Ma liberté de choix est non-négociable.

Nous voici à la veille du second tour de la Présidentielle. L’enjeu en est crucial et je n’imagine pas que les Français, quels qu’ils soient, puissent se laisser déterminer par autre chose que par leur conviction profonde. 

Les catholiques n’échapperont pas à la règle. Si j’en crois les sondages, leurs suffrages iront majoritairement à Nicolas Sarkozy. C’est leur droit. Certains le feront, convaincus qu’il est, pour la France, le meilleur président possible à ce moment précis de notre Histoire et de celle du monde. D’autres avec le souci de barrer la route à certaines dispositions du programme de François Hollande sur l’euthanasie, le mariage homosexuel et l’homoparentalité, voire encore un certain renforcement de la laïcité.

Certains catholiques décideront, pour leur part, de se réfugier dans le vote blanc, ne pouvant en conscience cautionner ni l’un ni l’autre candidat. D’autres enfin   de voter pour François Hollande. Je n’en connais aucun dont le choix du candidat socialiste soit motivé «par» ces réformes sociétales. En revanche, je sais que tel ou tel ne perçoit pas comme contradictoire avec ses convictions religieuses, une éventuelle évolution de notre législation sur ces points sensibles, arguant du fait que nous vivons dans une société laïque et pluraliste et que ces réformes n’obligeraient en rien ceux qui leurs sont opposés. C’est une analyse que j’ai toujours contestée mais qu’il faudra, sans doute, revisiter, pour en débattre à nouveau, si François Hollande l’emporte dimanche.

Reste la catégorie de ceux dont je suis, qui s’apprêtent à voter pour le candidat socialiste, non pas «à cause» de ces réformes, mais « en dépit » d’elles. Parce que je le crois suffisamment lucide pour ne pas faire prendre de risques insensés à notre pays. Parce que je le sens ouvert à la recherche d’une autre forme de croissance «sobre», à laquelle nous invite l’Eglise, faite de respect des équilibres écologiques, de refus du gaspillage, du souci de maîtriser et diversifier notre consommation énergétique… Parce que j’entends les Présidents des principales organisations caritatives et de solidarité en France, le plus souvent des chrétiens, nous alerter avec insistance sur la montée des injustices, de la pauvreté et de l’exclusion dans notre pays, pourtant cinquième puissance économique au monde. Parce que j’aspire à un exercice de la présidence plus modeste, conforme aux pratiques des démocraties du Nord de l’Europe, et que je crois au rôle éminent des corps intermédiaires dans la vie politique, économique et sociale, ce que la doctrine sociale de l’Eglise appelle le principe de subsidiarité. Enfin parce que l’alternance politique est toujours un gage de bonne santé pour une démocratie.

Faudrait-il balayer cette analyse d’un revers de main au motif de la présence, dans le programme de François Hollande, de projets de réformes que je dénonce par ailleurs, comme ce blog en témoigne ? Faudrait-il, au nom de principes prétendument «non-négociables» réduire les éléments de choix aux seules considérations portant sur le début et la fin de vie, comme si la dignité de la personne humaine ne dépendait pas aussi des conditions de vie qui lui sont faites dans cet entre-deux qui dure… toute une existence ? Comme si le combat pour la justice sociale n’était pas aussi une question éthique ?

J’entends bien que le texte de la Congrégation pour la doctrine de la foi, de 2002, signé du cardinal Ratzinger stipule que : «Pour la doctrine morale catholique, la laïcité (doit être)  comprise comme autonomie de la sphère civile et politique par rapport à la sphère religieuse et ecclésiastique mais pas par rapport à la sphère morale.» L’objection de nos sociétés sécularisées est que l’Eglise catholique n’a pas le monopole de la morale, ni de l’interprétation d’une «loi naturelle» qui, au travers de l’Histoire et cela depuis la plus haute antiquité, a connu bien des interprétations, même au sein de l’Eglise catholique (*). Ce qui n’interdit pas que l’Eglise soit légitimée à faire connaître dans ces débats sa propre tradition, sa propre anthropologie même si certains le contestent au nom d’une laïcité devenue laïcisme. C’est là une réflexion qu’il nous faudra reprendre en profondeur car elle pose la question du « vouloir vivre ensemble » et des bases, possibles, d’une morale commune dans un pays de laïcité.

