Benoît XVI et la crise : erreur de diagnostic

Benoît XVI et la crise : erreur de diagnostic

Le texte de Benoît XVI illustre le décalage entre une pensée et la réalité à laquelle nous sommes confrontés. 

Désamorçons d’entrée toute ambiguité sur mon propos : la pensée de Benoît XVI mérite d’être prise en considération. Même si l’on peut s’interroger sur l’opportunité  de publier, dans un magazine allemand, ces 12 pages de réflexions sur la crise que traverse l’Eglise. De quoi alimenter, depuis une semaine, toutes les polémiques et soupçons. Soupçon que ce texte ne lui ait été « arraché » un peu malgré lui, par une frange du monde catholique pour qui la légitimité du pape François fait toujours problème et qui n’en finit pas de régler ses comptes avec lui. Même si, fidélité au trône de Pierre oblige – plus qu’à la personne de son successeur – les mêmes Bergoglio-Sceptiques plaident qu’il n’y aurait aucune contradiction entre les propos de l’un et de l’autre. Pour mieux nous persuader que François serait finalement d’accord avec l’analyse de son prédécesseur, ce qui me semble tout simplement erroné. 

Mai 68 : un amplificateur plus qu’une source

Quant à plaider la complémentarité, ne refusons pas l’hypothèse mais exigeons son exégèse.  Benoît XVI met en cause le dérèglement des mœurs consécutif aux événements de Mai 68 pour expliquer la multiplication des affaires de pédophilie « dans la seconde moitié des années 80 ». Or, nombre d’affaires sont largement antérieures et remontent aux années 50, donc à une époque où l’effondrement de la pratique religieuse n’était pas perceptible. Et où ces crimes pédophiles ne pouvaient guère être interprétées comme signes d’une « absence de Dieu »… sauf éventuellement dans quelques âmes coupables ! Puisque l’Eglise avait encore largement autorité sur la société. 

Que Mai 68 ait représenté un amplificateur de tendance, en désinhibant nombre de prêtres  au regard de la sexualité, est une évidence. Il est clair qu’il était plus facile pour eux de vivre leur vœu de célibat dans une société où les couples étaient eux-mêmes tenus à un vie sexuelle chaste. Sans doute personne ne pouvait-il prévoir réellement la déferlante libertaire qui allait se répandre sur le monde et son avatar économique : l’explosion du marché de la pornographie via internet. Mais l’Eglise paie aujourd’hui l’illusion dans laquelle elle s’est enfermée qu’il suffisait de dénoncer le mal pour s’en préserver, et que les structures cléricales sur lesquelles elle vivait depuis des siècles, sauraient bien résister à la nouvelle Babylone puisqu’elles s’ancraient dans la vérité de la tradition.

L’illusion que la grâce du sacrement saurait suffire

Fausse analyse ! « L’effondrement généralisé des vocations (…) et le nombre énorme de démissions de clercs » qu’évoque le texte, sont traditionnellement interprétés comme signes d’un affadissement de la foi. Ce qui n‘est pas totalement faux, même s’il existe d’autres explications à un phénomène éminemment complexe. Mais crise des vocations et départs de prêtres peuvent aussi être lus comme le simple réflexe de bon sens – de survie – finalement sain, d’hommes jeunes, sans doute passionnés d’Evangile, mais qui ont bien perçu que dans un contexte sociétal à ce point bouleversé, leur capacité à vivre un engagement définitif au célibat serait sans doute prise en défaut, même avec le soutien de ce qui leur était présenté comme la grâce du sacrement.  

Dans le même temps, nombre de séminaristes et de jeunes prêtres vivaient dans une telle immaturité au regard de la sexualité qu’ils en arrivaient, en cas de « passage à l’acte », à ne pas faire moralement et pénalement la différence, entre une relation sexuelle – certes prohibée –  avec un adulte homme ou femme consentant, et l’abus sexuel sur mineurs ou personnes fragiles. Et il y a quelque aveuglement à défausser aujourd’hui l’institution de toute responsabilité au motif que c’est le monde qui était devenu pervers. 

Le cléricalisme comme source d’impunité

Si Benoît XVI a raison de mettre en cause Mai 68, le pape François est légitime à analyser que c’est bien la structure cléricale de l’Eglise qui a servi de réceptacle et d’écran protecteur à ces dérives criminelles. En attirant au sacerdoce certains jeunes hommes qui trouvaient là un refuge face à leur mal être sexuel et une justification sociale facile à leur célibat ; en les rassurant sur une forme d’impunité en cas de faute, du fait du rapport filial entretenu avec leur évêque. Du fait également de l’exigence romaine d’étouffer tout scandale et – c’est l’une des révélations majeures du livre Sodoma –  du possible chantage effectué sur certains évêques ou cardinaux contraints  au silence par la menace de dénonciation de leurs propres tendances homosexuelles. 

Une exigence de discernement des vocations dans un contexte de pénurie

Nous en sommes là ! Et comme il est peu probable qu’un nouvel « ordre moral » vienne de sitôt subvertir la planète (sauf effondrement annoncé par les colapsologues), il faudra bien que l’Eglise tire les conséquences de tout cela. Et considère que les prêtres ne peuvent plus être appelés et formés « hors sol », indépendamment du contexte humain dans lequel ils auront à vivre : celui d’une société hyper sexualisée. Ce qui ne remet pas en cause la force prophétique du célibat pour ceux d’entre eux qui « choisiront de se faire eunuques pour le Royaume des Cieux ». Mais qui appelle, sauf résignation à priver les fidèles de sacrements, à d’autres ouvertures. Et à la plus extrême vigilance face à la tentation, dans un  contexte de pénurie, d’accepter tous les candidats au sacerdoce, sans grand discernement. L’aveu des médias chrétiens face à certains scandales récents : « tout le monde savait… » pourrait bien se reproduite demain, encore et encore, tellement « tout le monde sait » qu’ici où là, certains évêques ferment les yeux sur des êtres fragiles par souci de « faire du chiffre » vis-à-vis du diocèse voisin ! Et de plaider l’efficacité de leur stratégie missionnaire ! 

Un « minimum moral » difficile à définir

Mais ce changement d’attitude porte en préalable un changement de regard sur la sexualité humaine, et donc sur la morale. Thème auquel Benoît XVI consacre une partie de son texte. Evoquant cette période de Mai 68 il écrit : « La théologie morale catholique s’est effondrée à la même époque. » Et il en précise la raison : parce qu’elle a prétendu se fonder désormais sur l’Ecriture (la Bible) au détriment de la loi naturelle. Or on sait quel a été le souci de Vatican II, par différenciation d’avec nos frères protestants, à mettre l’accent sur la double source de la fidélité : la Parole de Dieu ET la tradition qui comporte cette référence à la loi naturelle. 

Sauf que – et Benoît XVI le sait parfaitement – le contenu de cette loi naturelle fait aujourd’hui débat. Et la théologie catholique se trouve prise à son propre piège de défendre à la fois l’idée que le propre de cette loi naturelle « objective » est d’être inscrite – par Dieu – au cœur de tout homme, capable de la lire, tout en réaffirmant que le Magistère de l’Eglise catholique serait malgré tout seul compétent pour l’interpréter. Ce qui est aujourd’hui perçu, par les fidèles eux-mêmes, comme irrecevable. Benoît XVI en est bien conscient qui écrit : « Il existe un minimum moral qui est inextricablement lié à la décision fondamentale de la foi et qui doit être défendu. » Soit ! Sur cette idée, tout le monde s’accorde… sauf à définir précisément les contours de ce « minimum moral ». 

Affiner la pastorale ou s’interroger aussi sur la doctrine ? 

Paradoxalement, je m’accorde avec les franges intégristes et traditionalistes de mon Eglise – je l’ai écrit au moment des débats liés au synode sur la famille – qu’on ne peut impunément, sur ces questions de la sexualité et de la morale conjugale, faire évoluer la pastorale sans se trouver un jour confronté à la nécessité de revoir aussi la doctrine. Simple différence entre nous : ils s’en désolent et je m’en réjouis. 

Chacun peut lire le texte de Benoît XVI à l’aune de sa propre sensibilité, en fonction de « ce qu’il veut démontrer ». Moi comme les autres. L’homme est infiniment respectable. Son texte n’est pas médiocre. Il illustre, à mes yeux, le décalage dramatique entre une pensée… et la réalité que nous avons à affronter. 

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PS. Depuis la sortie du texte de Benoît XVI, j’entends – je lis  – sur les réseaux sociaux nombre de personnes, qui ne sont pas des excités, venir nous expliquer qu’il n’y aurait pas contradiction entre la pensée qui s’y exprime et l’enseignement du pape François. Ce que je conteste dans mon billet. Mais alors, comment expliquer la promotion exceptionnelle et simultanée faite pour ce texte, dès sa sortie, sur tous les sites internet qui depuis 2013 nourrissent une critique systématique de l’actuel pontificat ? Faut-il être naïf à ce point pour imaginer qu’ils consacrent autant d’énergie à défendre un texte qui « ne dirait pas autre chose » que le pape François qu’ils exècrent  ? 

