Faut-il mettre les catholiques de France sous perfusion évangélique ?

Faut-il mettre les catholiques de France sous perfusion évangélique ?

Le livre d’Henrik Lindell et Pierre Jova autorise une lecture au second degré qui réserve quelques surprises ! 

Dans notre pays où les Eglises chrétiennes « historiques » (catholique, luthérienne et réformée notamment) semblent marquer le pas, la percée des évangéliques bouleverse le paysage et interroge. Comment expliquer un tel succès ? Deux journalistes de l’hebdomadaire La Vie, dont l’un vient du protestantisme tandis que l’autre peut se prévaloir d’un long compagnonnage avec les évangéliques, abordent la question dans un ouvrage bien documenté et « engagé » qu’il faut prendre le temps de lire. (1) Pour eux, le catholicisme français ne se survivra qu’en passant d’une « Eglise de maintenance à une Eglise missionnaire » Et, pour réussir cette conversion nécessaire, l’exemple évangélique peut être déterminant. La thèse est séduisante mais se heurte à quelques sérieuses objections.

Les chiffres sont là : on compterait 660 millions d’évangéliques à travers le monde, répartis dans 8 000 églises autonomes. Pour la France, on serait passé de 50 000 fidèles dans les années 1950 à près de 700 000 aujourd’hui. A Créteil dans le Val-de-Marne (c’est la photo qui llustre ce billet), pour ne prendre qu’un seul exemple, l’Espace Martin Luther King en cours de construction comprendra une salle de prière pouvant accueillir 1 500 fidèles, entourée d’espaces culturels, de rencontre et de restauration, ouverts sept jours sur sept pour un large public non exclusivement évangélique. Voilà un dynamisme qui tranche avec l’image d’une Eglise catholique souvent décrite par les médias comme « à bout de souffle », même si la réalité est plus nuancée. Où les évangéliques puisent-ils une telle force attractive ?

Sens de l’accueil, chaleur, fraternité… refus de toute sacralité, de tout fixisme liturgique

L’immersion que nous proposent les auteurs est d’autant plus intéressante que finalement assez rare dans les médias qui s’intéressent peu au sujet. Et le lecteur leur sait gré, quel que soit leur enthousiasme, de ne pas occulter les ombres, les limites ou risques de dérapage de ces Eglises notamment en ce qui concerne, pour certaines : « le fondamentalisme et la théologie de la prospérité » ou Dieu ne manquera pas de vous rendre au centuple ce que vous avez versé à l’Eglise… Mais enfin, de ce que nous rapportent nos deux auteurs et qui confirme souvent ce que nous pressentions, on doit retenir au crédit des évangéliques : leur sens de l’accueil et de la fraternité communautaire, (2) le dynamisme et la créativité de la vie paroissiale, la ferveur des célébrations et du chant, le talent des prédicateurs à rejoindre les fidèles dans le concret de leur existence, l’invitation faite à chacun de mettre ses talents propres – ses charismes  – au service de tous, le recours sans complexe aux techniques les plus modernes du son de la lumière et de l’animation permettant de transformer les « assemblées » dominicales en véritables shows spirituels, redoutables d’efficacité émotionnelle ! Autant de « clés » dont on peut se dire, qu’en effet, elles contribueraient largement à redynamiser bien des paroisses catholiques. 

Mais les évangéliques, soulignent les auteurs, se caractérisent aussi, en  “bons protestants » par : le refus de tout magistère venant s’interposer entre la Bible et les fidèles; le refus de toute sacralité et de toute cléricalisation du culte, de tout fixisme des formes liturgiques; la limitation aux seuls sacrements du baptême et de l’eucharistie dépouillée de toute croyance en une présence réelle; à cela il faut ajouter, par différence avec le protestantisme « historique » : la préférence pour un mode de regroupement affinitaire de type ethniques ou sociologiques plus que territorial (paroissial) et l’absence de tout souci d’appartenance à une Eglise universelle. Or, il est probable que cette « théologie-là », cette ecclésiologie, expliquent autant le succès des évangéliques que la chaleur et la spontanéité de leur vie communautaire. Peut-on dès lors prétendre régénérer le catholicisme français en retenant une partie seulement de la « recette » évangélique dont on supprime d’autres motifs de séduction ? Voilà bien la question centrale que soulève une lecture attentive du livre !

Du protestantisme… à l’Emmanuel ! 

Dans un témoignage très personnel (chacun des deux auteurs nous propose le sien), Henrik Lindell nous donne cette clé de compréhension de son propre cheminement : « C’est quand j’ai croisé des personnes de l’Emmanuel que j’ai compris que je pouvais devenir parfaitement catholique, sans changer ma façon de croire, puisque j’avais déjà le même langage et les mêmes convictions qu’elles. » Sa sincérité n’est pas ici en cause. Mais le paradoxe est tout de même de voir que les évêques cités dans le livre, généralement issus de l’Emmanuel, sont au premier rang de ceux qui ont dénoncent une forme de protestantisation du catholicisme français post conciliaire ! Et il n’est pas exclu, de fait, qu’une partie des catholiques dits « progressistes » ou « d’ouverture », puissent, à la lecture du livre, se reconnaître dans les « libertés » que prennent les évangéliques au regard du magistère ou de la sacralité, libertés auxquelles ils appellent dans leur propre Eglise. Serait-ce là, également, une invitation à « de devenir plus catholiques » – pour reprendre le titre du livre – en s’écartant de la doctrine ? Je ne pense pas que ce soit là le message que les auteurs entendent faire passer ! 

Evangéliser en adoptant les codes culturels de l’heure !  

Mais allons plus profond car, encore une fois, l’ouvrage mérite le débat plus que la polémique. C’est la notion même d’évangélisation et de contours de la mission qui, d’évidence, est la clé de voûte et sans doute la pierre d’achoppement. Pierre Jova écrit : « Le catholicisme français passe encore pour une religion d’héritiers, là où les évangéliques donnent l’impression d’une communauté informelle de convertis. » Cette conscience partagée par tous d’avoir vécu une « nouvelle naissance » donne, souligne-t-il, sa cohésion au groupe évangélique et nourrit son désir commun pour la mission. « Les évangéliques, relève de son côté Henrik Lindell, veulent évangéliser donc ils s’adaptent aux personnes qu’ils rencontrent. » Une adaptation qui passe, notamment, par une forme d’inculturation à travers des rythmes musicaux contemporains souvent éloignés des « registres » habituels des liturgies catholiques. 

On perçoit la cohérence. Mais on reste interrogatif lorsqu’il poursuit : « La musique chrétienne contemporaine d’inspiration évangélique est clairement une option pour l’Eglise catholique où elle a déjà fait ses preuves. » Une option, oui, au sens d’alternative possible qui n’a donc pas vocation à s’imposer partout ou tout le temps. Mais si l’exigence est bien celle d’une nécessaire inculturation, les réalités de terrain sont diverses, les communautés le sont aussi où se côtoient à la fois des « héritiers » et des néo-convertis, des « français de souche » de l’hexagone comme d’Outre-mer et des étrangers ou migrants de toutes origines ou nationalités. Et l’on peut imaginer que le répertoire de Taizé ou la Liturgie chorale du peuple de Dieu du frère André Gouzes, sans parler des œuvres antérieures de Lucien Deiss ou Joseph Gélineau restent également des « options » possibles pour louer Dieu ou pénétrer son mystère. 

Une tentation hégémonique, au nom de l’efficacité  ?

Ce qu’il y a de sympathique chez les néo-convertis est ce désir de faire partager au plus grand nombre une foi qui a bouleversé leur vie. Ils le font généralement en utilisant tous les moyens à leur disposition pour les convertir à leur tour. La limite est qu’au-delà de l’agacement qu’ils peuvent produire au sein de communautés qu’ils viennent bousculer, non sans raisons, ils sont parfois tentés de faire « table rase » de tout ce qui les précède au motif de son inefficacité missionnaire. Ce qui les conduit à élaborer des stratégies de marketing avec obligation de résultat (là où d’autres définissent et vivent la mission en des termes différents et tout aussi légitimes) et à subordonner ces résultats à l’adoption de codes culturels dont on peut se demander ce qu’ils deviendront dans dix ans et s’ils sont réellement adaptés à tous ! Car enfin, ce sont les personnes qui sont « recommençant », pas l’Eglise dont l’héritage culturel s’étend sur deux millénaires !

Cela ne devrait pas poser de problème en soi s’il n’y avait pas volonté hégémonique ! Or, on peut se demander si la « recette évangélique » n’arrive pas ici fort opportunément pour créer, sur la désillusion liée aux communautés nouvelles des années 1970 aujourd’hui fragilisées par des scandales à répétition, une dynamique nouvelle autour de l’Emmanuel qui porterait à elle seule l’avenir du catholicisme Français. Ce n’est pas tout à fait par hasard que j’évoquais, dans mon livre paru à l’automne 2019 : « des stratégies d’évangélisation à grand spectacle qui cachent mal d’autres stratégies de pouvoir au risque, non théorique, de voir des communautés particulières s’enkyster comme Églises dans l’Église. » (3) 

Comment devenir plus catholiques… dans un  pluralisme assumé ! 

Dans leur ouvrage, les auteurs reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes les limites du « modèle » et du « succès » évangélique qu’ils nous donnent pourtant en exemple. Aujourd’hui rapportent-ils, citant les propos de Philippe le Vallois qu’ils nous présentent comme un “observateur avisé“  : « Ce ne sont pas “les“ évangéliques qui croissent mais “des“ évangéliques » essentiellement « charismatiques et pentecôtistes, qui répondent aux besoins de chaleur, de sociabilité, de bien-être et parfois de miracles… » De sorte que, selon Pierre Jova : « L’élan missionnaire n’est pas le seul responsable de leur croissance. L’immigration africaine joue un rôle considérable dans le renouvellement et la multiplication des communautés, certaines d’entre elles prenant la forme d’Eglises « ethniques » ce qui n’est guère propice à l’évangélisation des Français “autochtones“. »

Voilà un ouvrage qui « donne à penser » au meilleur sens du terme. Sans doute les catholiques doivent-ils mieux découvrir et comprendre ces communautés évangéliques, au-delà de la caricature, et accepter de se laisser interpeller par leur dynamisme. Ce livre peut les y aider. Sans doute doivent-ils également revisiter leurs propres pratiques ecclésiales, notamment missionnaires. Paradoxalement, le succès des évangéliques doit les interpeller d’autant plus qu’au delà de la qualité de l’accueil et de la ferveur des assemblées de prière, il semble reposer aussi sur une forme de souplesse doctrinale. Pas si éloignée de celle qui est aujourd’hui réclamée ici ou là au sein du monde catholique. Le livre d’Henrik Lindell et Pierre Jova n’en sera que plus utile s’il ouvre aussi  – peut-être malgré eux – à une approche pluraliste du catholicisme français ! 

(1) Pierre Jova et Henrik Lindell, Comment devenir plus catholiques… en s’inspirant des évangéliques. Ed. de l’Emmanuel 2020, 264 p.,18 €.

(2 ) A la lecture du livre, une anecdote personnelle m’est revenue en mémoire. Lors d’une messe de rentrée dans ma paroisse catholique du diocèse de Créteil, prolongée par le traditionnel « verre de l’amitié », j’avais repéré un homme seul, que je ne connaissais pas… M’approchant de lui pour engager la conversation il m’avait interpellé : « Savez-vous s’il est possible de devenir musulman tout en restant catholique ? » Dans le fil de l’échange j’avais compris qu’il souhaitait ne pas renier la religion de son enfance, mais qu’il avait le sentiment que s’il devenait musulman il serait intégré à une « vraie » communauté chaleureuse, solidaire, où l’on se soucierait devantage de lui que dans sa paroisse catholique…

(3) René Poujol, Catholique en liberté, Ed. Salvator 2019, 224 p., 19,80 €.  p. 206

150 comments

  • Ah, René, beaucoup de choses à retenir, le sens de l’accueil et la fraternité, mais pas le tout émotionnel au niveau liturgique.
    Je bois du petit lait en lisant ce que vous écrivez à propos du chant liturgique :
    « Et l’on peut imaginer que le répertoire de Taizé ou la Liturgie chorale du peuple de Dieu du frère André Gouzes, sans parler des œuvres antérieures de Lucien Deiss ou Joseph Gélineau restent également des « options » possibles pour louer Dieu ou pénétrer son mystère. »

  • .
    La tentation totalitaire des catholiques ?

    Il faut reconnaitre au titre de ce livre d’annoncer clairement la couleur , c’est à dire de se situer dans une contradiction qu’il prétend dépasser : vouloir concilier la rigueur du cadre doctrinal et juridique de l’église romaine avec la spontanéité et la liberté des évangéliques .

    Sans préjuger de l’honnêteté intellectuelle des auteurs et du sérieux de leur travail je crois qu’il s’agit au mieux d’une illusion et au pire d’une démarche marketing visant à légitimer la prise de pouvoir de la communauté de l’Emmanuel sur l’Eglise qui est en France au nom de sa vocation autoproclaméée de sauveur du catholicisme français .

    Cette démarche part en effet des aspirations actuelles et légitimes des personnes en recherche de Dieu pour promouvoir un système dont les valeurs principales sont l’aliénation de la liberté personnelle , la négation de la primauté de la conscience et la démission de la raison au profit d’une loi religieuse clanique sacralisée .

    Deux exemples vécus :
    1) L’aspiration à la chaleur d’une communauté fraternelle devient très vite chez les évangélistes un communautarisme fermé sur lui même , excluant et , parce qu’il est très anglo saxon qui entre rapidement en conflit avec les valeurs de notre contrat social qui proscrit les communautarismes .
    « Si tu n’es pas d’accord avec nous ,, c’est que ton coeur reste fermé et que tu ne pries pas assez ; nous allons prier pour que tu t’ouvres enfin à la vérité et sortes de l’erreur . » entend t on dès que l’on exprime l’esquisse du début d’un désaccord .

    2) L’aspiration au besoin légitime de proximité avec Dieu notamment par la mise en valeur des émotions dérive très vite en antiintellectualisme de principe et en une dévalorisation systématique de la raison .
     » Tu réfléchis trop  » la raison est un instrument du malin qui t’éloignes de Dieu  » « un esprit fort est un complice du diable  »  » On ne devient vraiment disciple qu’en se mettant à genoux  »
    Il s’agit le plus souvent d’une remise en cause systématique des valeurs des Lumières qui ne dit pas son nom .

    3) Enfin une apparente chaleur humaine dans les relations qui cache des stratégies de pouvoir et la volonté de rendre à l’église un rôle politique prééminent dans la société . Cela s’apparente à un repli identitaire sur une conception de l’ecclésiologie en vigueur lors du premier concile du vatican .

    Vouloir devenir plus catholique en s’inspirant des évangéliques c’est être à la foi catholique ce que le docteur Knock est à la santé publique . C’est un traditionalisme employant les méthodes de marketing anglo saxonne . C’est un bricolage méthodologique pour tenter de ressusciter un catholicisme sociologique dont on nese résout pas à faire le deuil .

    Un tel livre fait assurément le lit de l’Emmanuel et de son projet hégémonique dont un évêque a dit dans ses confessions (publiées aux éditions Golias ) qu’il  » est une religion politique qui ne cherche que le pouvoir , qu’à faire des laïcs formatés , qu’à faire de l’argent et à promouvoir ses propres idées « .

    Devenir plus catholique en s’inspirant des évangéliques , c’est le programme des traditionalistes employant les méthodes du marketing moderne :
    catholicisme + évangélisme = cathos tradis +école de commerce = totalitarisme religieux participatif .

    On peut bien sûr aimer cela cette cuisine religieuse .

    • Ah là,là, mon cher Guy je te retrouve tel que tu es avec tes commentaires toujours si mesurés…
      Pour ma part je suis très réservé à l’égard des Evangéliques lesquels notamment aux EU constituent une force politiquer non négligeable mais aussi au Brésil et dans bien d’autres pays Cependant je ne vois pas ce qui t ‘autorise à assimiler l’Emmanuel à ce mouvement

    • Guy, même s’il y a comme souvent une part de vrai dans ce que tu dis, ne pourrais-tu faire preuve d’un peu plus de nuances !
      Tout ce qui est excessif est insignifiant.
      1) Les communautés évangéliques sont diverses, certaines très fermées et hostiles aux catholiques, d’autres au contraire fraternelles et ouvertes à l’œcuménisme.
      2) Si les auteurs de ce livre viennent pour l’un des Eglises évangéliques et pour l’autre d’un long compagnonnage avec ces Eglises, le fait qu’ils soient devenus catholiques illustre qu’ils recherchaient aussi autre chose que ce qu’ils avaient trouvé dans les Eglises évangéliques, et c’est leur faire injure que de parler de « démarche marketing ».
      3) Les propos d’un évêque (anonyme ?) dans Golias à propos de l’Emmanuel ne constituent pas une vérité absolue à ce sujet..
      4) Ton raccourci final est, comment dire… n’en disons pas plus !

      • Si je puis parler en mon nom personnel – car je partage cette idée de démarche marketing – ce n’est pas dans le fait d’être passé au catholicisme qui procède de cette démarche, c’est celui d’imaginer qu’il suffit de changer l’emballage, le discours sur le « produit », d’utiliser le must des outils de communication (comme internet) pour que les gens retrouvent les chemins des Eglises. Je persiste pour ma part à penser que le déficit actuel du catholicisme est qu’on a le souci de changer les outres mais qu’on ne se soucie guère de la qualité du vin qu’on a laissé s’éventer.

        • Il me semble, René, si on reprend la parabole, que c’est de mettre du vin nouveau dans de vieilles outres qui est dangereux car cela les fait éclater ; il faut mettre du vin nouveau dans des outres nouvelles !
          Cf. Matthieu 9, 17

          Cela dit, le vin nouveau et les outres nouvelles, ce ne sont ni la démarche marketing, ni les outils de communication comme internet, mais bien plutôt l’accueil fraternel, l’annonce de la Bonne Nouvelle, le souci des pauvres, la beauté de la liturgie, la joie et la consolation partagées et transmises aux prochains…

      • A Michel ,
        Je reconnais volontiers que mon post a tout d’un réquisitoire et que j’instruis exclusivement à charge . Mais il y a tellement de défendeurs de la cause charismatique , actuellement dans l’église que mon concours à cette cause eût été parfaitement superflu .
        J’ai cru comprendre concernant ce livre , qu’il ne s’agissait aucunement d’opérer je ne sais quel syncrétisme avec la foi des évangéliques , mais de leur emprunter leur méthodes afin de « revivifier  » l’église catholique .

        Et c’est leur ce point que le doute envahit mon esprit pour deux raisons essentielles :
        1)- il n’existe pas de méthode miracle d’ou qu’elle vienne pour reconnecter l’église avec le peuple de culture chrétienne , parce que ce peuple est très divers et que croire que l’on peut le rassembler sans prendre en compte sa diversité est une illusion .
        L’avenir de l’église passe de mon point de vue par la reconnaissance de la diversité de ses membres et par l’organisation de celle ci . Les évangéliques et charismatiques catholiques ont toute leur place dans l’église sous réserve qu’ils ne prétendent pas à l’hégémonie .

        2) Je suis par principe réticent à l’utilisation des méthodes « marketing » et à toute forme de « recettes » quand il s’agit de vie spirituelle . Répondre aux attentes du plus grand nombre n’implique pas forcément de recourir au populisme qui est toujours une forme de mépris envers ceux auxquels on s’adresse . L’idée très anglo saxonne que l’on a droit à la proximité voire à l’immédiateté de Dieu comme au distributeur de Coca Cola sur laquelle repose toute la stratégie des évangélistes me semble contraire à l’idée même de vie spirituelle . ( quand bien même cette stratégie semble fonctionner très bien chez les plus défavorisés que de mon point de vue on méprise et on trompe )

        Enfin , ma connaissance malheureusement approfondie de toutes les stratégies et tactiques de recherche de pouvoir y compris dans l’église , m’interdit de regarder avec angélisme cette « opération » médiatique . Je ne sais pas si les auteurs de ce livre sont complices , victimes consentantes ou simplement instrumentalisées mais leur texte s’inscrit parfaitement dans le plan de conquête de l’église par la communauté de l’Emmanuel . Schéma tactique bien perçu par d’autres que moi ( voilà pourquoi je citais cet évêque qui ne peut s’exprimer que sous le couvert de l’anonymat tant ces sujets sont sensibles , interdits – le nouveau statut des prêtres de l’Emmanuel prive en réalité l’évêque de son pouvoir hiérarchique sur eux – et couverts par une omerta qui pour être cléricale n’en est pas moins tout aussi impitoyable

        Dernière précision : j’ai longtemps apprécié ce que le mouvement charismatique a apporté à l’église , mais leur méfiance envers la liberté de conscience , le savoir avéré et l’usage de la raison qui sont des instruments d’émancipation de la personne humaine , fait maintenant peser sur eux des soupçons de dérives totalitaires et sectaires que les scandales récents viennent malheureusement confirmer . La comparaison de leur projet avec celui du docteur Knock, pour être caricaturale , je le concède volontiers , n’en est pas pour autant dépourvue de tout fondement .

        • Tout à fait d’accord, en particulier sur trois points.
          -Le désir d’immédiateté de la rencontre avec Dieu qui, répondant à la soif légitime de l’homme, peut cependant amener à dédaigner les exigences de la vie spirituelle, pourtant si développées chez les spirituels catholiques ( cf St Jean de La Croix et combien d’autres )
          – le risque désormais avéré de tendances sectaires dues elles aussi au désir d’immédiateté de la rencontre avec autrui, faisant dédaigner l’altérité de celui-ci et les moyens de gouvernance permettant de la préserver.
          – la tentation de l’hégémonie, même si n’ayant aucun moyen de me prononcer sur «  l’entrisme «  de l’ Emmanuel, je me garderais de juger de ce dernier point.

        • Merci Guy pour ces propos moins caricaturaux qui te rendent plus audibles.
          Il me semble que pour les auteurs de cet ouvrage, entendus sur les ondes de Radio Notre Dame, mais je ne l’ai pas lu leur livre, il s’agissait moins d’emprunter aux évangéliques des recettes ou des « méthodes » que de trouver ou de retrouver un état d’esprit et des attitudes chaleureuses et fraternelles qui manquent trop souvent dans nos communautés catholiques.
          J’espère ne pas me tromper sur leurs intentions et je n’ai aucune raison de les suspecter a priori.
          Et donc je suis complètement en accord avec tes paragraphes numérotés 1 et 2 s’il s’était agi d’hégémonisme, de marketing ou de populisme.
          Je suis plus réservé sur la suite de ton commentaire.
          Je ne suis pas membre ni même lié à la Communauté de l’Emmanuel, je n’ai pas d’atomes crochus particuliers avec les cha-cha, mais il se trouve que nous avons eu sur ma paroisse pendant un certain nombre d’années un prêtre de l’Emmanuel qui a plutôt contribué à ramener la paix dans notre secteur là où des laïcs post-soixante-huitards jouaient les apparatchiki et excluaient ceux qui n’étaient pas du même moule…
          Bref, la tentation hégémonique, elle peut exister partout et pas forcément là où tu la vois.
          Quant à cet évêque anonyme dans « Golias », ses propos, comme tous les propos anonymes, n’ont qu’une destination appropriée : la corbeille à papier et la poubelle.
          Cela dit, s’il était question de restreindre la liberté de conscience, je serai le premier à crier gare avec toi.