Nous aurons donc, le moment venu, à faire connaître les raisons pour lesquelles nous nous opposons à ces évolutions de société. Et que l’on ne vienne pas nous dire que de telles évolutions auraient pu être évitées si nous, catholiques, n’avions pas contribué à faire élire François Hollande et, sans doute, dans la foulée, une majorité socialiste à l’Assemblée. Je réfute, pour ma part, au nom même de ma «liberté d’enfant de Dieu», l’injonction, le terrorisme intellectuel, le matraquage insupportable de quelques stars autoproclamées du combat pour les « vraies valeurs », clercs ou laïcs, qui depuis des semaines tentent de nous faire croire que l’on ne pourrait « en conscience » , sauf par ignorance crasse ou refus d’obéissance au Magistère, être catholique et électeur de François Hollande.

 »

 

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(*) Signalons ici, avant d’y revenir prochainement, la parution du livre remarquable d’Elisabeth Dufourcq : «L’invention de la loi naturelle». Bayard, 720 p., 29 €.

37 comments

  • Je comprends parfaitement la logique de votre démonstration. Je respecte profondément votre vote. Je réfute également les injonctions, le terrorisme intellectuel et le matraquage.
    En revanche – oui, vous imaginiez bien qu’après ce préambule il y avait une revanche 🙂 – je ne comprends pas votre phrase : « Et que l’on ne vienne pas nous dire que de telles évolutions auraient pu être évitées si nous, catholiques, n’avions pas contribué à faire élire François Hollande et, sans doute, dans la foulée, une majorité socialiste à l’Assemblée ». Cette assertion me semble parfaitement factuelle, et par ailleurs bien assumée par vous, au nom d’impératifs que vous estimez plus importants, non ? Faut-il vraiment mettre un voile pudique sur ce qui m’apparaît comme une réalité ?

  • Faudra aller expliquer au dissident chinois Chen Guangcheng qu’il n’existe pas de loi naturelle ou s’il est chrétien ,que l’Eglise n’a pas le monopole de la morale.
    Il faut lire les témoignages d’avortements tardifs forcés et de stérilisations forcées ,dénoncés par lui dans son pays la Chine .
    Son gouvernement a de très bonnes raisons MORALES : améliorer les conditions de vie des citoyens .

  • en bon soixanthuitard attardé, je vous reconnais là. Vous rêvez! Et vous serez responsable de l’euthanasie et de la démolition de la Famille. Si vous voulez lutter contre ces lois qui changeront de civilisation c’est à droite qu’il faut voter et ensuite lutter pour éviter ces horreurs! De ce côté là il reste encore des gens de bon sens!
    En plus à gauche c’est la mafia et le mensonge car ne les croyez pas meilleurs ils sont peut-être bien pires!

  • Je trouve dommage que personne n’en ait rien à faire d’exploiter les pays pauvres, de faire travailler comme des esclaves des gamines de 10 ans dans des conditions épouvantables pour pouvoir s’acheter le dernier Iphone à bas prix, que l’écart des revenus de certains est tel qu’ils pourraient subventionner plusieurs SMIC plusieurs années, mais par contre ces mêmes personnes hurlent à la dictature et à l’imposture dès qu’on touche à la morale sexuelle, même si l’un des candidats s’est marié 3 fois et si les rois du showbiz tant adulés ont une vie personnelle ahurissante. Mais ils ont du fric et ils font rêver, tandis que l' »autre » candidat (le méchant, donc) a des visées pour réduire l’injustice sociale, et donc toucher au porte-monnaie (des plus fortunés)… Je pense que parfois il faudrait relire Matthieu, la finale du chapitre 25…