69 comments

  • N’est-il pas un peu rapide, cher Monsieur, de dire que l’effondrement des vocations est le signe d’un affadissement de la foi ? La foi relève-t-elle de la comptabilité analytique ? Du nombre d’hosties distribuées ?
    Croire que la grâce du sacrement produit un effet automatique sur la sainteté du clerc, c’est croire à l’existence de la potion magique de Panoramix pour les valeureux gaulois. Malheureusement les faits, toujours têtus, démontrent totalement le contraire.
    Que Benoît XVI se réfère au principe enfantin bien connu « c’est celui qui le dit qui y est » à propos des mœurs dissolues de ses congénères curés, ferait sourire, si ce n’était excessivement tragique.

    La cause est entendue, le clergé de France, du sommet jusqu’à sa base, est totalement discrédité auprès de Monsieur et Madame Toutlemonde, et pour très longtemps.
    Seulement voilà, les clercs comme Benoît XVI, et bien d’autres, veulent nous faire croire à une église « sur le papier » à des années-lumière des réalités humaines.
    Où est donc l’Évangile dans tout cela ? Et un Jésus qui attirait les foules par sa parole libératrice.

    L’église institutionnelle et vaticane est devenue un repoussoir par sa parole réifiée, et par les errements de ses clercs, les crimes de certains, le silence coupable d’autres, le passéisme institutionnel, l’absence de confiance dans l’être humain et la conscience personnelle, le rejet des femmes, et la fausse croyance d’un retour à un autoritarisme dans un monde qui n’admet plus d’être assigné à l’obéissance aveugle à des représentants de Dieu autoproclamés par l’entre soi.
    Il me semble que c’est même totalement anti évangélique.
    Mais bon, si en plus l’église doit encore s’intéresser à l’Évangile… où va-t-on !

    • Je partage nombre de vos observations même si j’en trouve la tonalité inutilement polémique. Pour ce qui est de la première phrase de votre commentaire, je persiste et signe. Je n’ai pas prétendu que c’était là la seule cause. Mais j’ai du mal à imaginer que le recul de la pratique et le vieillissement des fidèles qui traduit une non-transmission auprès des jeunes générations, ne soient pas les signes d’un recul de la foi. Je ne prétends aucunement que chez certaines personnes, devenues minoritaires, il y ait affadissement. Mais au niveau global, dans une société jadis majoritairement chrétienne. Cela étant, bien évidemment qu’on ne doit pas s’en tenir à des données comptables.

      • Pardon pour le ton aux apparences polémiques. Il est plutôt désespéré et écrit par une victime de ce système.
        Sur la foi, s’il faut la qualifier de formation chrétienne, alors si elle doit être transmise dans les conditions actuelles que nous connaissons, c’est peut-être plutôt un recul bienfaisant. (Et je pourrais citer une cérémonie de profession de foi de jeunes de mon entourage familial, que j’estime complètement délirante, effectuée par un jeune prêtre, déjà bien conscient de ses pouvoirs divins… Les mamans catéchistes en ont pleuré dans l’église, et pas qu’elles, mais on va encore dire que je polémique…)

        Beaucoup de personnes dont je suis appartiennent à des réalités non chrétiennes et qui choisissent Jésus et son Évangile. Cela ne fait pas de moi une personne sans reproche, puisque je n’ai pas « le bon ton ».
        Je crois que la foi ne se transmet pas. Elle s’éveille par des éveilleurs. Par osmose. Par l’expérience de l’intériorité. Pas par des pratiques rituelles obligées et stéréotypées, et même vides de sens pour ceux qui ont moins de 50 ans.
        Alors oui, si on parle de « foi chrétienne » on peut la mesurer par une pratique ou de l’intergénérationel. Mais l’expérience spirituelle et/ou mystiques c’est autre chose.
        Or, ceux qui sont comme je évoque à l’instant, ont toujours été marginalisés (et même pire) par l’institution vaticane. Dommage !
        Enfin, je retire ma dernière phrase qui est « inappropriée » selon le terme à la mode.

    • Cher Monsieur,
      Si vous n’aimez pas l’Eglise catholique, apostolique et romaine, et bien : vous n’y allez pas ! C’est tout ! Et je vous assure, elle ne changera pas pour vous ! Et si vous ne venez pas, soyez rassuré, on s’en apercevra même pas!

  • Merci René pour ce texte d’une grande justesse, j’y souscrit totalement : aussi bien sur le questionnement par rapport à la « loi naturelle », que sur la nécessité un peu plus pressante de jour en jour de revoir la pastorale ET la doctrine.

    Le texte de Benoit XVI – du moins ce que j’en ai lu – à été paradoxalement pour moi un grand soulagement et une source terrible d’inquiétude. Un soulagement, parce qu’il confirme une intuition : il y a bien dans l’Eglise toute une frange qui fait du replis sur soi une sorte de nouvelle évangélisation, aussi absurde que cela puisse être. Une inquiétude : cette frange est puissante et bénéficie de soutiens de poids. Elle ne lâchera pas sans combattre, et je craint qu’elle ne se convertisse encore moins, tant elle semble adorer la loi de la tradition plutôt que faire face aux œuvres du malin qui sont enfin tristement révélées dans l’Eglise.

    Peut-être faut-il se réjouir que les masques tombent enfin ! Le malin – qui n’est pas en Benoit XVI, mais qui se réjouit assurément de l’état de l’Eglise – commence enfin à se rendre visible. Il n’est jamais aussi vulnérable que lorsqu’il se dévoile.

  • Il me semble qu’il n’est pas aberrant de plaider la complémentarité entre ce que dit Benoît XVI et ce que dit François !

    • Exact puisque Benoit XVI a soumis son texte au préalable à François, et puis, la démission récente (le 1er avril) de l’essentiel de l’équipe rédactionnelle du journal « Femmes Église Monde » -associé à l’Osservatore romano- confirme cet accord au vu des motifs allégués qui mettent en cause le cléricalisme du nouveau directeur de l’Osservatore romano.
      https://information.tv5monde.com/terriennes/vatican-l-unique-journal-feminin-denonce-un-baillonnement-et-tourne-la-page-292245

      • Dans le genre amalgame vous êtes champion !
        Qu’y-a-t-il de commun entre le texte de Benoît XVI et la démission de Lucetta Scaraffia et de son équipe rédactionnelle ?

          • Disons que je répugne à l’effort de tenter de vous comprendre !
            Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement…

          • A Michel de Guibert :

            « Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement… » : en matière de pédophilie au sein de l’Eglise, le Magistère ne s’est jamais inspirée de cet adage, hélas.

            Bien au contraire, les procédures à suivre n’ont jamais été claires, l’unique obligation ayant toujours été dictée par la loi du silence et la culture du secret.
            Avec comme résultat d’innombrables agressions sexuelles sur mineurs récurrentes de par le monde et une Eglise qui n’en finit pas d’être discréditée.

            Pour une Eglise qui se dit « experte en humanité », pareille situation est intolérable et laisse à désirer.

          • A Robert Van Reeth

            Quel rapport avec le texte de Benoît XVI, lequel est parfaitement clair ?

          • A Michel de Guibert :

            Je dis qu’en matière de pédophilie – erreur majeure dont certains clercs se rendent coupables – le « traitement d’erreur » – se limitant à la loi du silence et à la culture du secret, jusqu’à preuve du contraire – laisse à désirer. Il n’existe ni procédures de prévention, ni procédures de sanction qui soient clairement explicitées, en effet.

            Pour ce qui est de la lettre de Benoît XVI qui a suscité une pluie de critiques – cf. les références datées 15/4, 13/4 (3), 12/4 (5), 11/4 (5), 26/3 dans mon inventaire http://www.aquarelles-expert.be – j’ai préféré passer cette dernière sous silence.

          • Mais bien sûr, Robert Van Reeth, nous sommes d’accord là-dessus, mais vous me répondiez à propos du texte de Benoît XVI et de l’amalgame de Jean-Pierre Gosset… et vous me dites maintenant que vous l’avez passé sous silence dans votre inventaire !

          • @Michel de Guilbert, vous pratiquez « courage fuyons » en rejetant une association d’idées qui peut conduire à une synthèse qui contrarie votre point de vue. C’est je crois le seconde fois qu’en désespoir de cause, ou par paresse, vous agitez « amalgame » comme un joker.
            Sur le fond, si François ne trouve rien à redire à la manière dont « son » nouveau patron de l’OR a rivé le clou à cet appendice féminin, j’y discerne un cléricalisme, aussi clair que celui qui ressort du texte de BXVI: François et Benoit sont cléricaux chacun à sa manière, le second ayant ici la supériorité de n’avoir pas vilipendé ce travers fâcheux.