    • « C’est un traditionalisme employant les méthodes de marketing anglo saxonne .  » Et je suis un catholique traditionnel/traditionaliste. Je viens parfois sur ce blog pour tâter le pouls de l’Eglise et, vous allez sûrement ne pas me trouver drôle, mais cela me rassure toujours sur l’état de notre Eglise, et avec Golias, c’est encore plus réconfortant ! Ceci dit, l’analyse de M Legrand est 100% juste ! Ce sont « des » évangéliques qui, comme dans les églises orthodoxes (russes ou roumaines par exemple) ou dans les milieux traditionnels catholiques, sont des utras-conservateurs (version Donald Trump and Co). Et ce sont bien eux qui recrutent à tour de bras ! Alors nos chers évêques en manque d’inspiration (et de vocation) vont encore se lancer dans une énième expérience ecclésiale d’adaptation du catholicisme à une nouvelle mode en biffant soigneusement (ou rageusement) ce qui explique le succès de « ces » évangéliques in the world, c’est-à-dire leur ultra-conservatisme sur le plan des meours. E, biffant cet aspect de leur plan de campagne évangélisatrice, ce sera un échec de plus et une humiliation supplémentaire !

  • Merci René. Je n’ai pas lu ce livre et tu m’invites à le faire. Je vais m’y employer.
    Je suis étonné de ce que n’apparaisse pas dans ce que tu rapportes du livre un reproche souvent fait aux « évangéliques » (ils sont divers) : la mission évangélique semble totalement étrangère au souci « politique  » des plus fragiles. L’absence d’engagement social, non seulement pour l’assistance mais pour le changement des stuctures; La lettre de Jean dont l’église proposait la lecture le lundi 4 janvier souligne bien le lien entre acte de foi en Jésus-Christ ET l’amour des frères … qui à mes yeux peut conduire au désir de la transformation des structures économico-sociales de péché. Cette dimension est-elle absente vraiment des soucis des évangéliques ? Affleure-t-elle dans le livre ? En tous cas il est toujours bon de revoir ue invitation à se convertir. Même pour un catholique heureusement et librement fidèle à l’église. Guy Aurenche

    • Merci Guy pour ce commentaire et cette préoccupation que je partage. Je me sens incapable de répondre à ta question. En tout cas je ne me souviens pas avoir trouvé dans l’ouvrage, pourtant lu avec attention, la problématique que tu soulèves. Mais il est vrai qu’une première lecture se fait souvent au travers d’une grille personnelle où l’on cherche finalement à « vérifier » telle ou telle intutition au point, parfois, d’occulter d’autres développements pourtant bien présents. Raison de plus pour que tu fasses de cet ouvrage ta propre lecture et, à son propos, ton propre jugement.

    • A Guy Aurenche,

      Le soupçon que vous relayez d’une non implication sociale des évangéliques est infondé et révèle un a priori peu charitable. Certes, il peut être fondé sur le plan politique, où l’action des évangéliques, comme celle de « La manif pour tous », se limite bien souvent, quoique de façon moins bruyante, au champ du bioéthique. Mais pour parler de ce que je connais, à savoir de la communauté évangélique de Mulhouse-Bourtzwiller, durement touchée et ayant formé le premier cluster de la Covid19 en France, elle est sans doute bien la seule, avec sa mission « Quartiers libres », à accueillir et accompagner à petite et à grande échelle des enfants et des ados en déshérence. Je veux bien que l’on distingue comme le faisait jadis le P. Michel Quoist dans « Le Christ est vivant », livre qui a compté pour moi puisque c’est grâce à son auteur que j’ai retrouvé la foi, « la charité à la petite semaine » et la dénonciation des « structures économico-sociales de péchés », pour reprendre votre expression et sortir de la pure bioéthique à quoi se limite bien souvent l’action politique de l’Eglise, qui masque mal en relevant ce seul péché social et sexuel qu’elle veut continuer à exercer un contrôle moral sur la vie sexuelle de la société tout entière, sous prétexte de protection de l’enfant à naître. Mais si vous placez votre question sous l’égide de la première épître de saint Jean, on pourrait vous objecter qu’à grand diseux et petit faiseux, la préoccupation politique; mais à taiseux grand faiseux, la préoccupation sociale et missionnaire, hameçon de la propagande du Hamas aux évangéliques? Peut-être. Mais cette assistance sociale aux plus fragiles a le mérite d’exister et de s’offrir à tous, en sortant de nos vieux patronages. Je connais peu de communautés catholiques qui en fassent autant.

  • Tout cela me fait penser au « Manuel de survie à l’usage des paroisses » de J.Mallon qui, lui aussi, va puiser chez les autres Eglises chrétiennes un vent de fraicheur. Et qui lui aussi esquisse des pistes de « souplesse doctrinale », notamment en se focalisant sur le kerygme, avec l’idée que la doctrine/morale viendront plus tard (ou pas).

    Pour intéressantes qu’elles soient, ces pistes me semblent assez peu crédibles. Je tente un parallèle avec la société « Kodak » qui a régné longtemps en maître sur le marché de la photographie pour disparaitre en une décennie faute d’avoir pris le virage du numérique. C’est un cas d’école assez souvent étudié (par ex : https://islean-consulting.fr/fr/strategie-de-rupture/pourquoi-kodak-a-fait-faillite/). Ce qui est intéressant est qu’en fait Kodak n’était pas un géant de la photographie, c’était une entreprise de chimie, spécialisée chimie photographique. Elle n’avait donc ni légitimité ni compétence à concevoir des appareils numériques. Pire : sa puissance passée à probablement éloigné les porteurs d’idées nouvelles qui auraient pu opérer un virage.

    Une hypothèse est que l’Eglise Catholique, de la même manière, n’est pas avant tout une « spécialiste du christ », mais plutôt un « géant de la pensée morale », spécialisé en morale Chrétienne. Je pense ici à St Jean Paul II qui à consacré de grands efforts à la morale (pour la chercher, l’affirmer et au besoin écarter les détracteurs).

    Tout cela marchait, jusqu’a une double crise :
    – d’un côté le « marché » de la morale religieuse s’est effondré (mais pas nécessairement la morale elle-même), voir par ex https://www.msn.com/fr-fr/actualite/monde/religion-et-morale-une-fracture-mondiale/ar-BB1bQiwb seuls 15% des Français pensent qu’il est nécessaire de croire en Dieu pour avoir de bonnes valeurs, contre 44% des américains, et 96% des Indonésiens. Il semble risqué de parier sur un retournement de tendance
    – d’un autre côté, les viols commis par certains membres clergé ont sapé pour longtemps toute crédibilité morale

    En terme de « business », l’Eglise se retrouve avec un « produit » déprécié, sur un marché en forte baisse. C’est une colossale dépréciation d’actifs. Il n’y a peut-être que dans la liturgie ou elle possède toujours une expertise reconnue et qui à ses adeptes. C’est un marché de niche mais il me semble assez stable, d’ailleurs les « tradis » s’en sortent plutôt bien. Pardonnez la trivialité de mon raisonnement, l’Eglise n’est évidemment pas une entreprise, il me semble pourtant intéressant de la considérer comme tel l’espace d’un instant, juste pour voir ou ça nous mène.

    Périodiquement, des idées ressortent d’aller copier les petits copains : protestants, évangéliques ou autres, comme il y a eu chez Kodak des velléités de produire des appareils numériques plus ou moins inspirés des géants de l’électronique. Sauf que ça ne marche pas comme ça. Dans un précédant post, Dominique (Bargiarelli que je salue au passage) faisait remarquer à juste titre que marier les curés ou copier les protestants ne nous mènera pas bien loin. Copier les évangéliques non plus.

    En fait la question n’est pas d’aller copier les autres, ce n’est pas non plus d’essayer de revaloriser ce qui est mort, mais de créer un nouvel intérêt auprès des catholiques. La survie de l’Eglise dépend de sa capacité à acquérir une nouvelle expertise qui puisse justifier son existence. Le défi est immense, Kodak y a échoué (seule la marque persiste). J’aimerais être optimiste concernant l’Eglise Catholique, espérons qu’il se trouve en son sein des personnes capables de bâtir des choses véritablement nouvelles.

    • Euh… Emmanuel, vous le dites vous-même « l’Eglise n’est évidemment pas une entreprise », alors laissez tomber les comparaisons de type business !

      La question n’est pas en effet de copier les autres, mais de s’ouvrir à ce qui est juste et bon dans chaque tradition tout en restant soi-même et fidèle.

      • >laissez tomber les comparaisons de type business
        Cela me semble une réponse un peu facile.

        S’il est évident que l’Eglise n’a pas le même type d’objectif qu’un commerce, elle est de toute évidence une « entreprise » au sens premier du terme : c’est le projet que les hommes (assistés par l’esprit Saint) ont entrepris à la suite de la première pierre posée par Jésus.

        En plus d’être surnaturelle elle est aussi une structure humaine soumise aux mêmes principes que n’importe quelle structure : elle nait, se développe, connait des luttes de pouvoir, a besoin de financement, de formation, de personnes de bonne volonté…

        Je ne vois aucune raison valable de ne pas tenter d’y appliquer des raisonnements d’autres domaines – en tout cas ça vaut au moins la peine d’essayer. Non pour y décalquer des solutions toutes faites, mais pour y discerner des possibles.

        « La question n’est pas en effet de copier les autres, mais de s’ouvrir à ce qui est juste et bon dans chaque tradition tout en restant soi-même et fidèle. »
        Je manque probablement de foi, mais je ne crois pas cela suffisant. Mon impression c’est que, si on se contente de ça, dans 50 ans maximum l’affaire est pliée – au moins en France.

        • Vous soulevez une vraie question pour laquelle il n’existe pas, à mes yeux tout au moins, de réponse satisfaisante. La vraie question est celle de la transmission. Mais transmettre quoi ? La machine, de fait, est en panne, dans nos pays anciennement christianisés. Parce que nous devons faire face à ce qu’il est convenu d’appeler les maîtres du soupçon et la sécularisation. Nous vanter le dynamisme des jeunes églises du Tiers Monde ne nous est, de ce point de vue, d’aucune utilité. Nous ne ferons pas revenir des occidentaux cultivés à la foi qui s’y déploie et mobilise les foules. J’aime à rappeler cette phrase du pape François aux évêques du Brésil à l’été 2013 : « Peut-être l’Eglise avait-elle des réponses pour l’enfance de l’homme, pas pour son âge adulte. »

          J’observe que même les Padreblog qui appartiennent pourtant aux générations JPII et BXVI « décomplexées » et ont nourri contre leurs aînés que nous sommes le procès de n’avoir pas su – voulu – transmettre, avouent leur désarroi de voir de jeunes adultes qu’ils ont eu au caté, chez les scouts, dans les aumôneries… délaisser toute pratique religieuse à la fin de leurs études supérieures, même dans le diocèse de Versailles. Je ne m’en réjouis pas. J’en gtire simplement la conclusion que les discours idéologiques ne suffisent pas. Ni les recettes marketing. Que seront devenus, dans vingt ans, les jeunes qui participent aux soirées louange selon les recettes du moment ?

          J’ai été frappé que durant le confinement les réflexions d’un Tomas Halik, d’un François Cassinguéna Trévédy, que j’ai souvent mentionnés dans ces pages, aient été à ce point entendues et comprises alors même qu’elles posaient les questions de la foi en termes de radicalité.

          Je ne crois pas que l’on puisse demain juger de la fécondité évangélique à partir du seul critère de la pratique religieuse, de l’appartenance… comme s’y emploie le Congrès Mission qui vise à reproduire le même… Mais du coup, j’avoue ne pas y voir clair sur ce qui va « prendre la relève ». Avec tout de même cette intuition : que le dialogue interreligieux, non limité à un simple objectif de conversion, est désormais partie inégrante de la Mission. Ce que n’intègrent ni les évangéliques, ni l’Emmanuel…

          • Pour ce qui concerne la transmission (et donc la mission de l’Eglise), j’aime beaucoup Mt 28 qui rapporte cette parole de Jésus : « Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit.  »

            C’est ce qui fait que je m’inquiète finalement plus de la chute des baptêmes que de la chute de la pratique, même s’il me semble que le second précède et cause le premier. C’est l’histoire en 3 générations : Baptisé pratiquant => Baptisé non pratiquant => Non baptisé non pratiquant.

            Ce qui est difficile dans tout cela c’est que l’on ne peut transmettre que de l’extérieur (des prières, des pratiques qui vont toucher – ou pas) alors que la conversion s’opère par l’intérieur. On transmet des rites, on ne transmet pas la foi, vertu donnée par Dieu seul.

            La marge de manœuvre est réduite, je pense toutefois que l’on peut agir au moins sur 2 points :
            – créer des occasions de prendre conscience de la foi qui est en nous (au besoin en piochant dans le marketing, tant que l’on est conscient de tenter d’organiser une rencontre, non d’être la rencontre)
            – s’abstenir et condamner tout ce qui peux mettre à mal la foi : sur ce point je porte un jugement triste (et probablement sévère) sur l’Eglise, tant il me semble que la vision de la foi qu’elle colporte est un véritable repoussoir indigne du Christ.

            C’est assez terrible, mais j’en vient à penser que les enseignements et agissements de l’Eglise sont l’une des premières cause de déchristianisation.

        • Je ne dis pas, Emmanuel, que « s’ouvrir à ce qui est juste et bon dans chaque tradition tout en restant soi-même et fidèle » soit suffisant pour revivifier l’Eglise, mais je pense que c’est une attitude juste entre chrétiens et je demeure attaché au dialogue œcuménique.
          N’est-ce pas la prière ultime de Jésus au soir du dernier repas avec ses disciples :
          « Que tous soient un pour que le monde croie que tu m’as envoyé »
          (Jean 17, 21)

    • Deux remarques rapides:
      – Il est probablement exact que l’image de l’institution chez ceux qui se disent catholiques est d’abord marquée par la « morale ». Or cela est essentiel.
      – La crédibilité morale a été atteinte par les abus sexuels, c’est certain et pas sur que ce soit fini quand l’arbre des abus sexuels cache la forêt des autres abus qui sont en train d’émerger dans les pays « avancés ».
      J’ajoute que les thérapies de conversions, fort significatives de l’angélisme commun aux charismatique et évangélique, préoccupent l’assemblée nationale et le sénat en France notamment, et qu’il s’agit quasi d’un copié collé de pratiques provenant des milieux évangéliques américains.

  • Je n’ai pas lu le livre, je ne connais pas les Évangéliques sauf par des reportages et documentaires. Mais j’ai fréquenté des communautés du Renouveau charismatique ( Béatitudes, Chemin neuf, Emmanuel ), assiste à des petites assemblées de prière comme à de grands rassemblements.
    Avec le recul, je leur trouve beaucoup d’insuffisances déjà mentionnées: miser tout sur l’affectivité et l’émotion, les témoignages de conversion et les charismes, de guérison, paroles de connaissance, mélange du psychique et du spirituel combien nocif etc…au détriment de la raison.

    Très séduisant et indubitablement efficace puisque tout est fait en ce sens.
    Je me rappelle que lors d’un grand rassemblement de guérison, le célèbre détenteur de ce charisme n’avait posé qu’une condition pour venir dans ma ville: qu’il y ait une grande et bonne chorale entraînante. Et des guérisons, il y en avait eu…et même beaucoup.

    Cependant toutes ces recettes issues du Pentecôtisme nord-américain ( USA et Canada ) cachent aussi de nombreux abus de pouvoir et de conscience, voire parfois bien pire.
    Quand on délaisse la raison au profit de l’affectivité, je ne peux m’empêcher de penser qu’il n’y a plus de régulation du groupe et que cela est propice à l’émergence de gourous qui utilisent les plus faibles, les plus crédules à leur service. D’ailleurs ces communautés ont connu de graves crises de gouvernance et parfois d’importants scandales.

    Je n’y jamais entendu parler non plus de quelconques préoccupations sociales et politiques qui exigent aussi une analyse rationnelle permettant de sortir d’un «   entre soi » souvent bien bourgeois. Au contraire, l’accent y est mis sur des normes morales très conservatrices en conformité avec le Magistère et sur une obeissance sans failles au pape.

    Par ailleurs, la fraternité ne se vit pas seulement dans l’émotion et l’euphorie du bien être ensemble. Elle est un combat exigeant.

    Donc, à part la convivialité, je ne vois guère ce que les évangéliques pourraient apporter au Catholicisme, sauf un certain nombre de recettes…

    • Bonjour,
      Ces communautés et notamment l’Emmanuel que je connais (un peu) de l’intérieur, ne sont pas d’abord des organisatrices d’assemblées de prières petites ou grandes. La fraternité qui cherche à y être vécue c’est d’abord entre membres de la communauté dans les maisonnées et groupes fermées de partage et prières hebdomadaires. Je peux vous dire que la recherche de la charité (comme il est vrai de l’évangélisation) y sont bien présentes. Les guérisons et autres phénomènes « surnaturels » ne sont que des conséquences d’une acceptation intégrale d’une foi qui n’est pas émotive.
      Etre membres d’une de ces communautés nécessite de vivre au quotidien avec l’exigence bien concrète de la fraternité….
      J’ai bien conscience que sociologiquement l’Emmanuel est très « cadres sup » et que le danger d’une communauté bourgeoise est la mondanité et l’entre soi, mais le chemin que désire emprunter les membres de ces communautés et un chemin d’approfondissement de leur foi dans la fraternité. Cette vie communautaire que devrait pouvoir vivre tous les chrétiens (avec une intensité plus ou moins grande) car elle est consubstantielle au fait de ce déclarer disciple de Jésus Christ (cf. les 1res lectures de St Jean de ce début de semaine) porte des fruits de charité auxquels les lecteurs de ce blog sont particulièrement attentifs (des exemples visibles sont Le Rocher ou Fidesco, mais beaucoup d’autres invisibles).
      Il est vrai qu’un certain nombre de membres (sans doute une majorité) suivent les « tendances » identitaires qui traversent ( de manière visible en tout cas aujourd’hui) l’Eglise en France. Cela n’est pas à mon sens propre à ces communautés, il n’y a pas de « directives » interne en ce sens et certains (dont je fais partie) n’y adhère pas. Ce qui visible en interne est une grande liberté personnelle à l’opposé de l’image externe d’unité, mais sans doute est ce vrai pour beaucoup d’organisations !

      Je trouve qu’il est simpliste d’opposer ces communautés à l’Eglise, elles offrent à chacun un chemin de foi et à la différence de l’Eglise elles ne sont pas catholiques car elles s’inscrivent dans la diversité de l’Eglise et ne peuvent ( et ne veulent) pas être l’Eglise elle-même.
      Pour revenir au Livre (sans l’avoir lu) il semble qu’il vise à expliciter (un peu) un chemin pour être catholique plutôt que « comment être catholique ». L’hégémonie est une tentation dont il faut tous s’éloigner !

      • Thomas,

        Merci de ces precisions sur l’Emmanuel qui est, de fait, une communauté que je ne connais que très peu, sauf par assistance à deux ou trois rassemblements à Paray- le- Monial.
        Il est vrai que le recrutement y paraît très classes sup. et le rôle de l’émotivité trop valorisé à mon goût comme sans recul ni vrai questionnement sur l’Eglise et le monde. C’est cette absence de questionnement qui me fait « tiquer », peut être à tort, je le reconnais. Car les œuvres de charité, aussi admirables soient elles, ne remettent guère en cause les structures.

        En revanche, je connais beaucoup mieux et le Chemin neuf qui a d’ailleurs une vocation œcumenique et, fondé par un Jésuite, connaît les exercices de St Ignace, et les Béatitudes qui a connu le plus de dérives sectaires et de scandales et eu besoin une refondation complète.

        J’y ai entendu des discours et vu des attitudes, surtout aux Béatitudes, bien imprudents, et propices à toutes les dérives sectaires et à toutes les déviances. Il en a été de même pour des communautés disparues ou que les évêques ont été obligés de dissoudre.
        Le livre qui date déjà «  Les naufrages de l’Esprit «  comme le film récent «  Les éblouis » sont un parfait exemple de ces déviances.

        Par conséquent, toutes les communautés ne sont bien évidemment pas à mettre dans le même sac car elles ne s’adressent pas toutes au même « public », si je puis dire, ne répondent pas à la même «  demande » et n’ont pas le même mode de fonctionnement. Cependant, selon moi, elles ont hérité ( ou risquent d’hériter ) des graves travers qu’elles tiennent du Pentecôtisme nord- americain. Donc la vigilance a l’intérieur comme à l’extérieur et le discernement y sont nécessaires.
        C’est pourquoi je me méfie du « modèle » évangélique.

      • A Thomas
        Il ne s’agit pas de ma part d’une remise en cause de l’honnêteté de la démarche des membres de la communauté de l’Emmanuel et encore moins de juger de leur foi .
        Il s’agit de discuter des moyens employés pour vivre cette foi .
        Pour connaître cette communauté depuis ses débuts en France et pour avoir fréquenté Paray le Monial , je suis plus que circonspect sur l’approche littérale de cette communauté dans la lecture de l’Ecriture , la place accordée au surnaturel dans le rapport à Dieu et la preeminence donnée à l’emotion sur la raison ; cette dernière étant toujours suspectée d’être un facteur de division .
        Quant à l’hégémonie, force est de constater et je parle d’expérience que l’Emmanuel ne veut jamais s’inscrire dans la diversité des sensibilites d’une paroisse . La paroisse ou cette communaute s’installe doit être complètement infeodee à cette sensibilité .
        Le nouveau statut du prêtre appartenant à l’Emmanuel permet à ces derniers de dépendre hiérarchiquement à la fois de l’évêque et de leur communauté, ce qui diminue fortement la marge de manoeuvre de l’évêque et remet en cause sa mission de gouvernement .

        • La communauté cléricale de l’Emmanuel a cherché et obtenu au fil des années un soutien puis un enracinement juridique auprès de la Curie romaine (1992-2017) lui donnant une visibilité particulière et un statut canonique dérogatoire. Cette tendance au « fractionnisme », qui a déjà été observée avec d’autres communautés, devrait être juridiquement et théologiquement étudiée plus attentivement. Avec le recul, il apparait également que la curie n’a pas les moyens matériels et humains nécessaires au contrôle de ces communautés.

          • Et l’on peut imaginer que certains rêvent d’une prélature particulière, à l’image de ce qui existe pour l’Opus dei, qui les mettrait définitivement à l’abri de toute sujétion épiscopale.

    • Il est clair en effet, Marie-Christine, que le tout émotionnel n’est sûrement pas ce qu’il faudrait promouvoir pour un renouveau de l’Eglise et peut conduire à de graves dérives.
      Je vous rejoins complètement sur ce point.
      Pour autant votre apologie constante de la seule « raison » me laisse un peu perplexe et ressemblerait presque à mes yeux à un culte de la Raison ! 🙂

      Curieusement, vous voyez dans ces communautés un « entre-soi » souvent bien bourgeois là où Guy Legrand, plus haut, voyait au contraire une tromperie fonctionnant très bien chez les plus défavorisés.
      Je ne vais pas vous départager, je pense qu’il y a une grande variété dans ces communautés et qu’il est un peu hasardeux de les mettre toutes dans le même sac.