  • Un point « non négociable » ne veut pas dire infaillible ! Les évêques aussi sont des hommes et des « pauvres pêcheurs ». Je préfère cent fois leur parole sur le vivre ensemble (accueil des étrangers, attention aux autres et aux plus pauvres…) que leurs oeillères sur la vie privée de chacun. Chrétien et de gauche, élu local non inscrit, j’assume mes choix. Autant, à mes yeux, la politique doit réguler le vivre ensemble (cela comprend le système financier et aussi le quotient familial qui favorise in fine les familles aisées) autant elle n’a pas à s’immiscer dans les choix de vie personnels. L’Etat doit être neutre sur le mode de vie familial, les questions de contraception, d’avortement, d’adoption… Pas de prosélytisme ni de discrimination que l’on soit hétérosexuel ou homosexuel par ex. A mes yeux, l’Etat n’a pas à privilégier tel ou tel mode de vie et les religions (toutes) n’ont pas à imposer leurs préceptes (qui sont là aussi affaire de vie privée) à des sociétés devenues pluralistes.

  • Merci René, de ce courage; je m’apprête à en faire de même. Ou doit se situer le jugement dans la doctrine sociale de l’Eglise, entre les différents aspects, dont ceux que tu cite sur la vie? Faut-il laisser faire en matière de respect des hommes et des femmes de ce monde, de la solidarité, de la conception de la politique,….On retrouve aujourd’hui des arguments identiques à ce qu’on entendait avant 1981.

  • À votre argumentation, j’ajouterai ce Nota Bene de la note « Être digne de recevoir la sainte communion. Principes généraux » du cardinal Joseph Ratzinger, de juin 2004:

    N.B. Un catholique serait coupable de coopération formelle au mal – et donc indigne de se présenter à la sainte communion – s’il votait délibérément pour un candidat en raison même des positions permissives de celui-ci sur l’avortement et/ou l’euthanasie. Quand un catholique ne partage pas la position d’un candidat en faveur de l’avortement et/ou de l’euthanasie mais vote pour lui pour d’autres raisons, cette coopération, considérée comme matériellement indirecte, peut être permise pour des raisons proportionnées.

    http://chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/200122?fr=y

    Le vote Hollande qui serait justifié par des raisons proportionnées autre que ses positions sur l’IVG et l’euthanasie est donc conforme au magistère.

  • Tout à fait d’accord avec votre analyse . Je continuerai aussi de m’opposer après à tout ce qui menace la vie . bien décidée pour cela , depuis longtemps. Mais pour l’heure, je ne peux me résoudre à cautionner une politique qui m’a bien souvent choquée ces dernières années et une dérive vers l’extrême droite.
    J’ai reçu moi aussi un mail (chaine catho) m’incitant à voter pour le président sortant au vu des nombreuses fois où il aurait défendu les valeurs chrétiennes;une pression insupportable car on insinue que si je vote Hollande, je suis une mauvaise catholique. Mais de quel droit juger ainsi les autres ?! Tout cela m’écoeure !

  • Sans rien discuter de ta liberté de choix et de conscience, mon cher René, je me permetes tout de même de discuter certaines de tes certitudes concernant le programme de François Hollande pour lequel tu t’apprêtes à voter, comme c’est ton droit.
    Résumé à gros traits, son programme économique tient en 3 points : emplois subventionnés, hausses des impôts et redistribution momentanée de l’argent que l’Etat n’a plus (et nous avec).
    Une autre manière d’envisager notre société est de constater qu’elle subit un certain nombre de blocages et que les vieilles recettes ne sont plus adpatées. un exemple : le budget des prestations sociales est un des plus élevés d’Europe : pour quel efficacité ? Un autre : celui de l’éducation nationale ne l’est pas moins (la moitié de la dépense publique) : or, l’échec est patent. Oui notre pays a besoin de réformes audacieuses, courageuses et, hélas, douloureuses.
    Et l’on peut se demander si François Hollande et la future équipe qui peut diriger demain le pays sera à la hauteur de ce défi.
    Puisque, comme toi, je suis chrétien, je vais prier pour cela !

