Synode sur la famille : les éléments d’un possible débat

Synode sur la famille : les éléments d’un possible débat

Il est intéressant de regarder ce que le Vatican a finalement retenu des contributions reçues de partout à travers le monde. Si l’audace ne perce pas vraiment sous le texte, le débat reste ouvert pour peu que certains «Pères» veuillent bien s’en saisir.  

 

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Cet article a été repris, le 8 juillet, sur le site Aleteia. Il est publié en commentaire de l’Instrumentum laboris,  ainsi qu’un texte de Gérard Leclerc, dans l’ouvrage Synode sur la famille publié aux éditions Salvator. 

 

 

Il faut toujours lire deux fois un texte de cette nature : la première en sachant que l’on n’échappera pas à la tentation d’y chercher ce que l’on souhaite y trouver, la seconde pour le texte lui-même. Et l’on passe parfois de la franche déception à l’esquisse d’une espérance.

 

Un diagnostic sans complaisance.

 

Le texte, organisé en 159 paragraphes numérotés (auxquels je ferai référence), n’est pas sans mérite. Il pose un diagnostic sans complaisance, soulignant d’abord que cet enseignement de l’Eglise sur le mariage et la famille est peu connu des fidèles et que «même quand (il) est connu, beaucoup de chrétiens manifestent des difficultés à l’accepter intégralement.» (13) Notamment pour ce qui concerne : le contrôle des naissances, le divorce et le remariage, l’homosexualité, le concubinage, la fidélité, les relations avant le mariage, la fécondation in vitro, etc. La situation se complique du fait que les prêtres eux-mêmes, ou du moins certains d’entre eux, apparaissent «indifférents» voire «en désaccord» avec la doctrine de l’Eglise, ce qui «engendre la confusion au sein du Peuple de Dieu» (12) De là un décalage croissant entre ce que vivent une majorité de personnes, catholiques y compris, et le Magistère de l’Eglise catholique.

 

Autre élément de l’état des lieux : l’extrême diversité des situations et des sensibilités, selon les continents. Ainsi la question des «séparés, des divorcés et des divorcés remariés» est-elle perçue comme particulièrement sensible en Europe et dans toute l’Amérique, alors qu’elle le serait beaucoup moins en Asie, ou en Afrique où le vrai problème est celui de la polygamie. (86)

 

Un appel à «prendre soin» de ceux qui vivent des situations difficiles

 

Ce texte est également marqué par ce que l’on pourrait identifier comme la «marque propre» du pape François. Face aux échecs et aux souffrances des personnes, le texte souligne combien «il est nécessaire que l’Eglise prenne soin des familles qui vivent dans des situations de crise et de stress», insistant sur le fait que la paroisse doit être «le cœur d’une pastorale renouvelée, faite d’accueil et d’accompagnement, vécue dans la miséricorde et dans la tendresse.» (46) Il appelle à une «attention particulière» vis à vis des mères de famille qui élèvent seules leurs enfants et «méritent l’admiration» (88) comme, par ailleurs, à une «attitude respectueuse» vis à vis de personnes vivant au sein d’unions homosexuelles (113).

 

Ce «souci pastoral» est omniprésent dans le texte. Concernant la demande de sacrements, formulée par des familles peu pratiquantes, il note la conviction de nombreux contributeurs à la réflexion pré-synodale que «l’approche la plus féconde est celle d’un accueil sans préjugés.» (146) ; de même, s’agissant de la question de la légalisation des unions homosexuelles dans certains pays, il souligne «l’impression que les réactions extrêmes à l’égard de ces unions, aussi bien d’indulgence que d’intransigeance, n’ont pas facilité le développement d’une pastorale efficace…» (113) A bon entendeur …

 

Défaut de communication ou sclérose de la pensée ?

