Personnes-âgées : notre solidarité survivra-t-elle au coronavirus ?

Personnes-âgées : notre solidarité survivra-t-elle au coronavirus ?

Sans un autre projet collectif économique et social, notre compassion du moment disparaîtra avec les premières difficultés. 

Où chercher la vérité ? Cette pensée m’occupe l’esprit au moment où la presse déborde d’analyses antagonistes sur l’après coronavirus. Rien ne sera-t-il jamais plus comme avant, ou tout sera-t-il, à l’inverse, conforme au passé… parfois en pire ? Cette question me harcèle, notamment en ce qui concerne l’avenir des personnes âgées qui, pour l’heure, bénéficient de notre compassion. Saurons-nous leur redonner leur juste place parmi les vivants ou choisirons-nous d’anticiper leur départ parmi les morts ? 

Les personnes âgées, principales victimes de la pandémie

Des statistiques récentes, non définitives, font état de 10 000 décès du coronavirus dans les Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Auxquels ajouter un nombre équivalent en milieu hospitalier. Les personnes âgées ont donc payé un lourd tribut au covid19. Ce qui était hélas prévisible, dès les premières observations cliniques des effets de la pandémie. Et il faut se réjouir que notre société ait fait collectivement le choix de « sauver des vies » par priorité, fussent-elles des fins de vie, plutôt que de sauver d’abord l’économie. Même si un tel arbitrage trouve forcément ses limites dans la durée, sauf à compromettre l’avenir du pays et donc menacer aussi d’autres vies, bien que différemment ! 

J’entends bien que tout n’a pas été fait, partout, pour que la dignité des personnes puisse être préservée dans des conditions idéales. Tout a été dit sur le sujet : la souffrance de l’isolement lorsque les proches se voient interdire l’accès des établissements pour cause de confinement ; parfois le fait de mourir seul, sans la présence d’un être aimé… et pour eux : fils, fille, conjoint…  la même incompréhension de n’avoir pu tenir la main de celle, de celui, qui mourait. Souffrance, pour des croyants de toutes religions, de n’avoir pu être assistés au moment du grand départ, par l’aumônier qui leur aurait apporté des paroles de réconfort, de consolations ou de pardon. Souffrance pour ceux qui restent, lorsque, venant de loin, ils se sont vu interdire un dernier regard sur leur mort dont le cercueil avait été scellé. Souffrance d’obsèques vécues dans l’urgence et le désarroi… en l’absence d’amis proches.

Un désarroi sincères après l’expérience du pire

J’ai entendu l’expression d’une compassion sincère pour nos aînés. J’ai enregistré les promesses faites d’un « plus jamais ça » qui sous-tendait l’augmentation des effectifs de personnel en Ehpad, pour les rapprocher sinon les aligner, sur les quotas en vigueur dans les pays d’Europe du Nord. J’ai noté l’urgence à revaloriser les salaires des « travailleuses de l’ombre » que sont, également, les aides à domicile… et qui, dans ce temps de confinement, ont pris tous les risques. Mais je conserve la mémoire du passé.

J’ai connu les affres d’Alzheimer avec mon père puis ma belle-mère. Quasiment dix ans pour l’un et pour l’autre. J’ai vu mon épouse aux prises avec les pesanteurs administratives du secteur hospitalier – malgré la bonne volonté de beaucoup – durant les cinq années où elle a présidé une association des familles dans l’un des principaux hôpitaux gériatriques d’Ile-de-France. J’ai vécu, dans la décennie 1990, l’expérience professionnelle passionnante, comme directeur de journal, du magazine Entour’Age lancé par le groupe Bayard à destination des «aidants » familiaux ou professionnels. (1) Et la difficulté à faire vivre un titre dont les familles n’avaient aucune raison de poursuivre la lecture au-delà du décès de leur proche, et que les aides  à domicile n’avaient pas les moyens de se payer… ni leurs associations de leur offrir, même au titre de la formation permanente. Ce qui signa l’arrêt de mort du titre.

Durant toutes ces années j’ai été témoin du dévouement et de l’épuisement de l’entourage des personnes âgées. Et de l’immense solitude d’une majorité d’entre elles qui n’avaient jamais aucune visite. J’ai vu les ministres de la santé et de la solidarité, de toutes sensibilités politiques, se succéder, mettre en place des commissions et conclure leurs travaux. Je les ai entendus défendre, à tour de rôle, l’opportunité de créer un « cinquième risque » tout en s’interrogeant sur les modalités de son financement… On attend toujours !

Aujourd’hui, j’entends affirmer, au regard de la pandémie et de ces mois de confinement que l’après sera différent de l’avant ; que la France solidaire et généreuse survivra à ce tsunami sanitaire, économique et social ; que nos « vieux » resteront une priorité quoi qu’il arrive car, chacun le sait : « on juge une société à la place qu’elle réserve à ses aînés. » Et nous sommes collectivement tellement fiers du combat mené pour les protéger… 

Et pourtant, je doute…

Pourtant, je doute ! Je doute parce que demain un certain effondrement économique et social risque d’être cruel pour des millions de personnes, une fois taries les largesses nécessairement provisoires de l’Etat. Je doute parce que face aux urgences qui solliciteront notre solidarité, il faudra faire des choix. Et qu’au moment d’arbitrer entre : jeunes ou handicapés en recherche d’emploi, femmes seules avec enfants, artisans, commerçants, agriculteurs, salariés en réinsertion et… personnes âgées en perte d’autonomie, la notion de « reste à vivre » pourrait bien apparaître, consciemment ou non, comme un critère possible pour hiérarchiser les priorités. Je doute parce que je ne vois pas comment revaloriser vraiment les rémunérations des aides à la personnes au point de rendre ces métiers désirables, sans garantir dans le même temps la solvabilité de leurs bénéficiaires dont les retraites auront sans doute subi le contrecoup de la  crise. Je doute parce que je ne vois pas davantage où trouver, dans l’immédiat, les moyens de financer un « revenu universel » qui assurerait cette solvabilité. Je doute enfin parce que j’imagine qu’au milieu de tant de contraintes, certains ne manqueront pas de réévoquer ce « droit de mourir dans la dignité » qui plait à nos concitoyens et dont “pourraient bénéficier“, par priorité, les personnes en fin de vie ou très âgées. Celles-là même que nous avons tant à cœur aujourd’hui de préserver du coronavirus…

La solitude des « aînés », une vieille histoire ! 

