God save the pope !

God save the pope !

A quelques jours des Rameaux, le pape François va être intronisé au Vatican sous les acclamations de la foule. 

 

Pope Francis salutes the crowd as he arrives for his weekly general audience in St Peter's square at the Vatican on October 22, 2014.   AFP PHOTO / FILIPPO MONTEFORTE

Pope Francis salutes the crowd as he arrives for his weekly general audience in St Peter’s square at the Vatican on October 22, 2014. AFP PHOTO / FILIPPO MONTEFORTE

Je n’ai jamais souhaité donner à ce blog une nature trop formelle. Il est bon que différents genres y trouvent légitimement leur place. Et qu’il puisse parfois prendre la tonalité de réflexions plus intimes. Me voici, en quelques jours, passé de l’enthousiasme à plus de gravité. Comment dire ? Cent conversations, je pourrais presque dire cent confidences… m’ont convaincu du fait que pour nombre d’hommes et de femmes «extérieurs» à l’Eglise ou qui, au fil des années, avaient pris leurs distances et n‘espéraient plus rien d’elle, l’irruption de cet homme «providentiel» correspond à… « ce qu’ils attendaient », sans le savoir ou l’espérer vraiment (1). Et que, disent-ils, leur propre réaction les étonne, les bouscule, les interroge !

Mais, dans le même temps, je sens déjà, ici ou là, à travers blogs et déclarations, venant du cœur même du peuple catholique, quelques réserves, quelques réticences voire même les  premières interrogations sur les intentions profondes de ce pape. Lorsqu’il déclare aux journalistes : «Comme je voudrais une Église pauvre et pour les pauvres!» il n’est pas dit qu’il soit parfaitement «reçu» par la totalité des «fidèles», et pas uniquement dans le triangle Versailles-Neuilly-Passy.

«Qu’il commence par porter sa croix en or…»

Il n’est pas sûr, davantage, que tel ou tel «bon catholique» ne soit pas tenté de partager, sans forcément l’exprimer, l’opinion de l’abbé Bouchacourt, supérieur pour l’Amérique latine de la Fraternité sacerdotale saint Pie X, lorsqu’il déclarait, au soir de l’élection du pape François : «Le cardinal Bergoglio veut être un pauvre parmi les pauvres. Il cultive une humilité militante, mais qui peut se montrer humiliante pour l’Eglise. Son apparition à la loggia de Saint-Pierre en simple soutane sans son rochet et sa mozette de pape en est la parfaite illustration.» Dès les jours suivants, on pouvait lire, comme en écho, sur les réseaux sociaux : « Je demande humblement au pape François de ne pas enlever le faste qui est autour de la papauté. Et qui en quelque sorte fait la beauté et la grandeur de la charge de successeur de Pierre. Qu’il commence par porter sa croix en or et les chaussures rouges.»

Demain, une autre manière de «faire» le pape ?

Le fait qu’il se soit présenté au soir de son élection, comme «évêque de Rome» demandant à son peuple de «prier Dieu pour qu’il le bénisse», plutôt que comme Souverain Pontife bénissant la foule… soulève ici l’espoir mais inquiète là. Car cela suggère une «autre» ecclésiologie et peut-être, demain, une autre manière de « faire» le pape. Dès le lendemain, le théologien Laurent Villemin commentait dans la Croix : «Beaucoup de questions actuelles ne peuvent être résolues au niveau planétaire. Il serait tout à fait possible qu’une décision soit prise à un endroit et pas à un autre. De nombreuses Églises, par exemple, ont déjà travaillé sur l’accueil des divorcés remariés. Il s’agirait de voir comment leur expérience peut être accueillie et mise en œuvre en certains endroits. Il n’est pas question d’appauvrir la figure du pape mais de trouver, dans une société globalisée, comment continuer à accorder un rôle fort à son ministère d’unité tout en redonnant une véritable responsabilité aux Églises particulières. L’insistance du pape François, dans ses premières déclarations, sur sa responsabilité d’évêque de Rome amène à penser que cette question est bien présente dans sa réflexion.» (2) Il n’est pas dit que ce type d’approche fasse l’unanimité.