      • Michel,

        Il ne s’agit ni d’une apologie du tout raison ni du culte exclusif de cette dite raison 😉. Mais, à mon avis, à cause des dégâts constatés chez nombre de personnes, d’une vigilance et d’une prudence ( voire d’un « discernement des esprits » ) dans lesquelles la raison, alliée au souci de l’autre, est une faculté ( donnée par Dieu ) indispensable☺️

    • à Marie Christine
      Il faut rappeler que le gros de la clientèle des évangélistes , pentecôtistes ou charismatiques catholiques est composée soit de marginaux pour lesquels le discours fondamentaliste sur la parole de Dieu est à même de faire sens , soit à l’autre extrémité du spectre sociétal , de personnes issues de classes sociales économiquement et culturellement privilégiées pour qui la foi au Christ exclut de conduire à questionner « les structures économiques et sociales de péché « (pour reprendre les mots de Guy Aurenche)
      il n’est donc pas étonnant que cette sensibilité évangéliste concentre son offre sur un produit spirituel totalement hors sol qui conduit à déconnecter le « spirituel  » de la réalité de la condition humaine .

      C’est donc toute une ecclésiologie de l’incarnation qui est ainsi passée par pertes et profits

      J’ai le mauvais gout de le regretter .

  • Merci René P. pour ce compte rendu. Très intéressant mais également suggestif. Je partage l’opinion de Guy Legrand et la remarque de Guy Aurenche. L’approche « économique » d’Emmanuel est intéressante et parfaitement justifiée : mais, s’il me permet, j’y apporte un correctif : si « crise de l’Eglise » il y a, j’estime qu’elle est surtout le fait de l’institution cléricale elle-même. C’est cette dernière qui est en « crise ». Mais largement « autocentrée », elle n’offre aucune prise extérieure à la Réforme, ou l’aggiornamento si l’on préfère. En somme, elle occupe une position qui est objectivement inexpugnable. Elle est forte de son système (fermé) de fonctionnement interne, de son immobilisme institutionnel (et donc doctrinal) et c’est encore elle qui est en position de décider le changement, sa nature et sa portée (il faut voir la façon dont toute la catholicité est suspendue aux déclarations du Centre romain). En revanche, je note (à tort ou à raison) que « l’Eglise » (des baptisés) se différencie ou se démarque ou s’affranchit (sous nos latitudes en tout cas) de plus en plus de « l’institution cléricale ». Ce sont des tendances centrifuges, qui sont en œuvre, une forme « d’impatience », dont le livre, dont il est ici question, est peut-être aussi un témoignage.

    • Si je vous suis Emmanuel il n’y a plus rien de valeur dans l ‘ « Institution cléricale » comme vous dîtes mais en revanche les autoproclamés » vrais chrétiens lesquels restent sur le parvis ,eux, ont des idées intéressantes.
      Le problème est que cette « église des baptisés » revendique elle-même 10000 sympathisants et ses groupes locaux sont au nombre de 6 ou 7,sur 95 départements n’est– ce pas quelque peu dérisoire? par ailleurs pourquoi s’étonner que des « jeunes de Versailles » formés par les prêtres du Padre-blog, abandonnent toute pratique religieuse après la fin de leurs » études supérieures »? je me dis qu’au moins ces jeunes-là- pourront lorsqu’il parleront de christianisme seront capables de ne pas trop dire de bêtises contrairement à tous ceux, les plus nombreux qui en sont restés tout juste au niveau de leur Profession de Foi.
      Par ailleurs se tenir éloigné de toute pratique religieuse à 25 ans ne signifie pas pour autant rupture définitive.
      Enfin j’aimerais bien savoir les raisons pour lesquelles l’Emmanuel a une cote si enviable parmi ceux qui s ‘expriment sur ce blog. Je rappelle que je n’en fais pas partie cependant

      • A Dominique,
        Les mouvements charismatiques ont une cote si enviable auprès de certains d’entre nous parce que leur stratégie , les moyens qu’ils emploient pour la mettre en oeuvre et les conséquences sur leurs membres heurtent toute personne attachée à la liberté de conscience , au libre arbitre , et au respect des personnes les plus fragiles
        .- la stratégie : il s’agit de prendre le pouvoir sur l’église de France et de lui imposer une ecclésiologie très traditionnelle habillée des habits plus modernes des évangéliques anglo-saxons .
        – les moyens : une approche littérale et fondamentaliste de l’Ecriture , un mélange entre le psychologique et le spirituel , une conception du spirituel déconnectée de la réalité et une approche communautariste qui confine au sectarisme , une gestion plus qu’opaque du pouvoir et de l’argent .
        – les conséquences: des abus en tous genres (d’autorité , spirituels et sexuels) qui déstabilisent et fragilisent plus encore les plus faibles .

        et de plus des pressions « amicales  » et menaces qui le sont moins , le tout s’apparentant aux pratiques mafieuses pour ceux qui comme moi à l’instar de l’enfant du conte d’Andersen disent tout haut que ce roi là est nu .

        • Guy, je ne suis pas membre de l’Emmanuel, (ni d’aucun autre mouvement charismatique d’ailleurs) mais le portrait que tu en fais ne me parait pas vraiment à ce que j’en ai vu de loin,certes.
          Et je me damande si par hasard ce qui té déplait si fortement chez les membres de ce mouvement, c’est surtout le fait qu’effectivement ils sont partisans d’une liturgie assez classique et que surtout ,abomination de la désolation, ils pratiquent l’Adoration Eucharistique.
          Par ailleurs je n’ai pas entendu dire que l’Emmanuel et les Témoins de Jéhovah, c’est la même chose,et d’ailleurs sauf erreur ce ma part bien sûr, ce mouvement ne fait pas l’objet de la moindre enquête sur son mode de fonctionnement.
          Enfin si ce mouvement comme tu l’affirmes veut faire pression sur l’Eglise de France il est loin d’être le seul à poursuivre ce but y compris chez certains que tu apprécies particulièrement

          • Dans la revue jésuite Etudes de novembre 2020, un article de Pierre de Charentenay SJ qui revient sur les raisons des abus dans l’Eglise : plusieurs logiques sont en œuvre dénoncées par le pape lui même : outre le cléricalisme, le développement à partir des années 1970 d’une « idéologie (qui) devient particulièrement trompeuse quand elle se déguise en spiritualité désincarnée » (exhortation apostolique du pape François Gaudete et exsultate, n°40). « C’est une foi, écrit P. de C, qui est renfermée sur elle-même et sur l’expérience qu’elle procure mais très éloignée de la réalité sociale et humaine qui l’entoure ». L’auteur de l’article parle d’un phénomène gnostique qu’il convient de décrypter pour éviter certaines dérives murées dans des « forteresses imprenables ». (PS : Si l’auteur évoque in fine « l’évolution de la législation canonique », il ne semble pourtant pas se douter qu’elle reste inefficace faute de moyens humains et matériels pour son application réelle et que le relais a été pris en réalité par les services de police judiciaire et les juridictions de chaque pays).

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  • Evangile de Marc chapitre 8- 22 « … on lui amène un aveugle en le priant de le toucher …..Prenant l’aveugle par la main, il le fit sortir hors du village …… »
    Presque toujours, Jésus guérit (prend soin) de l’autre, dans une relation personnelle , nous avons à méditer cela – personnellement je pense qu’on ne guérit pas une foule.
    Et Jésus a mis la barre très basse : »quand deux ou trois sont réunis en mon nom …. » à méditer.
    Marianne

  • Selon moi, l’enjeu de la perfusion évangélique sous laquelle il faudrait (ou pas) mettre les catholiques est moins une question de marketing ni même une question de survie qu’une question œcuménique. Depuis des années, je pense, je dis et j’écris que l’œcuménisme de demain ne résidera pas dans la capacité de permettre à des gens de confession différente, mais qui sont globalement centristes et ont une foi dont l’expression est relativement tiède de se parler, ils n’ont aucun mal à le faire ; que l’œcuménisme de demain ne sera pas inter-confessionnel ou ne sera pas, car ce n’est plus à l’intérieur des différentes confessions chrétiennes que se situent les fractures spirituelles. Non, l’œcuménisme de demain doit se donner pour horizon de parvenir à ouvrir le dialogue entre des sensibilités ou des demeures spirituelles qui sont a priori incompatibles, ne sont pas faites pour s’entendre et n’ont à peu près rien en commun.

    Jusqu’il y a environ quatre ou cinq ans, en Alsace où je vis, mon discours ne parlait qu’à des communautés catholiques qui connaissaient de très près les communautés évangéliques. L’ignorance mutuelle était de mise. Jusqu’au moment où s’est créée l’antenne de « RCF Alsace ». J’ai participé de loin à cette création et des contacts ont été pris entre cette future antenne et celles de « Phare FM » à Mulhouse et de « Radio Arc-en-ciel » à Strasbourg, qui s’étaient positionnées depuis trente ans sur la bande FM où il ne restait plus de place pour une radio catholique.

    Et puis il y a eu la pandémie de Coronavirus et le fait que l’Eglise de « La porte ouverte chrétienne » de Mulhouse ait concentré le premier cluster d’ampleur nationale, avant certes que ceux qui avaient organisé laréunion par laquelle le scandale viral est arrivé ne sachent que le virus existait et encore moins comment il se propageait. Deux effets se sont alors combinés. Le premier fut que cette plus grande « mega church » de France est devenue célèbre dans la France entière, « La Croix » prenant son parti pour qu’on ne la stigmatise pas. Mais le second effet a été plus étonnant : le leader de cette eglise, Samuel Peterschmitt, lui-même lourdement atteint par le coronavirus, s’est indigné qu’on le menace, ce qui est bien normal, mais aussi qu’on le culpabilise. Il oubliait de dire que pendant des années, il ne cessait d’attirer les foules en promettant : « Jésus guérit dans notre Eglise. » Manque de bol, cette Eglise s’est rendue célèbre sur le plan national parce que c’est par elle la première que la maladie s’est propagée en France.

    On aurait attendu que Samuel Peterschmitt produise une tentative d’explication sur le pourquoi une Eglise où Jésus était censé guérir était le premier lieu par lequel une pandémie se propageait à l’échelle nationale. Il y aurait eu pourtant beaucoup de discours possibles à tenir. L’un d’eux aurait consisté à envisager un châtiment divin pour des manquements personnels de cette Eglise, mais ça n’aurait pas fait les affaires de la « boutique », si affaires et si boutique il y a. Un autre, que j’aurais trouvé spirituellement plus fort, aurait consisté à dire que l’Eglise est formée de pécheurs et que nous ne savons pas ce qui se joue dans notre progression et dans notre vie spirituelle. Il arrive fréquemment que les plus durement éprouvés soient ceux dont Dieu se montre le plus proche, soit attaque du démon, soit nuit de la foi, que sais-je. Aucun de ces discours n’a été esquissé et j’ai trouvé cela extrêmement regrettable. La megachurch de Mulhouse méritait mieux que de produire un discours victimaire classique.

    D’autant que si l’émotion y a une place plus que prépondérante et que si la rhétorique des évangélisateurs de rue est basique et stéréotypée, les prédications des pasteurs de cette Eglise sont merveilleusement créatives, tant sur la forme où elles ne sont pas guindées, que sur le fond où elles manifestent une vraie créativité théologique qui n’est ni inculte ni séparée des dogmes, à l’égard desquels les catholiques majoritaires se situent dans une continuité patrimoniale spirituellement distanciée, où les dogmes ne sont plus que des boussoles explicables par la culture et par l’histoire.

    Les communautés catholiques (et le service musical que j’y rends fait que j’en fréquente beaucoup) sont devenues beaucoup plus chaleureuses que celles de mon enfance. Ce sont de vraies familles où l’on ne vit plus un christianisme sociologique, mais elles ne sont pas ouvertes aux marginalités ou aux « périphéries » du monde, mot du vocabulaire du pape François dont on se gargarise, un peu comme de celui de cléricalisme.

    Quand j’avais vingt ans, je déclarais que l’Eglise devait penser la foi à nouveaux frais et dans un nouveau langage. Des gens comme François Varillon ou Joseph Moingt l’avaient fait dès les années 70 et tant d’autres avec eux, je l’ignorais, mais cela n’a pas pris, il faut bien en le reconnaître, comme il nous faut prendre acte du fait quenous devons faire du neuf dans un contexte de restaurationnisme fidéiste, rituel et théologique.

    Pas plus que les évangéliques ne sont séparés du dogme, ils ne me paraissent mériter la critique de ne pas vouloir s’insérer dans une Eglise universelle, même si la logique protestante des « congrégations » ou Eglises locales est à l’origine de ce malentendu. Mais n’avons-nous pas nos petites chapelles qui finalement ne s’aiment pas tant que ça les unes les autres ?
    Chaque peuple et chaque époque génère son folklore. Le nôtre est multiséculaire, magnifique et incompréhensible de la plupart des « hommes (et femmes) de ce temps ». Nous sommes en partie fautifs. Il nous fallait organiser des messes-concerts ou de grandes œuvres du patrimoine musical seraient données comme des explications de la liturgie, qui est devenu le dernier mystère de la foi, surtout pour les gens extérieurs aux Eglises. Mais nous avons préféré distinguer la sphère culturelle, où nous avons remisé l’art et la musique sacrée, et la sphère cultuelle, où nous nous sommes remisés.

    Le folklore des évangéliques est loin d’être abouti, mais ils ont eu le mérite d’en chercher un et on prouve et on trouve quelquefois le mouvement en marchant.

    Enfin, je me souviens qu’après son élection, on disait de François qu’il était un « catholique évangélique » latino-américain. Les questions soulevées par le livre d’Henrick Lindell et de Pierre Jova ne donnent-elles pas raison à cette affirmation ? Les deux auteurs creusent le sillon d’une pastorale évangélique du pape jésuite.

    • Votre commentaire est dense et justifiait qu’on prenne un peu de recul pour mieux « pénétrer l’esprit.

      Vous plaidez, pour élargir le dialogue œcuménique aux évangéliques ce qui, personnellement, ne me pose aucun problème de principe pour autant qu’ils en aient réellement envie, ce qui ici ou là, ne semble pas évident. De là vous tirez la conclusion que l’enjeu, tel que présenté par le livre de Lindell et Jova, est précisément ce dialogue œcuménique plutôt que de « sauver » le catholicisme en utilisant les « recettes » évangéliques.

      Je n’en suis pas convaincu. On peut certes penser que si les catholiques suivaient les recommandations de nos auteurs, cela pourrait se traduire, in fine, par un rapprochement des deux Eglises, mais je ne vois pas que ce soit ce but premier qui soit recherché.

      Je ne vous suis pas bien dans le paragraphe où, à propos du cluster de Mulhouse, vous soulignez que le pasteur de l’Eglise de la Porte ouverte aurait dû expliquer la contradiction entre le développement du virus et l’affirmation selon laquelle « Jésus guérit en notre Eglise ». Soit dit en passant on a connu les mêmes réflexes dans nombre de paroisses catholiques réclamant la liberté de communier dans la bouche au motif que le corps du Christ ne pouvait pas transmettre la maladie. Mais je n’ai pas vu, à ce propos, où vous vouliez en venir.

      Vous évoquez ces années 70 où l’on se proposait de « penser la foi à frais nouveaux », et concluez que tout cela appartient au passé et qu’on est pas à une autre étape. Là non plus je ne suis pas convaincu. Car enfin vous citez Varillon et Moingt qui, de fait, sont morts… mais pas leur pensée avec eux. Deux auteurs m’ont paru émerger durant ces mois de confinement qui me semble se situer exactement dans leur trajectoire : Tomas Halik et François Cassinguena Trévédy. « Faire du neuf dans un contexte de restauration fidéiste, rituel et théologique » pour reprendre votre expression n’est le programme que d’une partie du peuple de Dieu.

      J’entends bien, et c’est la critique habituellement formulée, que « l’autre sensibilité » catholique, qui s’est nourrie de ces auteurs, n’a pas apporté la preuve qu’elle apportait réellement une alternative de croissance… Mais je ne crois pas qu’on puisse appréhender ce qu’elle représente avec les outils classiques de la sociologie. Vous plaidez que les évangéliques ne rejettent rien du dogme catholique que ces derniers seraient prêts, parfois, à brader. C’est aller un peu vite en besogne. Sur la présence réelle, pour prendre cet exemple, je ne vois guère de consensus possible. Sur la notion d’évangélisation et de mission, comment concilier ceux qui veulent « faire du chiffre » sans doute en fidélité aux dernières paroles du Christ : « Allez, enseigner toutes les Nations, baptisez… » et ceux, dont je suis, qui se souviennent que les Rwandais étaient baptisés ce qui n’a aucunement empêché le génocide… Et qui se souviennent que selon les paroles mêmes du pape « Le dialogue interreligeux est partie intégrante de la Mission », et pas uniquement dans une finalité de conversion… Ce qui n’est gère la tonalité du Congrès Mission auquel se réfère nos auteurs.

      L’idée d’inculturation est au cœur de l’ouvrage de Lindell et Jova. C’est une question cruciale autour de laquelle j’ai d’ailleurs construit la conférence donnée, en divers lieux de France, suite à la parution de mon livre. Mon « analyse » de la crise du catholicisme étant précisément, un retard d’inculturation par rapport au monde moderne. Sauf que la difficulté vient du fait qu’il faut inculture dans le contexte d’un pluralisme culturel. Que le « style » louange cher aux charismatiques, soit une réponse pertinente pour un certain public, pourquoi pas ! Mais peut-on vivre sur ce registre éternellement ? Et comment prétendre « imposer » cette sensibilité à l’ensemble de la communauté lorsque vous avez des catholiques qui ne s’y reconnaissent pas ? Plus largement le cheminement dans la foi de bien des catholiques de pays d’ancienne christianisation, en Europe, est inconciliable avec les « recettes » qui, en Amérique Latine, en Asie, en Afrique ou même chez nous, dans certaines communautés, peut « marcher ». Et je ne cesse de citer cette phrase du pape François aux évêques Brésiliens en 2013 : « Peut-être l’Eglise avant-elle les réponses pour l’enfance de l’homme, pas pour son âge adulte. » L’échec de ce qu’on a pu appeler la Nouvelle Evangélisation tient à l’éidée qu’on a cru pouvoir faire revenir au bercail les brebis égarées en leur proposant de redécouvrir la richesse d’un catéchisme qui, précisément, les avait fait fuir…

      Bref s’il est un point sur lequel je vous rejoint c’est celui de dialogue nécessaire entre sensibilités diverses. C’était la conclusion de mon livre appelant à la diversité et à la liberté des enfants de Dieu.

      • (Je signale que le commentaire ci-après est de Guy Legrand et ne comprends pas plus que lui par quel mystère il se trouve publié sous cette signature).

        Merci René pour cet énoncé clair et rigoureux de la question pour laquelle ce livre propose une solution . Solution à examiner sans à priori et de manière honnête et aussi objective que possible .

        Effectivement le témoignage de l’Evangile implique de renouer le lien avec la société . Mais , ce lien ne peut revêtir une seule forme parce que notre société est marquée par la diversité et la multiplicité des références . Ce qui pose aussi la grave question de la solidité et de la nature de notre contrat social et de l’expression de son contenu .

        Dans ce contexte il n’existe pas de recette unique. L’opposition au sein de l’Eglise entre ceux qui rêvent d’un impossible retour en arrière même sous une apparence plus moderne ( ce qui me me semble être le cas des auteurs de ce livre ) et ceux que l’on qualifie , par paresse intellectuelle de « progressistes « , n’a plus de sens , reste un clivage ecclésiocentré et totalement inadapté à la réalité du défi .

        En lisant aujourd’hui les textes de Vatican II je suis frappé du fait qu’ils se réfèrent quand même à un cadre de pensée ou l’autorité de l’église et sa place dans la société restent prégnantes . Un peu comme si l’on avait mis le vin nouveau dans de vieilles outres pour reprendre la réflexion de Michel .

        La maxime  » ecclesia semper reformanda  » ne peut plus s’envisager seulement à partir de l’Eglise mais aussi à partir de la société . C’est là ou le problème se complexifie car il nous faut penser le dépôt de la foi et son expression non plus à partir de lui même mais à partir de la manière , des manières, dont il peut faire sens dans une société multiculturelle.

        La question n’est plus : comment vivons nous dans l’Eglise , mais comment faisons nous aujourd’hui Eglise ?

        Il me semble que le travail de Joseph Moingt par exemple a esquissé des pistes intéressantes ; mais il faut aussi repenser les conséquences liturgiques et organisationnelles car le risque est grand , dans une telle démarche , de dissoudre ce qui fait l’unité des catholiques et qui reste une riche spécificité de notre église romaine .

        Ce travail ne doit pas seulement avoir une dimension intellectuelle indispensable , il doit aussi se mener de manière concrète dans la vie de nos communautés humaines .

        Essayant difficilement de formuler la question , je suis parfaitement conscient de la difficulté d’y apporter des réponses concrètes . Puissions nous dans un premier temps avoir conscience de la réalité de la tâche à accomplir en dépit de l’immensité et de la difficulté du chantier .

        Je crois comprendre des écrits du pape qu’il nous y invite .

  • Ce livre programme des journalistes de la Vie dresse le portrait d’un fidèle évangélique, « sujet croyant ». Or, la sociologie et l’histoire de ces quarante dernières années dans le catholicisme en a dessiné une également. Dans l’enquête Bayard/IPSOS de 2017, 53,8 % des Français se disent catholiques (et sont partis), et 1,8 % ont une pratique hebdomadaire (et sont donc restés). Anne Soupa dans son dernier livre (Pour l’amour de Dieu, Albin Michel) fait une observation (argumentée) que j’ai pu moi-même vérifier : « Le mimétisme clérical est de plus en plus fort chez le 1,8 % resté » (page 119). C’est leur « identité » aujourd’hui : le « laïc » qui ne peut pas se penser par lui-même, est « aimanté par la figure de référence qui lui sert de miroir (et) ne peut être que le décalque du clerc ». La communauté de l’Emmanuel et son cléricalisme ardent sont exemplaires de ce mimétisme et de ce modèle imposé. Je suis d’accord avec Anne Soupa quand elle s’interroge :  » « D’identité propre, il ne leur en a pas été donné (aux laïcs). Comment ne pas craindre qu’ils ne portent sur leur identité même la mort annoncée des clercs ? (…) ». Dès lors, la question est bien en effet : « Comment devenir plus catholiques… » ? ou, si l’on est pessimiste, est-ce encore possible ?

    (Le livre d’Anne Soupa est sillonnée de remarques judicieuses comme celle que je viens de rapporter ici et qui donnent aussi à penser, en complément du livre dont il est rendu compte par René Poujol).