  • Cher Antoine. Tout vote comporte une part de pari. C’est pourquoi je me garderai bien de donner à quiconque des « consignes de vote ». Mon pari est que confronté à un réel qu’il ne peut ignorer FH sera plus mesuré et réaliste que le laisse entendre son programme. Sauf à se suicider politiquement. Tu parles de « vieilles recettes » inadaptées. Mais lorsque j’entends NS nous expliquer : hors du nucléaire point de salut, alors qu’il est du simple bon sens que nous devons engager une transition énergétique vers plus d’économies et une diversification des sources, étalées sur le long terme, je me dis que les vieilles recettes ne sont pas forcément toutes dans le même camp. L’Eglise ne nous invite-t-elle pas à avancer en ce sens, vers une dépense sobre et plus écologique ?. Et agiter l’épouvantail de la suppression de milliers d’emplois dans le nucléaire sans envisager que les énergies renouvelables puissent également être créatrices d’emplois, comme aujourd’hui en Allemagne, est-ce respectueux du citoyen ? Je pourrais multiplier les exemples. Mais moi aussi je respecte ton choix. Et comme toi, je prie pour que cette élection ne soit pas source d’inutiles divisions.

  • Imaginer que le parti socialiste écoutera notre voix lorsque nous nous opposerons à lui sur la question de l’euthanasie par exemple, me semble être de la naïveté volontaire, non? De plus, le premier des droits sur lequel repose tous les autres droits est le droit à la vie. Supprimer le droit à la vie, que ce soit au commencement ou à la fin, vous supprimer tous les autres droits. C’est pour cela qu’ils sont « non-négociable ». Le plus pauvre, c’est celui qui n’a même pas le droit d’être pauvre, parce qu’on lui a enlevé la vie. Vous pouvez votez socialiste si cela vous chante, mais ne venez pas dire que c’est pour défendre les plus pauvres s’il vous plait…

  • Euthanasie ? Je ne suis pas d’accord. Normal que les « cathos » soient contre. Mais de quel droit les dits cathos imposeraient-ils leur point de vue à la République ? Imposer sa morale personnelle (ou communautaire) à tous par voie législative, c’est immoral et d’ailleurs complètement hors de portée hic et nunc et je l’espère pour longtemps.

  • @ Albert. Je crains que les choses soient moins simplistes . L’interdit de tuer n’est pas d’abord catho. Il existe dans toutes les cultures et toutes les civilisations. Allez au Louvre voir le code d’Amourhabi. Travaillez un peu le dossier sur la question de l’euthanasie et vous verrez que les opposants à une légalisation se trouvent dans toutes les familles de pensée. De plus à quoi bon légiférer sur cette question puisqu’avec la loi Léonetti on peut répondre a la quasi totalité des situations ?

  • @ René. Lire : « Je ne suis pas d’accord pour pratiquer l’euthanasie sur moi-même et encore moins sur les autres ». La suite est claire.

  • Merci René pour cet excellent article que je viens de découvrir. Ton analyse est tres pertinante et je la partage a 100%.Je ne suis pas d’accord avec toutes les réformes sociétales de François Hollande, mais je ne peux que me sentir en parfaite adhésion avec son programme, sa vision de la France et ses qualités humaines. Moi qui suis très attaché à mes valeurs chrétiennes je ne peux pas comprendre comment on peut être rebutté exclusivement par ces réformes sociétales et s’accommoder avec le discours du candidat sortant qui ne s’appuie que sur la haine de l’autre et de l’etranger, la division qui dresse les français les uns contre les autres, la démagogie, les insultes, les mensonges, la vanité, l’impudeur, et le refus du partage des richesses qui aujourd’hui ne sont concentrées qu’entre les mains d’une infime minorité! Bref tout ce qu’une éducation chrétienne nous a toujours appris à refuser. À croire que pour certains la dogmatique de l’église est plus importante que les valeurs qu’il y’a dans le message du christ.