          • @ Jean-Pierre Gosset
            Vous avez au moins le mérite de la cohérence puisque vous jetez dans la même opprobre le cléricalisme de Benoît et le cléricalisme de François (« François et Benoit sont cléricaux chacun à sa manière, le second ayant ici la supériorité de n’avoir pas vilipendé ce travers fâcheux »).
            Eh oui, tous deux sont des clercs, et même papes, ce n’est pas un scoop ! En ce sens, ils ont une « autorité » légitime.
            Maintenant, si vous entendez par « cléricalisme » un abus d’autorité, il vous reste à le démontrer.
            Pour ma part, je ne vois pas en quoi le texte de Benoît XVI mériterait l’accusation d’abus d’autorité ?
            Je ne vois pas non plus ce qui vous permet de dire que François est responsable de la crise de l’Osservatore Romano ?
            En outre, il apparaît que certaines collaboratrices de Lucetta Scarafia quant à elles ne jettent pas l’éponge et que le supplément « Femmes Église Monde » de l’O.R. continue sa vie.

  • Bonjour
    J’ai lu le texte de Benoît XVI. Je trouve son texte pertinent et clair . C’est le fruit de ses observations. Son texte se situe à un niveau spirituel . Il place l’eucharistie à une place centrale et je le comprends …
    J’ai lu un interview de Ratzinger qui date des années 60 ou 70. A bien des égards , ses vues sur la crise de l’église et ses suites étaient prophétiques. Il voyait l’église refleurir ensuite en des communautés restreintes mais fidèles au Christ et à l’Evangile .
    Je n’arrive pas à retrouver le lien…

  • D’abord , merci à René pour son analyse approfondie et nuancée de la position du pape émérite qui mérite en effet d’être examinée sans à priori hâtif et sommaire .

    Le texte de Benoit XVI n’est pas un diagnostic rationnel de la situation, de l’église ,mais plutôt l’affirmation d’une position fondée sur deux présupposés de ce pape qui le rendent incapable de discerner et de comprendre la réalité d’aujourd’hui .

    1 ) Le traumatisme de mai 68 . L’évolution des mentalités dans les années soixante et son affirmation exubérante et foutraque en mai 1968 fut un véritable traumatisme pour les enseignants classiques dans les universités qui ont vu tous leurs repères s’effondrer . ( je l’ai vu avec mes propres parents ) . Comme le raconte Hans Küng dans ses mémoires Ratzinger en fut profondément affecté et le théologien ouvert qu’il était a opéré un virage à 180 ° opérant alors un retour vers des bases qu’il croyait plus fermes et plus sûres dans ce contexte de remise en cause radicale de ce quel’n croyait intangible . Toute son évolution intellectuelle et son parcours ultérieur en furent profondément influencés .

    2) La pondération Ecriture / Tradition qui fut l’objet et l’enjeu du concile Vatican II . Comme le souligne René , la phrase de Benoit sur l’effondrement de la théologie morale après 68 constitue la clé de son positionnement . C’est bien de la prééminence de l’Ecriture sur « la loi naturelle » fondée sur la Tradition qui choque le pape émérite . Vatican II en redécouvrant le rôle de l’Ecriture a profondément modifié la pondération Ecriture /Tradition et donc le rôle de l’expérience de la vie vécue dans l’appréhension de la foi ,reléguant le concept  » loi naturelle » à un impératif moral hors sol , de moins en moins compréhensible et de moins en moins légitime pour les hommes et les femmes au vu des évolutions du savoir et notamment de celui des sciences humaines .

    Appréhende t on la foi catholique en confrontant son expérience de vie à l’Ecriture, en y découvrant sa propre biographie spirituelle et en en discernant le sens à l’aide de la Tradition ou adhère t’on d’abord à des principes moraux au nom de la loi naturelle , principes dont l’Ecriture ne sert qu’à leur justification ?

    Cette question est en effet fondamentale non parce qu’elle séparerait les « vrais  » catholiques des néo protestants mais parce qu’elle permet ou pas à la foi catholique de continuer à faire sens dans le monde de ce temps quand bien même cela implique de revoir ce qui fonde l’expression traditionnelle de sa doctrine , la Weltanshauung du magistère et sa propre vision du rapport de l’église au monde .

    On peut comprendre l’approche de Benoit XVI qui fut celle de l’église catholique depuis le concile de Trente , elle n’en reste pas moins anachronique et critiquable du point de vue de l’éthique de responsabilité . (le devoir de vivre et de transmettre le message du Christ de manière audible et cohérente pour les mentalités de ce temps . )

    Benoit XVI nous donne ici un excellent exemple d’un cléricalisme exacerbé . Il est le dépositaire d’une vérité intangible dont l’église catholique est le propriétaire exclusif et qu’elle se doit de redire à temps et à contre temps . Si le monde ne l’écoute pas , c’est le monde qui a tort .Si la réalité ne s’y conforme pas , c’est la réalité qui se trompe . Il n’y a plus alors qu’à trouver des arguments même spécieux pour toujours , y compris en niant le réel réaffirmer la légitimité de cette approche intangible de la foi catholique .

    C’est ce que fait Benoit XVI sans aucun souci des conséquences sur les fidèles .

    • Reprenant la dernière phrase de ton message je pense irrésistiblement à l’épisode de l’Evangile dans lequel il es t précisé qu’après avoir entendu les phrases de Jésus beaucoup de ses disciples estimèrent qi’il n’était plus possible l’écouter et l’abandonnèrent. Et c’est alors que Jésus demanda aux douze « allez-vous me quitter vous aussi ? et Pierre de répondre au nom des douze « A qui irions-nous? Tu as les paroles de la Vie Eternelle »
      Assurément Benoit XVI n’est pas dans l’air du temps. Qu’est-ce que cela prouve?

      • A Dominique ,
        – Il est téméraire de comparer un pape à Jésus ; le catéchisme des trois blancheurs (l’eucharistie , le pape et la vierge immaculée ) même s’il redevient « tendance  » est quand même théologiquement un peu léger .

        – La question n’est pas d’être ou pas dans l’air du temps . Les questions posées par le texte de Benoit XVI sont celles d’une part de l’équilibre entre Ecriture et Tradition dans notre approche de la foi notamment depuis Vatican II et d’autre part celle de la place de l’éthique de responsabilité dans le témoignage de l’Evangile sans à priori d’aucune sorte . Voilà pourquoi il faut être sérieux dans la lecture et la critique des positions du pape émérite ;
        Si le seul critère de la pertinence théologique et apologétique était « l’air du temps  » (en phase ou en opposition ) nul doute que tu serais docteur de l’Eglise depuis longtemps .

  • Merci René d’avoir réagit promptement a la pseudo encyclique donnée par Benoît XVI . Il avait promis le silence à son successeur le moins que l’on puisse dire c’est qu’il ne tient pas sa promesse . Son silence vis à vis de son successeur était une condition absolue à son renoncement.
    J’espère René que vous avez lu in extenso ses 11 pages , il y a tout de même des inepties dans son texte . De part ma fonction passée j’ai beaucoup voyagé à travers le monde et aucune compagnie aérienne ne m’a proposé de visionner des films pornographiques , il en est de même de compagne de publicité avec des couples nus …. faut-il exagérer pour avoir raison . Il indique bien qu’il ne veut pas que l’Eglise change et qu’il faut conserver l’Eglise dans toute la tradition telle qu’elle a été et devra être .
    Quant à la loi naturelle , dans la nature il y a de nombreuses sortes de sexualité des éléphants qui ne copulent que tous les deux ans aux bonobos qui eux n’arrêtent pas .
    Ratzinger visionnaire mais qu’a t-il fait lorsque il avait les PLEINS pouvoirs pour résoudre les problèmes trouvés par son successeur ?
    Mais nous entrons dans le semaine sainte relisons les ‘Evangiles de Passion on y trouvera des réponses.

    • Pour ce qui est de « ne pas vous en laisser placer une » dans nos échanges Facebook, je vous répondrai simplement que s’y exprime qui veut, en toute liberté, et que je ne vois pas comment – à supposer que nous en ayons l’intention – nous pourrions vous empêcher de vous exprimer !