Je ne fais ici aucun procès à personne. Si je décris ce qui pourrait advenir de pire, c’est pour nous inviter à imaginer et vouloir le meilleur. Mais cela passera par une épreuve de vérité. Au-delà de nos propres parents et grands parents, que nous aimons, sommes nous sûrs de vouloir vraiment défendre jusqu’au bout ces vies anonymes, abimées, solitaires  ? Et jusque dans nos propres familles ! 

On me permettra d’évoquer ici deux autres souvenirs professionnels. Fin des années 1980 : pour rajeunir l’almanach du Pèlerin dont les ventes s’étaient érodées au fil des décennies, j’avais imagine lui adjoindre un cahier séparé, de trente-deux pages, sorte de « livre blanc de l’année » offert au lecteur. Il pourrait y noter, sur une page dédiée, les fêtes et anniversaires à souhaiter, garder la mémoire de ce qui allait marquer les mois à venir, coller des photos adressées par ses proches, un faire part, un dessin d’enfant, des coupures d’articles de presse relatant fêtes locales, événements sportifs ou religieux, repas des anciens… Comme tout projet, celui-ci fut testé auprès d’un échantillon de lecteurs potentiels ! Ce fut une catastrophe ! Le cahier, pourtant séduisant dans sa forme, fut rejeté sans appel. J’entends encore le responsable de l’étude (2) nous rapporter ce propos d’un lecteur : « Mais, monsieur, il ne se passe jamais rien dans nos vies… » L’angoisse de la page blanche devenait celle du cahier blanc, de la vie en blanc ! 

Quelques années plus tard, je proposai, à l’adresse de nos publics les plus âgés, fragilisés par la grande vieillesse, la solitude et/ou la maladie, le lancement d’un magazine quinzomadaire au format de poche, dont le nom de code était : l’Ami. Il y avait là, avant l’heure, adaptée à la presse papier, l’intuition de ce qui allait faire le succès des réseaux sociaux grâce à internet. Fournir, à travers un magazine proche et chaleureux, un lieu d’échange, de soutien, de convivialité, de réconfort. Le numéro “zéro“ testé pour mesurer le marché comportait, entre autres rubriques, une enquête. Je l’avais souhaitée proche du vécu de nos lecteurs, riche d’expériences vécues et de témoignages… Le même cabinet de marketing fut chargé des tests. Ils furent également catastrophiques… à cause de l’enquête. Son thème, pourtant, visait juste : « Je suis sans nouvelle de mes enfants depuis des mois». Tellement juste qu’il avait fait monter chez le lecteur une angoisse trop grande pour lui rendre le reste acceptable. Le  reflet du miroir était insupportable car impitoyable. C’était d’évidence une faute de ma part. J’eus beau plaider qu’une autre enquête eût donné des résultats différents, le projet fut abandonné. 

Si nous le voulons vraiment…

Pardon de ces longueurs. Mais ces expériences journalistiques : Entour’Age, L’almanach du Pèlerin, l’Ami… et la connaissance qu’elles nécessitaient, de ma part, d’un public âgé, me donnent à penser que cet abandon des « vieux » qui, aujourd’hui suscite notre réprobation et notre compassion parce qu’il débouche sur des morts dont nous avons honte, sont hélas, depuis longtemps, la réalité de nos sociétés. L’après pandémie ne diffèrera pas de l’avant. Sauf si nous en décidons autrement, si nous le voulons vraiment ; si nous en acceptons le coût ; si nous choisissons, collectivement, derrière un projet économique renouvelé : de nouveaux modes de vie où l’être l’emporterait sur l’avidité consumériste. Sauf si nous savons prendre le temps d’affiner, d’humaniser notre regard pour “envisager“ enfin comme des personnes, ces aînés que nous ne savons plus voir. 

(1) La rédaction en chef en était assurée par Joëlle Chabert.

(2) Les tests étaient réalisés alors par la cabinet WSA dont l’un des co-fondateurs et co-dirigeants, Georges Sanerot, devint ultérieurement directeur puis Président du directoire de Bayard. 

36 comments

  • Cher René,
    Soyez aussi prolixe que nécessaire sur ce type de sujet. Exprimer votre expérience personnelle, les enseignements que vous en tirez, les questions que vous vous posez, sont bien plus précieux pour le quotidien des vies, que d’autres sujets vaticanesques et polémiques à l’infini. Dans ce billet on ressent toute votre humanité.
    Vous auriez pu associer la solitude des personnes handicapées. Je connais bien le sujet puisque j’en fais partie, vivant en fauteuil roulant électrique depuis les années, en sorte que le confinement, ce n’est pas pour moi une cinquantaine de jours, mais une très grande partie de toute l’année, tous les ans.

    Sur le doute et la solitude que vous évoquez. C’est indéniable. Alors évoquons une brèche de lumière, dans le concret et le vécu, j’expose ceci :
    Une de mes filles a décidé d’accueillir au sein de sa famille ses beaux-parents dans leur grande maison (avec bien entendu l’accord du mari et des enfants), sans qu’une quelconque échéance ne soit fixée.
    Ce sont les nouvelles conditions de travail, notamment télétravail, qui ont permis concrètement cela. Pour l’instant les modalités demeurent mêmes si elles prennent de nouveaux aspects suite au déconfinement. Pour l’instant il n’est pas question que les beaux-parents âgés retournent chez eux. Dans la situation personne « ne se sacrifie » au contraire. Une relation s’est renouvelée. Elle n’a jamais été mauvaise, mais elle s’approfondit, pour la joie des petits-enfants et celle des grands-parents. Chacun y trouve sa place et son service à la mesure de ses possibles et avec allégresse. La préoccupation du mari « qu’est-ce que mes parents vont devenir ? » est totalement tombée aux oubliettes. Ils vont devenir ce que chacun aidera à ce qu’ils soient.
    Cette situation concrète que j’expose n’est certainement pas unique en France ! L’humanisation du regard fait son chemin, car les circonstances ont donné à tous l’occasion de réfléchir. Et si ce n’est pas tous, c’est sans doute un grand nombre. Tout au moins ceux et celles qui ont une conscience éclairée. On devrait normalement y retrouver bon nombre de chrétiens, ça fait quand même encore un peu de monde…

    J’y vois là une petite illustration de spiritualité humaniste mise en pratique. Ma fille est chrétienne. Son mari est bouddhiste.

    • Merci pour votre commentaire. Il entre en résonnance profonde avec mes propres convictions. Mais je pense n’avoir pas compétence à parler de tout et de rien, sauf pour ne rien dire… D’où ce billet sur un sujet que j’ai beaucoup travaillé ; et le fait que mon domaine de prédilection, est tout de même la vie de l’Eglise et ses rapports avec la société, thème de mon dernier livre.