  • Le mot « euthanasie »a plusieurs significations différentes.Soit on élimine le patient pour des raisons diverses et intéressées,soit on respecte la volonté du patient.Les patients en fin de vie(dont je fais partie)ont le droit,même « vulnérables »,’fragiles,d’avoir une volonté et une liberté..malgré leur dépendance.Il ne suffit pas d’être solidaires des »plus fragiles ».Il faut aussi savoir les respecter quand ils savent ce qu’ils veulent,si leur demande d’euthanasie est justifiée pour raisons médicales sérieuses..

  • Je suis catholique pratiquante et tout à fait d’accord avec la pOsition de René Poujol suU le vote au 2 ème tour.

    Moi aussi, je voterai François Hollande car je pense qu’il y a une montée insupportable de la misère, des injustices et de l’exclusion dans notre pays aujourd’hui et que Monsieur Hollande et son gouvernnement travailleront vers plus de justice et moins de pauvreté. Je pense aussi qu’il a un souci réel de la Jeunesse et qu’il va aider les jeunes dans leurs études et à trouver un emploi, car ce chômage, encore augmenté de 1 million, ne peut plus durer.

  • J’ai lu votre  » Liberté de Choix  » et je la respecte profondément , car parfaitement argumentée . Je retiens, notamment que vous croyez que le candidat de la gauche est suffisamment lucide pour ne pas faire prendre de risques inconsidérés à notre pays, parce que vous le sentez aussi plus ouvert à la recherche d’une forme de croissance plus sobre , moins dévoreuse d’énergies , faite de respects des équilibres écologiques et du refus du gaspillage..Enfin , parce que la plupart des organisations caritatives, dont nombre d’entre elles sont chrétiennes , tirent la sonnette d’alarme devant la monté des injustices et de l’exclusion. Et puis, dites – vous , parce que l’alternance politique est toujours un signe de bonne santé pour un grand pays démocratique comme l’est la France ! Vous avez probablement raison, en tout ca ! Malheureusement, contrairement à vous, et en raison notamment de la gravité de la crise que nous traversons , je ne saurais prendre le risque de me tromper !