  • Pourquoi le texte du Cardinal retraité rencontre-t-il ce succès ? Peut-être parce que au fond de leur cœur les croyants sont rassurés de voir défendu le noyau de la Foi. Pour ce qui est de la morale qu’est-ce que la morale naturelle? Ces embryons qui n’arrivent pas à survivre malgré tout l’amour de leur parents ? L’homosexualité conditionnée par l’environnement hormonal de la parturiente et psychologique de l’infans ? Il y a la morale universelle qui se résume à ne fait pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu’on te fasse à toi et c’est ce que contient le décalogue. Les infractions à cette morale basique blessent les autres. Il n’y a pas de sanction possible autre que civile. Pourtant l’adultère, l’avortement blessent autrui. Messieurs Poujol, Hamant, Lavoué, vous êtes des leaders d’opinion et c’est bien. Mais lorsqu’on est une femme vous ne nous laissez pas en placer une dans vos échanges FB. C’est un atavisme catho. Heureusement que le Pape François dit que les femmes sont indispensables !
    Cordialement

  • Juste un merci «  au voyageur » Benoît XVI est complètement hors sol ! Il redit les absurdités de la loi naturelle , reporte la faute sur le monde ! Je ne suis pas sûre que Mai 68 ait modifié l’impact des pervers mais peut-être plutôt les réseaux ….
    Hélas tous les crimes existaient depuis la nuit des temps contre les plus faibles : les enfants et les femmes . Je crois même que le monde progresse en donnant un nom à ces crimes autrefois cachés . La violence des siècles anciens étaient terribles et banalisées.
    L’omerta était partout et l’Eglise aurait dû la lever la première !
    Mais elle a failli pour garder un pouvoir désastreux et en oubliant les merveilleuses transgressions de l’Evangile .
    Oui qu’a t -elle fait des femmes , des homosexuels , des scientifiques , des couples et je ne parlerai pas des abus ?
    Quand on n’ecoute plus les croyants y compris les plus instruits , quand on remet l’impureté à la première place pour soumettre les consciences et que l’on relit l’Evangile sans tenir compte des avancées historiques on fragilise toute la communauté ! Faire du sacré n’est pas chrétien , ni de la hiérarchie mais relever l’autre , l’écouter , l’accompagner dans le juger , avancer au pas du monde avec les autres sans se croire les meilleurs serait se remettre dans les pas du Christ .

    • Je te lis dans ce commentaire et comprends d’autant plus difficilement pourquoi tu as indiqué sur Facebook être en total désaccord avec mon billet !

    • « Quand on n’ecoute plus les croyants, y compris les plus instruits… »
      Ah bon,parce qu’il est évident que cette catégorie de croyants de qualité supérieure sont bien évidemment branchés à longueur d’années sur le Saint Esprit,c’est l’évidence même t cependant il me Semble que quelque part il est indiqué que Deu a choisi une simple bande de pécheurs bien ordinaires pour convertir le monde et qu’il a renvoyé dans les cordes les savants de son époque, non?

  • Intéressant et stimulant comme toujours. Il me semble que dans ce débat et ce drame, on néglige un peu le fait que pendant des siècles abuser d’un enfant, quels que soient le milieu professionnel et les convictions personnelles, n’a pas été considéré comme bien grave. La notion que l’enfant est une personne est extrêmement récente. Elle est venue aux consciences très progressivement, grâce à la psychanalyse et à des gens comme Melanie Klein ou Donald Winnicott. Et si mai 1968 a pu jouer un rôle, je dirais plutôt que c’est dans le sens de la découverte de la personnalité de l’enfant, de son individualité, et du fait qu’il est entièrement lui-même et entièrement une personne dès le premier jour de sa vie. Les égarements momentanés ont existé bien entendu mais seulement, à mes yeux, pour découvrir que ce n’est pas seulement sa vulnérabilité et son innocence qui rendent l’enfant sacré, c’est aussi qu’il est une personne, pleinement. Cette découverte accompagne aussi, très lentement, l’idée qu’on n’a pas le droit de le frapper. Idée qui, on le sait tous fait encore débat!

  • Dans son livre « Un moment de vérité » (éd. Albin Michel, avril 2019), voici en tout cas les « Douze Travaux » auxquels Sr Véronique Margron – loin de recommander la prière pour sauver les meubles de l’Eglise catholique – conseille l’institution vaticane de s’attaquer sans plus tarder :

    1 : Mettre les victimes au centre (p.138)
    2 : Désacraliser la figure du prêtre (p.140)
    3 : Déconstruire le système clérical (p. 142)
    4 : Promouvoir la place des femmes (p.144)
    5 : Transformer la crise en mutation (p.147)
    6 : Changer le style de l’Eglise (p.148)
    7 : Renforcer le dialogue avec la société (p.150)
    8 : Faire la vérité pour retrouver la confiance (p.153)
    9 : Former les prêtres sur les questions affectives (p.154)
    10 Combattre les phénomènes d’emprise (p.156)
    11 Revoir l’exercice du pouvoir au sein de l’Eglise (p.160)
    12 Mettre en actes la « tolérance zéro » (p.163)

    • Avant de suggérer un 13ème chantier, deux remarques:
      1/ Étonnante cette pointe dans la partie 2) du développement de Benoit XVI qui vise son ex collègue moraliste!
      2/ S’il n’y avait pas eu 68, et si on suit le raisonnement de Benoit XVI, on ignorerait encore la fragilité de l’âme enfantine, … et même de l’âme adolescente car, même « instruit » par le porno, l’ado reste fragile sous des dehors émancipés, sur de soi, … et il demeure souvent une part ado chez les adultes.
      Le 13ème chantier -en lien avec plusieurs de ceux proposés par V. Margron- consisterait à épurer la liste des saints, ou, plus facile, à oublier cette notion.

    • On pouvait déjà le trouver en lien à partir de mon billet en cliquant sur « 12 pages de réflexion ». Trop de lecteurs des blogues ne sont pas encore suffisammzent familiers de l’existence de ces liens hypertextes vers d’autres documents à partir des mots clés apparaissant en bleu et soulignés.

  • L’angoisse toile de fond de ce texte de Benoit XVI

    En écho à la remarque de J P Gosset (voir son post supra) , ce qui frappe dans l’économie du texte de Benoit XVI c’est quand même que l’on sent, sous jacente, l’angoisse ontologique qui cherche désespérément à se rassurer . Il illustre parfaitement et inconsciemment le diagnostic de E Drewermann sur la psychologie du clerc qui refuse d’assumer lui même cette angoisse ontologique inhérente à la condition humaine en déléguant à l’institution écclésiale le soin de dire à sa place et à priori le bien et le mal qui devront toujours être objectivés .
    Ainsi :
    – sa remarque sur son collègue Franz Böcke signifie deux choses :
    – D’abord qu’aucune conscience humaine ne peut avoir raison contre l’institution écclésiale .
    – Et d’autre part que le bien et le mal peuvent et doivent être définis à priori , de manière totalement objectivée indépendamment des circonstances dans lesquelles se produisent les actes .
    Il se rassure à peu de frais en interprétant la mort de Böcke comme un don de Dieu qui a permis que ne puisse pas être réfutée par une voix faisant autorité une affirmation fondamentale de « Véritatis Splendor  »  » il existe des actions qui ne peuvent jamais devenir bonnes  » et que dans la qualification des actions  » le magistère de l’Eglise avait « une compétence d’enseignement ultime  » . Bien sûr comme le souligne René , il reconnait une faible marge de manoeuvre , ni circonscrite , ni définie, à la conscience de chacun en concédant du bout des lèvres que l’enseignement moral de l’église ne pouvait pas totalement relever du champ des décisions infaillible s du magistère de l’Eglise .

    On a là l’aveu flagrant de l’archétype du clerc , de la psychologie du grand inquisiteur qu’il fut : la panique qu’il faut conjurer à tous prix devant les possibilités du libre arbitre .

    Ce qui me choque le plus ce n’est pas tant sa position ; c’est celle de tous les pouvoirs quels qu’ils soient . Ce n’est pas non plus qu’elle soit le signe d’une immaturité psychologique savamment camouflée sous une culture subtile et profonde qui refuse par principe le droit à un rapport adulte de la personne humaine à l’autorité . Ce qui me choque profondément comme chrétien catholique c’est que Ratzinger développe sa thèse en se servant du message biblique et de l’Evangile alors même qu’ils se fondent sur la prééminence de la conscience personnelle comme ultime instance de jugement comme l’affirmait déjà Thomas d’Aquin . Depuis le « qu’as tu fait de ton frère  » de la Genèse jusqu’au « moi non plus je ne te condamne pas » de la parabole de la femme adultère . Benoit XVI a bien vu la difficulté puisqu’il affirme dans son texte que tous les efforts pour fonder une théologie morale sur l’Ecriture aboutissent à une impasse ( cf son paragraphe sur les travaux de Bruno Schüller) .

    Une faible consolation cependant , par ce texte Benoit XVI confirme malgré lui le diagnostic de Drewermann sur les fondements psychologiques du comportement clérical . Drewermann qui fut condamné par la congrégation pour la doctrine de la foi .