      Je comprends donc et partage votre propos. Sauf que je suis bien obligé de constater la réalité. Or la réalité, pour mon blog comme pour n’importe quel média, est qu’une bonne polémique fait plus d’audience qu’un sujet comme les personnes âgées. Un seul exemple : mes billets antérieurs sur le déconfinement des églises et le Trombinoscope de Golias, ont été lus, rapidement, par 1 000 personnes, avant de grimper au-delà (plus de 6 000 pour le premier et 1 700 partages sur Facebook). Ce matin, le compteur indiquait 300 lecteurs et environ 80 partages… Je ne veux pas être immodeste : sans doute la qualité de l’article est-elle en lien direct avec le nombre de partages. Mais lorsque, spontanément, 300 personnes seulement vous lisent dans le même temps où, sur un autre sujet, ils sont 1 000… c’est que le sujet ne les intéresse pas.

      Et si le sujet ne les intéresse pas, c’est que les personnes dont parle le sujet ne les intéresse pas davantage. Et que nos larmoiements du moment sur le sort réservé aux personnes âgées dans ce confinement ne sont que des larmes de crocodiles. CQFD

      • Triste constat en effet, René, mais rappelez-vous le mot de St François de Sales : « Le bien ne fait pas de bruit, et le bruit ne fait pas de bien ».

  • Objectivement non est sur face à d’autres pprorités, sentimentalement j’espère que oui.

    Non car, une clé sera la situation financière collective: les comptes publics.En déficit de 2400 milliards après les gilets jaunes, il va être très vite à 3000 et plus.
    Non car l’autre clé majeure va être la reprise « comme en 14 »!
    Et il y l’attente d’une meilleure reconnaissance justifiée des soignants, des enseignants, des éboueurs?
    Non enfin, et celui-là est majeur parce qu’une économie collective efficace suppose un ratio entre revenus les plus élevés et les plus faible de l’ordre de 12 alors qu’il est de l’ordre de 40 000. La foire d’empoigne entre fauves ne va pas être stoppée par le covid.
    J’entends ce que vous exprimez René, et nous avons tous, d’une manière ou d’une autre vécu le vieillissement d’être chers, côtoyé des situations de suicides y compris de jeunes.
    Et j’entends cette femme qui, il y a 20 ans a été comme une mère demander « Jean-Pierre, qu’est-ce que je fais encore là? » à presque 100 ans, loin des quelques proches qui lui restaient et oubliée parfois aux toilettes pendant des heures geignant. Je vois une très proche en Ehpad à 500 km qui a contrairement à bien d’autres quelques visites (hors confinement), qui correspond par internet et dont l’esprit reste vivace et curieux.
    Je sais les efforts faits et que la plupart des ehpad sont tout de même mieux que ce que furent les établissements gériatriques départementaux et autres qui n’existaient pas auparavant.
    L’impact du covid sur la mortalité en ehpad sera appréciée dans quelques mois, elle est, hors covid de 25%, c’est à dire qu’un séjour dur en moyenne 4 ans.
    Vu votre intérêt pour ce sujet, je signale deux documents:
    http://www.apsp-paca.net/documents/LAFINDEVIEENEHPADCBERNARD.pdf
    – Passage des émigrants, roman de Jacques Chauviré, Gallimard 1972 (l’auteur, médecin gériatre a dirigé le centre hospitalier des Monts d’Or et était un ami d’A Camus)

  • Hélas, René, vos craintes sont fondées si on se rappelle ce que Jacques Attali écrivait en 1981 dans un livre d’entretiens avec Michel Salomon intitulé « L’avenir de la vie ».
    Question de Michel Salomon : « Est-il possible et souhaitable de vire 120 ans … ? »
    Jacques Attali : « Dès qu’on dépasse 60/65 ans, l’homme vit plus longtemps qu’il ne produit et il coûte alors cher à la société. D’où je crois que dans la logique même de la société industrielle, l’objectif ne va plus être d’allonger l’espérance de vie, mais de faire en sorte qu’à l’intérieur même d’une durée de vie déterminée, l’homme vive le mieux possible mais de telle sorte que les dépenses de santé seront les plus réduites possible en termes de coûts pour la collectivité (…) en effet du point de vue de la société, il est bien préférable que la machine humaine s’arrête brutalement plutôt qu’elle ne se détériore progressivement (…) je suis pour ma part, en tant que socialiste, objectivement contre l’allongement de la vie parce que c’est un leurre, un faux problème. »
    Question de Michel Salomon : « Le monde à venir, « libéral » ou « socialiste », aura besoin d’une morale « biologique », de se créer une éthique du clonage ou de l’euthanasie par exemple ? »
    Jacques Attali : « L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figure. Dans une logique socialiste, pour commencer, le problème se pose comme suit : la logique socialiste c’est la liberté et la liberté fondamentale, c’est le suicide ; en conséquence le droit au suicide direct ou indirect est donc une valeur absolue dans ce type de société.
    Dans une société capitaliste, des machines à tuer, des prothèses qui permettront d’éliminer la vie lorsqu’elle sera trop insupportable, ou économiquement trop coûteuse, verront le jour et seront de pratique courante. Je pense donc que l’euthanasie, qu’elle soit une valeur de liberté ou une marchandise, sera un des règles de la société future. »

    • Merci ! Je connais bien ce texte de Jacques Attali que j’ai souvent cité : ici, dans de nombreux billets, comme dans mon livre. J’entends, ces jours-ci, dans les médias qu’il prophétise sur les métiers d’avenir – après la pandémie – en expliquant de tous les méiers qui ont un lien avec la vie…

  • Merci René pour ce bel article. Je suis tout aussi sceptique que vous concernant un éventuel changement de mentalité dans la société par rapport aux personnes âgées. Espérons toutefois que l’avenir nous donnera tort !

  • Bien évidemment la place des plus âgés et plus généralement dans la société est une question fondamentale qui révèle la conception que nous nous faisons de la personne humaine et de sa relation a l’autre .Je serai néanmoins moins pessimiste que le ton de ce billet .
    – D’abord parce que que nous venons de le voir avec cette crise , la solidarité reste une valeur largement partagée .
    Ensuite parce que la prospective pour intéressante qu’elle soit ne dit rien du futur mais extrapole seulement des scénarios à partir du présent. Les écrits de J Attali et consorts peuvent au contraire nous éclairer sur les choix à ne pas faire des à présent (le regroupement des personnes âgées dans des structures collectives difficiles à financer est il vraiment La solution ?)
    Enfin parce que la situation des personnes âgées dépendantes ne relève pas exclusivement des politiques publiques mais aussi des proches et descendants .Et sur ce point je crois que nous avons fait d’énormes progrès (il suffit de relire Maupassant pour s’en apercevoir )
    Bien sûr il ne s’agit pas de tomber dans un optimisme béat et il convient d’être très vigilant contre le risque de ne considérer que les critères de la rentabilité financière.