    • A Martin
      Pour compléter le constat d’Anne Soupa que vous citez :
       » le personnage du prêtre évoque comme une figure représentant le Père divin du Ciel au milieu des humains . Tout au moins suscite il une énorme disposition à accepter des transferts paternels en tout genre .
      Par conséquent toute la question est de savoir, si, du fait des ressources de sa personne, le prêtre peut réellement satisfaire aux exigences démesurées de son rôle . Cela implique qu’il soit à même de démêler la signification des sentiments suscités par sa fonction.et de témoigner d’une maturité suffisante pour en faire un usage positif .
      Or il est en réalité impossible d’accompagner une personne au delà du point ou l’on est soi même parvenu dans son existence et parce que le clerc a une identité d’emprunt qui est celle de sa fonction cela ne peut qu’aboutir à une double tragédie , pour le fidèle déçu dans ses attentes et pour le clerc incapable de répondre aux attentes placées en lui qui en nourrit ressentiment et amertume .
      L’Eglise devient alors comme une citerne dans le désert : elle continue à attirer des gens plein d’espoir d’y puiser l’eau et la fraicheur, mais elle est asséchée depuis longtemps et ne fait plus qu’induire en erreur , sinon conduire à la mort ceux qui se laissent appâter par son apparence
      L’effet des prêtres sur leurs semblables est bien celui de citernes sèches . Certes ils parlent toujours d’amour entre les hommes , mais ils ont en même temps appris à se dérober avec angoisse et effroi devant tout amour qui s’offre , tout au moins s’il vient d’une femme .

      Amère confirmation de la mise en garde de Jésus concernant les docteurs de la loi de son temps :ils tiennent en main les clefs du royaume des cieux mais eux même « n’y entrent pas et ne laissent pas entrer ceux qui le voudraient « (Mt 23,13) Exemple : l’église exorcise sa peur du lien et de l’engagement en matière de relations humaines et en tout premier lieu celles touchant les rapports hommes /femmes par la stigmatisation du divorce : :préférer une relation juridique et figée à une relation vivante , authentique donc incertaine .

      Du fait de sa vision cléricale d’elle même l’église ne fait preuve d’aucun souci sérieux des véritables problèmes humains ; elle ne s’intéresse qu’à elle même ; l’égocentrisme clérical , phase finale de la religion .  »
      Je ne prendrai pour illustration emblématique de cette dernière phrase que le « Dieu merci les faits sont prescrits  » d’un cardinal français suite à la révélation des faits pédocriminels d’un prêtre de son diocèse .
      ( toutes ces citations sont extraites de « Kleriker « d’E Drewermann,
      Précision :Je ne suis pas mono maniaque de ce théologien qui met des mots sur ce que beaucoup ressentent et ne peuvent exprimer autrement qu’en quittant silencieusement l’église pour ne plus y revenir )

  • Si je puis me permettre, en réponse à la question: faut-il mettre les «  catholiques de France sous perfusion évangélique « ?, je dirais, quant à moi, surtout pas !
    Quand il y a maladie, ( cf le terme de perfusion ), il ne faut pas se contenter de faire baisser la fièvre ou disparaître les symptômes les plus apparents, il faut en rechercher les causes les plus profondes.
    La  “perfusion »  évangélique ne serait donc qu’un pis aller illusoire permettant de cacher, et sans doute pour un temps seulement, les causes véritables de la maladie et par conséquent de les rechercher. Ce qui demanderait certainement beaucoup plus de réflexion, de lucidité et de courage.
    C’est du moins mon sentiment.

    • Mais voyons, Marie-Christine,voilà plus de 50 ans que nous cherchons les causes de notre maladie et que nous n’aboutissons à rien de positif et en utilisant ce « nous » j’y inclus nos frères protestants qui malgré toute leurs démarches d’inculturation se portent aussi bien que nous Catholiques.Pour moi,sans être pour autant ennemi de toute inculturation celà me fait penser à la certitude qu’on avait il y a un peu plus de cinquante ans que le seul fait de traduire la messe en langues vernaculaires allait faire pour le moins des miracles.
      On a donc traduit les textes en Français et il fallait sans doute le faire bien sûr. Pour autant cela a-t-il amélioré la proportion de cathos pratiquants dans notre pays?
      Je n’en suis pas convaincu.
      Par ailleurs ,quant à la phrase de François selon laquelle nous, hommes de notre époque nous aurions atteint l’âge adulte en matière de foi ‘est incontestablement très flatteur pour nous,Mais sur quels éléments concrets cette très aimable affirmation repose-t-elle d’une part ,et d’autre part qui permet au pape de considérer comme des enfants ceux qui nous ont précédés?
      Le catholicisme adulte serait donc né avec nous?

      • Pourquoi la comptabilisation des « cathos pratiquants » (aujourd’hui de l’ordre de 1,2 millions) serait-elle le seul critère d’appartenance à l’Eglise et de fidélité à l’Evangile ? Ce n’est plus ce que j’observe autour de moi et je puis témoigner de compter nombre d’amis qui ne mettent plus les pieds à l’église et vivent sans doute les exigences de l’Evangile mieux que bien des catholiques, moi y compris !

        Pour ce qui est de la phrase du pape François elle ne porte aucun jugement sur ceux qui nous ont précédés. La référence à un « âge adulte » signifie simplement qu’il est des croyances, des enseignements de l’Eglise, qui ne sont plus aujourd’hui recevables par l’homme contemporain car parfaitement contraires à la raison que Dieu leur a donnée. Dire cela c’est simplement réaffirmer une évidence : on ne fera pas revenir dans les églises ceux qui en sont partis parce qu’ils en avaint assez d’être considérés comme des enfants. Cela me semble tellement évident que je ne vois pas où peut se situer l’objection. Et cela ne porte aucun jugement sur les motifs d’adhésion des fidèles de jeunes églises.

        • René, j’étais à peu près certain que vous alliez me dire que le critère par excellence de savoir si on est catho ou pas repose sur le fait d’aller à la Messe ou pas. Je ne suis pas étonné donc de votre observation.Eh bien je regrette, pour moi celui qui ne va pas à la Messe n’est pas Catho. Attention je ne dis pas qu’il n’est pas chrétien, bien sûr que non, mais catho assurément pas.
          Bien entendu je ne dis pas non ^plus que seuls les cathos pratiquants vivent mieux que les autres l’ enseignement du Christ,hélas ,non
          Mais à mon humble avis du haut de mes 76 ans je n’ai jamais eu le sentiment,une fois adulte bien sûr, d’être traité comme un enfant par l’Eglise catho,et ce même si certains clercs incontestablement se considéraient bien au dessus du menu fretin dont ils avaient la charge et d’ailleurs je pense que si cet argument était incontestable comment se fat-il que le Cardinal Newman se soit converti et qu’il ne se soit pas enfui en courant lorsque l’infaillibilité du Pape a été proclamée
          Encore une fois, le fait d’être catho pratiquant ne vous donne rien de plus et, le cas échéant, ne vous empêchera pas d’avoir un comportement ignoble vis à vis de vos frères, pas plus que çà ne vous accordera une place plus confortable au moment du jugement dernier. Bien sûr que non, mais je ne comprends décidément pas pourquoi certains, même beaucoup, se déclarent catho alors qu’il est évident qu’ils ne le sont pas. Ou alors serait-ce un vague sentiment de crainte si jamais… un peu comme ceux qui n’ont plus mis les pieds à l’Eglise depuis leur mariage (voire leur Première Communion,)dont les héritiers réclament avec force d’avoir une messe d’enterrement et rien d’autre au moment des obsèques.

          Quant à être adulte,en matière de foi il ne me semble pas que le Christ nous ait jamais invité à le devenir sans nous inviter pour autant à surtout pas nous servir de notre intelligence,mais à devenir comme des enfants pour avoir accès au royaume de Dieu

          • Vos commentaires, René et Dominique, m’inspirent plusieurs réflexions :

            – Je ne suis en effet pas catho, ce qui ne me surprend ni ne me choque, puisque je ne pratique plus. Ceci m’a enfin permis – ça semblera peut-être paradoxal à certains – de réfléchir librement à ce qu’était la foi pour moi, ce que représentait Dieu à mes yeux et qui était réellement le Christ dans ma vie.

            -Je connais des athées ou agnostiques (j’en ai même eu dans ma famille) qui vivent beaucoup des exigences évangéliques , sans même le savoir donc, sans notion d’obligation ni de récompense..

            – Je ne sais pas trop bien pourquoi on se triture tant les méninges pour remplir à nouveau les églises, ça ne me semble pas être l’urgence absolue, même quand on est encore catho. L’essentiel n’est-il pas dans ce cas de vivre de Celui qui nous a parlé un jour, sans chercher à évangéliser et rameuter les foules par toutes sortes de moyens et de recettes ? Le résultat ne peut être, à mon sens, que décevant, superficiel et transitoire, et même désastreux dans certains cas.

            – J’ai moi-mème eu bien souvent le sentiment de ne pas être considérée comme une adulte dans l’Eglise. Que ma conscience et ma raison ne comptaient pas, sauf à se fondre dans un moule, à entrer dans un système. Là encore se pose de façon criante le problème de ma liberté.

            Tout cela étant, faut-il le rappeleler, totalement personnel.

          • Vos commentaires m’inspirent à mon tour celui-ci : je me reconnais volontiers dans votre propos à une nuance près : « sans chercher à évangéliser ». Tout dépend du sens que l’on donne à cette expression. S’il s’agit de « convertir » à tout crin comme on le fit aux Amériques ou en Afrique, de vouloir baptiser en série comme on vaccine contre la Covid pour éviter au plus grand monde la « mort éternelle », alors là je m’accorde à votre propos. Car enfin, au risque de me répéter, dans le drame du génocide Rwandais, les génocidaires étaient baptisés ! Etaient-ils évangélisés ? Si l’Evangile est vraiment « Bonne Nouvelle » à savoir que chaque être est aimé de Dieu et compte à ses yeux, alors je ne vois pas comment on pourrait ne pas vouloir faire partager ce qui, pour nous, est une certitude dans la foi. Mais cela peut se faire avec discernement et délicatesse, autant par le témoignage de vie que nous donnons que par des grandes déclarations prosélytes.

            J’ai noté, d’ailleurs, dans le livre d’Henrik Lindell et Pierrre Jova très louangeur pour le sens de la mission qui mobilise les évangéliques , cette observation (p.119) : « Au moment où les catholiques découvrent la mission de rues, les évangéliques se concentrent sur la vie de paroisse. » Je fais mienne, pour ma part, cette réflexion d’Olivier le Gendre dans son roman Confession d’un cardinal. C’est le cardinal qui parle : « La nouvelle évangélisation de Jean-Paul II passe par l’enseignement des vérités chrétiennes, alors que la nôtre passe par la volonté de rendre d’abord sensible la tendresse de Dieu. »

            Et j’aime rappeler cette observation de mon ami le père Yann Vagneux, prêtre des Missions étrangères de Paris (MEP) sur les bords du Gange dans son livre : prêtre à Bénarès lorsqu’il se dit « témoin que des hindous s’ouvrent à Jésus et s’en trouvent transformés tout en restant hindous. » 

            D’où je tire la conclusion que nous devons bien nous garder d’une vision trop classique et guerrière de l’évangélisation sur laquelle on semble vouloir à nouveau nous mobiliser. Sans pour autant que sa nécessité, pour un croyant, cesse de le presser.

  • La question laisse pantois a plus d’un titre.
    D’abord, il est raisonnable de considérer que l’institution a placé l’Église sous perfusion charismatique et « nouvelle évangélisation » sous le pontificat de JPII. Ainsi ont été renforcés et créés de nouvelles organisations religieuses, plus ou moins indépendantes des diocèses dont on voit les limites. Cet essai de retour à un « âge d’or » fantasmé-modernisé n’a pas encore montré en quoi il a pu contrecarrer la longue anémie engagée rapidement après le bref espoir du concile ui peu s’analyser comme le contrechoc suite à la guerre mondiale 14/45 qui a fait perdre à l’institution une grande partie de l’aura qu’elle avait semblé conserver après s’être opposée aux lumières et à la modernité et à la science et accessoirement aux francs-maçons, aux protestants, aux juifs et aux bolcheviques, se fabriquant ainsi des ennemis idéologiques qui, a priori avaient des intention moins médiocres envers le catholicisme que n’en ont eu les fascismes que l’institution a accompagné en espérant tirer les marrons du feu.
    Ensuite, alors que l’idée est d’aller vers les autres, on a assisté à un repli sur des fondamentaux qui, sauf à faire preuve d’autisme envers le monde, sont profondément out, et ceci malgré des ouvertures prudentes de François (abus, pureté, autorité, organisation).
    L’idée d’un tel travail peut être compris comme une façon de faire oublier le bilan désastreux du « contre aggiornamento » engagé par Paul VI et amplifié par JPII, en annonçant une ère nouvelle, alors qu’il est probable qu’avec la manière dont s’est passé l’année électorale américaine par exemple (dont le parti républicain sort en miettes malgré des soutien religieux puissants durant tout le mandat), on soit en fin d’un cycle de repli nationaliste, populiste et traditionaliste et au début d’un cycle raisonnable entre puissance (religieuses comprises) en vue de sauver l’espèce humaine (pandémie, changement climatique).

    • Toujours aussi nuancé dans vos propos ! Il faudra tout de même nous expliquer plus pécisément en quoi la guerre mondiale (que vous situez curieusement entre 1914 et 1945) a pu faire perdre son aura à l’Eglise !

      Par ailleurs parler de contre-aggiornamento à propos de Paul Vi tient de la caricature. On sait les peurs qui ont été les siennes et lui ont fait retirer de la délibération conciliaire : le statut du prêtre, la collégialité, la contraception… mais de là à employer votre expression, pardonnez-moi mais cela devient franchement ridicule !

  • Anne, pouvez-vous comprendre que les cathos pratiquants ne vont pas à la Messe par obligation,quoique parfois… et encore moins dans le but d’obtenir une récompense mais que c’est un temps durant lequel ils s’efforcent de se tenir devant Dieu avec toutes les joies et les difficultés qu’ils ont tout au long de leur vie, sans oublier bien sûr le reste du monde pour autant.
    René, la réflexion de ce prêtre de Bénarès me rappelle les réflexions qui ont eu cours à la suite du décès de G Brassens visant à le considérer comme un chrétien qui s’ignorait lui-même du fait de la générosité dont il a fait preuve tout au long de sa vie Je regrette , mais Brassens s’est toujours défini comme n’ayant pas la foi.Dès lors nous n’avons pas à le considérer comme chrétien. I
    Il me semble que si l’ont part du principe que tous les gens généreux sont des chrétiens qui s’ignorent pourquoi donc chercherions nous à les convertir

    • Je vous admire, cher Dominique, de décider d’autorité, si cet hindou que vous ne connaissez pas, mais que Yann Vagneux lui connaît intimement, est autorisé – par vous bien évidemment – à dire qu’il a rencontré Jésus, tout en restant fidèle à son Hindouisme. Et vous retombez dans le piège que vous affectionnez qui est de vouloir à tout prix « convertir ». Laissez faire l’Esprit Saint.

      Je laisse à votre méditation ce texte de la Commission théologique internationale : « C’est à travers la vie, le témoignage de l’action quotidienne des disciples du Christ que les hommes sont conduits vers leur Sauveur. Certains, par la connaissance du signe de l’Eglise et la grâce de la conversion, découvrent qu’elles sont la grandeur de Dieu et la vérité de l’Evangile, de sorte que pour eux l’Eglise est tout à fait explicitement « signe et instrument » de Salut. D’autres sont associés par l’Esprit Saint d’une façon que Dieu seul connaît au mystère Pascal du Christ et donc aussi à l’Eglise ».

      • René, je regrette mais en relisant la phrase que cous avez citée je ne vois pas qu’il est indiqué que vous parliez de la conversion d’un Hindou bien déterminé lequel aurait fait à sa façon, le parcours de Mgr Lustiger lorsqu’il s’est converti au christianisme tout en restant Juif
        Quant à cette déclaration de la Commission théologique internationale en quoi voudriez-vous donc qu’elle me choque? ou alors , par extraordinaire , penseriez-vous que pour moi le seul moyen d’être sauvé c’est exclusivement d’être baptisé catholique et surtout, surtout, d’être catho pratiquant.
        ne vous en déplaise je ne suis pas aussi primaire que vous le pensez.

    • Je sais, Dominique, que certains catholiques (tous je ne pense pas en effet, mais ça les regarde) vont à la messe et reçoivent les sacrements parce que cela représente un lien vital pour eux avec le Christ.

      Ce n’est pas forcément le chemin de tout le monde et il est impossible, du moins intrusif, violent, insensé de vouloir l’imposer à tous, même à ceux pour qui le Christ compte et qui ont entendu son message. C’est tout ce que je voulais dire.

      Encore une fois, je serais assez d’accord sur le fait que ceux qui ne pratiquent pas ou plus ne sont pas catholiques, mais peuvent être chrétiens. Et loin de moi l’idée – mais je ne pense pas que vous me visiez personnellement – de recourir de temps à autre aux sacrements pour me rassurer ou ne pas rompre tout à fait ou éviter de culpabiliser. Il faut savoir être cohérent : les sacrements ne sont pas magiques et je pense que là n’est pas l’essentiel (pour moi).

      Personne n’a dit non plus qu’il suffisait de vivre les exigences évangéliques pour être chrétiens. Mais en tout cas, ceux qui les pratiquent reflètent sans aucun doute quelque chose du visage du Christ, donc de Dieu, mystérieusement – comme tout ce qui touche à Dieu – et magnifiquement.

  • A propos de la «  conversion «, il me semble que l’ on « convertit » les autres en se convertissant d’abord soi-même, ou du moins, en s’y efforçant, aux exigences évangéliques qui ne sont pas minces et ne peuvent être en contradiction avec les exigences de justice et de vérité de la conscience humaine.
    Le reste n’est que «  recettes « diverses  en effet.

    Il y a donc parfois dans l’athéisme non une contradiction avec la foi mais un appel à cette conversion justement, comme il peut y avoir dans la desertion des églises, des déceptions et révoltes bien compréhensibles devant des dénis de justice et de vérité qui ne trouvent que ce moyen pour s’exprimer.

    En revanche, l’indifférence contemporaine est beaucoup plus redoutable car ici deux « mondes «  vivent de façon parallèles en s’ignorant mutuellement. Elle signifie que rien de ce que dit ou propose l’ Église ne « parle «  plus à nos contemporains. Ils n’en attendent donc plus rien.
    C’est du moins mon sentiment.

    • Nous vivions encore dans une société imprégnée de valeurs chrétiennes, y compris chez les athées et les agnostiques, mais cela ne peut tenir longtemps si ce ne sont que des « valeurs » un peu extérieures, des coquilles, une morale, etc.
      Jules Ferry, à qui l’on demandait quelle morale il allait enseigner aux élèves dans l’école laïque répondait « la morale de nos pères, la morale de toujours » !
      Déjà réduire la foi à une morale était pour le moins un peu court…
      La question ne se pose plus en ces termes aujourd’hui.
      Ce qui est le plus redoutable est, je crois et je vous rejoins, l’indifférence contemporaine, l’horizon indépassable du consumérisme et de l’hédonisme.

      • réduire la foi à une morale était effectivement un peu court, mais je crois qu’à l’heure actuelle certains;et même beaucoup réduisent la foi à un simple humanisme.; l’humanisme est effectivement une excellente chose,c’est incontestable mais encore une fois le Fils de Dieu s’est- ll l donc incarné et souffert sa Passion simplement pour nous dire que l’humanisme est chose excellente???

        • Dominique, je me répète, ce qui est le plus redoutable est, je crois, l’indifférence contemporaine, l’horizon indépassable du consumérisme et de l’hédonisme pour trop de nos contemporains.

          • Mais Michel, il est bien évident que je suis d’accord avec ce que vous dites sur l’indifférence contemporaine,le consumérisme et l’hédonisme ,et j’ai été effaré de voir sur la 2 ce petit reportage sur « l’esprit de Noêl » parait-il où il n’a pas été fait état une seconde du caractère religieux de cette fête.

        • Je ne vois pas beaucoup autour de moi ceux qui sont portés vers l’humanisme prétendre avoir la foi. Je vois beaucoup en revanche ceux qui disent avoir la foi critiquer, revendiquer, parfois haut et fort, faire la leçon au nom de ce qu’ils appellent « LEURS valeurs » et s’estimer uniques détenteurs de LA vérité.

      • En effet, si la foi se réduit à une morale ( et laquelle au fait ? ), elle est inutile.

        Cependant, encore faut il que l’Eglise ne donne pas trop d’exemples de comportements que réprouvent légitimement, et la conscience morale, et le progrès des droits de l’homme.
        Or, pour l’instant, la révélation de divers scandales et abus longtemps couverts par une espèce d’omerta ahurissante ne va pas dans ce sens.

        Et, s’il est vrai que les seules « valeurs »des sociétés contemporaines sont le consumérisme et l’hedonisme, il n’en demeure pas moins que les hommes y ont aussi acquis plus d’exigences du point de vue de leurs droits de par les progrès de l’éducation et de l’expérience des processus démocratiques.
        Par ailleurs, les interrogations sur le sens de la vie humaine, la soif de spiritualité, de vérité, de beauté, n’ont pas disparu pour autant du cœur de l’homme. Sinon, les nouvelles « spiritualites » ( souvent véritable bricolage ) n’auraient pas autant de succès. D’où la tentation, dont il est question ici, d’avoir recours à leurs «  recettes « pour pérenniser un systeme.

        Mais la véritable  « conversion «, consiste, à mon avis, à se mettre à l’écoute des aspirations légitimes des contemporains, non pas pour nécessairement les «  convertir »( les ramener à soi sans les écouter ) mais d’abord pour se « convertir soi-même à l’Esprit qui œuvre souterrainement chez tous. «  Rien de ce qui est humain ne devrait être étranger » au catholique ou au chrétien.
        Et «  l’Esprit souffle ou Il veut «. Le chrétien ou le catho n’est donc pas au-dessus, en surplomb, encore moins contre, mais avec. Il reçoit autant qu’il donne.

        Autre chose: il revient à chacun ( et non à d’autres en fonction de leurs propres critères ) de se définir comme catholique ou comme chrétien.

        • Il me semble, Marie-Christine, que pour se convertir – et on n’a jamais fini de se convertir – il faut d’abord se taire pour s’efforcer d’entendre ce que Dieu veut nous dire et en tirer bien sûr les conséquences dans notre vie de tous les jours. Quant à l’écoute des revendications légitimes de nos contemporains, pourquoi pas ? mais encore faut -il déterminer ce que l’on entend pas « revendications légitimes ». Par ailleurs je n’ai pas souvenance dans l’Evangile d’une phrase du Christ faisant allusion à la situation sociale de son époque même si de nombreux passages de la bible s’intéressent au sort particulièrement enviable notamment des veuves;
          Attention je ne dis pas qu’il faut traiter par le mépris les revendications, absolument pas, mais ne pas en faire une priorité pour autant comme vous paraissez le vouloir;
          Pour moi « tu aimeras ton prochain comme toi-même  » et « aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » vont beaucoup, beaucoup plus loin.

        • Il me semble que si l’hédonisme et le consumérisme constituent un « horizon indépassable » ce n’est que parce que rien aujourd’hui n’est proposé qui le dépasse (!).