    Ce texte de Benoit XVI présente à mes yeux l’immense avantage de dévoiler clairement la raison pour laquelle la théologie morale catholique est inaudible : Est ce parce que l’on ne peut pas dire le bien et le mal à priori et hors de toutes circonstances qu’il y a nécessairement effondrement de la morale ?
    J’ai la faiblesse de croire avec de nombreux théologiens pourtant catholiques ( X Thévenot , MJ Thiel , V Margron notamment) qu’une décision n’est vraiment morale que lorsque l’on prend en compte ensemble les trois éléments suivant: la règle , la personne qui discerne et les circonstances .

    • « déléguant à l’institution ecclésiale le soin de dire à sa place et à priori le bien et le mal »
      => Cette pathologie dépasse malheureusement le clergé : une partie des fidèles est ravie que l’institution décide pour elle ce qui est bien ou mal.
      En un sens, c’est une position très confortable : pour peu que l’on soit capables d’obéir aux injonctions, que l’on « rentre dans les clous » (par effort de volonté ou par chance), on se retrouve « sauvé » ! Plus besoin de se fatiguer à discerner, les réponses sont la, toutes faites, depuis toujours et pour toujours.
      Ce qui me semble important de bien comprendre, c’est que l’on est pas affecté de cette « pathologie » par choix. On l’est parce que l’on ne supporte pas l’idée qu’il nous faille discerner tant cela ouvre il est vrai un gouffre abyssal.
      Le corollaire, c’est que les souffrants en question défendront l’objectivation du bien et du mal quoi qu’il en coûte. Aucun prix n’est trop élevé pour eux, parce que la chute de cette idée serait pire que tout. C’est leur salut qui se joue, ils n’ont littéralement rien à perdre, ce qui en fait des opposants redoutables.

      Il me vient alors deux questions :
      – combien de temps sera-il possible de maintenir dans une Eglise unique la vision de Benoit XVI avec celle de François ?
      – le jour ou cela ne sera plus possible, pourra t’on réellement construire et faire vivre une Eglise « moins cléricale » ? La réponse me semble moins évidente qu’il n’y parait, le protestantisme ayant montré les limites du modèle

      • A Emmanuel
        Oui , les partisans de la « servitude volontaire  » victimes consentantes du système religieux d’aliénation ont ce besoin vital de certitudes pour ne pas assumer le défi d’une vie réellement humaine : accepter ce hiatus entre ce que nous devrions être et que si crûment nous ne sommes pas et tenter en conscience , par nos choix de vie , de le réduire . C’est à mon sens l’apport fondamental du message de Jésus : la preuve par sa vie , par la relation de confiance en un Dieu qu’il appelle « père » que l’on peut dépasser l’angoisse devant la liberté et la peur de s’accepter responsable ; que l’on peut conjurer la peur de se décentrer de soi même en faisant confiance à un autre qui est le Dieu ineffable YHWH . Que cette confiance retrouvée en soi même et en Dieu nous permet de vivre pleinement notre humanité au point que la mort n’a plus de prise sur elle .
        L’inverse de la logique théologique de Ratzinger , et de son cléricalisme exacerbé qui a besoin de certitudes , d’infaillibilité, de bien et de mal objectivés pour se rassurer . Le discours de Benoit XVI légitime la démarche qui consiste à fournir un savoir sur la foi , à le traduire en notions et en les absolutisant pour justifier que l’on doive (sans aucune chance de réussite) s’y conformer . En faisant cela il ne fait que valider le langage de l’institution pour légitimer son pouvoir . Il avait donc le profil parfait pour être le grand inquisiteur , ce qu’il fut comme préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi .

        Je partage aussi vos deux questions ;

        Sur le blog de F Vercelletto (ouest France ) j’ai intitulé mon commentaire du texte de Benoit XVI : « Deux papes , deux églises ? »
        En ce qui concerne la deuxième question : c’est bien tout le défi que doit relever maintenant l’église catholique : revoir entièrement sa conception d’elle même qui repose sur le clivage clerc / laïcs et engendre le cléricalisme , sans renier ce qui fait aussi son identité propre : la capacité à faire l’unité . Un chemin étroit et escarpé . Mais à ne pas vouloir l’emprunter on s’aligne sur la logique de l’évêque Marcel Lefebvre : transformer la « bonne Nouvelle « de l’Evangile en un entassement de procédures juridiques nous donnant l’illusion de l’assurance du salut .
        On connait déjà « l’avenir d’une illusion  »
        l

  • « Alors que l’Église avance en eaux troubles, la voix de sœur Véronique Margron porte singulièrement. Peut-être parce que cette théologienne dominicaine, pour avoir été éducatrice spécialisée au sein de la protection judiciaire de la jeunesse, sait concrètement de quoi elle parle. Elle vient de publier un livre [Un moment de vérité, éd. Albin Michel, 2019] concernant les abus sexuels dans l’Église. » (voir ci-dessous)
    https://www.letelegramme.fr/france/abus-sexuels-dans-l-eglise-le-combat-de-veronique-margron-15-04-2019-12259540.php#GbagJyF0RdmYMYpI.99

    Le titre de l’article référencé ci-dessus a spécialement retenu mon attention : « Le combat de Véronique Margron ».
    Ainsi donc, les agressions sexuelles sur mineurs par des clercs donnent lieu à un combat qui n’est jamais gagné d’avance et qui est toujours à recommencer : une honte au sein de l’Eglise.

  • Comment Benoit XVI instrumentalise le sens du martyre .

    Sur ce point aussi son texte est très intéressant en ce qu’il démontre comment le magistère de l’église instrumentalise le martyre au service de l’idéologie cléricale .
    Alors même que le martyre en christianisme est le point ultime de l’expression d’une liberté : » ma vie nul ne la prend mais c’est moi qui la donne  » il le transforme en une aliénation totale , en une dévotion absolue à une norme abstraite ; »il y a des valeurs qui ne doivent jamais être abandonnées en vue d’une plus grande valeur et qui surpassent même la préservation de la vie physique ; il y a le martyre . Une vie achetée par la négation de Dieu , fondée sur un mensonge ultime est une non vie  »
    Extraordinaire cette conception de la personne humaine selon benoit XVI : elle est une « chose  » qui n’a de » valeur  » qu’en se soumettant au prix même de sa propre destruction s’il le faut à une valeur absolue qu’est la doctrine catholique exprimée par le magistère infaillible .

    Comparés à Benoit XVI , Marx et Trotsky font figure de doux humanistes , d’enfants de choeur et de coeur : «  »L’homme se donnera pour dessein de maitriser ses propres sentiments , de hisser ses pulsions aux hauteurs de la conscience , de les rendre transparentes , d’étendre les fils de sa volonté dans les recoins cachés et partant de s’élever à un nouveau plan  » (Lev Davidovitch Bronstein connu aussi sous le nom de Trotsky)
     » un texte écrit dans la chaleur des batailles aussi âpres que celles de Josué ; Absurde n’est ce pas ? mais un absurde dont on vit et dont on meurt  » ( G Steiner )
    Une conception de l’homme, de sa conscience , de sa capacité à donner un sens à sa vie et à sa mort , aux antipodes de la logique totalitaire et inhumaine de la conception de la théologie morale que croit encore pouvoir promouvoir Benoit XVI .

    Pour rassurer mes détracteurs potentiels sur mon christianisme catholique et au delà de cette incise provocatrice et exprimer cependant un désaccord total avec les ressorts du texte de benoit XVI
    – Invoquons Jean Paul II dans son encyclique  » Dieu riche en miséricorde  » : » la miséricorde se situe en un sens à l’opposé de la justice divine , et elle se révèle en bien des cas , non seulement plus puissante mais encore plus fondamentale qu’elle  »
    – Invoquons aussi l’Ecriture( certes simple faire valoir de la sainte doctrine catholique ) en Amos 7,1-10 qui raconte l’opposition entre Amamias parlant au nom de sa fonction cléricale et Amos sans autre titre à faire valoir que sa docilité à l’esprit de Dieu  » je ne suis pas prophète , je suis pâtre et pinceur de sycomores . Mais le Seigneur m’a pris de derrière le troupeau et le Seigneur m’a dit : va prophétise contre mon peuple Israel  » il apparait que Dieu n’est pas du côté du prêtre royal mais avec le prophète impuisssant .

    Sur le rôle que doit jouer la Tradition j’ai la faiblesse de préférer la conception humanisante et féconde de Gershom Scholem à celle mortifère de Benoit : la Tradition authentique n’est pas la transmission du texte mais la transmission du processus d’interprétation . En un sens il y a un acte de création dans l’acte de réception  »

    Le texte de Benoit illustre par l’exemple et jusqu’à la caricature le diagnostic de E Drewermann sur la conception classique de la théologie morale catholique : « il faut que le théologien renonce à fonctionner psychologiquement sur son surmoi clérical . C’est à dire qu’il renonce à s’identifier à des idées posées comme absolument justes et à prétendre les justifier et les confirmer sans aucun rapport avec la vie personnelle . »
    En cela i le texte de Benoit est emblématique du paradoxe de l’église : prétendre défendre une culture de la vie et fonctionner concrètement comme une idéologie mortifère .