  • Bonjour Monsieur,

    La Gauche, dont j’ai goûté en son temps les délices libertaires, se pense seule porteuse du gène de l’humanisme. Elle est convaincue d’être et d’aller dans le sens de l’Histoire. Et elle sait de surcroît donner à ceux qui penseront comme elle le sentiment exaltant et incontestable d’être du bon côté des choses. Le Bien en quelque sorte.
    Quand même, peut-on (essayer d’) être disciple de Jésus et donner quitus à un système politique fondé sur le refus de toute transcendance, qui s’oppose à la vision religieuse et spirituelle de l’homme selon la Révélation ? Qui s’est bâti sur le déni de toute vérité absolue et de toute morale issue de la tradition judeochrétienne ?
    Les interdits et les limites sont pour la Gauche la matière première à partir de laquelle elle tisse sa propre religion, libérer l’homme de ce qui le contraint. Je pense intimement que ce qui anime la Gauche philosophique n’est autre que rejoindre en chacun la révolte et l’insatisfaction originelles liées à notre condition mortelle. Elle sait aussi jouer de l’orgueil et du désir de toute-puissance qui nous poussent continûment à désirer dominer la vie et la mort. La Gauche qui pense aller dans le sens de l’Histoire va plus sûrement dans le sens du poil, flattant finalement les pulsions et les instincts tout en annonçant un homme nouveau enfin libre. Cela s’explique par sa conviction que le Mal est extérieur à l’homme, et qu’il importe de changer la Société, de repousser les limites et d’accroître les droits et les libertés.
    Indéfiniment.
    Concernant les lois qu’elle se propose d’inscrire dans la vie des Français, je suis extrêmement inquiet. Pourquoi ? Je comprends que l’on ne partage pas ma vision des choses, et je ne réduis pas les hommes, de gauche et de droite, aux idées qu’il défendent, mais je tiens à dire que dès lors que la vie perd son caractère sacré, issu de la révélation biblique, c’est toute la chaîne de la vie qui s’en trouve altérée et blessée. Je n’ai pas la force de développer ici ce qui a forgé ma conviction, cependant je peux affirmer avoir compris que si l’on commence, et on a commencé, à relativiser la valeur de la vie, il n’y a plus rien qui puisse permettre de décider de qui sera trouvé ou non « digne » de vivre. Cela s’appelle un pas décisif vers une société eugéniste. Ce qu’Hitler et ses voyous homicides n’ont pas réussi à instaurer (au nom du Progrès, eux aussi, déjà …), le sacro saint Humanisme moderne le légaliserait ?
    Comment vivre dans une société où l’on ne sera jamais certain qu’ « en cas de malheur », nous ne serons pas considérés d’emblée, au nom d’une compassion et d’une dignité dévoyées, comme des aspirants à la mort ‘douce’ … De plus, tout est lié, le relativisme moral, tristement partagé par la Droite et la Gauche, ne peut que propager l’endurcissement des cœurs, et il n’y a qu’à constater la montée du cynisme et de la barbarie, l’érotisation galopante des esprits (dont la concomitance, à moins de s’aveugler soi-même, est l’explosion des violences sexuelles), l’accroissement des états dépressifs et du mal-être, la consommation compulsive et l’argent-roi intronisé de fait.
    Il ne faut pas opposer défense de la vie, morale, avec pauvreté et justice sociale. Je pense là à Mère Teresa qui affirmait, les mains dans la pâte humaine, que l’avortement de masses empêchait plus sûrement la Paix que tout autre cause objective.
    Je me considère moi-même comme une personne fragile, et je redoute la mise en place d’une société où insensiblement l’amour se refroidira toujours plus, conduisant insidieusement à une sorte de « guerre de tous contre tous » envisagée par Thomas Hobbes.

    Alors, pour quoi et pour qui voter ? Je ne sais que faire personnellement, je dois le dire simplement. Je suis certain que ce dont nous avons besoin, ça n’est pas d’abord un homme ou une femme politique plus ou moins apte à gérer un État, encore moins à faire rêver les foules sentimentales, c’est d’un idéal de vie commune fondé sur l’amour dans la vérité. Nous avons besoin de prophètes, doux et humbles de cœur, qui nous exhortent à nous convertir ici et maintenant, à désirer le bonheur que Dieu promet en cette vie tout en priant pour notre vie éternelle. Redécouvrir notre vocation de sel de la Terre et de lumière du monde. Évangéliser M. Hollande et M. Sarkozy, n’est-ce-pas aussi cela la nouvelle évangélisation ? Le faire en votant F. Hollande, comme vous semblez en faire l’hypothèse (pourquoi pas M. Sarkozy ?), me semble illusoire à cause de ce que je crois avoir compris de cette idéologie, mais je comprends que l’on veuille croire en ce chemin-là.

    Nous sommes-nous résignés à remettre à d’hypothétiques lendemains la Venue de Jésus-Christ ? Dieu attend peut-être que nous exprimions un désir ardent que se propage le feu promis par Jésus. Voyez comme il est difficile d’être dans le monde sans être du monde. On dirait qu’en nous se combattent sans cesse le vieil homme et ses suggestions d’ordre temporel et l’homme intérieur qui aspire à plus et à mieux
    que la promesse du monde. Très fraternellement. JMA

  • Merci à vous et à ceux qui laissent leurs commentaires de nourrir notre réflexion.