          Je ne crois pas a l’hédonisme comme un but, et il me semble que si notre société s’y abime, ce n’est que faute de trouver mieux.

          C’est un réel défi pour l’Eglise aujourd’hui : parvenir à construire un discourt qui dépasse le consumérisme et l’hédonisme. Je dit bien « qui dépasse », et non pas « qui cherche à lutter contre » comme à voulu le faire St Jean Paul II.

          • O que oui !
            Ne pas faire la leçon de conduite ou de morale aux autres mais avoir un discours qui rejoint les aspirations les plus profondes du cœur de l’homme, en s’y incluant aussi, à egalite.

  • A Anne et Marie Christine
    « La foi c’est 24 heures de doute, moins une minute d’espérance  » (G Bernanos)
    « Il ne faut pas s’installer dans sa vérité mais l’offrir en tremblant comme un mystère  » (Helie Denoix de Saint Marc)

    • Merci Guy. Oui, je ne suis pas sûre en effet qu’on puisse réellement dire ce qu’est la foi. N’est-ce pas plutôt l' »intuition de », le « désir de », la « tension vers » ? Ce qui laisse toute la place au doute, aux questions, à l’écoute, même de ce qui paraît bien lointain, et empêche d’assener et d’enfermer. Quand je dis cela, je me le dis à moi-même d’abord. Nous sommes en tout cas bien loin des recettes miracles.

      • A Anne ,
        Oui , une église loin des recettes miracles et des méthodes de management importées des évangéliques anglo saxons .
        A titre d’exemple , dans mon diocèse le père Nadler explique très bien sur son blog les quatre étapes d’une méthode efficace pour faire venir les gens à l’église Il explique aussi savamment que la mission la plus essentielle de l’église est l’exactitude formelle de la liturgie.
        La fraternité vécue comme signe tangible du témoignage de l’Evangile ? Un vieux fantasme de soixante huitards attardés dont ils attendent avec impatience la disparition.
        Voilà ou en est l’église aujourd’hui : du formalisme , du juridisme , le respect du manuel de procédure de la démarche « qualite » de la liturgie ,pour légitimer le statut sacralise des clercs .
        Kierkegaard souhaitait que l’on évolue d’un christianisme de doctrine vers un christianisme existentiel .Il font le chemin en sens inverse
        What else ?

        • Un christianisme existentiel… En effet, Guy, il ne faut peut-être pas trop en demander à l’Eglise 😅. N’affolons personne.

          Il n’empêche : ces deux seuls mots font déjà rêver, un peu comme celui de « métaphysique ». Merci beaucoup.

          • Mais un « christianisme existentiel », si les mots ont un sens, est l’essence même du christinamisme. Si la religion n’est qu’une superstructure sans lien charnel avec ce que nous vivons et la quête qui est la nôtre, quel intérêt ?

          • A René .
            C’est bien toute la question et le reproche fait à la méthode de l’église catholique romaine .Peut on vraiment fonder son existence sur l’Evangile en cherchant à plaquer une doctrine abstraite sur une vie dont la réalité echappe toujours aux catégories simplistes de la doctrine ?

          • Métaphysique est un très beau mot 😉 qui invite à une recherche infinie sur ce qui est « au-delà «  ou « après «  les réponses scientifiques bornant l’existence 😊

        • Si je passe outre l’assimilation Eglise/clergé, je me demande si le Père Nadler n’aurait pas raison : peut-être que la mission essentielle (voire la seule) du clergé est de veiller à l’exactitude de la liturgie et des sacrements, et puis c’est tout.

          Implicitement, il renvoie les pretres a leurs sacristies, et cela signifie qu’on mette à la benne tout le reste, et notamment les enseignements « moraux » du magistère.

          Le reste : La fraternité, l’expérience de la rencontre avec les autres et le Christ, la direction des consciences, peut-être n’est-ce pas au clergé de s’en occuper. Non pas que ce ne soit pas important, c’est juste que ce n’est pas leur domaine.

          Je tente d’imaginer : un curé qui ne m’inviterait plus à manifester, un Pape qui ne donnerait plus son avis sur la « culture de mort » ou les conditions a remplir pour recevoir le Christ. L’idée que l’un comme l’autre puisse à l’avenir se focaliser uniquement sur la liturgie me plait.

          Au clergé la liturgie, aux théologiens la recherche de la vérité, au peuple de Dieu la fraternité. C’est assez séduisant en réalité.

          • A Emmanuel Recréer dans l ‘église la caste des sacrificateurs du temple de Jérusalem est il compatible avec le christianisme dont la spécificité est de ne conditionner le salut à l’accomplissement d’aucun rite mais seulement au soin apporté au prochain .

          • @Guy : je vous suis totalement, et c’est ce qui fait que je me demande pourquoi je reste dans une Eglise dont le magistère proclame que « l’eucharistie [=le sacrifice] est source et sommet de la vie Chrétienne » (CEC1324 & LG11).

            Il y a un moment ou il faudra que je tire les conclusions qui s’imposent : je suis factuellement Catholique par mon baptême, mais je suis en réalité très très loin de ce que le magistère pense et enseigne – et pas que sur des points de détail. Je me demande combien nous sommes dans ce cas.

          • Peut-être lorsque l’Eglise dit que l’eucharistie est source et sommet de la vie chrétienne ne parle-t-elle pas uniquement de sa dimension « sacrificielle » mais également de la réponse apportée par la communauté à l’invitation du Christ à nous réunir en son nom, pour faire mémoire de sa mort et de sa Résurrection. Nous rappelant par là même que si la quète spirituelle peut être individuelle, l’être chrétien suppose la communauté.

          • Oui Emmnuel et avec un tel programme les candidats se bousculeront à l’entrée des séminaires d’une part et d’autre part les églises redeviendront pleines à craquer et si , par le plus grand des hasards ce n’était pas le cas, quelle importance cela pourrait-il avoir car enfin dans les plus hauts lieux on nous a dit que nous étions adultes, alors à quoi les membres du clergé pourraient-ils nous servir car enfin quand on est adulte avons-nous donc toujours besoin de nos parents pour mener notre vie comme on l’entend ?

          • @ Emmanuel

            Juste pour mémoire, «  »eucharistie » ne signifie pas « sacrifice », mais « action de grâce », en grec Ευχαριστώ = Merci !

          • @René : on pourrait effectivement, mais je me demande s’il ne s’agirait pas alors plus d’une célébration de la Sainte Cène (protestante) que de l’eucharistie (catholique).
            Quoiqu’il en soit, je prend effectivement le point.

            @Dominique, cette vision du monde adulte me semble un peu… enfantine 🙂
            Une anecdote personnelle : la semaine dernière ma fille de 4 ans s’est assise sur la chaise de mon épouse et s’est écriée très fière : « Maintenant je suis une MAMAN, alors je sais TOUT ». Amusante perception qu’une chaise (ou un trône) peut donner accès a toute connaissance.
            Il me semble au contraire que l’on devient adulte le jour ou l’on réalise que l’on ne sait pas tout, que les autres adultes non plus, et que ce n’est que par le dialogue « adulte » que l’on pourra parfois entrevoir la vérité.

            Croyez bien que je réalise à quel point ces idées sont perfides et hérétiques : tout bon croyant sait que la vérité – dans toute sa splendeur – nous vient du Saint Père. Il n’y a donc pas a se casser la tête sur le sujet !

          • Michel, l »action de grâce et la mémoire du sacrifice sont uns dans l’eucharistie catholique, c’est différent chez les protestant et en particulier les évangéliques qui ne retiennent que la mémoire du sacrifice.

  • René, certes, mais ai-je dit que je connaissais le chemin indubitablement et qu’il fallait le suivre ?

    • A Guy,

      Dans la Vie du 24 avril, Tomás Halik parlait de la « vacuité cachée des Eglises » et citait le Cardinal Bergoglio, avant qu’il ne devienne pape : « Aujourd’hui le Christ frappe de l’intérieur de l’Eglise et veut sortir ». Peut-être est-ce ce qu’il est en train de faire, ajoutait T Halik.

      • A Anne
        Dostoievski aussi dans la légende du grand inquisiteur des frères Karamazov . Mais là l’église assume son choix de condamner à nouveau le Christ et son message au motif que les hommes ne sont pas dignes d’un tel message .

  • j’ai lu attentivement le dernier livre d’Anne Soupa « Pour l’amour de Dieu » (chez Albin Michel) sur lequel j’espère que nous pourrons revenir sur ce blog. Juste un petit aperçu dans le cadre du fil de cette conversation. Sur la foi, l’autrice écrit p. 134 : (…) En somme, notre temps plaide pour l’expérience plutôt que pour le dogme. Nous ne répéterons plus un Credo que nous ne comprenons pas. Puisque cette vie de l’Esprit traverse à la fois notre intime -notre corps et notre psyché-, notre lien au monde – avec tout le train de nos relations interpersonnelles -, nous devons bien connaître nos mécanismes psychiques et être pleinement présents au réel et aux autres. le socle de cette spiritualité n’est autre que la présence à soi, la capacité à vivre dans un rapport à soi le plus vrai possible ». Parler ainsi, dans une démonstration argumentée de 222 pages, c’est en même temps poser les termes de la relation vraie avec l’institution et ses sacrements et appréhender le phénomène d’une Eglise (majoritaire) désormais « hors les murs » (j’en suis personnellement) qui a incontestablement son existence propre, ici parfaitement documenté et théologiquement et spirituellement raisonné, sinon même justifié. La foi prend alors le chemin d’une émancipation et d’une clairvoyance du réel dans lesquelles beaucoup se retrouveront, puisqu’elle fait le fond de l’évangile qui signifie « bonne nouvelle ».

    • J’en termine la lecture et compte bien en faire recension très vite sur ce blog. Nous pourrons alors confronter nos perceptions.

      • A Emmanuel,
        Je pense être dans le même cas que vous. Moi non plus, ce n’est pas sur des points de détail que j’ai pris mes distances par rapport au magistère. Quand on commence à tirer un fil, c’est toute la pelote qui se défait peu à peu. Reste le Christ, reste Dieu. Mon éloignement continu de l’Eglise, irréversible probablement, ne signifie pas que le désir de Dieu n’est plus au coeur de ma vie, bien au contraire.

        • @Anne,

          Oui, fort heureusement, lorsque la pelote se défait, le Christ reste bien accroché (ce qui laisse penser qu’en fait la pelote n’y était pas autant attachée que je ne le pensais).

          Reste tout de même une difficulté à vivre l’espérance tout seul. J’ai beau chercher, je ne trouve pas vraiment d’occasion de partager & échanger avec d’autres (hormis bien sur ce blog et ses précieux échanges).

          • Emmanuel,

            Oui c’est vrai , je trouve cela difficile aussi, et même douloureux.Pourtant, je suis sûre que nombreux sont ceux qui continuent à aimer le Christ – et les hommes – sans n’avoir plus de lieu « officiel » où le rencontrer. Tout à l’heure, un ami, qui est à peu près dans les mêmes réflexions que nous, m’a donné une copie de l’Epître à Diognète, dont l’auteur est un anonyme de la fin du IIe siècle. Et voici ce que j’ai lu, à propos des chrétiens : « Ils ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes, car ils n’habitent pas de villes qui leur soient propres (…).Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère (…) Ils passent leur vie sur la terre mais ils sont citoyens du ciel ». Des nomades.

  • René, il est sans doute préférable qu’un chrétien ne soit pas seul mais avec une communauté, pour autant, on peut être tout à fait chrétien en vivant entièrement seul et je prendrai comme exemple le Père de FOUCAULD ainsi que les Pères du Désert ou certains moines du Mont Athos

  • En bref, pour la plupart de ceux qui s’expriment sur ce blog,en gros et même en très gros,dans l’ensemble tout le monde est d’accord pour dire qu’être chrétien est une bonne chose mais si l’on se déclare en plus catho et catho pratiquant non en conflit avec l’église -institution qu’il convient absolument de traiter avec suspicion perpétuelle si ce n’est avec haine, les choses s’aggravent terriblement…
    Pour ma part ,faisant )plutôt partie de la deuxième catégorie tout en étant,je crois assez réaliste sur l’Eglise–institution, et sur certains de ses membres que fais-je parmi vous?
    Bien entendu on peut me répondre personne ne t’a engagé ,et tu peux donc aller voir ailleurs, mais j’espérais ne pas en arriver là

    • Dominique, je ne fais pas le tri à l’entrée des commentateurs de ce blog… Je pense être bien placé pour observer la palette des sensibilités ecclésiales ( ou non, d’ailleurs…) qui s’y expriment. J’ai du mal à comprendre votre réaction. Faudrait-il que tout le monde, ici, partage vos analyses pour que vous « restiez ». Et quelqu’un vous a-t-il suggéré d’aller voir ailleurs ? Pas que je sache ! Alors acceptez qu’une forme de pluralisme puisse s’exprimer. Et puis, surtout, ne caricaturez pas en permanence la pensée ou la position des autres pour mieux justifier vos désaccords. Je réfute, pour ma part, l’idée que je serais en conflit avec l’église institution, celle de suspicion permanente et à plus forte raison de haine.

      • Pas vous, René, ni non plus tous les commentateurs, et je vous remercie pour ce lieu d’échange, mais je comprends un peu la réaction de Dominique, même si elle est un peu caricaturale, car on assiste tout de même trop souvent à un # institution bashing.

        • Pour ma part, je ne vois, en grande majorité, que questionnements et critiques assumées d’ailleurs comme personnels.
          Qualifier ces derniers de bashing, de plus haineux, revient à se situer hors du domaine de l’échange en disqualifiant d’emblée par cette accusation, les idées qui ne plaisent pas. Triste…

        • Merci Michel de votre message lequel me permet de me sentir un peu moins seul. Cependant au début de mon message j’ai bien pris la précaution de préciser que mon appréciation était « en gros et même en très gros »

      • René, merci de votre réponse fort courtoise d’ailleurs , néanmoins je n’ai jamais dit qu’il était obligatoire de partager mon point de vue, absolument pas. Par ailleurs je ne vous soupçonne pas personnellement non plus d’être en conflit avec l’ Eglise-institution ni encore moins d’exprimer une certaine forme de haine à son égard. Il n’en reste pas moins qu’à mes yeux certains se font les spécialistes du church-bashing à longueur d’années.
        Voilà ce que je voulais dire sans me prendre pour autant plus que je ne suis.

  • A Anne ,Marie christine , Emmanuel, René …

    La question de notre rapport à l’église catholique romaine me semble être moins « pourquoi rester ? » que « Comment rester  »
    Si nous sommes nombreux à ne plus nous reconnaitre dans une forme d’église marquée par un peureux repli identitaire (la majorité des catholiques sans doute) je n’oublie pas que
    – c’est grâce à cette église que la foi m’a été transmise
    – qu’une institution est toujours nécessaire, toujours imparfaite et que malgré tout, le ruisseau de l’évangile a toujours pu tracer son chemin d’eau vive sous les glaces des différentes formes qu’a revêtu l’institution ecclésiale au cours de son histoire .
    – que les formes institutionnelles de l’église ont évolué au cours de l’histoire et qu’aucune ne doit être sacralisée .
    Donc je suis toujours membre , comme baptisé de l’église catholique . La quitter serait un manque de reconnaissance et une démission .

    C’est donc à notre manière de vivre en « ecclesia  » de manière communautaire parce que l’on ne peut pas être disciple du Christ individuellement qui me semble être la question concrète la plus importante aujourd’hui .
    Ma réponse personnelle est la suivante :
    1) D’abord rester tant que cela est possible dans une communauté existante parce qu’elle est faite d’hommes et de femmes , imparfaits comme nous , avec qui au delà des apparences et des difficultés inhérentes à tout groupe humain, nous vivons une vraie communion dans les services concrets que nous accomplissons ensemble . Alors , qu’à la messe du dimanche le prêtre abuse de l’encens , des génuflexions, du latin et nous serve des homélies un peu insipides , compte peu , eu égard à son esprit de communion à son souhait sincère de faire vivre un esprit communautaire au nom du Christ , qui n’empêche jamais les engueulades et les dialogues un peu virils voire l’expression de désaccords .

    2) se regrouper avec d’autres chrétiens qui ne veulent pas rompre tout en ne se reconnaissant pas dans l’évolution de l’église . Nous avons monté à Rennes un groupe de ce type pour partager la Parole et créer une communion à partir de nos différents engagements dans la cité ou dans l’église .

    3) enfin parce que « qui aime est né de Dieu et connaît Dieu « ( Saint Jean) , former des petites communautés de partage de vie avec des hommes et des femmes de bonne volonté croyants ou non , engagés sous toutes formes possibles dans le service du frère et du bien commun ,désireux de vivre la fraternité, à l’instar de ce que recommande Joseph Moingt . Bien sûr les repas partagés n’auront pas juridiquement le qualificatif d’eucharistie mais n’auront ils pas cette dimension d’action de grâce pour des vies et des combats partagés au nom du souci du prochain ; ne constitueront ils pas ces « gestes qui signifient  » pour parler comme Jean Sulivan , à l’image du repas d’Emmaus ?

    A l’heure ou cette forme de l’institution ecclésiale arrive au bout de son rôle historique , au moment ou certains , ne pouvant en faire leur deuil l’idolâtrent en voulant la momifier , je ne crois pas qu’une rupture infantile qui jette le bébé avec l’eau du bain soit une réponse féconde . Rester en préférant développer des formes de communautés à l’échelle humaine , quels soient paroissiales ou non , me semble être plus adulte et plus responsable .

    Les jeunes prêtres des villes aussi intolérants , dogmatiques ,ignorants des réalités de la vie soient ils seront eux aussi rattrapés par les réalités de la vie réelle . Bien sûr un certains nombre fuiront dans le sectarisme. Mais ce qui les a motivé , leur générosité, leur foi, leur envie de servir se modifiera au fur et à mesure qu’ils comprendront, quelquefois contraints par les circonstances , que la vision théorique du prêtre et de l’église qu’on leur a enseignée ne resiste pas à la vie réelle .

    Le blog de René et notre participation sincère et animée par une volonté de partage contitue aussi une dimension de cette recherche de vie ecclésiale .

    Ma vieille grand mère bien qu’agnostique me disait souvent : « vous voyez , nous avons dit pendant deux mille ans , chaque année , « l’année prochaine à Jérusalem » et un jour cela s’est réalisé « .

    L’espérance est une volonté , celle de l’espoir .
    C’est ma conviction la plus profonde dans mon rapport à l’Eglise et à l’église .

    • Grand merci Guy de nous partager ces perspectives et cette espérance. Mais ma question n’est même plus; celle du «  comment rester ? « 

      Ceci dit, mon point de vue n’est que personnel et j’espère qu’il sera reçu ainsi.
      Il n’est pas question et il n’a jamais été question, en tout cas pour moi, d’obliger les autres à partager les opinions, questionnements, remarques critiques, que M. Poujol nous laisse exprimer sur son blogue. Et je ne vois vraiment pas en quoi ces questionnements et critiques faites avec sincérité seraient des offenses ou des crime de «  lèse majesté « inadmissibles…

      Pendant toute ma vie, j’ai été une catholique, plus ou moins pratiquante selon les moments, plus ou moins athée ou agnostique aussi selon les périodes, mais catholique malgré tout par éducation et conviction aussi, toujours selon les moments.

      Malgré tout, j’avais toujours gardé la confiance que l’Eglise- institution était composée, certes de pêcheurs comme nous le sommes tous, mais quand même de personnes responsables avec un minimum de sens moral, comme je le voyais autour de moi dans mon métier et dans mon entourage.

      Je me disais que, dans ma jeunesse, j’étais tombée par malchance et naïveté sur une exception.
      Après la révélation de multiples abus effarants cachés par une longue omerta et beaucoup de lâcheté, je me dis qu’il n’y a pas que des exceptions mais un système bien établi prenant ses sources et alibis dans un certaine doctrine et mentalité catho faite d’instrumentalisation des Écritures, de révérence pour l’institution et ses représentants officiels, d’absence de contre pouvoirs et toutes choses déjà énumérées…

      Par conséquent, pour moi, l’appartenance à l’Eglise ( ou même à ses succédanés ) n’est tout simplement plus possible tant que l’on préfère « sauver les meubles «  au lieu de se convertir à la vérité et a la justice, conversion certes douloureuse pour beaucoup; je le conçois fort bien.
      Et je suis prête à croire volontiers, même si cela paraît presomptueux, que le Christ frappe de l’intérieur et «  fait le ménage «.

      Mon espérance consiste en ce que , bien loin des aménagements de toutes sortes, la vérité et les responsabilites qui en découlent, soient à l’ordre du jour. C’est une exigence incontournable, même si ce n’est que mon exigence personnelle et je n’oblige personne à la partager.
      Le reste, si reste il y a, viendra seulement après.

    • Cher Guy, merci pour votre message.

      Nous avons chacun notre parcours de vie, nos rencontres, notre rapport à l’Eglise. Si je comprend bien qu’elle vous a transmis la foi, je ne peux que constater que la mienne à été initiée par mes parents, a été réveillée il y a quelques années par des croyants « illuminés » et par mon épouse, qu’elle à été nourrie de louanges, pèlerinages, instruite par des lectures (dont ce blog) et des échanges. Quel rôle pour l’institution dans tout ça ? Il me semble assez faible, et j’ose dire qu’elle m’a parfois lancé sur de fausses pistes.

      Je ne sais pas si l’évangile trouve son chemin « sous les glaces », ou « malgré l’institution ». J’ai lu hier cette histoire sordide de 9.000 bébés morts dans des institutions catholiques irlandaises. Est-ce la l’évangile qui chemine sous la glace ? Je suis un peu las de lire qu’aucune institution n’est parfaite : nous ne sommes pas en train de parler de quelques dérives individuelles. Nous sommes en train de parler d’une structure qui a collectivement mis en place puis activement soutenu des comportements épouvantables et qui aujourd’hui encore rechigne à faire le ménage. Le gouvernement Irlandais à présenté ses excuses au nom de l’état, je ne sais pas si les évêques ont fait de même au nom de l’Eglise (je suis preneur de l’information).

      Et encore aujourd’hui, je vois des amis (je pense a celui qui à violenté son épouse) confortés dans leurs errements par des curés irresponsables. D’autres souffrir en silence sous le fardeau de prétendues vérités naturelles promulguées par l’Eglise. Je vois des personnes bonnes endurcies par ces « vérités » au point d’en devenir sectaires. Je vois aussi mon curé expliquer, en pleine pandémie de Covid, que la communion se reçoit dans la bouche et pas dans la main, et inviter ceux que ça choque à aller communier ailleurs (ou pas du tout : ce n’est pas son problème).

      Ce ne sont pas les soutanes, les identitaires, les génuflexions ou l’encens qui me rendent l’air irrespirable, c’est avant tout une attitude, un magistère qui s’imagine « expert en humanité » alors que ses « enseignements » et son mode de direction broient quotidiennement des vies. Comme vous le voyez il y a un passif qui pèse trop lourd pour moi (désolé de le répandre ici).