  • Malheureusement je trouve cela consternant.
    Je n’ai pas lu tout le texte, mais les premiers extraits parus dans Vatican.news m’ont paru consternants.
    Car ces dérives que l’on découvre aujourd’hui et dont l’ampleur est catastrophique trouve l’essentiel de leur origine dans la structure et le fonctionnement de l’église catholique (on trouve d’ailleurs la même chose dans des groupes baptistes aux USA et dans des mouvements juifs ultra fermés; c’est moins connu car cela n’a pas la même portée générale, ni le même impact les structures n’étant pas regroupés dans une structure hyper hiérarchisée et générale comme dans l’église catholique).
    De nouveaux extraits parus dans Vatican.news veulent faire croire que les positions de Ratzinger sont complémentaires avec celles de du pape François. Mais ils n’ont de tout évidence pas la même notion du cléricalisme.
    Que 68 ait conduit à quelques graves voire criminelles dérives n’a rien à voir avec ces crimes et abus sexuels commis dans des milieux clos, et protégés et camouflés au dessus. Ces dérives sont bien antérieures et même de tout temps, mais elles ont pris là une ampleur qui oblige l’Eglise à revoir enfin son fonctionnement, l’exercice du pouvoir, la place des femmes et des laïcs au sein de celui-ci et au sein dans l’exercice du culte.
    Le cardinal puis pape Ratzinger a de toute évidence essayé d’agir contre ces pratiques, il semble bien qu’il ait voulu aller plus loin et qu’il en ait été empêché et fortement ralenti dans ses démarches.

  • « Pourtant, le scandale de la pédophilie, dont on ne connaît d’ailleurs pas l’ampleur exacte dans notre pays, ne résume pas toute la crise de l’Eglise catholique, affirme la sociologue Danièle Hervieu-Léger, directrice d’études honoraire à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. Elle touche le catholicisme en son cœur. Et plonge ses racines dans des choix « stratégiques » auxquels l’église est arrimée depuis le XIXème siècle, et avec lesquels (ou à cause desquels) elle s’étiole depuis des décennies. » (Danièle Hervieu-Léger, Télérama, 12/11/2018, voir ci-dessous)
    https://www.facebook.com/jean.lavoue.9/posts/10216097799992150

  • Non, c’est réellement le diagnostic théologique précis, c’est un problème de foi à la base. Votre texte en fait d’ailleurs un bon exemple.

    L’idée que le fidèle puisse trouver inacceptable les enseignements du Magistère, c’est un schisme. Un problème d’obéissance à la base, mais toujours justifié sur des bases de la foi, ce qui est rejeté. C’est aussi un manque de confiance dans le Magistère et donc un problème de foi.

    L’idée que l’Eglise doit se soumettre au vice et aux criminels, et non pas l’inverse, est aussi un problème de foi. Faire évoluer la doctrine pour la rendre plus façile au vice est clairement un signe, d’un manque de foi que la dite doctrine est divine, donc à ce moment là l’Eglise est complètement humaine et réalistiquement, totalement inutile aussi.

    Que des gens se trouvent appelés à une vocation mais la refusent pour leur manque de capacité à vivre chastement, encore là, c’est un problème de foi. Manque de foi que l’appel est réellement divin, manque de foi que Dieu aide par sa grâce supernaturelle, etc. Evidemment, pour quelqu’un qui manque de foi, c’est une réaction saine et logique.

    Que la grâce ne soit pas suffisante pour tout, encore là, c’est un problème de foi. C’est affirmer que Dieu ne peut pas tout faire.

    Mais ce sur quoi le texte de Benoît XVI porte plus d’attention, c’est le problème du fondement moral. La foi est le fondement de toute morale, car c’est affirmer une vérité comme vrai. Donc si quelqu’un suit des principles moraux, il doint être capable d’en faire acte de foi par la confession. C’est le début, pas la fin. Après il faut être capable de discerner son application, mais c’est impossible sans avoir la foi pour commencer. Si c’est juste des mots creux, ou encore aucun mot, ce ne sera jamais appliqué car celà n’existe pas.

    La révolution sexuelle des années 60, peut certainement être vue comme l’époque à laquelle pour la première fois dans l’histoire, une civilisation complète adopte le vice comme étant une vertue. C’est nouveau. Contradictoire et nouveau, et encore là, il faut la foi pour croire dire la vérité, mais sans foi, se contredire est une vertu. Ne pas se contredire fait aussi partie de la loi naturelle. C’est d’ailleurs sa base. C’est nécessaire à la foi. C’est même la façon de faire de la théologie.

    Il n’y a pas de contradiction entre l’idée d’un Magistère et celui de la loi naturelle. Si on croit que le Magistère est vrai et dit la vérité, et la loi naturelle qui regarde la réalité vraie. La vérité ne peut pas contredire la vérité, donc les deux sont complémentaires. C’est d’ailleurs un dogme officiel de l’Eglise depuis Vatican 1, donc pas si vieux. Mais celà a toujours été accepté depuis St-Augustin et probablement avant.

    Dans le fond, vous reprenez les thèses de Luther en prétendant savoir mieux lire que les docteurs de l’Eglise, et le Magistère qui les enseigne. Tout est possible évidemment, mais hautement improbable.

    En ce qui a trait à la contradiction entre les deux papes, je suis pas mal certain que Benoît XVI ne le verrait pas de cette façon. Il n’aurait pas écrit si c’était réellement le cas, et encore là, c’est un problème de foi, mais cette foi çi en Benoît XVI. C’est croire qu’il est fidèle au Magistère, ce qui est hautement probable, car is se contradirait. Mais en gros, les deux approches sont complémentaires. Une foi sans travail est une foi morte, mais un travail sans foi est n’importe quoi. C’est le même principle que pour la morale. Une morale sans principle est un vice et n’importe quoi, et une moralité sans pratique est morte, des mots creux. Donc quelqu’un qui rejette une partie de ces vérités complementaires, rejette une partie de la réalité, et c’est un problème de foi.

    • Le principe de ce blogue étant d’accepter la controverse dès lors que les commentaires ne sont pas injurieux, je ne vois pas de raison objective de ne pas rendre public votre texte. Sauf qu’il illustre parfaitement le dialogue de sourds potentiel auquel on peut parvenir lorsque les interlocuters se trouvent à trop grande distance l’un de l’autre. Ce qui est ici le cas. Je ne vais pas « déconstruire » votre argumentation… ce qui ne servirait strictement à rien puisque vous être dans votre vérité. Je vous écoute et ne vous entends pas. Et si, de toute manière, comme vous l’écrivez tout est une question de foi, alors je ne vois guère ce qu’il y a à faire puisque c’est Dieu et lui-seul qui nous la donne.

    • Monsieur Quiddam
      si je comprends bien vous êtes le seul à avoir la « foi » et la « vérité »
      Je crains fortement que ce soit plutôt « votre » foi » et « votre « vérité ».

  • Relisons Bernanos :

    « C’est, par exemple, un fait d’expérience qu’on ne réforme rien dans l’Église par les moyens ordinaires. Qui prétend réformer l’Église par ces moyens, par les mêmes moyens qu’on réforme une société temporelle, non seulement échoue dans son entreprise, mais finit infailliblement par se trouver hors de l’Église… avant que personne ait pris la peine de l’en exclure… Il en devient l’ennemi presque à son insu, et s’il tente de revenir en arrière, chaque pas l’en écarte davantage, il semble que sa bonne volonté elle-même soit maudite. C’est là, je le répète, un fait d’expérience, que chacun peut vérifier s’il prend la peine d’étudier la vie des hérésiarques, grands ou petits. On ne réforme l’Église qu’en souffrant pour elle, on ne réforme l’Église visible qu’en souffrant pour l’Église invisible. On ne réforme les vices de l’Église qu’en prodiguant l’exemple de ses vertus les plus héroïques. Il est possible que saint François d’Assise n’ait pas été moins révolté que Luther par la débauche et la simonie des prélats. Il est même certain qu’il en a plus cruellement souffert, car sa nature était bien différente de celle du moine de Weimar. Mais il n’a pas défié l’iniquité… il s’est jeté dans la pauvreté… Au lieu d’essayer d’arracher à l’Église les biens mal acquis, il l’a comblée de trésors invisibles, et sous la douce main de ce mendiant le tas d’or et de luxure s’est mis à fleurir comme une haie d’avril… L’Église n’a pas besoin de critiques, mais d’artistes… L’Eglise n’a pas besoin de réformateurs, mais de saints. »

    Georges Bernanos (Frère Martin, in « La Vocation spirituelle de la France », Plon – pages 222 et ss)

    • Que l’Eglise n’ait pas besoin de réformateurs mais de saints, voilà ce qu’on me serine depuis des décennies avec une belle constance. Jean Paul II ne disait pas autre chose et après lui Benoît XVI (et sans doutre François…). Et cela donne… Sodoma !

