Pour une «paternité spirituelle du monde»

Pour une «paternité spirituelle du monde»

Pourquoi l’élection récente du pape François m’a-t-elle incité à aller rechercher dans ma bibliothèque, cet échange avec le cardinal Danneels que je livre à votre réflexion ?

 

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Peter Schmidt (1) : Quel sera l’avenir du centralisme ? (Dans l’Eglise, NDLR) Est-ce qu’il restera possible, voire souhaitable ? Regardons la situation en face. Sur environ un milliard de catholiques, 600 millions sont des gens pauvres et illétrés du tiers monde. En général leur conception religieuse du monde comporte toujours une grande part de pensée magique ou mythologique. Chez nous, par contre, on pense en termes de sécularisation et d’émancipation. Les chrétiens ne sont donc plus contemporains les uns des autres. N’estimez-vous pas qu’il y a là un décalage très difficile à gérer ?

 

Cardinal Danneels (2) : Assurément, mais si on décentralisait l’Eglise, si on répartissait les chrétiens entre 600 millions d’un côté et 400 millions de l’autre, ce serait bien pire. Précisément à cause de la différence au sein de l’Eglise, je pense que nous avons besoin de quelqu’un qui exerce non pas un magistère, mais une paternité. Car si nous n’avons plus de père qui tient les différentes opinions ensemble au sein de la famille, nous sommes perdus. Si on en fait un maïtre, je crois que le problème est insoluble. Le rôle du pape, c’est donc d’être un père.

 

Gabriel Ringlet (3) : Mais il est difficile d’être père aujourd’hui !

 

Cardinal Danneels : Précisément, mais être pape encore plus. Le rôle du pape a été réduit de plus en plus – et trop pour le moment – au rôle d’arbitre en matière de doctrine ou de morale, et au rôle de maître enseignant et de chef. Je crois qu’on a plutôt besoin d’un rôle indéfinissable et très difficile à exercer, une sorte de paternité spirituelle du monde. Il faut donc tempérer un petit peu les tentations de jouer à l’arbitre universel.

 

Gabriel Ringlet : Dieu vous entende !

 

Cardinal Danneels : Je ne dis pas que c’est facile, parce que le premier pape qui va essayer de faire cela, sera excommunié ou presque, ou en tout cas exclu.

 

Peter Schmidt : Ne croyez-vous pas que Jean XXIII était un pape de ce type ?

 

Cardinal Danneels : Oui, mais il n’a dû tenir le coup que pendant…

 

Peter Schmidt : … trois ans et demi…

 

  1. Théologien,il sert de modérateur aux six entretiens composant le livre Franc parler (DDB, 2000) d’où le texte ci-dessus est extrait p.269-270.
  2. Au moment des entretiens il est archevêque de Malines et Bruxelles, Primat de l’Eglise de Belgique.
  3. Prêtre, eneignant, spécialiste des questions de communication, il est l’interlocuteur du cardinal Danneels pour le chapitre du livre précisément consacré aux enjeux de la communication, d’où cet extrait est tiré.

3 comments

  • oui réflexion très juste

    mais les 600 millions vont un jour rejoindre les 400 millions

    d’ailleurs une certaine conception paîenne du sacré est présente dans les deux camps
    de plus c’est une réaction très humaine de rechercher de la magie

    le Christ a touché Paul et Pierre, hommes et femmes, surtout les petits , a été rejeté par les puissants

    un certain tournant vient d’être pris pour sortir du Prince de l’Eglise au serviteur du Serviteur de l’homme

    j’y vois un acte essentiel

    Maintenant , il y a bien sûr les Princes de l’Eglise qui vont avoir du mal!!

    laissons le faire et devenons des baptisés responsables qui osent dire ce qu’ils pensent et vivent.
    Combien de censeurs ne vivent pas ce qu’ils disent !

    si dans l’Evangile le Christ ne juge pas mais amène chacun à marcher à sa suite, pourquoi le Pape devrait -il se comporter en Père Tout Puissant
    il decrait être plus un frère qu’un père

    quand à la Paternité spirituelle du monde elle me semble de Dieu, c’est à la Fraternité et à la Sorosité spirituelle du monde auquelle l’Eglise est appelée, me semble t-il?

  • Bel extrait d’un livre. Et j’aime bien cette distinction entre l’Occident qui relativise le sacré et le tiers-monde pour qui c’est un support magique ! On comprend clairement que plus on est éduqué, plus on réfléchit, moins on a tendance à suivre « un guide » aveuglément.

    Mais aucune réponse à la sécularisation en Europe. Manifestement, la population s’individualise et devient rétive à toute volonté de se mêler de la vie privée. Quant à la paternité spirituelle du monde, là je vous laisse à vos études….

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