    Comme le dit mon fils médecin urgentiste confronté à cette réalité ou l’on doit parfois prioriser ceux que l ‘ on soigne et ceux qu’on laisse mourir : les vieux ils ont une histoire à raconter .
    L’utilité sociale non marchande est aussi une valeur de notre société .Le sort que nous faisons aux personnes âgées la révèle .Je ne crois pas qu’elle soit en péril.

    • Je crois que la crise actuelle liée à la pandémie révèle en chacun le meilleur ou le pire de l’homme, et j’ose espérer avec vous, sans en être certain, que vous avez raison d’être moins pessimiste que René.

  • La spiritualité de la personne âgée, celle de sa famille, de la société sont déterminantes pour répondre à la question posée. Si le commandement « aimez vous les uns les autres comme Dieu vous aime », si l’Espérance moteur de la Foi et de la Charité, modèle durablement notre comportement et celui de la société, les enfants, petits enfants, voisins se préoccuperont de leurs ainés non par devoir mais par amour. N’oublions pas, toutefois que l’allongement de la vie peut transformer cet amour pour les ainés en un sacrifice plus ou moins bien assumée.
    Pour la majeur partie de la société, non animé par l’Espérance et le Foi, reste le devoir naturel à l’égard des personnes âgées en priorité de sa famille mais aussi des autres directement ou via des associations. Le nouvel envol des ventes de « la peste » de Camus montre l’ intérêt de la société pour le dévouement exemplaire de son héros le docteur non croyant.
    Mais ce sens naturel du devoir d’une société devenue individualiste non animée par l’amour du prochain est fragile. Il est donc légitime de s’inquiéter du transfert de ce devoir personnel envers nos ainés à la puissance publique envers laquelle la société devient de plus en plus exigeante même en période de crise que les pays occidentaux affrontent avec des arbitrages en faveur de l’essentiel ! N’oublions pas, non plus les conséquences d’un progrès dévoyé selon lequel l’euthanasie est un progrès de la société fatale pour certains de nos ainés et moins couteux que les soins palliatifs.
    Bref l’inquiétude est légitime.

    • L’inquiétude est légitime mais je ne partage pas votre pessimisme alors que l’humanité a, vaille que vaille, relevé de sacrés défis ces 150 dernières années, et pas que le grand âge. Peu et doit mieux faire, oui d’autant que d’autres défis ont remplacés les anciens (comme multiplication par 7 de notre nombre, défis environnementaux, équilibres géopolitiques). Désespérante, non! N’ayons pas peur.

    • « Mais ce sens naturel du devoir d’une société devenue individualiste non animée par l’amour du prochain »
      Benoît, je ne comprend pas pourquoi vous avez écrit cette phrase ? Pensez-vous réellement que notre société est « moins animée par l’amour du prochain » que ne l’était la société il y a 50 ans, 100 ans, 1000 ans ? Sur quels critères objectif pourrait-on dire cela ?

      La société à globalement bien accepté un confinement dont l’une des motivations les plus légitimes était la protection des plus fragiles. Est-ce donc la marque d’une société « non animée par l’amour du prochain » ?

      J’ai parfois l’impression qu’une certaine aile de l’Eglise nous a tellement seriné sur une prétendue « culture de mort » de notre époque que cela nous empêche d’y regarder la Foi, l’Espérance et la Charité qui s’y trouvent.

  • Vous avez raison, René Poujol, de soulever le voile.
    Les conversations qui ont suivi votre note sont suggestives.
    Une personne âgée aujourd’hui peut-elle avoir vraiment confiance dans ceux qui l’accompagnent ?
    Je n’ose pas donner de réponse… Je ne sais pas…
    Suis-je pessimiste ? Ou déjà trop vieux ?
    Les deux, je le crains, mais un espérant…

  • Je ne connaissais pas le texte de Jacques Attali.
    Effrayant, en tout cas ne donne pas beaucoup d’espérance…

    • Attali joue à nous faire peur – c’est comme ça que l’on vend des livres 😉
      (de fait, la pastorale de la Géhenne de Feu était très efficace pour attirer les « fidèles »).

      Pour le plaisir, on peut aussi lire le début de cet article (des prédictions écrites en 1970): https://www.contrepoints.org/2013/05/14/124295-les-13-pires-predictions-du-jour-de-la-terre-de-1970

      Celle-ci par exemple : « Le monde s’est brusquement refroidit depuis à peu près vingt ans. Si la tendance actuelle se confirme, la température moyenne du globe aura baissé de 4 degrés en 1990, et de 11 degrés en 2000. C’est à peu près deux fois ce qu’il faudrait pour nous retrouver dans une ère glaciaire. » – Kenneth Watt.

      Tout cela n’étant évidement pas une raison pour tomber dans l’angélisme. Prions comme si l’action ne sert à rien, et agissons comme si la prière était insuffisante !

  • Où chercher la vérité ?
    « Jean-Pierre, qu’est-ce que je fais encore là?  »
    Merci pour ces bonnes questions…
    Peut-être que les réponses sont en chacun de nous?