      Le Concile de Trente fut-il un rassemblement de saints ou un chantier de contre-réformes ? Il y a quelque chose de profondément ambigu à dégainer la sainteté dès qu’on veut se protéger de la moindre « menace » de changement » !

      • Franchement, je ne vois pas en quoi la sainteté serait une manière de « se protéger » du changement !
        Les saints ont tous été des réformateurs.
        A l’inverse les réformateurs n’ont pas tous été des saints.
        Quand St François entend le crucifié lui dire : « François, va et répare ma maison ! », il a plus réformé l’Eglise par la pauvreté et l’humilité que bien des réformateurs bouffis d’orgueil.
        L’exemple du Concile de Trente est là aussi instructif : c’est bien St Pie V, cet humble dominicain qui a réformé l’Eglise en pratiquant la pauvreté et en luttant contre les fastes pontificaux.
        Faire de l’appel à la sainteté de l’Eglise la matrice de Sodoma est indigne et me choque profondément.

        • Je ne fais pas de l’appel à la sainteté la matrice de Sodoma. Je dis simplement qu’il y a des structures dans l’institution ecclésiale qui, parce qu’elles n’ont pas été reévaluées, sont devenues de fait pécheresses et font obstacle à l’appel à la sainteté. Et que des réformes peuvent précisément créer un contexte plus favorable à la sainteté. Je ne vais pas reprendre ici un dialogue de sourds interminable et sans issue. Mais, encore une fois, je n’ai pas le souvenir que les cardinaux qui ont élu le pape François, aient renoncé à mettre l’accent, au travers de leurs choix, sur l’urgence de réformes trop longtemps différées, dont l’absence avait conduit aux errements dévoilés par Vatileaks et à la démission de Benoît XVI. Si nous ne sommes pas capables de nous accorder au moins sur cette évidence, inutile de prolonger le débat !

          • René, je ne crois pas que ce soit un dialogue de sourds sans issue car je demeure persuadé que l’Eglise doit toujours se réformer, « semper reformanda », y compris sans doute dans ses structures même si je ne fonde pas tous mes espoirs dans les seules structures, et je suis d’accord avec vous sur cette « évidence ».
            Mon désaccord venait de votre commentaire précédent où je vous sentais, peut-être à tort, mettre plus d’espoir dans les réformateurs que dans les saints.
            Comme je vous le disais, tous les saints ont été des réformateurs, mais tous les réformateurs n’ont pas été des saints.
            Comme le disait avec humour et justesse Alain Noël, récemment disparu, « vouloir être chrétien sans vouloir être saint, c’est se pourrir la vie » !

        • « Nous devons arrêter de vivre entre nous, chrétiens »

          « Chape de plomb
          Même ce père de neuf enfants est plutôt prompt à défendre le catholicisme et à se dire « profondément heureux d’être chrétien », il reconnaît qu’il y a « beaucoup de choses vieillottes » dans l’Église. À commencer par cette salle paroissiale, aux murs beiges et au mobilier en bois ciré qui nous projette quelques décennies en arrière. Infime symptôme d’une Église en décalage avec son époque. » (Mélinée Le Priol, La Croix, 26/4/2019, voir ci-dessous)
          https://www.la-croix.com/Religion/Catholicisme/France/Nous-devons-arreter-vivre-entre-nous-2019-04-26-1201018093

      • René, permettez-moi de vous dire que si vous n’êtes pas convaincu que nous avons tous besoin de saints c’est qu’il y a une très profonde divergence entre nous.Quant au Concile de Trente considérez-vous qu’il était inutile de confirmer certains points essentiels de la foi comme par exemple la Présence Réelle du Christ lors de la Consécration et du caractère parfaitement évangélique du sacrement de Pénitence entre autres
        Oh bien sûr les evêques du Concile de Trente n’étaient sûrement pas tous des saints mais je pense qu’ils ont fait du bon travail compte tenu de la menace par certains côtés que représentait la Réfome et en matière de sainteté je ne crois guère qu’on ait beaucoup de leçons à recevoir des « petits pères » Calvin et Luther lesquels avaient aussi leurs qualités bien sûr et de très bonnes raisons de vouloir réformer l’Eglise de leur époque laquelle était dans un état bien pire que ce que nous connaissons ..actuellement;

    • Merci Michel de m’avoir fait connaître ce texte de Bernanos avec lequel je suis en profonde communion bien sût tout comme vous d’ailleurs.
      A lire certains j’ai le sentiment que ces personnes sont persuadées que l’on doit traiter les problèmes de l’Eglise tout simplement ce qui marche dans le monde,alors que l’Eglise’ fondamentalement n’est pas une société humaine comme une autre et ne doit donc pas se contenter de suivre le monde
      A la limite je rêverais d’une église appliquant la Règle de St Benoit dans son mode de fonctionnement

    • A Michel de Guibert

      Je ne comprends pas cette opposition binaire entre réforme et sainteté .L’une n’est pas exclusive de l’autre . Que l’Eglise ne soit pas seulement une structure ayant pour mission d’annoncer l’Evangile , pour un croyant c’est évident .Que pour autant elle n’ait pas une dimension structurelle qu’il faille traiter comme telle par des réformes de structures n’est en rien incompatible avec le fait qu’elle est aussi besoin de Saints . Le concile de Trente invoqué trop souvent mal à propos fut justement un concile ou l’on évoqua des problèmes de structure auxquels on répondit par des réforme de structures . N’oublions pas que la principale question du concile de Trente fut notamment celle de la présence des évêques dans leur diocèse et l’obligation pour eux d’y résider . Trente fut aussi le moment d’un affrontement entre le pape et les rois sur la question de savoir si l’autorité des évêques procédait de Dieu lui même ou du pape , question ayant une dimension éminemment structurelle puisque que de la réponse ( apportée par ..vatican II) dépendait les rapports entre l’église et les états .

      Opposer besoin de réformes et sainteté c’est légitimer à priori tous les errements , toutes les dérives de l’institution ecclésiale . Au vu de ce que l’on on connaît aujourd’hui , c’est une position difficile à défendre (l’argument des branches pourries d’un arbre globalement sain (t) étant démenti par les faits .

      Bon courage cher Michel si vous persistez dans cette stratégie de défense de l’église !
      Bernanos ne prend en compte que la dimension spirituelle de la vie de l’Eglise , il minimise le fait qu’elle soit aussi une institution humaine .

      • Guy, si vous lisez mes réponses à René ci-dessus, vous verrez que je n’oppose pas de façon binaire réforme et sainteté.
        Bernanos met l’accent à juste titre sur la dimension spirituelle de la vie de l’Eglise, cela n’épuise pas la réflexion certes, mais cela recentre sur l’essentiel.
        Comme je le disais, tous les saints ont été des réformateurs, mais tous les réformateurs n’ont pas été des saints…

  • Guy, a te lire il me semble que Trente n’a fait que des réformes d’ordre structurel et rien d’autre et surtout pas d’ordre spirituel ,surtout pas.Curieuse vision des choses…

      • Absolument pas René et je ne dis pas que ce qu’écrit’ Guy est faux mais est incomplet, c’est( le moins qu’on puisse dire car enfin passer sous silence l’affirmation de la Présence Réelle au moment de la Consécration c’est tout de même plus important que de rendre obligatoire la résidence dans leur diocèse des Evêques,non?

        • A Dominique
          A Trente la question n’était pas celle de la présence réelle dans l’eucharistie . Trente s’est interrogé sur le fait de savoir si la réalité de la présence
          de Dieu dans l’eucharistie etait complète dans chacune des espèces pain et vin ? Avec des conséquences très pratiques : la possibilité de communier sous une seule espèce .

          • Et c’est tout?
            Il me semble tout de même qu’il est allé un peu plus loin que çà en affirmant pour répondre à Luther qui lui affirmaIT le principe de consubstantialité a affirmé qu’au moment de la Consécration c’est la totalité des espèces qui devient corps et sang de notre Seigneur

  • A Dominique et Michel
    La dimension spirituelle est ausi concrète .
    La sainteté ce n’est pas que, ce n’est pas d’abord du surnaturel .
    Un saint reconnu ou non est toujours un «juste» c’est a dire quelqu’un dont le témoignage est toujours incarné dans la réalité de son époque .
    Bernanos a raison de souligner que l’on ne peut pas envisager l’Église seulement comme une administration a organiser .Mais un saint a toujours« les mains dans le cambouis» et il y a des moments ou le cambouis se nomme réforme de structure C’est je le crois le moment que nous vivons ..