    Reste qu’en ce qui concerne le début et la fin de la vie, les considérer plus particulièrement ne me semble pas réducteur de la durée de la vie humaine ; au contraire ils m’apparaissent être les fondements sur lesquels repose notre vie favorisant ou non l’épanouissement de notre humanité.
    Le traitement qui en est fait par la loi rend licite les actes qui y portent atteinte. Invisiblement cela affecte toute notre vie par l’acceptation d’actes qui donnent la mort et nous font entrer en « connivence avec elle ». La Bonne Nouvelle en Jésus-Christ ressuscité n’a aucune connivence avec la mort ! (Je me réfère en cela au travail d’analyse en profondeur fait par Simone PACOT dans l’évangélisation des profondeurs). Entre la naissance et la mort bien sûr il est essentiel et urgent de choisir ce qui donne à l’homme – dans toutes ses composantes – la plus grande dignité mais si le soubassement est pollué comment bien marcher ?
    L’essentiel, la meilleure part n’est-il pas invisible pour les yeux ?

  • Je suis très touchée par le commentaire de Jean Marie Achéritéguy. Un message écrit avec le coeur, j’ai pu le ressentir ainsi.

    Il résume parfaitement la difficulté à la quelle nous sommes confrontés nous les chrétiens dans cette 2ème tour. Choisir entre la défense de la vie ou la justice sociale. Je demande seulement à l’Esprit Saint de m’éclairer et prendre la meilleure ou moins mauvaise décision.

    Mais je partage complètement l’avis du JMA, nous avons besoin des prophètes, de hommes et des femmes doux et charitables, exemples vives de Jésus. Nos hommes politiques, de droite ou de gauche, sont loin, très loin de cet idéal, malheureusement. Et je suis d’accord avec JMA qu’une fois qu’on commence à relativiser la valeur de la vie, tout l’ensemble commence à tomber en morceaux.

    Moi non plus, je n’ai pas le courage pour parler de ma conversion, mais il y a des choses qu’on comprendre d’un seul coup, difficiles à partager, mais qui nous inspirent dorénavant et les moindres détails, les moindres gestes, ont aussi une grande importance.

    Ma difficulté pour choisir réside en cela, il y a dans les programmes de chaque candidat, des conceptions sur la société terriblement incompatibles avec mes croyances. En fait, il y a un grand vide, un très triste vide dans ces deux candidatures…..

    Daniela

  • Certains commentaires montrent le dilemme qu’engendre le choix de Hollande, défense de la vie ou la justice sociale. Toutefois le choix est vite fait, en se basant sur le but de la création: louer, aimer et servir Dieu. Le droit à la vie est directement lié à ce but et surtout fait partie des prérogatives de Dieu. Pas la justice sociale. Le but de l’humanité n’est pas de connaître le bonheur ou la justice ici-bas.

    Prétendre qu’on peut choisir la justice sociale au détriment du droit à la vie, c’est méconnaître totalement la raison de l’existence de l’homme et considérer que ce qui est important, c’est ce qui se passe sur cette terre. Et bien non, la souffrance, l’injustice fait partie de cette vie, cela découle de la faute originelle (l’homme n’était pas sensé souffrir).

    Je finirai avec cette parole bien connue: « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu ». La vie appartient à Dieu selon la doctrine catholique, donc il ne revient pas à l’homme d’en disposer, il ne lui revient pas le droit de légiférer de manière absolue sur la question. Il n’y a aucune comparaison entre ces 2 droits, car le droit à la vie est directement lié à l’ordre naturel, donc à Dieu. Et prétendre que l’ordre naturel est une pure invention humaine, c’est considérer que la loi de la gravité est une apparence. Pourquoi ce qui est admis en physique n’est pas concevable en métaphysique ?