Voici quatre jours, sur ce blog, je citais quelques paragraphes d’un livre du cardinal Danneels, publié en 2000 (3). A propos de la fonction pontificale, il y plaidait pour «une sorte de paternité spirituelle du monde» qu’il prolongeait de ce commentaire :  «Je ne dis pas que c’est facile, parce que le premier pape qui va essayer de faire cela, sera excommunié ou presque, ou en tout cas exclu.» (4)

On nous a tant servi l’idée de Tradition – trop souvent assimilée à l’immobilisme – comme gage de fidélité à l’Eglise ; tant invité à une relecture de Vatican II, au travers d’une «herméneutique de la continuité» opposée au «concile virtuel» promu par les médias ; tant asséné que l’Eglise avait besoin de sainteté avant que de réformes… que se trouve aujourd’hui par avance fragilisé, soupçonné, délégitimé… tout propos qui inviterait simplement à la grande liberté des enfants de Dieu. (5)

Le pape François s’est mis en danger

Lorsqu’un journaliste catholique twitte en écho au premier Angélus romain du nouveau pape : «Charité, miséricorde… La réforme de l’Eglise catholique ne passera ni par les structures ni par les idées, mais par le retour à l’Evangile.» (6) on a envie de lui dire que c’est déjà tout un programme… Le dimanche qui précédait, à deux jours de l’ouverture du Conclave, la liturgie nous donnait à entendre la parabole du fils prodigue. Un texte qui, depuis toujours, dérange profondément les croyants. Car, à quoi bon servir fidèlement son père si, au final, le fils désobéissant s’avère être aussi près de son cœur ? Pour avoir annoncé cette Bonne Nouvelle-là, un certain Jésus de Nazareth fut mis en Croix.

« Il faut porter sa Croix » invite le pape… et, déjà, un fidèle lui répond en écho : «en or, très Saint Père, en or…» Peut-on imaginer plus profonde méprise ? Maisil y en a bien d’autres, possibles ! C’est ce qui me fait penser aujourd’hui qu’au travers de ses premiers mots, de ses premiers gestes, le pape François s’est mis en danger. Par amour de Dieu et de l’Eglise, par amour du frère… Et qu’il faut le prendre à la lettre lorqu’il nous invite à «prier Dieu pour qu’il le bénisse.» Oui : Dieu protège le pape !

 

  1. Selon un sondage BVA pour Itélé, 82% des Français approuvent le choix du conclave.
  2. La Croix, 16 mars 2013, p.10.
  3. Franc Parler, DDB éditions.
  4. Dans son roman, Vatican 2035 (Plon), Christine Pedotti, sous la signature de Pietro de Paoli, imagine même que le pape réformateur (et Français) Sylvestre III finit par tomber sous la lame d’un ecclésiastique exalté qui voit en lui l’Antéchrist.
  5. Déjà, la bénédiction « silencieuse » donnée aux jour alistes présents à Rome, par respect pour ceux qui ne sont pas croyants, est fortement critiquée sur les sites traditionalistes. Sur le forum catholique, un commentateur note que cette bénédiction est non-valide et déplore qu’elle prive les journalistes catholiques présents « d’un sacramentel et des grâces qui lui sont réservées. »
  6. Jean-Pierre Denis, directeur de la réaction de la Vie.

 

3 comments

  • Non, pas « le retour à l’Evangile » comme s’il avait réellement existé un temps béni pour l’Eglise…mais la fidélité à l’Evangile sans gommer la présence de la Croix.D’après moi c’est ce message qu’il a voulu faire passer ,et il n’est certes pas dans l’air du temps. Comme je l’ai lu par ailleurs quand certains réaliseront que ce Pape malgré sa très grande simplicité est décidément catholique ils déchanteront assurément.

  • oui que Dieu protège ce Pape qui bouscule les habltudes , les fastes peu évangéliques……
    on peut avoir une belle célébration qui soit simple
    on peut être brillant en parlant simplement
    la véritable intelligence est celle du coeur
    dans quelques jours le Jeudi Saint on se rappellera que le Christ s’est fait serviteur…..

  • Oui, bien sûr que le Pape François s’est mis en danger! Mais n’est-ce pas ce qu’à fait Jésus lorsqu’il a fait passer le message d’Amour de son Père avant les préceptes de la loi au grand dam des scribes, lévites et autres grands prêtres? Le Pape François est tout à fait là dans son rôle en rappelant l’Église à la simplicité évangélique, que cela plaise ou non à la frange intégriste!
    J-C.H

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