    • « Un saint…est toujours quelqu’un dont le témoignage est toujours incarné dans la réalité de son époque dis-tu, et cependant il existe aussi des saints qui n’ont pas les mains dans le cambouis et en disant cela je pense à Thérèse de Lisieux par exemple laquelle, enfermée dans son Carmel ,ne pouvait avoir qu’une vision des plus lointaine des réalités de son époque.
      Pour moi la sainteté relève en premier lieu du surnaturel car c’est avant tout un abandon complet entre les mains du Seigneur

    • Mais bien sûr, Guy.
      C’est aujourd’hui la fête de Sainte Catherine de Sienne qui n’est pas restée inactive à son époque !

  • Outre « la crise » et « l’erreur de diagnostic », ne passons pas sous silence le véritable sujet, à savoir … le silence – éternellement récurrent – de l’Église :

    « La révélation à la fois de l’étendue dramatique des actes de pédophilie commis par des prêtres ou religieux, avec toutes les souffrances dont ces actes sont la cause, et du couvercle de silence mis par les responsables de l’Église sur ce drame, ont suscité en moi un très profond trouble. C’est ce trouble qui est à l’origine de la réflexion critique ici développée. Je cherche à comprendre. Je précise tout de suite que je ne m’interroge pas ici sur les causes de ces pratiques pédophiles ou autres pratiques sexuelles déviantes ou maltraitances. Je m’interroge sur le phénomène du silence de l’Église, de cette omertà. » (Ignace Berten, o.p., paves-reseau.be, 12/2018, voir ci-dessous)
    http://www.paves-reseau.be/revue.php?id=1560

    Pédophilie et Eglise (Oihana Gabriel, 20minutes, 17/2/2019, voir ci-dessous)
    https://www.20minutes.fr/monde/2453315-20190217-pedophilie-eglise-vrai-sujet-aujourdhui-negligence-responsables-eglise

  • Ce texte de BXVI renvoi à l’ordre que résume le « dogme originel » du pontifex maximus surplombant royaumes et empires. Ce dogme ne fut formulé que quand le sol se déroba, non seulement sous les pieds des rois et empereurs, mais aussi sous ceux du pontife sans États: l’infaillibilité « oracle de l’Eglise » selon Pie IX. Cette foi au fort parfum de pouvoir temporel a imprégné la jeune génération du 1er XX ème siècle, … R. Rolland, C Maurras, P. Claudel, C Péguy, S. Zweig, J. Maritain, G. Bernanos, C de Gaulle, Y. Congar.
    Alors que la profondeur politique et humaine du Bernanos essayiste me parle, l’expression de sa foi, apparentée à celle de De Gaulle, Claudel, Péguy, Maritain, Maurras est trop en ligne avec ce dogme pour me parler. La manière dont il exprime cette foi a beau être belle, comme pour Claudel, cette foi m’est étrangère. A la perfection apparente de cette foi, je préfère les apparentes imperfections de celle de Romain Rolland, Stefan Zweig et Congar.
    A propos des saints « patentés ». Une thèse de doctorat d’histoire * apporte des éléments sur la manière dont le culte du sacré-cœur a été quasi fabriqué suite à la 1ère contre-réforme, par les pouvoirs (temporels et spirituels, français, impériaux et papaux) a des fins politiques **. Claude La Colombière et MM Alacoque sont en effet un exemple de produit médiocre sortis de la « fabrique à saints » dans un contexte historique et politique, à l’origine celui de la révocation de l’édit de Nantes, avant d’être recyclé et amplifié ensuite,
    – d’abord dans le contexte de la perte des états pontificaux puis de la loi de 1905 (béatification de MMA en 1864, canonisation en 1920, béatification de C La C en 1929),
    – puis lors de la 2de contre réforme suite à VII (canonisation de Claude La Colombière en lien avec le mouvement de l’Emmanuel et la venue à Paray de JPII).

    * http://premium.lefigaro.fr/livres/2010/02/04/03005-20100204ARTFIG00645-stefan-zweig-le-mystere-de-sa-fin-tragique-.php
    ** Les protestants de Paray-Le-Monial – de la cohabitation à la diaspora (1598-1750) Honoré Champion, 2016. Un résumé: http://www.sudoc.abes.fr/DB=2.1//SRCH?IKT=12&TRM=144873761&COOKIE=U10178,Klecteurweb,I250,B341720009+,SY,NLECTEUR+WEBOPC,D2.1,Eba014eda-11,A,H,R92.141.15.165,FY

    • Puisque vous mettez en cause Péguy, en parlant de « foi au fort parfum de pouvoir temporel » et en le mettant dans le même sac que Maurras (qui du reste n’était pas croyant, sauf peut-être au soir de sa vie), je ne résiste pas à vous citer ce beau texte :

      “Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise pensée. C’est d’avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C’est d’avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d’avoir une âme même perverse. C’est d’avoir une âme habituée.
      On a vu les jeux incroyables de la grâce et les grâces incroyables de la grâce pénétrer une mauvaise âme et même une âme perverse et on a vu sauver ce qui paraissait perdu. Mais on n’a jamais vu mouiller ce qui était verni, on n’a pas vu traverser ce qui était imperméable, on n’a pas vu tremper ce qui était habitué.
      Les “honnêtes gens” ne mouillent pas à la grâce.
      C’est que précisément les plus honnêtes gens, ou simplement les honnêtes gens, ou enfin ceux qu’on nomme tels, n’ont point de défauts eux-mêmes dans l’armure. Ils ne sont pas blessés. Leur peau de morale, constamment intacte, leur fait un cuir et une cuirasse sans faute.
      Ils ne présentent pas cette ouverture que fait une affreuse blessure, une inoubliable détresse, un regret invincible, un point de suture éternellement mal joint, une mortelle inquiétude, une invincible arrière-anxiété, une amertume secrète, un effondrement perpétuellement masqué, une cicatrice éternellement mal fermée. Ils ne présentent pas cette rentrée à la grâce qu’est essentiellement le péché. Parce qu’ils ne sont pas blessés, ils ne sont pas vulnérables. Parce qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte rien. Parce qu’ils ne manquent de rien, on ne leur apporte pas ce qui est tout.
      La charité même de Dieu ne panse point celui qui n’a pas de plaies.
      C’est parce qu’un homme était par terre que le Samaritain le ramassa. C’est parce que la face de Jésus était sale que Véronique l’essuya d’un mouchoir. Or celui qui n’est pas tombé ne sera jamais ramassé ; et celui qui n’est pas sale ne sera pas essuyé.”

      Charles Péguy (dans la « Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne »)

  • « Ce qu’il [le documentaire sur les abus sexuels diffusé sur ARTE le 5 mars 2019] montre de complicités, de mensonges, de trahisons, de déni, de perversions et de comportements criminels et impunis, est insoutenable. Nous sommes sidérés par ce que nous avons vu et entendu. »

    « Le reportage repère des causes internes à l’Église : le caractère sacré du prêtre et du religieux, un pouvoir omnipotent, une conception avilissante de l’obéissance, un machisme parfois viscéral, une fourberie hallucinante et une réification des femmes, y compris quand elles se retrouvent enceintes. Il nomme aussi des causes exogènes comme le dénuement de religieuses ou de la communauté. Une précarité qui peut occasionner un véritable marchandage sexuel dont des supérieures sont alors complices. » (Sr Véronique Margron, Union des Réseaux Congréganistes de l’Enseignement Catholique, voir ci-dessous)
    https://www.urcec.org/actualites/religieux-et-religieuses-de-france/des-religieuses-sexuellement-abusees-par-des-pretres

    • La manière dont les personnes consacrées traitent leur parentalité, est similaire à celle dont elles traitent les crimes sexuels. Cette erreur est aussi ancienne que les religions qui ont ont associé consécration et anges asexués, c’est à dire la plupart. Focaliser sur 68 est alors, pour BXVI et François -qui n’aurait trouvé rien à redire à ce texte-, une manière de renvoyer à plus tard la mise à la décharge du statut clérical antique alors que personne ou presque ne croit plus aux anges ou aux astres.
      Il y aurait environ 4000 « enfants du silence » en France, ce qui, rapporté au nombre de « parents consacrés » -disons 150 000 au sortir de la guerre mondiale 14/45- fait, à la louche, 2 à 3%, soit comme pour les orphelins en France: 500 000 -75% de père, 15% de mère, 10% des deux- soit environ 2% à 3% des adultes. L’irresponsabilité parentale des uns n’a rien à envier à celle des autres, la souffrance et les peines des uns et des autres non plus. Faut-il y voir un effet de ce la grâce ** qui habite ni plus ni moins les uns que les autres?

      * http://premium.lefigaro.fr/actualite-france/2011/10/07/01016-20111007ARTFIG00672-premiere-etude-sur-les-500000-orphelins.php
      ** Cclin d’oil à la belle citation de Péguy proposée ci-avant par Michel de Guilbert.

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