Une hypocrisie généralisée

Encore, semble-t-il, une affaire de maltraitance dans une maison de retraite. L’opinion a raison de se scandaliser et de dénoncer le manque de moyens des institutions accueillant des personnes âgées. Pour mieux s’endormir, la minute d’après, la conscience appaisée.

La maltraitance des personnes âgées est devenue un cancer de nos sociétés. Le diagnostic est ancien. Je me souviens d’une conversation qui doit bien remonter à une quinzaine d’années, au Ministère de la santé, où un haut fonctionnaire me disait voir dans les contrôles de ces établissements une priorité absolue.  Les suspicions de maltraitance, signalées par les Préfets,  étaient nombreuses… et le ministère apparemment impuissant.

Il ya peu, la Cour des Comptes reconnaissait elle-même que le plan « Solidraité grand âge » élaboré par Philippe Bas n’avait été financé… qu’à 50% ! Eternelle hypocrisie de nos sociétés où tout drame déclenche des déploiements de communication gouvernementale où l’on jure, la main sur le coeur, que rien ne sera plus jamais comme avant. Que les mesures nécessaires vont être mises en oeuvre. Jusqu’à ce qu’un nouveau fait divers, ramenant le sujet sur le devant de la scène médiatique, nous ouvre enfin les yeux sur la réalité : les promesses sont restées des promesses.

Mais la plus grande hypocrisie est ailleurs. Que les services accueillant des personnes très âgées manquent de personnel, tout le monde le sait et depuis longtemps. Mais je n’ai souvenir d’aucune manifestation de rue poour réclamer que cela change. Il suffit de « fréquenter » ces établissements pour constater la pénurie de personnel. Notamment en période de vacances. Un personnel souvent dévoué mais « humilié » et culpabilisé de ne pouvoir mieux faire, au point de percevoir toute intrusion éventuelle des familles dans l’établissement comme une agression.

Manque de moyens ? C’est aujourd’hui la plainte de l’éducation, du travail social, de la police, de l’armée, de la justice, de la culture, de la santé… Arrêtons de rêver ! Il n’y aura pas du bonus pour tout le monde. Mais il y a dans ce pays des millions de citoyens, hommes et femmes, qui dépriment de ne servir à rien ni à personne. Certains d’entre eux ne pourraient-ils proposer leurs services,  ne serait-ce que pour  aider les personnes âgées à manger, aux heures des repas ?

De ce point de vue les pays du Nord de l’Europe sont largement en avance sur nous. En France, il se trouvera toujours quelques beaux esprtis pour vous expliquer que ce serait là confisquer des emplois salariés qui font tellement défaut. Mieux vaut donc ne rien faire… jusqu’à la prochaine fois . Hypocrisie vous dis-je !

2 comments

  • Coordonnatrice pour personnes âgées au sein d’une Instance de Coordination Gérontologique puis d’un Centre Local d’Information et de coordination.
    1989, recevant une lettre d’un résident de maison de retraite dénonçant la maltraitance dans cet établissement, je l’ai porté à la connaissance d’élus (maire, président du conseil général, députés, sénateurs) et de la DDASS. Seule la DDass a répondu et a fait rétablir ce qui était possible dans son domaine.
    2006, voyant des signes de maltraitances sur des patients arrivant du domicile, un chef de service hospitalier m’a demandé de mettre en place un groupe de travail composé des services compétents du conseil général, des directeurs de maison de retraite et de services de maintien à domicile, d’assistantes sociales, de bénévoles, ….en vue de travailler sur l’élaboration d’un outil pour la prévention de la maltraitance en institution et au domicile. Après 2 réunions « on = politiques »m’a interdit de continuer ces réunions et « on » m’a mise au placard jusqu’à ce que je prenne ma retraite « écoeurée »en 2008

  • oui , je pense , que c’est un problème grave et qui risque hélas de s’accentuer!
    et surtout ,c’est trop facile de condamner des gestes inadmiscibles certes quand on laisse à d’autres la responsabilité de ce qui nous gène.
    plus de personnels, plus de moyens……oui ….mais le fond du problème n’est pas là…..il faut du personnel solide ayant une vocation…..et même avec cela ce n’est pas évident….
    on multiplie les contraintes , les textes , la législation alors que rien ne remplacera l’humain.
    certaines maisons souvent religieuses sont en difficulté financière en raison des normes.
    des structures grandes ne sont souvent pas une bonne réponse!!! il faut y être allé!!!!
    rien ne vaudra jamais un maintien à domicile, le plus longtemps possible avec des aides réelles efficaces, mais là encore, il faut que les familles puissent le faire (locaux, personne présente), veuillent le faire….sans parler des familles recomposées où cela devient encore plus difficile……sans parler de celles surtout qui soutiennent enfants et parents à un âge où cela devient physiquement difficile.
    en plus la différence énorme qui va se créer entre le prix de journée d’une maison médicalisée et la retraite de la personne âgée!!!!!qui va payer? les enfants qui ont parfois du mal eux-même.
    Il faudrait réfléchir à d’autres formes pour permettre de vivre cette période qui s’allonge chaque année de la plus heureuse façon , et hélas ce n’est pas en mettant à leur disposition des garderies ludiques et coûteuses, mais plutôt en les intégrant dans le tissu social le plus longtemps possible.
    dr Claudine Onfray

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