    En fait, comme tous les « jeunes ! » de mon âge, je pense avoir eu une vie bien remplie, loin des préoccupations du type « 35 heures ». Et comme tous les « jeunes ! » de mon âge, je me suis retrouvé devant un grand vide, marqué par une inversion de mon activité, dans le temps, tournée vers les autres qui me paraissait avoir besoin de mes services, actuellement plutôt tournée vers moi, car les autres ne me paraissent plus avoir besoin de mes services, voire, d’être plus ou moins indifférents à ce que je pense. Mentionnons aussi le fait fondamental que le langage a évolué rendant toutes idées source de malentendus, voire incommunicables…Avez-vous essayé de regarder un film en Français québécois ? ou fait par des jeunes utilisant un « langage de jeune » ? Avez-vous essayé de projeter un vieux film qui a marqué votre enfance, par exemple dans un but éducatif, à un groupe de jeune ? Essayez, le résultat est surprenant.
    Prenons un exemple plus courant : J’ai assisté par YouTube interposé, à une messe dite par le pape François en commémoration de l’anniversaire de la mort de St Jean Paul II, au cours de laquelle notre pape, tournant le dos au peuple, ne m’a pas paru très à l’aise…Certes, cela m’a rappelé l’époque où le vicaire pointait nos « cartes de messe », cependant il m’a semblé qu’il ressortait de cette messe une tristesse peu compatible avec la Joie du Mystère Pascal.
    Peut-être aussi qu’une fois de plus, notre église va « rater le métro », à tort ou à raison… »That is the question » ?
    Voulez-vous me permettre de « pinailler » un peu?
    Prenons, par exemple la formule: «Défendre la vie de son début jusqu’à sa fin ». Il me semble que tout la problématique liée à cette formulation se résume à une définition de la vie ou celle de la Vie. Donc que s’il nous faut chercher une Vérité, elle me semble découler de cette notion fondamentale :
    – Si je parle de la vie, alors, elle commence à la fécondation, se déploie dans un environnement protégé, puis plus ou moins hostile et se termine, du moins physiquement avec la dilution finale de tous ses composants dans la nature. Il en découle donc un acharnement pour maintenir ces composants fonctionnels le plus longtemps possible, acharnement dont fait partie la mise en IHPAD de nos ainés qui attendent ainsi « la fin naturelle de leur vie ». Dans ce cadre, il nous reste d’attendre la fin des temps, comme l’espéraient proches les premières communautés chrétiennes. On comprend alors que la facilité des communications entre les différentes communautés du monde entrave la transmission d’une parole non enchâssée dans une tradition mondiale commune.
    – Si je parle de la Vie, alors le contexte est totalement différent, car son début est hypothétique, plus ou moins bien expliqué par une théorie contestée du « Bing Bang ». Quant à sa fin, elle ne coïncidera certainement pas avec celle de l’humanité, du moins sur Terre ! Alors, en pratique, quel est le sens profond de cette formule ? Notons que dans cette acceptation, l’encyclique « Laudato si » s’y insère parfaitement, l’Eucharistie y trouve une place de choix, et Pâques y exprime toute sa signification profonde…
    La vidéo faite par le Dr Olivier Soulier [mot clé sur You Tube : Embryologie le Big bang cellulaire ], avec une référence au Pr Lejeune, valide parfaitement cette façon de concevoir la Vie.
    A mon sens, prendre conscience que la Vie englobe la vie est la clé de la compréhension moderne du Message du Christ aujourd’hui.
    Merci pour votre écoute.

    • Ce n’est pas le cœur de votre commentaire, mais permettez-moi de réagir à l’une de vos remarques incidentes.
      Vous écrivez : « J’ai assisté par YouTube interposé, à une messe dite par le pape François en commémoration de l’anniversaire de la mort de St Jean Paul II, au cours de laquelle notre pape, tournant le dos au peuple, ne m’a pas paru très à l’aise » et vous rapprochez cela d’une époque où le vicaire pointait nos « cartes de messe » (ce qui n’a pas grand chose à voir heureusement !).
      J’ignore si François était ou non à l’aise, je n’ai pas regardé cette messe, mais je n’aime pas cette expression « dos au peuple », qui me paraît révéler des accents, pour ne pas dire des relents, de cléricalisme comme si le prêtre (ou le pape) était le centre de la célébration.
      Il me semble plus juste de dire que le prêtre (ou le pape) est tourné avec l’assemblée vers le Seigneur que symbolise l’Orient, le Soleil levant, le Christ ressuscité.
      Tous sont célébrants, tournés dans la même direction, vers le Christ.
      Le regard sur cette question de l’orientation de la célébration est complètement faussé par une opposition entre « progressistes » qui y voient un « retour en arrière » et « traditionalistes » qui en font un package indissociable avec le rite de St Pie V.
      La question mérite mieux que cela à mon humble avis.

  • « La question mérite mieux que cela à mon humble avis ».
    Et ce n’est pas moi qui vais vous contredire sur ce point. D’autant plus que vous amenez de l’eau à mon moulin.
    En effet, on ne peut, à mon sens répondre correctement au problème posé par notre hôte, sans avoir une vue d’ensemble de la situation actuelle.
    « Tout est lié », répète par 9 fois le pape François dans son encyclique « laudate si' », dont je vous livre quelques extraits pour illustrer mon message précédent.

    Si je considère « la vie », alors:

    [117…Si l’être humain se déclare autonome par rapport à la réalité et qu’il se pose en dominateur absolu, la base même de son existence s’écroule, parce qu’au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l’œuvre de la création, l’homme se substitue à Dieu et ainsi finit par provoquer la révolte de la nature ».]

    Mais si je considère la Vie, alors:

    [138…tout est lié. Le temps et l’espace ne sont pas indépendants l’un de l’autre, et même les atomes ou les particules sous-atomiques ne peuvent être considérés séparément. Tout comme les différentes composantes de la planète – physiques, chimiques et biologiques – sont reliées entre elles, de même les espèces vivantes constituent un réseau que nous n’avons pas encore fini d’identifier et de comprendre. Une bonne partie de notre information génétique est partagée par beaucoup d’êtres vivants. Voilà pourquoi les connaissances fragmentaires et isolées peuvent devenir une forme d’ignorance si elles refusent de s’intégrer dans une plus ample vision de la réalité…]

    Je vous prie de bien vouloir m’excuser pour avoir abusé d’extraits de cette merveilleuse Encyclique, mais elle me paraît répondre bien, mieux que moi à la question de départ:
    « Personnes-âgées : notre solidarité survivra-t-elle au coronavirus ? »
    Et, permettez-moi d’ajouter:
    – En premier lieu, je vous rassure, d’après mes renseignements actuels, il est fort probable que l’on ne s’en débarrassera pas de sitôt! Il va nous falloir vivre avec ce virus.
    Et c’est, me semble-t-il, dans ce cadre que notre Église, en ordre de bataille derrière le pape François, faisant fi des querelles byzantines sans aucun intérêt actuel, devrait centrer sa logistique.
    – Ensuite, « La santé n’a pas de prix mais elle a un coût »! Et je crois pouvoir copier cette citation en remplaçant le mot « santé » par le mot « économie ». Là aussi ces notions sont liées, et il va falloir faire avec…donner des primes ne suffit plus, le virus a bien mis en évidence l’étroite dépendance des uns et des autres. Dans ce contexte, quel est l’avenir des EHPAD? des manifs, des combats politiciens…Ma sœur handicapée avait souhaité rester chez elle. Tant que tout était stabilisé, avec un équipement lourd, adéquat, cela a été plutôt satisfaisant; mais la survenue d’évènements adverses nous a posé d’insolubles problèmes qui ont bien mis en évidence les limites de cette solution.
    – Enfin la logorrhée législative, manifestement, ne suffit pas à régler de simples problèmes comme « ne pas oublier de mettre la sonnette d’un patient à portée de main avant de quitter la chambre!
    Merci pour votre écoute.