  • Deux mots simplement pour dire mon désaccord avec Helvète dont je publie néanmoins le post. Toute la tradition biblique insiste précisément sur la notion de Justice comme étant « la » marque de Dieu dans son alliance avec son peuple. « Un Dieu de justice et de paix ». Donc déconsidérer cette dimension au nom d’une priorité absolue à accorder à la défense de la vie à son origine ou à son terme me semble être une position erronée. Je préfère l’expression : « de la vie naissante jusqu’à son terme naturel » qui sous-tend la valeur de la vie humaine tout au long de l’existence. Or, comment cette vie pourrait-elle être réellement humaine sans justice ? Ce type de raisonnement permet d’accepter des situations dramatiques comme dans nombre de pays latino-américain (je pourrais prendre d’autres exemples) où l’interdiction par l’Eglise de toute contraception artificielle (au nom de la loi naturelle ?) conduit des femmes à mettre au monde plus d’enfants qu’elles ne peuvent en élever, les condamnant ainsi à vivre dans la misère matérielle et donc, le plus souvent, morale !

  • Excusez-moi, mais il y a une chose que je ne comprends pas dans certaines interventions: respecter la vie naissante, refuser l’avortement, d’accord. Mais ni Nicolas Sarkozy ni François Hollande n’ont annoncé leur intention de supprimer le droit à l’avortement. Comment ce seul argument peut-il être pris en compte pour préférer l’un à l’autre?

  • @Monique. Les questions liées à l’avortement n’ont guère été évoquées que par Marine le Pen pour regretter que l’avortement soit remboursé par la SS « être enceinte n’est pas une maladie », et par François Hollande s’engageant à garantir que le « droit à l’avortement » (qui en fait n’est pas un droit mais une simple dépénalisation) soit effectif à travers le territoire. Pour le reste l’argument le plus souvent entendu, chez certains, durant cette campagne était d’évoquer l’aspect « non-négociable » c’est-à-dire susceptible d’aucun compromis de la part des catholiques, concernant les propositions du candidat socialiste sur l’euthanasie, le mariage homosexuel et l’homoparentalité, au motif qu’il s’agit-là de dispositions « contraires à la loi naturelle » voulue par Dieu et que la loi n’est pas légitimée à modifier ce que Dieu a voulu inscrire dans la Création. Pour les tenants de cette analyse il était clair que le vote en faveur de NS hostile à ces évolutions sociétales s’imposait.

  • « Faudrait-il, au nom de principes prétendument «non-négociables» réduire les éléments de choix aux seules considérations portant sur le début et la fin de vie, comme si la dignité de la personne humaine ne dépendait pas aussi des conditions de vie qui lui sont faites dans cet entre-deux qui dure… »

    Excusez-moi mais, pour la victime de l’avortement, « l’entre-deux » ne dure pas très longtemps!

  • @Ursus. Je n’ai pas retenu des débats que quiconque, parmi les candidats, ait inscrit dans son programme le retour à la pénalisation de l’avortement. Votre réflexion – purement polémique – est donc sans objet.

  • @ rene: Je me suis mal exprimé. Je voulais dire que la question des conditions de vie dans l’entre-deux ne se pose que pour les survivants.

  • @Ursus. Excusez-moi mais c’est jouer sur les mots. Mettre l’accent sur « les survivants » c’est remettre la question de l’avortement au cœur du propos. Surtout lorsqu’on écrit que la question des conditions de vie dans l’entre-deux ne se pose QUE pour les survivants. Pour ma part les conditions de survie de milliards d’hommes et de femmes sur la planète ne me semble pas être une question seconde.

  • Nous voici presque 1an après le changement de gouvernement et personnellement je suis pessimiste pour l’avenir.
    Peut être que les année me donneront tord mais laisser la richesse de notre pays partir , n’est surement pas la meilleur des solutions.

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