 

Pour autant, la synthèse, proposée aux membres du synode extraordinaire d’octobre prochain, semble faussée, sur un point essentiel : les raisons de la crise qui touche l’enseignement de l’Eglise, dont dépend, forcément, la recherche de solutions pour l’avenir. Lorsque l’instrumentum laboris écrit : «Là où il est transmis en profondeur, l’enseignement de l’Eglise avec sa beauté authentique, humaine et chrétienne, est accepté avec enthousiasme par une large partie des fidèles» (13)… on imagine que les rédacteurs ont peut-être pris là leurs désirs pour des réalités. Que de tels fidèles existent est une évidence. Mais cette analyse suggère que l’éloignement progressif de nombre de catholiques, même pratiquants, et le rejet ou l’indifférence d’une majorité de non-catholiques proviendraient uniquement d’un «déficit de communication». Ce qui constitue  une erreur… tragique !

 

Tragique car du coup, face au défi identifié, toute la tension du document vise à «trouver une nouvelle façon de transmettre les enseignements de l’Eglise» (17) Ainsi, la question, douloureuse, des divorcés-remariés, source de «souffrance et d’incompréhension» pourrait-elle trouver une réponse pertinente dans «la formation et l’information» (92) des fidèles sur les fondements de la doctrine catholique. De même sur la contraception, l’urgence serait-elle à «renouveler le langage sur Humanae Vitae». (128) On reste pantois ! Sauf que tout cela se situe, comme on pouvait s’y attendre, dans le droit fil du Magistère de l’Eglise catholique et de l’enseignement des derniers papes Jean-Paul II et Benoît XVI. Herméneutique de la continuité oblige ! Le drame de nos sociétés occidentales sécularisées, marquées par l’éclatement du couple et de la famille, source de nombreuses souffrances, viendrait uniquement de son refus de prendre en considération la «vision de l’Eglise». Dès lors, souligne le texte dès son avant-propos, l’enjeu du synode est de «réfléchir sur le chemin à suivre pour communiquer à tous les hommes la vérité de l’amour conjugal et de la famille.» CQFD.

 

La «loi naturelle» en question

 

Le mot est lâché : «la vérité» !  J’entends d’ici les commentaires : «si l’on ne croit pas que l’Eglise est dépositaire de la Vérité, pourquoi continuer à se dire catholique ?» Certes ! Sauf qu’aujourd’hui comme hier, et cela depuis deux mille ans, la difficulté –  l’enjeu –  est de savoir articuler la vérité sur le mariage et la famille (comme d’ailleurs sur d’autres réalités humaines) avec la seule Vérité intangible de notre foi qui est le Christ au travers de son Evangile !  

 

Allons à l’essentiel. L’Eglise s’épuise à vouloir nous convaincre que l’alpha et l’oméga de toute éthique relative au couple et à la famille se trouverait dans la loi naturelle. Et que dès lors que ladite loi naturelle est fondée en raison, elle a vocation à l’universalité et s’impose donc, légitimement, aux hommes de tous les temps, de toutes les cultures et de tous les continents…

 

Ce raisonnement se heurte à une double objection externe et interne à l’Eglise. L’instrumentum laboris reconnaît que cette notion de loi naturelle soulève aujourd’hui «perplexité» (20) et  «incompréhension» (21), qu’elle est perçue comme un «héritage du passé» (22) dont on «conteste l’universalité». (25) Lorsque le texte affirme : «La disparition du concept de loi naturelle tend à dissoudre le lien entre amour, sexualité et fertilité» (26) on a envie de répliquer que si le lien sexualité-fertilité a, de fait, un ancrage indéniable dans la nature, le lien au sentiment amoureux, à la monogamie et à la fidélité conjugale tiennent sans doute plus à la culture qu’à la nature. Or qui dit culture suggère diversité, évolution dans le temps et dans l’espace. Il faut relire Blaise Pascal : «Qu’est-ce que nos principes naturels, sinon nos principes accoutumés ? Une différente coutume en donnera d’autres principes naturels.» 