      Ne jetons effectivement pas le bébé avec l’eau du bain : j’étais en fait plus sérieux que je ne le croyais en proposant de limiter le clergé à la liturgie. J’apprécie plutôt les belles liturgies, de belles statues, des dorures : rien n’est trop beau Jésus ! Les curés savent faire cela, et je devrais parvenir à ne pas trop écouter les homélies.

      Je continue de cherche des formes de vie ecclésiales, et je vous remercie pour vos pistes. J’espère pouvoir m’y investir plus lorsqu’il sera enfin de nouveau possible de circuler librement.

        • Merci pour cette précision (et pour l’autre message qui semble avoir finalement disparu).

          Juste une remarque : je n’accuse personne en particulier – et certainement pas les religieuses qui se sont occupées de ces situations difficiles. C’est de l’ensemble dont je doute.

          • Hélas, hélas, ces religieuses, même si elles ne sont pas les seules responsables, ne sont pas exemptes de responsabilités dans la mort prématurée de nombreux bébés, dans l’adoption forcée aussi de ces enfants nés de mères célibataires, dans l’exploitation du

        • « Je reconnais que l’Église faisait clairement partie de cette culture dans laquelle les gens étaient fréquemment stigmatisés, jugés et rejetés », a déclaré l’archevêque irlandais. Eamon Martin. Maintenant que l’on en parle, je souhaite simplement dire (le plus brièvement possible) que l’horreur a bien été portée par une culture dominante qui était catholique et qu’elle n’a pas changé sur le fond car elle est toujours misogyne (l’horreur étant doublée du fait que le crime est dans le cas irlandais imputable à des congrégations religieuses féminines). Enfin, pour me relier à cette conversation sur le blog, je suis étonné à titre personnel, de constater chez des laïcs sincères très engagés dans leurs paroisses (avec une fonction mandatée), l’ambiguïté de leur théologie sacramentelle qui ne peut être qu’ « efficace » et dont les conséquences sont forcément « visibles » – au risque d’un manque de discernement. En réalité, vu de l’extérieur, il y a bien un catholicisme paroissial laïc qui s’est, sauf erreur de ma part, déjà largement engagé sur les pas des évangéliques.qui pensent que Dieu, à leur demande, intervient directement. Cette dérive de bonne foi est aussi sans en avoir clairement conscience un parti pris anti-intellectuel.

          • A Martin ,
            Je partage pleinement votre suspicion envers cette théologie qui convoque la grâce de Dieu et connait les recettes de son efficacité .
            C’est ce qui me révulse le plus dans le courant charismatique et évangélique catholique .
            Ce parti pris n’est pas seulement anti intellectuel , il est aussi immoral et indécent .
            Autant je ne me permets en aucun cas de juger de la foi de qui que ce soit , autant l’expression de celle ci peut prêter le flanc à la critique .
            On ne peut plus aujourd’hui penser Dieu comme un être tout puissant maitre des destins de chacun d’entre-nous et dont nous saurions comprendre immédiatement les décrets, comme autant de réponse parfois obligées à nos sollicitations et prières .
            Comme l’a très bien exprimée Hans Jonas dans »Le concept de Dieu après Auschwitz » il faut plutôt envisager un Dieu souffrant ,un Dieu impuissant devant l’évolution de sa création et un Dieu qui a un besoin vital de l’homme pour réaliser quand même son projet . Je renvoie ici à Varillon (« La souffrance de Dieu » et « L’humilité de Dieu « ) et au célèbre texte de Zvi Kolitz (« Yossel Rakover s’adresse à Dieu « )

            Alors oui non seulement je me sens complètement étranger à ce catholicisme idolâtre bien illustré par les mouvements charismatiques , mais je ressens à chaque fois comme une injure faite aux cinq cent mille enfants et aux adultes massacrés dans les camps, ces injonctions « efficaces  » tellement anthropocentrées faites à Dieu .

            Dans les camps Dieu s’est tu , Il s’est absenté et si l’on veut quand même discerner sa présence , c’était dans la figure des victimes innocentes (cf Elie Wiesel « La Nuit ».)

            Alors cette relation commerciale avec un Dieu « tout puissant  » de l’Olympe, satisfaisant à coup sûr nos désirs et dont les « grâces  » sont payées en eucharisties exclusivement sacrificielles , en prières, neuvaines, célébrations de guérison et autres adorations préconisées par les évangéliques catholiques me fait horreur par son indécente vacuité spirituelle et son inhumanité .

  • Guy, il arrive donc, petit miracle, que je n’ai pas envie de te sauter à la gorge après avoir lu certains de tes messages,et justement le dernier n’en fait pas du tout partie
    Certes, je suis très réservé à cette idée de création de petites communautés où tout le monde se connaitraient car le risque c’est alors de devenir un aimable petit cocon refermé sur lui -même dans lequel tout le monde se connaitrait et partagerait les mêmes idées. C’est d’ailleurs le reproche justifié que l’on faisait aux tradis purs et durs de vivre en vase clos en partageant les même idées.
    D’autre part je ne suis pas du t out persuadé qu’il y ait des foules si nombreuses à vouloir tenter ce genre d’expérience. Par ailleurs ne risquerait -on pas de vider encore plus les églises lors des messes dominicales
    Par ailleurs pour moi il y a une énorme différence entre l’espérance et l’espoir,dans la mesure où l’espérance est tournée vers Dieu et fait donc partie des vertus chrétiennes ce qui n’est pas le cas de l’espoir

    • Si je comprends bien la pensée de Guy, que je partage, il ne s’agit aucunement de substituer des « petites communautés » à d’autres, plus larges, notamment paroissiales, mais de concilier les deux. C’est d’ailleurs, aujourd’hui, une orientation assez générale dans nombre de diocèses où l’on invite les fidèles à se retrouver, par petits groupes, le plus souvent autour d’un partage d’évangile. Je vis cela dans ma propre paroisse et vous ferai cet aveu – peut-être pas très catholique – que durant les périodes de confinement ces rencontres fraternelles ( ou à plusieurs nous sommes réunis en Son nom) m’ont davantage manqué que la messe dominicale proprement dite.

      La crainte de « vider les messes dominicales » est l’argument avancé jadis, sous Jean-Paul II, pour mettre fin aux ADAP (Assemblées dominicales en l’absence de prêtre), moyennant quoi on a envoyé les ruraux à la messe au bourg, à plusieurs kilomètres de chez eux, ce à quoi certains ont renoncé, préférant regarder la télévision. Avec pour effet immédiat de fermer les églises et de rendre invisibles les communautés chrétiennes locales qui n’avaient plus l’occasion de se réunir et de se montrer publiquement, dès lors qu’il n’y avait plus de culte. Belle avancée en vérité !

    • @Dominique : c’est bien dommage, puisque mon intérêt dans ce type de lieux serait précisément de vous y rencontrer, vous personnellement. Pas pour vous convaincre, encore moins pour y croiser le fer, mais parce que vous m’aiderez certainement plus à grandir que ne pourrait le faire quelqu’un déjà acquis à ce que je pense.

      Pour avoir tenté de faire vivre ce genre de choses il y a quelques années, je vous accorde qu’il n’y a pas de foules immenses qui s’y pressent – cela me semble aussi une affaire de génération.

      Risque de vase clos, risque de vider les Eglises : le risque d’échouer est plutôt bon signe en ce qu’il révèle aussi une potentialité de réussir quelque chose.

    • Dans les campagnes, ce genre de groupe existe depuis la nuit des temps, c’est le village quand le groupe est sédentaire, la tribu quand il est nomade. Au village ou au sein de la tribu, chacun connait l’autre, l’histoire de sa famille, etc. et l’accueil du horsain, de (l’étranger, du venu d’ailleurs, est affaire de temps long, … quand cela se passe bien. Il arrive que de temps immémoriaux, cela se passe mal. Monstruosité des relations entre chrétiens arméniens et azéris musulmans, monstruosité des relations entre peuls nomades et tribus sédentarisées baptisées par le colonialisme qui se sont retrouvées propriétaires des anciennes pâtures. Il ne faut peut-être pas transposer trop facilement, mais tout de même, c’est inévitable et la culture -éducations, accès aux savoirs, développement par l’art- peut aider à aplanir ces obstacles, avec beaucoup de patience et de délicatesse. Quand on voit, entre chrétiens, ce qu’il est advenu, y a pas de quoi pavoiser.

  • Je remercie aussi René pour ce blog, qui nous permet d’échanger en profondeur, et je remercie tous les intervenants, pour leur honnêteté et leur sincérité. Il n’est pas si fréquent de trouver des lieux d’échanges respectueux et qui font avancer.

    Pour moi non plus, il n’est maintenant plus à l’ordre du jour de chercher comment rester dans l’institution. Comme certains le savent bien ici, et comme je l’ai moi-même déjà laissé entendre, mon parcours en Eglise a été dramatique. Je ne veux pas vous fatiguer ni vous importuner à le raconter ici. Il s’agit d’abus, de plusieurs ordres. Et d’yeux fermés, de complicités, de petits arrangements de la part des autorités. C’est lamentable et j’ai mis longtemps à admettre que des gens en qui j’avais mis ma confiance (c’était l’Eglise ! Ils étaient les représentants du Christ…), au lieu de se conduire comme les pères qu’ils disaient être (pour moi dont le mien était mort quand j’étais enfant) se comportaient tout simplement comme des voyous. Je pèse mes mots, j’ai été et suis encore en butte à un système bien clos contre lequel il n’y a pas grand-chose à faire. C’est vrai que l’Eglise est constituée de pécheurs – je ne suis certes pas la dernière -, mais si « errare humanum est », « perseverare diabolicum », comme me l’a dit un Jésuite il y a bien longtemps. Or, « perseverare », je n’ai vu que cela et le vois encore.

    Ce qui est le plus scandaleux, ce n’est peut-être pas les abus, sexuels, spirituels, de pouvoir…, c’est que l’Eglise tente, encore aujourd’hui et par tous les moyens, de les cacher, les minimiser, éviter de « réparer ». Au nom de quoi ? De son statut spécial d’instance « spirituelle » , n’appartenant pas à ce monde et donc au-dessus des lois et de la justice ?

    Pour moi non plus, bien sûr, il ne s’agit pas de juger, convaincre, ceux qui continuent à croire en l’Eglise et à espérer qu’elle se réforme. Et même j’aurais tendance à les envier, car j’ai passionnément aimé la belle liturgie, la paix que je trouvais en participant à des offices religieux. J’ai en tout cas un grand respect pour la vision des choses de ceux qui ne lâchent pas prise.

    J’essaie, quant à moi, de ne pas lâcher Dieu, convaincue d’ailleurs que lui ne me lâchera jamais. Je pense que c’est cet amour commun pour lui qui nous réunit ici et c’est bien l’essentiel.

  • A Anne, Marie Christine , Emmanuel ,René , Dominique …….

    Je ne crois pas , et Dominique sera d’accord avec moi que mes commentaires habituels procèdent de la culture de la connivence dans mes rapports avec l’institution ecclésiale .
    De plus , ce qu’on a appris concernant l’attitude structurelle de l’institution ecclésiale concernant la pédocriminalité des clercs et les abus de toutes natures a achevé de ruiner le peu de confiance résiduelle que je lui accordais encore . J’ai compris que les hommes choisis et sélectionnés par elle pour la représenter et la diriger abdiqueront toujours leur propre conscience personnelle à la logique de l’institution en se glorifiant de plus de « faire leur devoir  » .

    Il se trouve que j’ai eu la chance de naitre et de vivre dans un milieu culturellement privilégié, ouvert à l’altérité , laïque et croyant et que je n’ai pas fréquenté d’établissements scolaires religieux .
    Je fréquentais dans mon adolescence cette paroisse rennaise que cite Jean Delumeau dans « le christianisme va t il mourir  » et qui a institué dès les années 70 la coresponsabilité clercs /laics et la cohabitation, non sans mal , de la diversité des sensibilités du catholicisme .Cette paroisse avait reçu officiellement cette mission expérimentale de la part de l’archevêque qui l’appelait non sans malice « sa paroisse protestante  » .Son ouverture d’esprit était sans doute la conséquence du fait qu’il s’était lui même heurté aux conséquences d’une certaine étroitesse d’esprit lorsqu’il avait été renvoyé de l’université grégorienne de Rome parce qu’il n’était pas maurrassien .
    De plus quarante ans de service public avec une obligation de réserve renforcée m’a permis de me tenir à une saine distance de l’institution ecclésiale et de ne pas être,, bien que pratiquant régulier , et souvent sollicité , happé par la force d’attraction de cette » planète  » .

    – Le but de ma proposition n’est pas de vider les églises , elles le sont déjà , ni de supprimer les assemblées dominicales mais de promouvoir des communautés vivantes indépendamment de leur forme , paroissiale ou pas , qui n’en est qu’une conséquence .
    – Je crois de plus que dans la vie concrète il n’y pas de frontière étanche entre l’institution et l’Eglise peuple de Dieu . Un prêtre , peut aussi vivre en communion avec les fidèles et ce qu’ils vivent tout en étant circonscrit par son statut clérical .
    Cette forme d’institution est morte , elle ne le sait pas . Alors j’essaie d’être attentif a ce qui nait sous les ruines et qui pour n’être pas aujourd’hui officiellement validé n’en existe pas moins . Ce n »est pas au moment de la mue qu’il faut se focaliser sur la carapace qui demain ne sera plus qu’une coquille vide et que la vie sera ailleurs .

    Enfin je reste pratiquant par solidarité purement humaine avec tous ceux , souvent âgés qui témoignent de l’évangile dans les services d’église :obsèques , , visites aux malades et aux personnes seules , solidarité concrète sous toutes ses formes etc . Mardi dernier dans la petite ville du littoral breton ou je vis à mi temps ,je suis resté à la messe à laquelle assistaient onze femmes âgées , par simple solidarité . Juste pour signifier , je suis un peu plus jeune, que tout ne va pas se terminer avec elles . Juste pour éviter le syndrome qui est aujourd’hui ,celui de nombre de prêtres âgés et de fidèles , résumé par une célèbre blague la mode lors de la création de l’état d’Israel qui était alors menacé dans son existence : le dernier qui quittera l’aéroport de Tel Aviv n’oubliera pas d’éteindre la lumière . Par simple solidarité signifier ,à ma petite échelle, là ou je suis, à la génération qui nous a précédés et qui continue malgré l’âge et la fatigue à tenter de témoigner de l’évangile au sein de l’église , que ce qu’ils font n’est pas vain , qu’ils ne sont pas les derniers .

    Je crois à la nécessité d’une institution pour organiser et réguler les rapports au sein de tous les groupes humains et l’église en est un .
    Je pense que toute institution fait rapidement passer sa propre pérennité avant la mission qui lui est assignée et que l’église n’ échappe pas à ce syndrome .
    Je sais qu’il existe des antidotes institutionnelles pour limiter ces dérives (Seul le pouvoir limite le pouvoir )
    je constate que l’institution ecclésiale , pour des raisons liées à son histoire à l’idéologie qui la légitime et à la vision qu’elle a d’elle même est maintenant incapable d’évoluer . Un homme seul comme le pape François écartelé entre sa mission de gardien de l’unité et sa volonté de témoigner de l’évangile ne peut faire le poids face à l’inertie d’une structure aussi ancienne .

    Mais est ce une raison suffisante pour que l’histoire bimillénaire des hommes qui s’organisent au nom du Christ pour témoigner de leur foi s’arrête maintenant au seul motif que la forme actuelle de l’institution a terminé son rôle historique ?

    Même si je ne discerne pas les contours de ce qui peut naitre et que je n’en verrai sans doute pas les premières pousses , continuer à veiller dans la nuit , en cultivant la volonté de l’espoir est aussi une manière de vivre en homme croyant adulte , responsable et conscient .

    Alors quand bien même le repli identitaire l’emporterait et que je ne fréquenterais plus l’église je frais quand m^me mienne les paroles suivantes du psaume43 et de Job .

     » Tout cela est arrivé sans que nous t’ayons oublié
    sans que nous ayons été infidèles à ton alliance
    notre coeur ne t’avait pas renié
    nos pas ne s’étaient pas écartés de tes sentiers  » ( psaume 43)

     » Tant que j’aurai en moi un peu de vie,
    que le souffle de Dieu sera dans mes narines,
    jamais mes lèvres ne déformeront les faits
    ni ma langue ne trahira la vérité « ….
    « en conscience je n’ai pas honte de ma vie  » (livre de Job ch 27)

    • Cher Guy, permettez moi de vous appeler ainsi, votre itinéraire témoignant de votre fidélité et de votre espérance « malgré tout », me touche profondement. Et je vous remercie, du fond du cœur, de nous le partager.

      Personnellement, je ne renie rien de ce que les miens, catho ou religieux de base honnêtes et droits ( non dénués de défauts bien sur ) m’ont transmis. Ce qui me reste est surtout de l’ordre du sens moral, du sens du devoir et du service ( comme militaires et fonctionnaires peuvent l’avoir ) du travail bien fait et de la générosité ainsi qu’une certaine notion de la modestie et une «  sainte horreur «  de la recherche du pouvoir et des honneurs indus.
      L’auraient- ils fait s’ils n’avaient pas été catho ? Sans doute aussi.

      C’est pourquoi cet héritage catho, qui est peut être avant tout culturel, se heurte de façon scandaleuse pour moi à mon expérience multiforme en Église dont je m’aperçois qu’avec le recul, il ne m’a rien appris du tout mais s’est heurte, de façon scandaleuse, à des valeurs déjà enseignées dans le milieu familial. Je parle, non de prêtres ou de catho de base, mais de responsables, de personnes ou de prêtres, voire de communautés, dotés d’un grand charisme et jouissant d’une grande considération incompréhensible pour moi tant leurs comportements tranchaient avec la morale commune, et de plus, avec des justifications spirituelles.

      Faut- il donc abandonner toute exigence morale minimum, toute honnêteté intellectuelle, tout sens critique pour être et demeurer catho ? Et admirer voire vénérer des «  figures «  et mouvements bien problématiques ?
      Cela ne m’est plus possible. A d’autres donc de reprendre le flambeau…

      P.S.Comme Emmanuel, le problème de l’encens, génuflexions etc.., de la liturgie ou des célébrations en général n’est pour moi que bien secondaire.

  • Merci pour cette magnifique réflexion, Guy. J’aimerais, autant que faire se peut, m’approprier à mon tour ces paroles de Job, extrêmement exigeantes, puisqu’elles ramènent chacun à sa conscience et à son être le plus profond.

  • Pour une Eglise autrement, ni dehors ni dedans, un peu comme Jésus n’a pas aboli mais accompli. Je lis l’entretien publié par Etudes de janvier 2021 sous le titre « Pour une Eglise plus inclusive » de Valentine Rinner, étudiante en théologie qui a, avec deux autres étudiantes puis un groupe plus large, propose sur leur site « Oh! My Goddess » entre autre les lectures du dimanche avec homélie. Il y a là de la fraicheur et de la liberté d’expression.
    Il y eut aussi fin 2019 un article de la Croix  » Les femmes, l’avenir de Dieu ? Les jeunes générations catholiques sont-elles féministes ? » https://www.la-croix.com/jeunes-generations-catholiques-sont-elles-feministes-2019-11-29-1101063361?gclid=EAIaIQobChMIldfMkbOe7gIVj9xRCh3n3QQHEAAYASAAEgLl4vD_BwE

  • A Anne , marie Christine , Emmanuel , René et tous les autres
    Merci pour cet échange authentique que nous permet le blog de René . Une manière aussi de faire communauté , d’entrer en communion .
    De faire Eglise ?

    • Merci de ton merci… Je crois en effet que nous souffrons tous de l’absence de débat dans notre Eglise. Parce que nos évêques ont le sentiment soit qu’il y a des choses qui, de toute manière, ne se mettent pas en débat puisqu’elles procèdent de la Vérité ; soit parce qu’ils estiment que débattre ne peut avoir pour effet que de mettre en évidence les dissensions… alors qu’il peut tout autant faire émerger des points de convergence.

      Je repense à la phrase, connue, de Mgr Pierre Claverie, même si elle se situe à un tout autre niveau : « J’ai besoin de la vérité de l’autre. »

      Merci d’avoir compris, et de vous y engager, que la vocation de ce blog, au-delà de mes apports personnels sur des thèmes qui m’interpellent personnellement, sinon je n’y investirais pas autant de temps, est de fait, d’être un lieu d’échange et de dialogue dans le respect de chacun.

  • Chers tous,
    J’ai lu avec un grand intérêt les réflexions de René Poujol, puis avec le même intérêt une bonne moitié des riches commentaires et respectueux échanges qui ont suivi.
    Cependant, au fil de vos échanges, des questions soulevées et autres supputations, l’idée m’est venue d’apporter un petit cailloux à l’édifice (non pas un cailloux dans vos souliers, entendez-moi bien).
    Je vous fais grâce de mon parcours, mais par souci de transparence, je précise que je ne suis pas catholique, pas davantage évangélique, mais croyant très investi dans une assemblée locale chrétienne.
    Tout en trouvant un grand intérêt à vos réflexions, je m’étonne d’une chose : la petitesse – que dire ? l’insignifiance – de la place accordée à l’Ecriture dans vos réflexions. Les questionnements sur l’Eglise, sur la foi, sur le culte, l’adoration, l’évangélisation, et j’en passe, gagneraient à être considérés à la lumière biblique.
    Or, c’est à peine si elle est citée une fois ou deux, plus évoquée que citée, d’ailleurs.
    Or, je livre cette question : pour les croyants que vous êtes, l’Ecriture n’est-elle pas inspirée de Dieu ? Les actes et paroles du Seigneur Jésus ne sont-ils pas force d’inspiration pour chaque chrétien ? La naissance puis la croissance de l’Eglise dans le livre des Actes ne nous enseignent-elles pas une foule de choses concrètes ? Les lettres de Paul, Pierre et autres, ne sont-elles pas une source majeure en matière doctrinale et organisationnelle, pour nos communautés ?
    Et si d’aventure, en lisant mes questions, certains soupirent et sont tentés de me taxer de naïveté, n’est-ce pas en réalité le signe d’une sécularisation bien ancrée ?
    Pour les premiers chrétiens, le témoignage de leur foi n’était pas une option. A bien des égards, l’hostilité de leurs contemporains ressemble à certains haussements d’épaules dans la France matérialiste d’aujourd’hui (l’exemple de la réaction des Athéniens, au milieu de l’aréopage, devant le discours de Paul en Actes 17, est parlant).
    Certes, l’évangélisation était un véritable ministère, mené par des « ouvriers » (cf. 1 Corinthiens 3. 5 à 9) et les évangéliques, oubliant peut-être un peu vite ces éléments de contexte, ont tendance à étendre ce ministère à tous leurs membres, quelle que soient leur capacité à rendre témoignage de leur espérance.
    Or évangéliser et témoigner de sa foi ne sont pas strictement identiques.
    Cependant, l’apôtre Pierre encourage tous les croyants, dans un contexte difficile, à être capable de donner raison de leur espérance (cf. 1 Pierre 3.15). Là, l’Ecriture confirme (comme dans bien d’autres passages) ce que disait Marie-Christine : l’usage de la raison est nécessaire à l’apologétique. Ce n’est pas minimiser l’influence de l’Esprit que d’affirmer cela. Synagogue après synagogue, Paul ne cessait d’y prouver la messianité du Christ en fondant sa persuasion sur les Ecritures.
    Nos concitoyens ont besoin d’entendre le message évangélique ! Entendre et commencer à comprendre le message d’amour du Créateur, manifesté en Jésus-Christ, quelle bouffée d’air frais dans ce monde consumériste et hédoniste !
    Bien sûr, Marie-Christine, que cela passe par l’écoute, l’empathie : c’est cela, l’amour-agapé ! Mais la Bonne Nouvelle est La bonne nouvelle ! Il n’y a pas 36 chemins, vérités et vies (cf. Jean 14.6).
    L’humanisme, centré sur l’homme et rejetant Dieu, n’est pas Le chemin.
    La foi commence quand l’homme cesse de monter sur un piédestal pour crier à la face du monde « Je suis libre ! Libre de toute tutelle ! » et se met à genoux pour murmurer : « Merci mon Dieu pour ta grâce envers moi, qui suis un pécheur ! » (libre évocation du péager en prière, en Luc 18).
    Et, en effet, le chrétien n’a aucun mérite à avoir reçu cet évangile. Lui et son concitoyen athée et perdu sont frères en humanité. Mais son devoir d’amour n’est-il pas d’essayer de lui dire : « écoute, mon ami, mon frère, je suis persuadé que la vie a un sens, et un sens merveilleux. La vie n’est pas absurde… Si l’amour, l’émerveillement, la musique, la poésie, la créativité existent, c’est qu’il existe quelque chose de plus grand que nous… Ne penses-tu pas ? ».
    La foi comporte l’impérieuse nécessité d’ouvrir notre cœur et notre parole à l’autre : par nos actions, nos postures, nos mots… D’une manière ou d’une autre, notre foi doit dire.