  • Le 3 juin, la chaine de télévision KTO, consacrait le thème de son émission « Sans langue de buis » au déconfinement, avec la présence de Mgr Eric de Moulins Beaufort, auteur d’une Lettre ouverte au Président de la République parue de jour-même en librairie : Le matin sème ton grain (Ed. Bayard-Mame-Cerf)
    .
    Cinq intervenants avaient été enregistrés (dont moi-même sur la question, de la reprise du culte). Mais je voudrais signaler ici le propos de la psychiatre Véronique Lefebvre de Noettes qui intervient à la 15e minute de l’émission. Elle fait référence, sans en préciser le lieu à l’antenne, à ce qu’elle a vécu à l’Hôpital gériatrique de Limeil-Brévannes, dans le Val-de-Marne.

    Elle dénonce le fait que des consignes strictes, aient été données par l’Agence régionale de santé (ARS) pour ne pas transporter en réanimation toute personne de plus de 70 ans, sans autre considération que leur âge ; que les résidents aient été confinées dans leur chambre au besoin en utilisant des mesures de contention physique ou chimique ; en sorte que nombre de personnes âgées sont « mortes de chagrin » de ne pas voir leurs proches. A la date de l’émission, l’accueil des familles étaient toujours interdit dans l’institution… Enfin, elle a évoqué le fait qu’aucun aumônier, d’aucun culte, n’avait répondu à l’appel du personnel soignant qui avait du accompagner lui-même les personnes en fin de vie…

    Il se trouve que je connais bien cet hôpital. Ma belle mère, malade d’Alzheimer, y a été hospitalisée de longues années. Sur cette période mon épouse a assumé, pendant cinq ans, la présidence de l’association des familles qui tentait, non sans résultats, de nouer le dialogue avec le personnes et la direction pour tenter d’humaniser la vie des résidents, la tentation permanente étant d’assurer leur sécurité sanitaire sans autre « projet de vie ». Mais force est de constater que lorsque, au décès de ma belle mère, mon épouse a souhaité se retirer, personne ne s’est présenté pour prendre la relève. A ce jour il n’y a plus d’association de famille.

    Tout ceci pour dire que le scandale que dénonce à juste titre la médecin psychiatre nous émeut le temps d’une émission de télé mais sans plus. Ce qui était le propos de mon billet dont j’ai souligné ici ou là qu’il avait été très peu lu et commenté. Je confirme : « les vieux, tout le monde s’en fout » ! Après comme avant l’épidémie de coronavirus !

    https://www.ktotv.com/page/sans-langue-de-buis

    • Si ce qui est rapporté par la psychiatre Véronique Lefebvre de Noettes est exact, à savoir que des consignes strictes auraient été données par l’Agence régionale de santé (ARS) pour ne pas transporter en réanimation toute personne de plus de 70 ans, sans autre considération que leur âge, il s’agit d’un énorme scandale.
      Que l’on ne réanime pas des patients dans un état très dégradé pour lesquels la réanimation serait voué à l’échec est une chose, que l’on trie selon le seul critère de l’âge en est une autre qui mérite la Haute Cour de Justice.

      • Tout à fait d’accord Michel. C’est scandaleux, et cela à double titre. Au 1er titre que vous soulignez.
        Mais aussi au titre de ces « consignes » qui arrivent d’en haut et prétendent dicter aux soignants ce qu’ils doivent faire (en ce domaine comme dans bien d’autres , cf le fonctionnement de l’hôpital), consignes imposées par des bureaucrates qui ne sont même pas soignants ni médecins et qui se permettent d’énoncer froidement et de décréter des prérogatives qui ne relèvent-in fine- nullement de leur compétence. Un transfert-ou non- en réanimation est le fruit d’une décision concertée impliquant les soignants, la famille et le cas échéant les souhaits émis par la personne malade. C’est proprement hallucinant encore une fois de voir combien l’administration prend un espace grandissant au sein de l’hôpital au détriment des personnes de terrain. Heureusement les
        gens du terrain savent aussi ce qu’ils ont à faire et ne tiennent pas compte de ces administratifs qui prétendent connaître mieux que les concernés le travail à faire. Durant cette crise sanitaire, on a vu aussi plus de pouvoir laissé aux services pour s’organiser comme bon leur semblait, ce qui est habituellement impossible tant il y a toujours des milliards de contraintes administratives qui pèsent sur leur dos. Et ça ne date pas d’aujourd’hui. Les chefs de service, déjà écoeurés, qui ont démissionné en début d’année dénonçaient très exactement ces conditions de travail où des administratifs imposent de privilégier les économies et la rentabilité des services aux soins. Ces ARS ne servent à rien, ce n’est que lourdeur administrative qui entrave le bon fonctionnement de l’hôpital (entre autre).

        • Gardons nous de jugements téméraires même s’il arrive à chacun de se laisser emporter. Comme je l’indique cette circulaire existe certainement mais alors, pourquoi est-elle « introuvable »?! Il peut s’agir de directives adoptées dans telle ou telle régions pour passer un moment exceptionnel de saturation de notre système santé (réanimation en particulier). Il serait malhonnête de donner à croire qu’il y aurait eu volonté d’eugénisme. Au cas ou une tellle volonté semblerait avérée, je signerai des deux mains une plainte judiciaire et si une signature de ministre apparait en HCJ comme dit Michel.

          • Jean-Pierre: je ne parle pas de volonté d’eugénisme bien sûr. Je parle d’une situation totalement dégradée du fait de l’énorme pression hospitalière et en particulier dans les services de réanimation. Dans les régions fortement touchées à savoir IDF et Grand Est, il y a bien eu des dizaines et des dizaines de directives (appellées « recommandations ») de l’ARS en situation bien évidemment exceptionnelle nous sommes d’accord là dessus, sur les EPHAD, sur l’accés à la réanimation etc etc. Pour être honnête je n’ai vu passer à aucun moment une circulaire mentionnant de manière très explicite l’âge des patients. Mais il y en a eu tellement, vous savez les textes pondus par l’administration qui font 15 pages et que pas grand monde ne lit au final !!