 

En 2009, la Commission théologique internationale publiait un document sur la «loi naturelle» où l’on peut lire : «Parfois, au cours de son histoire, la théologie chrétienne a justifié trop facilement par la loi naturelle des positions anthropologiques qui, par la suite, sont apparues conditionnées par le contexte historique et culturel.» (1) Le même texte se conclue en ces termes : «La loi naturelle n’a rien de statique dans son expression. Elle ne consiste pas en une liste de préceptes définitifs et immuables. Elle est une source d’inspiration toujours jaillissante dans la recherche d’un fondement objectif à une éthique universelle.» (2)

 

Ce n’est pas la lecture qui se dégage des textes les plus récents du Vatican sur les questions touchant la morale sexuelle. D’ailleurs, la commission internationale de théologie reconnaît la chose avec un rien de naïveté lorsqu’elle écrit : « Avec Paul VI (et son encyclique Humanae Vitae, 1968) la loi naturelle se révèle un critère décisif dans les questions relatives à la morale conjugale. Certes, la loi naturelle est de droit accessible à la raison humaine commune aux croyants et aux non-croyants et l’Eglise n’en a pas l’exclusivité, mais comme la Révélation assume les exigences de la loi naturelle, le Magistère de l’Eglise en est constitué le garant et l’interprète ». (3) Constitué par qui ? Mystère ! On l’a compris : si l’Eglise n’a pas le monopole de la loi naturelle, elle s’attribue celui de son interprétation. Voilà bien une prétention aujourd’hui irrecevable dans nos sociétés pluralistes.

 

Cela est d’autant plus regrettable qu’un désaccord sur telle ou telle interprétation romaine de la loi naturelle conduit à en rejeter le principe lui-même. A ne pas vouloir changer « l’eau du bain » l’Eglise se résigne à voir le bébé jeté avec.

 

Quand la croyance n’est plus crédible…

 

Le hasard (la Providence ?) a voulu que je lise cet instrumentum laboris, alors même que je refermais le livre Le savoir-croire, que Jacques Neirynck vient de publier aux éditions Salvator. L’auteur, scientifique de formation, y développe la thèse selon laquelle la foi est indissociable de la croyance, mais que de siècle en siècle, la foi ne peut survivre qu’en acceptant de se dépouiller d’une part de croyance originelle qui l’encombre et que les progrès de la connaissance viennent contredire. Il écrit : «Les croyances servent d’abord de véhicule imparfait à la foi, dans le langage et selon les conceptions de l’époque. Avec le temps, la croyance commence à perdre du sens et à obscurcir celui de l’article de foi. Si une adaptation n’est pas effectuée, la croyance finit par subsister seule. Lorsqu’elle cesse d’être crédible, elle est abandonnée et la foi disparaît avec son véhicule suranné.» (4)

 

Cette réflexion me semble tout à fait pertinente pour le sujet qui nous occupe. Le discrédit dont souffre aujourd’hui l’enseignement moral de l’Eglise sur le mariage et la famille s’origine dans son refus à prendre en compte aussi bien les changements démographiques que les découvertes de la science qui n’ont rien à voir avec les « errements » possibles de sociétés sécularisées. Au temps du Christ (mais tout autant de Roméo et Juliette) on se mariait à 14 ans et entrait donc dès la puberté dans une vie sexuelle active ; l’espérance de vie moyenne garantissait peu ou prou une vie conjugale sur deux décennies et la mortalité infantile obligeait à de nombreuses maternités… Aujourd’hui on se marie autour de la trentaine, avec la perspective de soixante ans de vie commune et la quasi certitude de voir grandir le ou les enfants que l’on choisit de mettre au monde. Il n’y a plus guère que l’Eglise catholique pour considérer que cela ne doit rien changer à l’interdiction morale des relations sexuelles avant le mariage (ce qui fait seize ans de continence en perspective), au maintien du lien conjugal contre vents et marées et à l’ouverture à la transmission de la vie de tout acte sexuel… Les exigences aujourd’hui requises du couple pour sa «sainteté» n’ont jamais eu d’équivalent dans toute l’histoire de l’Eglise.