    Dans un contexte difficile, l’épître aux Hébreux explore le sujet de la foi, en tant que confiance inébranlable en Dieu (cf. le chapitre 11), basé – en particulier pour un lectorat juif – sur la réalité du ministère de Jésus-Christ et sur la supériorité de son sacerdoce, en tant que prêtre comme en tant que sacrifice, dans ses fondements comme dans ses promesses.
    Tout dans cette lettre met en évidence une tendance chez ses lecteurs, tout au moins un certain nombre d’entre eux : le repli vers l’ancienne alliance. « Nous devons prêter une plus vive attention à ce que nous avons entendu, de peur d’aller à la dérive » (2.1) n’est qu’une des nombreuses façons qu’il a d’exprimer ce danger.
    De même, le danger d’abandonner sa communauté, de déserter son assemblée (Hébreux 10.25) est pointé comme un péril mortel.
    L’Eglise n’est pas un éparpillement de chrétiens ‘électrons libres’, mais bien un rassemblement, au travers des diverses assemblées sur toute la surface du globe. Le NT met bien en évidence qu’il ne s’agit pas d’un rassemblement virtuel de croyants bien au chaud chez eux (à cet égard, les divers confinements ont produit de tristes défections, dans toutes les sensibilités – un ami prêtre de paroisse me l’a confirmé concernant la sienne). Être chrétien, c’est faire corps. C’est bien le sens du mot église.
    Oui, je cite René, « l’être chrétien suppose la communauté ».
    La foi telle que décrite en Hébreux et ailleurs dans le NT est un attachement profond au Christ, indissociable de l’Eglise, qui est sa création (« je bâtirai… »), son épouse cf. (Ephésiens), le dessein éternel de Dieu.
    La foi n’enferme pas Dieu dans une boite ; la foi n’est pas figée. La foi grandit dans les questionnements et au travers des épreuves. « L’assurance des choses qu’on espère, la démonstration des choses qu’on ne voit pas » (Hébreux 11.1) n’exclut pas la recherche continuelle de Dieu, bien au contraire.
    Mais elle doit devenir plus qu’une intuition : oui, elle ‘tend vers’, mais avec joie et confiance, par-delà les épreuves de cette vie.
    J’ai été trop long ; j’abrège donc.
    Un retour à l’Ecriture n’est-il pas le premier pas pour identifier les raisons de la désaffection des paroisses catholiques et même protestantes traditionnelles ? Identifier et entrevoir des actions possibles ?
    Merci pour votre patience.

    Christophe

      • Dominique,

        Votre longue réponse m’a fait sourire et rendu curieux. Avez-vous envie de me contredire sur cette affirmation, ou bien d’apporter la contradiction à l’ensemble de mes propos ?
        Pour la première option, je vous assure que je ne le suis pas. J’ai d’ailleurs été élevé dans le plus sobre a-théisme, avant de rencontrer Dieu (après quelques années de résistance) à l’âge de 23 ans, il y a plus de 30 ans maintenant.
        Mais, ce blog n’étant pas la ‘rubrique des confessions’, je m’arrête là sur ce volet.
        Christophe

        • @Christophe : même si vous ne vous sentez pas Catholique, il est indéniable que la manière de lire les écritures que vous proposez l’est.

          Cela me fait penser à ce qu’a écrit Léon XIII dans « Providentissimus Deus » : « On ne doit donc presque en rien se préoccuper de ce que l’Esprit-Saint ait pris des hommes comme des instruments pour écrire […] qu’ils voulaient rapporter fidèlement et qu’ils exprimaient avec une vérité infaillible tout ce qu’il leur ordonnait et seulement ce qu’il leur ordonnait d’écrire. ».

          Cela vient à la suite de Vatican I (Dei Filius) et est repris dans Dei Verbum (Vatican II) : « Dès lors, puisque toutes les assertions des auteurs inspirés ou hagiographes doivent être tenues pour assertions de l’Esprit Saint, il faut déclarer que les livres de l’Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée dans les Lettres sacrées pour notre salut ».

          Et je dois bien dire que tout cela me laisse perplexe. Certaines paroles de Jésus rapportées au moins dans les 3 synoptiques me semblent indéniablement le fruit de l’esprit saint, mais lorsque St Paul promet l’enfer aux sodomites de Corinthe (1Co 6) cela ne me semble nettement plus questionnable – et cela ne me suffit assurément pas pour bâtir une doctrine concernant l’homosexualité.

          Bref, le « retour à l’écriture » est certainement intéressant et porteur de beaux fruits, mais je ne suis pas sur qu’il permettra à lui seul de surmonter la crise actuelle.

          • Emmanuel,
            Merci de votre réponse. Je ne relancerai pas la discussion ‘catholique – pas catholique’. Mon attachement à l’Ecriture est en tout cas réel et quotidien.
            Je reviens sur un point concernant les mœurs, tels que Pla en parle, point sur lequel vous revenez vous-mêmes, et qui émerge aussi de votre première réponse (18 janvier). Le NT appelle cela la sanctification, autrement dit l’effort de chaque croyant, avec l’aide du St Esprit, en direction de la sainteté, c’est-à-dire la mise à part (sens de saint, ou sanctifié), pour Dieu.
            Or, oui, c’est une réalité sociologique : l’exigence de sainteté, non seulement n’est pas un frein aux conversions, mais bien plutôt un moteur. Dans ce monde sécularité, consumériste et hédoniste, bien des gens sont en recherche non seulement de sens, mais de discipline personnelle. Ce n’est pas en abaissant le niveau d’exigence spirituelle, en arrondissant les angles, en gommant les différences de mode de vie entre les croyants et le monde, que les évangéliques gagnent des fidèles.
            Certes, les combats sont difficiles, mais le chrétien qui recherche une vie de sainteté ne craint pas de s’approprier les paroles de Paul, déclarant aux Corinthiens « Au contraire, je traite durement mon corps et je le tiens assujetti, de peur, après avoir prêché aux autres, d’être moi-même disqualifié » (1 Co 9.27 : traduction Louis Segond révisée 1978). Paul ne fait que suivre le mot d’ordre du Seigneur Jésus : « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il se charge chaque jour de sa croix et qu’il me suive » (Matthieu 16 ; Marc 8 ; Luc 9).
            La foi n’est pas qu’une vision du monde : elle est transformatrice !
            Aussi, prenons garde de laisser la pensée du monde biaiser notre compréhension de la Parole de Dieu.
            Pour prendre l’exemple que vous citez, sur l’homosexualité, l’Ecriture, AT comme NT, ne fait pas mystère de la vision de Dieu. La Loi juive était très claire et sans ambiguïté (Lévitique ch. 18 et 20). De même, en effet, en 1 Timothée 8, en 1 Corinthiens 6, et surtout en Romains 1, Paul explique ce qu’il en est (il parle d’ailleurs aussi d’une foule d’autres péchés). Ce n’est pas du langage poétique ; ce n’est pas non plus à limiter au contexte : Paul en appelle à l’ordre naturel. La pratique homosexuelle est définie comme anti-naturelle ; Paul parle d’égarement, et précise que ces hommes se sont eux-mêmes ‘enflammés dans leurs désirs’. Le problème principal en Romains 1 n’est d’ailleurs pas l’homosexualité seule, qui n’est qu’un symptôme, mais bien la rébellion de l’homme contre sa volonté. Tous les péchés ont pour point commun de ne pas glorifier Dieu.
            Certes, Jésus n’aborde pas directement l’homosexualité. Mais quand il parle de couple, il ne parle que d’homme et de femme : en Matthieu 19, reprenant la Genèse, il dit bien que l’homme quittera son père et sa mère et s’attachera à sa femme. Dans une société juive, s’adressant exclusivement à des Juifs, il n’était en aucun cas nécessaire ni utile de rappeler l’altérité homme-femme. Paul, en revanche, écrivant à des croyants issus de cette société gréco-romaine, y était contraint en raison des mœurs d’alors.
            La question de la pratique homosexuelle ne soulève aucun débat : elle ne correspond pas au dessein de Dieu. Quant à expliquer le pourquoi de cette pratique, c’est une autre affaire. Quant à savoir comment accueillir nos ami(e)s homosexuel(le)s au sein de nos communautés, c’est également une autre question. J’ai étudié longuement ces questions, si cela vous intéresse (je veux dire que je peux vous transmettre mon étude).
            Jésus parle beaucoup du péché. Son discours n’est pas que « aimez-vous les uns les autres », même si cette parole recouvre aussi notre accompagnement du péché de notre prochain.
            La Bonne nouvelle, c’est bien que Jésus est venu pour nous délivrer du péché, laver nos péchés, prendre notre place sur la croix pour nos péchés, n’est-ce pas ? La mauvaise nouvelle qui précédait, c’est que nous étions tous condamnés par nos péchés (Romains 3.23, 24 ; 6.23).
            Après avoir guéri un infirme, Jésus lui dit « Voici : tu as retrouvé la santé, ne pèche plus, de peur qu’il ne t’arrive quelque chose de pire » (Jean 5.14).
            A la femme adultère que vous mentionnez, il ne dit pas autre chose : « Va, et désormais ne pèche plus » (Jn 8.11).
            Jésus ne la lapide pas, en effet : il lui offre le pardon et lui ouvre une voie nouvelle, un chemin de transformation !
            L’exercice de la discipline dans l’Eglise vient du commandement de Jésus lui-même, en Matthieu 18, v. 15 et suivants. Le but est toujours le salut de la personne égarée : qu’il s’agisse d’orgueil, de mensonge, de malhonnêteté, de sexualité inappropriée, de violence, d’abus d’autorité, et j’en passe.
            Quant au Sermon sur la montagne, il est tout entier un appel à une vie exigeante, une vie sainte ! O combien notre Seigneur se préoccupait et se préoccupe de notre sainteté ! Pas besoin d’évangile apocryphe pour en être convaincu.
            Ses apôtres, ses témoins, l’ont bien compris. Les lettres de Jean, de Pierre sont très claires à ce sujet. De même celle de Jacques.
            Les croyants ont besoin d’être transformés ! Dieu nous lance un défi et nous donne les armes pour le relever.
            Ecoutons encore l’Ecriture : « Je vous exhorte donc, frères, par la miséricorde de Dieu, à vous offrir vous-mêmes en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu : c’est là le culte spirituel que vous avez à rendre. Et ne vous modelez pas sur le monde présent, mais que le renouvellement de votre jugement vous transforme et vous fasse discerner quelle est la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui lui plaît, ce qui est parfait » Romains 12.1 et 2 : Trad. Bible de Jérusalem).
            Que tout croyant entende cette parole stimulante ! Elle est un levier pour renouveler, pour transformer mes frères catholiques à qui, comme le suggère Pla, des responsables ecclésiastiques n’ont peut-être pas assez lancé ce défi de la sanctification.

            Il y a encore bien des choses à dire, mais on va me taxer de bavardagite aiguë,… si ce n’est pas déjà fait.

            Bien à vous,

            Christophe

          • Dans un débat concernant l’influence des évangéliques sur le monde catholique, je valide bien évidemment ce commentaire qui n’est pas « hors sujet ». Je souhaite simplement que l’on ne rebondisse pas sur la question homosexuelle dékà largement débattue sur ce blog. Sinon, pour ce qui me concerne, pour souigner que d’autres lectures sont faites aujourd’hui parmi les croyants et même les exégèses, concernant la question homosexuelle plus « ouvertes » sur les notions d’altérité et de fécondité. Et que la sainteté à laquelle chacun, de fait, est appelé et qui est total abandon à l’amour de Dieu, ne saurait se réduire à des questions de morale sexuelle. Même si tout comportement sexuel n’est pas légitime dans la foi.

  • « C’est un traditionalisme employant les méthodes de marketing anglo saxonne  » écrit dans un commentaire M Legrand. C’est 250% vrai ! Et je suis un catholique traditionnel/traditionaliste. Je viens parfois sur ce blog pour tâter le pouls de l’Eglise et, vous allez sûrement ne pas me trouver drôle, mais cela me rassure toujours sur l’état de notre Eglise, et avec Golias, c’est encore plus réconfortant ! Ceci dit, l’analyse de M Legrand est juste et vrai, ô combien.. ! Ce sont « des » évangéliques qui, comme dans les églises orthodoxes (russes ou roumaines par exemple) ou dans les milieux traditionnels catholiques, sont des utras-conservateurs (version Donald Trump and Co) sur le plan des moeurs. Et ce sont bien eux (et eux seuls !) qui recrutent à tour de bras ! Alors nos chers évêques en manque d’inspiration (et de vocation) vont encore se lancer dans une énième expérience ecclésiale d’adaptation du catholicisme à une nouvelle mode en biffant soigneusement (ou rageusement) ce qui explique le succès de « ces » évangéliques in the world, c’est-à-dire leur ultra-conservatisme sur le plan des moeurs. Et, biffant cet aspect de leur plan de campagne évangélisatrice, ce sera un échec de plus et une humiliation de plus !

  • @Pla : Je ne doute pas qu’il y ait effectivement des candidats intéressés par la promotion des moeurs traditionnels, mais de ce que j’ai compris de la vie de Jésus, il ne me semble pas que ce sujet l’ait beaucoup intéressé (je cherche toujours en vain un évangile apocryphe dans lequel Jésus invite les disciples à lapider la femme adultère avec lui).

    Pour ce qui est de l’humiliation : il en faut beaucoup pour acquérir un peu d’humilité, nous ne pouvons donc que nous en réjouir 😉

  • @ Encore un discours d’une parfaite « orthodoxie » catholique dans lequel je me retrouve absolument.
    Merci !

    • Merci René pour la bienveillance de votre recadrage. Comme vous l’avez vu, je répondais à un message précédent – un peu longuement, peut-être. Je ne méconnais pas les autres lectures sur ce sujet très actuel – lectures récentes et indissociables de l’évolution de notre société. Je n’y reviendrais pas, sauf pour dire que de telles exégèses sont à mes yeux enfants naturels et inévitables de l’Humanisme, avec sa défiance (pour le dire gentiment) à l’égard de la tutelle divine.
      Je vous rejoins et vous applaudis sur votre manière de parler de la sainteté. Les passages de l’Ecriture que j’ai cités vont tout à fait dans ce sens.
      J’ai beaucoup travaillé avec des jeunes, professionnellement et dans l’Eglise, et échangé avec des prêtres et autres responsables d’aumônerie… Je crois vraiment que ce défi de sainteté, ce défi d’une vie différente, d’une recherche de transcendance débouchant sur une transformation concrète, est à même de stimuler nos jeunes générations et de répondre à leur soif de vivre intensément. Or, les jeunes sont nombreux dans les églises évangéliques, et pas uniquement charismatiques. Cela ne tient pas qu’à une forme d’adoration ‘moderne’ et attractive (ou jugée telle). Cela tient aussi – et peut-être surtout – à ces exigences morales, indissociables d’une vie « cachée en Jésus-Christ » (cf. Colossiens 3.3). Dans l’assemblée où je sers, il n’y a pas d’instruments de musique, pas de tonnerre assourdissant, d’éclats de voix, d’adoration bruyante et joyeusement désordonnée : et pourtant, les jeunes adultes de moins de 30 ans constituent un bon tiers de nos membres et sont zélés pour Dieu, servant joyeusement à la mesure de leurs dons. J’encourage donc à présenter, à offrir ce défi aux jeunes et moins jeunes dans l’église catholique, pour stimuler, renouveler et rajeunir l’auditoire des paroisses et endiguer l’hémorragie dont bien des participants à votre blog témoignent.

      Bien à vous (tous),

      Christophe

  • Christophe,

    Merci pour votre longue réponse détaillée dont je reprend quelques points.

    Concernant l’exigence morale, il me semble qu’il existe effectivement une « demande » face à un monde qui peut sembler décadent. Le risque est à mon avis de faire de la parole de Dieu une liste de « cases à cocher », certaines au prix de grandes souffrances, parfois même d’une destruction personnelle. J’ai en tête le témoignage récent d’une personne, croyante fervente, d’une grande force morale, dans une dépression profonde, qui disait : « Je ne comprend pas, je fait tout ce que l’Eglise me demande ! ». Il existe parmi certaines personnes que je croise une « souffrance de la fidélité à l’Eglise » qui me touche et me choque. La loi ne rempli pas le cœur de l’homme, car la loi est faite pour l’homme, pas l’homme pour la loi.

    Vous me semblez opposer des « bons », qui veulent livrer le combat spirituel exigeant que vous décrivez, et les autres, au mieux mièvres, au pire fainéants, hédonistes et décadents. N’y aurait-il donc pas d’autres combats, par exemple : prendre soin des plus petits (Mt 25-37), aimer son prochain comme soi même (Mt 22-39), ou encore chercher a reconstruire le visage du Christ en chaque personne que la providence met sur notre route ?

    Ces combats me semblent plus importants et infiniment plus source de bienfaits pour nous, pour chacun et de bonheur pour Dieu que l’observance de règles morales plus ou moins arbitrairement figées. Ils sont en revanche difficiles, sources d’une possible frustration (pourrais-je à mon arrivée au ciel dire que j’ai réellement pris soin de mon prochain ?), nécessitent un total abandon de soi et un effort permanent. C’est ainsi que je comprend l’idée de « s’offrir en sacrifice saint […] transformés par le renouvellement de l’intelligence » dont parle Paul et pour lequel il donne à partir de Romain 12.7 de nombreux exemples (j’aime beaucoup « Réjouissez-vous avec ceux qui se réjouissent ; pleurez avec ceux qui pleurent.  » qui me semble être l’expression de l’abandon).

    Ce que je vous concède c’est que les chemins « moraux » sont plus attractifs, j’ose dire « plus gratifiants » : on sait ou l’on en est, on se dit qu’avec des efforts on y progressera. Ce qui permet effectivement aux « tradis » ou évangéliques de recruter activement, la ou ce qui me semble être l’accomplissement de la parole du Christ peut sembler bien nébuleux. J’espère pour autant que les tenants du « chemin moral » n’invilisiberons pas d’autres alternatives de suivre le Christ.

    • Christophe,

      Comme Emmanuel, je ne comprends pas cette insistance sur les mœurs.Il est facile et même enthousiasmant en effet de s’engager, d’autant plus que l’on est jeune, sur ce chemin exigeant et rigoriste. Cela devient plus problématique lorsque l’on se trouve confronté aux situations de la vie concrète pour nous- memes ou pour d’autres; situations difficiles de souffrance que l’on ne peut trancher aussi facilement si l’on veut être honnête avec soi même et compatissant pour autrui.

      Je ne ferai pas non plus une distinction aussi tranchée entre les croyants et les « autres » du « monde » suppose mauvais, justement parce qu’on le regarde uniquement du point de vue du relâchement de ses mœurs. Alors qu’il recèle aussi d’autres avancées en ce qui concerne le respect de la dignité de toute personne humaine.
      Le monde peut receler du «  bon », y compris dans sa pensée humaniste.

      Et les Chrétiens, à mon avis, n’ont pas à se retrancher dans une forteresse assiégée composée de « purs « mais à faire le bien parmi leurs «  frères « dont ils partagent péché et aspirations et témoigner ainsi de l’amour de Dieu pour chacun. L’exigence de sainteté n’y est pas moindre,

      Pour finir, je ne comprends pas non plus cette lecture aussi littérale ( et orientée ) des Écritures.

      Le Catholicisme qui connaît l’évolution de l’exégèse, la recherche théologique, l’attention au monde et à sa pensée, des notions de justice sociale et politique ainsi que différentes composantes et sensibilités, ne peut, toujours à mon avis, se retrouver dans toutes ces caractéristiques.

      • Sans doute suis-je un peu demeuré mais pour moi l’humanisme vient essentiellement du judéo- christianisme même s’il existait dans une certaine mesure déjà chez les Anciens er je pense que Ferryy faisait allusion en parlant de la morale de nos Pères
        Quant au « jugement éclairé », qui a si mauvaise presse chez certains, pour l’admettre il suffit d’accepter l’idée que pour juger de quelque chose et encore plus de quelqu’un nous avons besoin du regard non seulement des autres mais aussi ,et surtout, de l’Autre lequel peut nous parler dans notre coeur si du moins on veut l’écouter

        • A Emmanuel, Marie-Christine, Dominique, Guy,…
          Bonjour à tous,
          Je vous remercie pour vos réactions. Il est toujours enrichissant de confronter des points de vue différents. Et, comme il semble que, devant mes propos, vous convergez vers une perception similaire, il est utile que je précise ma pensée sur quelques points.

          C’est ce que je vais faire – tout au moins essayer – avant de tenter une brève mise en perspective. Je ne pourrai néanmoins répondre à tout, faute de temps.

          Emmanuel, vous avez compris que j’ai abordé la question de la sanctification en appui d’un des participants, Pla, qui, allant sur le terrain des mœurs, avançait que cette exigence morale élevée, loin d’être un frein, permettait à l’église évangélique de grandir. J’ai voulu confirmer cela, en apportant un appui biblique à la chose. Et, puisque sur la question de l’inspiration des Ecritures, vous avez émis un avis dubitatif sur les paroles de l’apôtre Paul relatives aux homosexuels (qui met en garde dans ce passage bien plus que les homosexuels, mais contre le péché en général), j’ai présenté une lecture – la mienne et celle de dizaines de millions d’autres croyants dans le monde.