            « Le contexte est celui d’une pandémie mondiale inédite en taille, en extension, en gravité et en mortalité. L’afflux de patients en condition grave, voire en défaillance vitale pose la question de situations où l’équilibre entre les besoins médicaux et les ressources disponibles est rompu. Dans un contexte d’exception où les ressources humaines, thérapeutiques et matérielles pourraient être ou devenir immédiatement limitées, il est possible que les praticiens sur-sollicités dans la durée soient amenés à faire des choix difficiles et des priorisations dans l’urgence concernant l’accès à la réanimation. »

            Celle la je l’ai reçu dans ma boite mail le 20 Mars. Il était déjà question de « priorisation » et de choix difficiles (pas évidemment en esprit d’eugénisme mais en lien avec une situation dégradée) …..Je vous assure que les 3 semaines qui ont suivi ont vérifié la prédiction. Quoiqu’on en dise il y a eu des choix difficiles et des priorisations, peut être pas généralisée mais il y en a eu et croyez-moi j’ai des collègues qui aujourd’hui sont esseulés moralement par ce à quoi ils ont dû faire face. Particulièrement dans les EPHAD où circulaire officielle explicite ou pas, dans les FAITS, les SMUR ont été dans les 10 jours extrêmement chauds incités à ne plus hospitaliser les patients et à faire gérer les fins de vie sur place. Pas de famille, peu de personnel et pas formé pour cela (en temps normal la plupart des fins de vie sont assurées à l’hôpital) , des conditions ultra-anxiogène pour tout le monde, parfois du matériel déficient, pas assez d’oxygène……Un cauchemard un peu partout mais dans les EPHAD la situation a été particulièrement compliquée. Au milieu de tout cela garder le lien avec la famille, expliquer que « votre maman elle n’ira pas en réanimation parceque ça lui ferait plus de mal que de bien », c’est pas facile, quand il faut faire ça plusieurs fois par jour, même si ce sont des personnes très agées qui posent peu de questions éthiques sur la réanimation, c’est déjà éprouvant alors ne plus avoir de choix pour des « séniors » en bonne forme de 70-80 ans..il ne faut souhaiter cela à personne. Et cela s’est produit bien sûr. Encore une fois sans volonté d’eugénisme ni de généralisation mais il y a bien eu des priorisations sur l’âge, au moins vers la fin Mars et au moins en IDF. Mais bon voilà, je crois que tout ce qui pouvait être fait a été fait, dans la mesure des moyens…

            Si ça vous intéresse:
            https://sfar.org/download/decision-dadmission-des-patients-en-unites-de-reanimation-et-unites-de-soins-critiques-dans-un-contexte-depidemie-a-covid-19/?wpdmdl=25432&refresh=5ed91cbfbff3c1591286975

          • Il y a eu une recommandation ARS Ile de France du 16 mars *, rédigée collégialement par 7 médecins. Ce texte pondéré ne peut pas justifier les propos tenus par Véronique Lefebvre de Noettes. Il n’y a rien d’autre!.
            Le lien qui permet d’accéder à ces recommandations se trouve sur un article Médiapart ** ou sur pcfparis10 ***

            * https://sfar.org/download/decision-dadmission-des-patients-en-unites-de-reanimation-et-unites-de-soins-critiques-dans-un-contexte-depidemie-a-covid-19/?wpdmdl=25432&refresh=5ed939c827dfe1591294408
            ** https://blogs.mediapart.fr/dominique-vidal/blog/280420/personnes-agees-voila-la-circulaire-de-la-honte
            *** http://www.pcfparis10.fr/article/politique-nationale/quand-agence-regionale-sante-ile-france-donne-aux-medecins-outils-pour

  • René, moi qui suis votre aîné (né en 45) je ne dirais pas cela ainsi car j’imagine que si j’avais par exemple un infarctus et que j’arrive à l’hôpital en même temps qu’un quadragénaire je trouverais normal que ce dernier ait la priorité sur moi car logiquement lui serait à mi-vie alors que moi de toute façon je suis au mieux (???) dans le dernier quart de cette vie. « 70, 80 pour les plus vigoureux, leur plus grand nombre n’est que peine et misère  » dit le psaume.
    Je pense qu’il avoir pleinement conscience de cette réalité ce qui ne m’empêche pas pour autant d’être contre l’euthanasie et l’acharnement médical.

    • Mon cher Dominique, J’ai tenu à mes proches les mêmes propos. Si je m’étais trouvé en situation de « prendre la place » d’un plus jeune, j’aurais cédé la mienne. Mais ce n’est pas ici la question. On n’a cessé de nous dire tout au long de ces semaines qu’aucun tri n’avait été fait par principe sur la seule base de l’âge mais au cas par cas en fonction des chances de survie. Ce qui est démenti par le témoignage de cette psychiatre. Les autorités religieuses se sont scandalisées que l’on interdise aux aumôniers d’assister les personnes dans leurs derniers instants… et elle nous dit là qu’ils étaient aux abonnés absents ! Alors on arrête l’hypocrisie ! Et cette autre forme d’hypocrisie véhiculée par la télé qui tendait à nous faire croire que les familles éplorées étaient toutes aux portes des Ehpads sans pouvoir entrer… alors que je peux témoigner – et mon épouse plus que moi – que nombre de familles s’en fichent totalement ! Mais cela nous fait tellement plaisir de croire que nous avons été des Français exemplaires attentifs aux soins des plus âgés !

      • là bien d’accord avec vous,et du temps où je faisais fonction d’aumônier d’une maison de retraite il ne me semblait pas que les familles se bousculaient vraiment aux portes de leurs chers parents loin de là
        Quant à la sincérité des familles qui sont allées porter plainte contre la société propriétaire des maisons de retraite dans lesquelles de nombreuses personnes âgées ont disparu du fait du CovId 19. là aussi j’ai quelques doutes…
        Quant à l’attitude du Clergé si on sait qu’un nombre relativement considérable de prêtres sont décédés du Covid 19 en Italie il ne semble pas sue ce soit le cas en France.Des médecins en sont morts, des infirmiers, des infirmières des aides-soignants des aides-soignantes;;; liste non exhaustive, mais des prêtres ???

          • A propos de solidarité, ici entre prêtres, une paroisse avec deux prêtres d’active et un retraité reçoit de l’hôpital la demande d’une personne en fin de vie de voir un prêtre. Les deux actifs s’excusent prient leur collègue de 77 ans … Il y est allé en combinaison de cosmonaute selon le protocole en vigueur en Allemagne un peu surpris tout de même alors qu’il souffre de pbs pulmonaires sérieux..