 

Concernant les progrès de la science, tenons-nous en à ce seul exemple : comment justifier le refus opposé aux couples chrétiens de recourir à la fiv (fécondation in vitro) homologue, alors même qu’aussi bien l’ovule que le sperme utilisés appartiennent au couple qui en fait la demande, sans intrusion d’un tiers ? En quoi les progrès de la science seraient-ils ici contraires à la volonté de Dieu, alors qu’ils aident un couple à vivre la fécondité de son amour ? Et l’on s’étonne que le troupeau se disperse…

 

Faire confiance au sensus fidei

 

Dans le même temps, le texte de synthèse proposé aux pères synodaux relève, notamment parmi les jeunes générations, un «désir de famille» (45) et note que, dans nos sociétés sécularisées, les fidèles continuent à considérer massivement l’avortement comme un péché, mais pas la contraception… (129) Et s’il y avait là, tout simplement, l’expression d’un sensus fidei que l’on sent l’institution réticente à prendre en considération ? Et si la bonne démarche était aussi de s’interroger sur la manière dont les chrétiens comprennent et  veulent vivre : l’amour, le couple, la famille, la fidélité, l’altérité, la fécondité dans la réalité du monde contemporain ?  

 

Seraient-ils enfin entendus que le dialogue leur redeviendrait possible avec la société où, parmi leurs proches non-croyants, existent les même désirs d’amour, de don de la vie et de fidélité. Dans son dialoguer d’août 2013 avec le père Spadaro, publié dans quinze revues jésuites à travers le monde (dont Les Etudes), le pape François déclare : « Pour développer et approfondir son enseignement, la pensée de l’Eglise doit retrouver son génie et comprendre toujours mieux comment l’homme s’appréhende aujourd’hui. » (5) N’était-ce pas là la finalité véritable du questionnaire préparatoire au synode adressé à tous les fidèles ?

 

Du pastoral à la doctrine et… au dogme ! 

 

Les deux synodes (6) à venir, rappelons-le, se veulent pastoraux. De nombreuses contributions, reprises dans le document préparatoire, esquissent des pistes d’évolution possible. Deux exemples. Concernant les divorcés remariés «Certaines réponses et observations de plusieurs Conférences épiscopales, mettent l’accent sur la nécessité pour l’Église de se doter d’instruments pastoraux permettant d’ouvrir la possibilité d’exercer une plus vaste miséricorde, clémence et indulgence par rapport aux nouvelles unions.» (92) ; à propos des unions homosexuelles, «De nombreux fidèles s’expriment en faveur d’une attitude respectueuse, qui ne juge pas, à l’égard de ces personnes, et en faveur d’une pastorale qui cherche à les accueillir, même si : plusieurs réponses et observations expriment la préoccupation de voir l’accueil dans la vie ecclésiale des personnes qui vivent dans ces unions être compris comme une reconnaissance de leur union.» (115)

 

Autant de questions qui ne peuvent être tranchées sans que la réflexion soit engagée à un autre niveau, comme le suggère le texte, pour la simple raison qu’il « n’existe pas à ce jour de consensus dans la vie ecclésiale », sur l’attitude à avoir dans l’un et l’autre cas. Ainsi, concernant l’accès aux sacrements des divorcés remariés, certains «demandent une clarification sur le fait de savoir si la question est à caractère doctrinal ou seulement disciplinaire.» (95) ; sur la question des unions homosexuelles : «Beaucoup de réponses et d’observations requièrent une évaluation théologique qui dialogue avec les sciences humaines, pour développer une vision plus différenciée du phénomène de l’homosexualité ou encore demandent que l’on approfondisse le sens anthropologique et théologique de la sexualité humaine.» Et, d’une manière plus générale, on sait gré aux rédacteurs de reconnaître que «la recherche scientifique représente un défi sérieux au concept de nature» (22) dont nous avons dit combien il fondait les positions les plus ancrées de la morale catholique. Or que nous révèle la science sinon, précisément, le plan de Dieu inscrit en toute chose ?

