Introduction aux 15è Journées d’études François de Sales
Annecy 27 janvier 2011
Chers amis,
Est-il réellement utile de m’attarder ce matin sur le choix du thème qui, deux jours durant, va retenir notre attention et solliciter notre créativité ? La presse écrite est en crise, confrontée à d’importantes mutations culturelles dont l’impact économique est profond, au premier rang desquelles le développement du numérique. La presse catholique, dans sa diversité, doit affronter un second choc, né du rétrécissement du «vivier» traditionnel où elle recrutait ses lecteurs et plus largement, disons-le, du discrédit ou de l’indifférence qui touche l’Eglise catholique et ses institutions.
Cette conjonction, sans précédent, justifie que nous nous interrogions, à frais nouveaux, sur nos origines et nos raisons d’être, comme sur les conditions de notre avenir et de notre développement. Sans doute pouvons-nous poser, ici, en hypothèse – une hypothèse qui n’est pas forcément vérifiée pour tous les titres de la presse française – que c’est en creusant nos identités propres, en développant nos singularités, que nous assoirons le mieux notre originalité et notre plus-value. Et partant, que nous deviendrons en quelque sorte «désirables». Pour peu que nous fassions l’effort de rejoindre nos contemporains dans les questionnements qui sont les leurs, en usant du langage de la vraie vie.
De cette réflexion, souhaitée par vos associations et nourrie au sein du groupe Théopresse, créé en partenariat avec l’Udesca, est né le thème de ces journées : «le rôle de la presse catholique dans la société et dans l’Eglise». Nous avons voulu, dans un premier temps, prendre le risque de nous mettre d’abord à l’écoute de ce qui se dit de nous. D’où le choix de commander à TNS-sofres un enquête par sondage sur l’image que les français se font de la presse catholique. Les résultats en sont publiés, aujourd’hui même, par certains de vos titres. Ils vous seront plus largement présentés et commentés, dans un instant, par Jean-François Barbier Bouvet.
D’où, également, le choix d’organiser deux débats sur «le rôle de la presse catholique dans la société» puis, cet après-midi, «dans l’Eglise» avec des intervenants de tout premier plan. Des personnalités extérieures donc à nos équipes, mais suffisamment sensibles à l’enjeu d’une telle réflexion et en proximité – fut-elle critique et interpellante – avec nous, pour que l’on soit assuré de la liberté et de la pertinence de leur propos. Je les remercie, à mon tour, d’avoir répondu aussi spontanément à notre invitation.
Troisième et dernier regard extérieur : il nous sera proposé en fin d’après-midi par nos confrères de KTO sous forme de témoignages recueillis auprès d’une quinzaine de personnalités françaises qui nous disent leurs attentes, à notre égard. Il reviendra alors au Père Laurent Villemin, de mettre en perspective les apports des uns et des autres, enrichis de nos propres échanges.
Chers amis,
Nous mettre ainsi à l’écoute des autres ne signifie pas pour autant que ces questions liées au «rôle de la presse catholique» procèdent pour nous d’une prise de conscience tardive. Il y a bien longtemps que ces questionnements nourrissent la réflexion de nos équipes, sinon au quotidien, du moins dans ces périodes fortes où s’élaborent : chartes éditoriales, nouvelles formules ou réajustement des stratégies marketing.
S’agissant en premier lieu du «rôle de la presse catholique dans la société», la question qui nous vient d’abord à l’esprit est celle du rôle des catholiques eux-mêmes (et non pas de leur presse), dans la société française. Des catholiques pris individuellement mais aussi communautairement – pour ne pas dire collectivement – au travers de la hiérarchie catholique comme des institutions, mouvements, services et associations diverses.
Cet aspect ces choses n’est pas sans rapport avec la conception française de la laïcité dont l’actualité nous démontre à quel point elle reste controversée, fluctuante, toujours en débat. De là à suggérer que la lecture du «rôle de la presse catholique dans la société» puisse également être plurielle, tant au sein de l’opinion en général, que de notre propre famille de pensée, il n’y a qu’un pas que je franchis, pour ma part, sans hésitation aucune. Laissant à nos invités et à vous même le soin d’examiner les éléments du débat.
Permettez-moi néanmoins de glisser ici une conviction : ce «rôle de la presse catholique dans la société» est peut-être, aujourd’hui, plus essentiel que nous-même l’imaginons ou l’ambitionnons parfois. Est-ce si peu, à ce moment précis de l’histoire du monde et de nos sociétés, de porter dans nos gènes :
- la conviction «pascale» qu’il n’est aucune impasse que l’on ne puisse franchir,
- la vision linéaire d’une Histoire humaine ouverte, dont nous sommes les acteurs
- la conscience de la dignité de tout homme et de ses droits,
- l’exigence, pour tous, d’une quête de la Vérité,
S’agissant en second lieu du «rôle de la presse catholique dans l’Eglise» il me semble, déjà, que la diversité que vous représentez ici, est – à l’image des quatre évangiles canoniques – signe d’une saine vision des choses, où l’unité ne s’évalue pas à l’aune de l’uniformité. Parce que les exigences de la mission – fut-ce la simple mission d’informer – nous poussent à prendre acte de la diversité des publics auxquels nous nous adressons, comme le firent voici deux mille ans : Matthieu, Marc, Luc…. et Jean.
Si vous m’autorisez quelque improvisation autour de la dialectique : fidélité doctrinale/liberté éditoriale, chère à l’entreprise de presse où j’ai fait toute ma carrière, j’émettrai, ici, l’hypothèse qu’il n’est pas de fidélité sans liberté, pas plus qu’il n’est de vraie liberté sans fidélité. A charge pour nous de préciser les contours de ces deux mots et de peser leur poids d’exigences.
Le rôle de la presse catholique est-il d’abord de faire bloc autour de l’Institution, surtout en des périodes où on la sent fragile, ou de contribuer à l’expression d’une opinion publique dans l’Eglise ? Pour réductrice qu’elle soit, cette alternative n’en constitue pas moins le lieu emblématique du débat entre nous. Autant le formuler sans agressivité ni fausse pudeur. Et vous verrez que le sondage de TNS-sofres, apporte, sur ce point, des enseignements qui peuvent nourrir nos échanges.
Cette seule question n’épuise bien évidemment pas le sujet. Il appartient aussi à la presse catholique de donner à voir les dynamismes à l’œuvre dans nos communautés et dans l’Eglise, en France comme dans le monde. Et sans doute aussi de contribuer à sa manière à la «mission». Autant de rôles sur lesquels il peut exister une forme de consensus entre nous, même si des différences sont probables sur l’analyse des dynamismes comme sur les lieux ou les priorités de la mission .
J’en termine. Oser prendre le temps d’écouter ce que la société civile comme le monde ecclésial pensent avoir à nous dire de notre propre rôle ; oser échanger «loyalement» entre nous, en n’évitant aucune des questions qui fâchent, parce qu’il y va de notre crédibilité, voilà le pari que vous a proposé la FFPC et qui nous vaut, aujourd’hui, de votre part, une participation sans précédent dans l’histoire de ces Journées d’études François de Sales.
Nous verrons demain que ce double «rôle de la presse catholique dans la société et dans l’Eglise» n’a de sens que si nous relevons parallèlement un certain nombre de défis qui conditionnent notre développement voire notre existence même. Mais à chaque jour suffit sa peine.
Je vous souhaite – je nous souhaite – une très bonne journée avec nos invités.
Je vous remercie.
RENE POUJOL