          Quant à la question d’opposer les « bons » aux autres, mea culpa si c’est ce qui a été perçu. En termes de salut, il est vrai qu’il n’existe pas d’entre deux : Jésus est bien venu chercher ceux qui étaient perdus, n’est-ce pas (Cf., par exemple, Luc 19.10) ? La Bonne Nouvelle (telle qu’exprimée en Jean 3.16, par exemple), n’en est une que si on l’accepte : « Nul ne vient au Père » que par lui, Jésus (Jean 14.6). Mais il est des hommes et des femmes de cœur partout dans le monde ; non seulement je n’en disconviens pas, mais j’en vois tous les jours !
          Certains ont une intégrité que des chrétiens pourraient leur envier (si l’envie était une vertu).

          Corneille était de ces hommes bons, croyant, miséricordieux et généreux, craignant Dieu. Pourtant, il n’était pas encore pardonné de ses péchés (relire Actes 10 et le récit que fait Pierre de cet épisode au chapitre 11).
          A l’inverse, les Pharisiens tant décriés par Jésus n’avaient d’adoration que dans leur bouche mais leur cœur était éloigné de Dieu (Matthieu 15.8, citant Esaïe [Isaïe dans la tradition catholique] 29). De même dans l’Eglise, on peut trouver des hommes et des femmes hélas bien plus conduits par leur chair que par l’Esprit (relire Galates 5). Du reste, chaque enfant de Dieu est concerné par ce combat. Donc, oui, tout n’est pas noir ou blanc ; mais la distinction entre le monde et le Royaume de Dieu est pourtant une réalité néotestamentaire (par exemple 2 Corinthiens 6.14 ; 1 Jean 5. 19, etc.).

          Emmanuel, quand vous parlez « d’autres combats », prendre soin des plus petits, etc., je me réjouis et dis amen ! Paul nous demande d’être imitateurs de Christ, n’est-ce pas ? Mais n’opposons pas les combats et efforts qui tous se retrouvent dans l’imitation du Christ. Jacques dit bien que « la religion pure et sans tache, devant Dieu le Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions et à se garder des souillures du monde » (Jc 2.27). (Clin d’œil à Marie-Christine : doit-on lire ceci littéralement, ou avec distance… ?). La foi qui a soutenu et transformé les hommes et les femmes dont il est question en Hébreux 11 produisait bien sûr sainteté et amour du prochain, amour « en action et en vérité », comme l’écrit l’apôtre Jean (1 Jn 3.18).

          Rechercher la sainteté à 360°, est-ce un égarement spirituel ?
          Non, car il ne s’agit pas d’observance au sens légaliste du terme. Il ne s’agit pas de cocher des cases, loin de là ! Il s’agit de rechercher une vie d’intégrité et de sainteté. C’est une source de joie et de reconnaissance, non d’autosatisfaction ! Je ne mésestime pas les dangers d’une lecture légaliste de l’Ecriture. Le plus souvent, légalisme rime avec pratique extérieure, comme le faisaient les Pharisiens auxquels Jésus adresse de si sévères reproches. Souvent aussi, le légalisme rime avec commandements d’hommes, comme Paul le reproche aux Galates, ou bien comme on le voit dans ces paroles adressées aux chrétiens de Colosses : « Ainsi donc, que personne ne vous juge à propos de ce que vous mangez et buvez, ou pour une question de fête, de nouvelle lune, ou de sabbats ; tout cela n’est que l’ombre des choses à venir, mais la réalité est celle du Christ. (…)Si vous êtes morts avec Christ aux principes élémentaires du monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le monde, vous laissez-vous imposer (ces règlements) : Ne prends pas ! ne goûte pas ! ne touche pas ! toutes choses vouées à la corruption par l’usage qu’on en fait ? Il s’agit de préceptes et d’enseignements humains, qui ont, il est vrai, une apparence de sagesse, en tant que culte volontaire, humilité et rigueur pour le corps, mais qui ne méritent pas d’honneur et contribuent à la satisfaction de la chair. » (Colossiens 2.16,17 ; 20 à 23). Mais la recherche de sainteté, de fidélité à Dieu, de soumission, d’intégrité dans tous les aspects de notre vie, tout cela est bien conforme à l’appel qui nous est adressé ; tout cela est bien conforme à notre vocation, et aucun des auteurs du NT ne néglige cet aspect des choses. Comment peut-on appeler « règles morales plus ou moins arbitrairement figées » ce qui est inscrit noir sur blanc dans les textes de l’Ecriture ? Cette Ecriture n’est-elle pas inspirée de Dieu ? « Pour toi, tiens-toi à ce que tu as appris et dont tu as acquis la certitude. Tu sais de quels maîtres tu le tiens ; et c’est depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Lettres. Elles sont à même de te procurer la sagesse qui conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus. Toute Écriture est inspirée de Dieu et utiles pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice : ainsi l’homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne. » (2 Timothée 3.14-17 ; trad. Bible de Jérusalem).

          Pourquoi hiérarchiser les combats ? Par convenance personnelle ? J’avoue que je suis un peu provocant. Pardonnez-moi. Pardonnez-moi parce que je lis en effet dans vos lignes (je parle à Emmanuel, à Marie-Christine, à Guy, à Dominique, à René et bien d’autres) l’amour du prochain et le désir de servir votre semblable, désir que je porte aussi dans mon cœur. Oui, notre maître nous demandera en quoi nous avons aidé un de ces ‘plus petits que nous’. Oui, notre Seigneur se réjouit quand je pleure avec celui qui pleure et me réjouit avec celui qui se réjouit. Oui, pour rester sur Romains 12, mon Père céleste sourit quand je m’efforce d’être en paix avec tous les hommes, autant que cela dépend de moi, quand je tâche d’exercer l’hospitalité, etc.

          Vous savez, pour revenir un instant aux évangéliques, suspectés d’artifices dans certains commentaires, ceux que je connais ne sont pas attirés que par les « chemins moraux » ; ils pratiquent tout autant un amour désintéressé. La recherche de sainteté forme un tout. Car, « sans la sanctification, personne ne verra le Seigneur » (cf. Hébreux 12.14).

          Marie-Christine, vous savez, j’entends et je partage bien des points que vous exprimez.
          Je n’insistais d’ailleurs pas sur les mœurs, mais soutenais l’un des derniers intervenants du blog. Encore une fois, il n’est question que de la sanctification. Ce chemin est en effet exigeant et rigoureux (non pas rigoriste), et s’inscrit tout à fait dans la vie concrète. Il ne se fait pas sans larmes, sans grande souffrance, parfois. Et – j’ai dû mal me faire comprendre quelque part – l’exigence envers soi-même n’endurcit pas le cœur ni n’empêche la compassion ! Comment pourrais-je ne pas aimer, quand je vois l’amour que Jésus-Christ a eu pour moi ! Mais l’amour même conduit à aider tel frère ou telle sœur qui lutte, qui fait face à une situation difficile. J’ai moi-même été aidé dans de telles situations, et moi comme celui qui m’aidait étions dans les larmes. De même quand c’est moi qui suis venu au secours spirituel d’un frère ou d’une sœur en Christ. En définitive, le légaliste prétend que les œuvres qu’il accomplit participent à son salut, quand elles ne sont pas ouvertement déclarées salutaires.

          Oh, mon Dieu, que je suis loin de cette pensée ! Combien je sais que c’est sa grâce qui me soutient, qui me sauve, qui me transporte dans les Cieux ! La Parole me le dit et je le vis au quotidien ! Mais j’aime Dieu (sans doute pas assez : que Dieu m’accorde de m’approcher encore et toujours plus de lui, jour après jour), je veux lui plaire, l’honorer, dans mon cœur, mes pensées, mes attitudes, postures et paroles, mes actions… La merveilleuse et insondable grâce de Dieu m’ « enseigne à renoncer à l’impiété, aux désirs de ce monde, et à vivre dans le siècle présent d’une manière sensée, juste et pieuse » (Tite 2.12).

          L’un de vous a parlé des souffrances de l’obéissance à l’Eglise. Pour ma part, il n’est question dans l’Ecriture que d’obéissance à Dieu. L’Eglise, c’est l’épouse, le corps des rachetés. L’Eglise n’est pas prescriptrice. Dieu seul l’est.

          Je ne mésestime pas les déchirements que peut parfois produire le désir de plaire à Dieu. J’en sais quelque chose, et bien d’autres plus encore que moi. Mais justement, la souffrance ne fait-elle pas partie du concept de « porter sa croix », du concept du « renoncement à soi-même » ?

          Jésus-Christ lui-même n’a-t-il pas souffert dans son obéissance ? « Car du fait qu’il a souffert lui-même quand il fut tenté, il peut secourir ceux qui sont tentés » (Hébreux 2.18) ; « Car nous n’avons pas un souverain sacrificateur incapable de compatir à nos faiblesses ; mais il a été tenté comme nous à tous égards, sans (commettre de) péché » (Hé 4.15) ; « Ayant été exaucé à cause de sa piété, il a appris, bien qu’il fût le Fils, l’obéissance par ce qu’il a souffert » (Hé 5.7,8) ; « Mais si, tout en faisant le bien, vous supportez la souffrance, c’est une grâce devant Dieu. C’est à cela, en effet, que vous avez été appelés, parce que Christ lui aussi a souffert pour vous et vous a laissé un exemple, afin que vous suiviez ses traces » (1 Pierre 2.20b,21).
          Les béatitudes ne disent pas autre chose. Honorer Dieu dans sa vie, dans ses choix, conduit parfois à « mener deuil » (cf. Jacques chapitre 4), afin de se réjouir plus tard en Dieu (lire aussi Hébreux 12.7-11).
          La souffrance fait partie du chemin de la sanctification. En disant cela, je ne l’allège pas, je n’exprime rien d’autre qu’un constat. Mais déposer ses fardeaux, se décharger sur Christ de tous ses soucis, sachant que lui-même prend soin de nous (je cite 1 Pierre 5.7), est une joie, une joie par moments sans bornes, la joie d’une forme d’intimité avec Dieu : un émerveillement pour lequel je n’ai pas de mots.

          Mais j’en viens maintenant à ce que j’ai appelé mise en perspective.
          Qu’on le veuille ou non, nous avons tous une orientation dans notre lecture des Ecritures. Que vous ne compreniez pas la mienne signifie simplement que vous ne portez pas les mêmes lunettes, pour le dire trivialement, Marie-Christine. J’ai précisé il y a quelques jours que je ne suis pas Catholique. Cela ne m’empêche pas de connaître la variété des genres littéraires composant l’Ecriture. Cela ne m’empêche pas de savoir lire autrement des écrits poétiques, prophétiques, des lettres, des évangiles, des écrits historiques, des récits. De même, la sensibilité des quatre évangélistes, qui donnent une teinte particulière à la narration des mêmes événements (en particulier dans les synoptiques). De même les contextes locaux particuliers, comme lorsque Paul écrit aux Corinthiens, avec un autre ton et une charge émotionnelle qu’on ne retrouve pas en Ephésiens, par exemple. Je n’oublie pas non plus que des contextes locaux induisent une insistance des auteurs sur tel ou tel point.

          Non, l’Ecriture n’est pas un manuel, mais le Livre qui nous introduit à une relation saine et éclairée avec le Créateur. Quant à l’exégèse, elle est un art précieux, mais pas une science exacte, en ce sens que la sensibilité philosophique du théologien oriente inévitablement son interprétation. A lui de faire des efforts d’intégrité…
          Les théologiens libéraux (en particulier protestants), à mon sens, vident la Parole de Dieu de sa substance, ce qui leur permet sans doute, outre de servir leur propre gloire aux yeux d’un certain public, de s’exonérer de nombreuses exigences divines en matière de sainteté. « Seulement, voici ce que j’ai trouvé, c’est que Dieu a fait les hommes droits ; mais ils ont cherché bien des subtilités » (Ecclésiaste 7.29). La Tradition catholique, affichant la prétention d’être seule en mesure d’interpréter les textes a coupé la grande majorité des catholiques d’un rapport personnel, direct, sain, avec l’Ecriture.

          Je suis un pécheur racheté, immensément conscient de la grâce de Dieu envers moi, immensément reconnaissant des transformations qu’il a opérées dans ma vie, parfois malgré moi… C’est donc particulièrement conscient de mon indignité que j’écris cela, en espérant ne blesser personne dans sa sensibilité. Ne nous leurrons pas : nous avons tous et toutes nos lunettes culturelles et doctrinales, et il est notoirement plus facile de discerner celles des autres que les nôtres.

          C’est aussi pour moi l’intérêt de participer à ce blog. J’y apprends à mieux connaître la pensée catholique, dans ses constantes comme dans sa diversité. Là où le Catéchisme de l’Eglise Catholique m’en apprend plus sur certaines doctrines catholiques, la lecture des comptes rendus de René Poujol et de vos commentaires m’enrichit et élargit mon horizon. Mais j’espère que cette saine confrontation d’idées n’est pas riche que pour moi : « le fer aiguise le fer » (Proverbes 27.17).

          Sincèrement, de mes contacts avec de nombreux catholiques, adolescents, octogénaires, prêtres, séminariste, responsable d’aumônerie, il m’apparaît que, pour une majorité d’entre eux, la Bible est un livre mystérieux, perçu comme vieux et obscur,… faute de l’avoir lue et de la lire et relire. Je ne cache pas que je serais heureux que vous me contredisiez.

          Une fois de plus, j’ai été bien plus long que mon intention initiale. J’ai apprécié vos remarques, n’en doutez pas. Elles m’ont fait réfléchir. Et si je n’ai pas répondu à tous les points abordés (ou tous les gentils reproches qui m’ont été faits), je n’ai rien balayé, dans mon for intérieur, bien au contraire. J’apprends.
          Bien à vous,
          Christophe

          • Merci Christophe pour cette compréhension et pour l’engagement personnel de cette longue contribution… Permettez néanmoins au modeste modérateur de ce blog de vous mettre en garde contre la tentation de vouloir tout dire et tout « assoir » sur des références bibliques.

            Je crois que la bonne « distance » est de s’exprimer ici avec conviction en essayant de se limiter. Au risque de laisser des lecteurs en rade qui n’auront pas le courage d’aller jusqu’au bout.

          • Comme peut-être vous vous en doutez je me retrouve assez dans votre exposé, si ce n’est que votre réflexion sur les cathos ne connaissant que fort peu la Bible me parait quelque peu datée tout de même, car ce qui était tout à fait e exact il y a 40 ans l’est infiniment moins aujourd’hui.
            Par ailleurs depuis Vatican II l’église catholique continue de penser non pas qu’elle détient seule la vérité mais qu’elle en est la plus proche ce qui n ‘est pas du tout la même chose puisqu’antérieurement elle avait le sentiment qu’elle se suffisait à elle-même les frères séparés n’ayant pratiquement rien à lui apporter

          • Merci pour votre retour tout en retenue, René.
            Cela dit, parlant de tentation (intéressant d’avoir choisi ce terme), sur ce point – et sans vouloir offenser quiconque – je ne m’excuserai jamais d’avoir voulu étayer mes propos par l’Ecriture. Au contraire, en matière spirituelle, je me garderais de la tentation de ne m’appuyer que sur mes pensées propres et/ou des paroles d’hommes. Je ne suis pas hermétique aux écrits de St Augustin, Pascal, Kierkegaard, entre autres, ni aux intuitions d’auteurs non croyants ou d’autres horizons. Mais s’il y a une hiérarchie à poser entre paroles et pensées d’hommes, d’un côté, et parole de Dieu de l’autre, mon choix est fait. (Cela dit, ôtez les références bibliques à votre gré et conservez l’expression personnelle, mes paroles ne sont pas dénuées de sens, non ?).
            En revanche, concernant la looonngueur de mes propos, je l’avoue, j’ai été stimulé, je me suis laissé emporter par mon élan. Il se trouve que je ne suis absolument pas familier des blogs et autres forums, et j’ai trouvé dans le vôtre de l’intelligence, de la sensibilité, de la profondeur, de l’intégrité, du respect mutuel, et j’ai ouvert mon cœur (en plus de ma Bible ;-).
            Merci en tout cas encore pour votre bienveillance, René.
            Et merci Dominique de me rassurer : vous avez une vue bien plus large que la mienne sur l’univers catholique, et je me réjouis de ce que vous rapportez.
            A bientôt,

  • Christophe,vous dîtes que vous n’êtes pas catholique et pourtant moi qui le suis quelque peu je me retrouve la plupart du temps entièrement dans ce que c vous exprimez de manière bien plus adroite que moi,et ce que vous dîtes de la tendance chez certains d’appuyer leurs dires sur des auteurs agnostiques voire athées plutôt que sur l’écriture comme si celle-ci était plus ou moins caduque est quelque chose qui me frappe depuis longtemps.

    • Peut-être, Dominique, est-ce le fait que vous êtes un peu protestant 🙂
      Plus sérieusement, il y a des nuances entre la Sola Scriptura et la Tradition jointe à l’Ecriture, entre la lecture littérale de l’Ecriture et l’exégèse des Ecritures…

      • Mais Miichel je sais très bien que l’exégèse est fort utile et que bien sûr la lecture littérale est une très mauvaise façon de comprendre l’Ecriture mais ce qui me trouble chez notre ami Christophe c’est qu’il ne me parait pas s’arrêter la lecture littérale de l’Ecriture et donc ne pas relever de la doctrine des Témoins de Jéhovah,mais il est bien possible que je me trompe,bien sur

          • Michel,
            Après relecture et réflexion, je me rends compte que j’ai peut-être été un peu trop didactique dans mon ton, voire sec. J’ai répondu brièvement, spontanément et rapidement, sans me donner le temps du recul et je vous en demande pardon.
            Christophe

        • Bonsoir Michel et Dominique,
          D’abord, que Dieu me garde d’être TJ : ce n’est pas seulement une lecture littérale qui les caractérise (il faudrait quand même davantage cerner ce que ça signifie dans votre esprit, Michel, s’il vous plait. Un seul exemple : croire à la résurrection de Christ, est-ce une lecture littérale telle que vous l’entendez…?), mais aussi une lecture spécialisée dans le hors contexte (leur dialectique est notoirement spécialisée dans la sélection de versets cités en appui de leurs doctrines sans le moindre égard pour le contexte).
          En parlant de contexte, vous citez (chouette !) l’Ecriture. Mais pour dire quoi, précisément ?
          En 2 Corinthiens 3.6, quand Paul déclare « Il nous a rendus capables d’être ministres d’une alliance nouvelle », le « nous » en question, n’est pas un nous inclusif, mais un nous exclusif : il s’agit de lui et ses collaborateurs. Ici comme au début de 1 Corinthiens, alternent le « vous » (ses lecteurs, chrétiens eux aussi), et le « nous » (à cet égard, par exemple, leur usage en 1 Co 2.14 à 17, puis 3.1 à 3). Dans ce contexte précis, les ministres (ou serviteurs) en capacité de servir ainsi ne sont pas tous les chrétiens.
          Ensuite, que dit-il quand il parle d’Esprit et de lettre ? Il montre là la différence fondamentale entre l’ancienne alliance et la nouvelle : le verset suivant est on ne peut plus clair à ce sujet : « Or, si le ministère de la mort, gravé en lettres sur des pierres (…) » : la « lettre », c’est la loi, la loi mosaïque. L’Esprit, c’est ce qui a été donné aux croyants, au moment de leur baptême (Jean 3.3,5 ; Actes 2.38, etc.). La Loi a produit la mort, car elle ne pouvait délivrer de la puissance du péché (relire Romains [par ex. 8.1 et 2] et Hébreux) ; l’Esprit fait vivre (comme le dit aussi Jésus en Jean 6.63), jusque dans l’éternité, chose impossible à la Loi.
          Ce passage ne parle donc nullement de lecture littérale ou de quoi que ce soit en rapport avec notre manière de lire l’Ecriture. La prise en compte du contexte est la base d’une bonne interprétation, autrement dit d’une saine exégèse.
          Bien à vous,
          Christophe

          • Merci Christophe pour vos savants développements.

            Je taquinais un peu Dominique qui voulait faire de vous un bon catholique 😉

            Vous avez raison concernant 2 Corinthiens 3, 6, j’ai été un peu rapide et elliptique ; néanmoins je vois quand même un lien entre la manière dont les pharisiens cherchent à mettre Jésus en difficulté en citant l’Ecriture et une lecture littérale de l’Ecriture.
            Ce que vous dites des TJ n’est pas très différent.

            Vous me demandez « croire à la résurrection de Christ, est-ce une lecture littérale telle que vous l’entendez…? »
            Il me semble que la Foi en la résurrection du Christ est d’abord une question de foi dans la parole des témoins qui l’ont vu vivant, qui l’ont reconnu à la fraction du pain, qui l’ont annoncé jusqu’aux extrémités de la terre.

          • Merci Michel pour vos précisions… et votre humour 🙂
            J’apprécie beaucoup ce blog – découvert récemment – qui me permet de mieux comprendre la diversité de la pensée catholique, entre autres points instructifs et enrichissants pour moi.
            A défaut de devenir un ‘bon catholique’, je tâche d’être un bon chrétien :-). Finalement, d’où qu’on vienne, plus on se rapproche de Christ, plus on se rapproche les uns des autres, non ?
            Et vos derniers mots m’inspirent ce seul mot : « Amen! ».
            Bien fraternellement,
            Christophe

      • Pour préciser ma pensée en citant l’Ecriture :
        « Lui [Dieu] nous a rendus capables d’être les ministres d’une Alliance nouvelle, fondée non pas sur la lettre mais dans l’Esprit ; car la lettre tue, mais l’Esprit donne la vie. » (2 Corinthiens 3, 6)

        • Oui, Paul a évidemment raison comme pratiquement toujours à mes yeux,bien sûr, mais je ne vois pas tellement le rapport

  • Les derniers commentaires s’affichent sans respect pour la chronologie des échanges. J’ignore pourquoi. Pour s’y retrouver, j »invite tout nouveau lecteur à regarder l’heure d’édition de chaque commentaire :-).

  • Michel ,la foi en la résurrection du Christ n’est pas que la foi en la parole des témoins mais avant tout en la foi en la parole du Christ lui-même qui l’a annoncée à diverses reprises.
    Vous pouvez bien sûr me dire que ses paroles nous ne les connaissons que par l’intermédiaire des témoins ce qui n’est pas faux bien sûr. Quant à Cor2 3-6 il me parait évident que le »nous » employé par Paul vise lui-même et ses collaborateurs comme le souligne Christophe lequel n’est donc pas Témoin de Jéhovah

  • Pingback: Revue de presse - Janvier 2021 - Témoins

  • Le rapport publié le 26 janvier 49 % sur la place des théories complotistes au sein des communautés protestantes américaine indique que ce phénomène s’observe surtout au sein de communautés évangéliques de blancs. https://www.la-croix.com/Religion/Etats-Unis-pasteur-deux-entendrait-theories-complotistes-eglise-2021-02-03-1201138602
    Reste à espérer que les organisations catholiques qui s’inspirent des évangéliques blancs américains (chacun son Église avec ses rites et « charismes » propres, ses grandes assemblées « pour faire masse » venues de 100 km et plus à la ronde) veilleront à ne pas « se faire avoir » ou trouverons la marche arrière quand elles sont déjà « embrigadées ».

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