l’Hôtel de Ville était donnée à entendre une création musicale contemporaine d’une force inouïe ?

Le fr. André Gouzes est essentiellement connu du monde catholique où bien des paroisses ont adopté  sa « liturgie chorale du peuple de Dieu ». Du monde artistique également par la constance et la qualité des liens créés, depuis plus de trente ans,  entre foi et culture, à travers le foisonnement d’initiatives de l’Abbaye de Sylvanès (Aveyron). Samedi 3 octobre, en clôture d’une « fête de la Création » à laquelle faisait allusion mon billet précédent (Demain l’Apocalypse ?) était donné l’oratorio pour choeur, soliste et piano, du fr André Gouzes, précisément sur le thème de la Création. Une lente méditation des 7 jours correspondant au récit du livre 1er de la Genèse.

L’oeuvre fut partiellement donnée en septembre 2003 dans le cadre du festival de Saint-Saturnin, en Auvergne. le fr André Gouzes en parlait alors en ces termes : « Il est fort probable que ce « récit inaugural » de la tribu primitive des croyants, fut d’abord une danse et un chant pour clamer, en écho, comme Dieu et avec lui « que cela était bon, que cela était beau ». Que c’est bon et que c’est beau de vivre. »

Depuis l’oratorio a été complété, retravaillé et ramené à une durée de près de deux heures. C’est assez dire que le concert du 3 octobre à l’église Saint-Gervais pouvait prétendre au statut de « Première » mondiale. La foule qui emplissait la nef a reçu comme un vrai choc la force de l’oeuvre. Authentiquement contemporaine, dans la continuité d’un Debussy ou d’un Messiaen.

Voilà bien le paradoxe : les catholiques de ce pays et leurs concitoyens non croyants avec eux, connaisseurs des cantates de Bach, du Miserere d’Allegri ou du Requiem de Fauré…  ignorent le plus souvent que la Bible continue d’inspirer des artistes et de féconder à sa manière la création contemporaine. La hiérarchie catholique elle-même y accorde-t-elle la moindre attention et  le moindre intérêt ? Le sentiment commun est que la sécularisation a envahi tous les champs de la vie… fut-elle artistique. Les grandes créations musicales seraient à chercher désormais du côté de la variété ou de la musique de film.

Samedi soir, dans ce Paris noctambule avide de nouveauté, mais par réflexe réticent à l’imaginer sous les voûtes d’une église, seules quelques centaines de personnes auront vécu ce qui était, peut-être, l’unique véritable événement culturel de la soirée.

One comment

  • c’est un vrai plaisir que de vous retrouver sur ce blog!
    la question qu’évoque votre mot est importante!
    je pense que nos textes gardent leur puissance de vie
    ils peuvent parler à tous à la condition qu’ils ne soient pas enterrés sous une tonne de poussière et d’idées toutes faîtes.
    la phrase « n’ayiez pas peur!!!! »est une urgence mais pas dans le sens du repli dans un cocon mais dans le sens de cette phrase de Jean XXIII:
    « nos textes ne sont pas des dépôts sacrés mais une fontaine de village, une fontaine à laquelle chaque génération vient s’abreuver en buvant à l’eau sans cesse différente, en redonnant vie à la fontaine »
    et là il y a du travail , à commencer au niveau de la hiérarchie la plus haute.
    mais pour moi , c’est à ce prix que nos contemporains retrouveront l’amour de l’Eglise.
    bonne journée
    merci
    dr Claudine Onfray

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