      • Les tableaux des pages 8 à 11 du « point épidémiologique hebdomadaire du 16 avril 2020 » de santé publique France font le point par région, tranches d’âge, pour la semaine concernée et depuis le 1er mars … file:///C:/Users/user/AppData/Local/Temp/COVID19_PE_20200418.pdf
        Selon ces chiffres, il n’y a pas eu ségrégation générale. Les + de 65 ans (les plus de 75 ans) représentaient le 14 avril 69% (47%) des personnes hospitalisées et 50% (15%) de celles en réanimation. Le taux de mortalité en soin intensif est nettement supérieur chez les plus de 65 ans à celui constaté chez les – de 65 ans (37% pour 22%).
        Le témoignage de cette gériatre psychiatre ne semble pas correspondre à une réalité générale contrairement à ce qu’invite à conclure sa contribution à l’émission. A quelle période de la pandémie fait-elle référence (?) et à quel taux d’occupation des lits de réanimations en Ile de France et dans son hôpital (?).
        Par ailleurs, l’Ehpad où se trouve une proche âgée de 87 ans, missionnaire retraitée, n’a connu aucun décès. L’aumônier et la responsable des religieuses accueillies par l’établissement sont encore « confinées à l’extérieur » comme les proches et cela semble naturel à toutes et tous les résidant (10% de religieuses). Les chambres des résidant n’ayant plus toutes leurs facultés étaient fermées à clé, les autres se sont tenues confinées et respectueuses des consignes. L’assouplissement est en cours et les visites de proches attendrons.

        • En effet, Jean-Pierre, l’information mérite d’être vérifiée, je ne sais s’il s’agit d’un témoignage vécu direct de cette psychiatre ou si elle colporte des accusations qui courent sur les réseaux sociaux…

          • Non elle parle de ce qu’elle a vécu elle ! Regardez la vidéo. Il n’y a sur ce point aucune ambiguïté. Sauf à l’accuser de mensonge. Pensez-vous que je me serais fait l’écho de ses propos dans cet échange s’il s’était agi d’une simple rumeur ?

          • Oui, merci René, alors c’est très grave, je vais regarder l’émission de KTO en replay dès que possible.

          • En effet elle parle de son vécu, qu’il faut éviter de considérer comme représentatif de la manière dont les hôpitaux ont pris en charge les personnes âgées. En fait ce qui est grave, formellement et non médiatiquement, est « la » circulaire ARS. Dans une autre région et un autre contexte j’ai eu à connaître d’une même circulaire, mise en avant par des gens de gauche en gilet jaune l’utilisant pour mettre dans le camp communiste le personnel d’un hôpital en pleine campagne municipale 2d tour d’une ville de 20 000 hab. Je n’ai pas trouvé cette circulaire qui sans doute existe dans des régions zone rouge comme l’Ile de France et la Bourgogne Franche-Comté « dans un contexte particulier sans doute (saturation de capacité de réanimation). Cependant, ex fonctionnaire A+ je sais les limites de tels textes de circonstance et comment les interpréter comme je sais les difficultés que posent la dyarchie en région entre entre Préfet de région et le directeur général ARS en région, en particulier en période électorale.
            Au plan médiatique la prudence s’impose et là, plusieurs semblent avoir agité la cloche un peu hâtivement, sans avoir pris le recul requis. Je reste preneur du texte de cette circulaire discrète, introuvable jusqu’ici.

        • Peut-être pas générale mais si vous regardez les données des caractéristiques des cas admis en réanimation sur des régions peu touchées ( Nouvelle Aquitaine par exemple) versus les régions les plus touchées (Ile de France et Grand Est), il y a un écart très net en terme de répartition par classe d’âge: En nouvelle aquitaine les 65-74 représentaient 34% des admis et les + de 75 ans 23% , en Ile de France 27,3% pour les 65-74 ans et 9% pour les + de 75 ans.
          23% versus 9%. Il y a peut être d’autres raisons mais la pression hospitalière lié au manque de place y est sans aucun doute pour beaucoup. Quand un patient de plus de 70 ans (mettons en bonne forme sans pathologie majeure), je peux vous assurer qu’il aura eu moins de chance d’être admis en réa en IDF qu’en nouvelle Aquitaine.
          Il est évident que dans les régions totalement débordées comme l’Ile de France , il y a eu des « choix » douloureux du fait du manque de place. Je suis médecin et je peux témoigner qu’au 30 Mars c’était vraiment la débandade. J’ai fait du renfort à la régulation du SAMU durant cette période (étant nutritionniste dans un centre et ne voyant plus les patients habituels qui avaient peur de venir, il faudra faire une évaluation également de tous ces patients vus avec retard en cancéro, en cardio etc..car tout était mis en pause…) et il n’y avait plus UNE place nulle part, même dans la plupart des cliniques privées (au moins en IDF) ça débordait…A Pompidou ils ont installé ce 30 Mars en catastrophe des boxs de réanimation….Quasiment au milieu du couloir des urgences avec des respirateurs portatifs……..Tellement anxiogène comme situation…C’est là que les transferts se sont intensifiés par les airs, par les rails, par la route…On imagine assez bien que sur le terrain , vu la situation, il y ait bien sûr eu une forme de « tri » même si ce n’est pas explicite. Les SMUR avaient la consigne de ne pas se déplacer dans les EPHAD (ils n’y vont déjà pas beaucoup en temps normal) et de ne pas hospitaliser dans la mesure du possible ces patients agées dépendantes. La plupart des fins de vie se sont passées à l’EPHAD ce qui est très inhabituel car le personnel est mal formé pour gérer les fins de vie. En plus il n’y avait pas assez de personnel, beaucoup était aussi malade, les renforts sont de bonne volonté mais n’avaient jamais mis les pieds dans une EPHAD…A l’hôpital on a demandé à des rhumatologues de monter des unités COVID…et à des infirmiers de suivre une formation accéléré pour venir aider en réa…Bref faire un « autre » métier…..C’est surtout ça qui fût rude pour les soignants. Faire des gestes et des prises en charge inhabituelles.. Il y a eu des choses mise en place comme des plateformes d’aide à l’accompagnement et des équipes mobiles de soins palliatifs mais franchement il y a eu environ 3 semaines qui ont frôlé le chaos complet. Je pense que il n’y a pas à jeter la pierre, dans les régions où la vague a été vraiment importante c’était des prises en charge forcément dégradées. Il n’en était pas de même dans les régions moins touchées où l’accueil des patients pouvait se faire de manière plus adaptée sans tenir compte de l’urgence et de la pression liée au manque de place.

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