 

Le pape François a fait se lever une espérance

 

On le voit, en se faisant loyalement l’écho des contributions des uns et des autres l’instrumentum laboris, malgré ses pesanteurs formelles et ses frilositéslaisse percevoir différents niveaux de lecture (et d’action) possibles concernant ce synode. Pour les uns, il s’agira d’une approche purement pastorale qui ne toucherait en rien à la doctrine, là où d’autres souhaiteront l’interroger. Car enfin, concernant par exemple le divorce et le remariage, la question devra bien un jour être tranchée de savoir ce qui fait «sacrement» donc signe, dans le mariage catholique : l’amour réciproque des époux ou le lien juridique contracté… Question cruciale lorsque l’amour est mort et que ne subsiste que le lien formel. Question qui n’est pas d’abord de type pastoral mais doctrinal.

 

Plus même, au-delà de la pastorale et de la doctrine, c’est le dogme lui-même qui, parfois, apparaît en ligne de mire. Jacques Neirynck n’est certes ni théologien, ni à plus forte raison Docteur de l’Eglise. Pourtant, dans l’ouvrage déjà cité, il note fort opportunément à propos du péché originel, dont on sait à quel point il marque toute la pensée catholique liée à la sexualité : «les théologiens orthodoxes, s’appuyant sur les Pères grecs, n’ont jamais défendu la thèse d’un péché héréditaire» (7) Notion totalement étrangère à la Bible et, du coup, ignorée aussi bien du monde Juif que Musulman.

 

Jusqu’où les participants à l’Assemblée extraordinaire du synode accepteront-ils d’interroger la Tradition catholique sur la famille et le mariage ? Difficile de le dire ! Les assemblés d’évêques ou de cardinaux les plus récentes, qu’il s’agisse du Synode de 2012 sur la nouvelle évangélisation ou du conclave de 2013, ont mis une nouvelle fois en évidence une ligne de fracture – déjà présente au concile – entre les tenants d’un toilettage de la maison Eglise et ceux d’un réaménagement plus profond. Sans doute retrouvera-t-on la même « tension » lors des deux prochains synodes. Une chose est certaine : il est peu probable qu’une approche strictement pastorale des questions liées à la famille, si utile et urgente soit-elle, constitue une réponse à la hauteur de l’enjeu. Volontairement ou non le pape François a fait se lever une espérance, y compris sinon surtout à ces franges de l’Eglise où nombre de fidèles se posaient la question d’un éventuel départ et où il nous invite à les rejoindre. Les décevoir aurait des conséquences tragiques.

 

Dans l’entretien, déjà évoqué, avec le père Spadaro, le pape François s’exprime en ces termes : « Parfois, celui qui s’en est allé, l’a fait pour des raisons qui, bien comprises et évaluées, peuvent le conduire à revenir. Mais il faut de l’audace, du courage. » (8) Ce pourrait-être l’une des pistes de travail du synode… dont cela représente l’un des enjeux.

 

 

 

  1. A la recherche d’une éthique universelle, nouveau regard sur la loi naturelle. Ed. du Cerf, 2009, p.23
  2. Ibid, p.133
  3. Ibid, p.58
  4. Jacques Neirynck, Le savoir croire, Ed. Salvator, 2014, p.35
  5. Le pape François, L’Eglise que j’espère, Flammarion/Etudes, 2013, p. 133
  6. Celui d’octobre 2014, extraordinaire, doit permettre un large débat sur les questions familiales, celui d’octobre 2015, ordinaire, aura pour mission d’examiner des propositions concrètes soumises au pape.
  7. Le savoir croire, op cit. p. 93.  
  8. L’Eglise que j’espère, ibid, p.70

 

 

 

 

 

49 comments

  • La bienveillance de votre lecture (et relecture) vous honore. Il me semble rester un malentendu perceptible dans cette phrase :
    « si le lien sexualité-fertilité a, de fait, un ancrage indéniable dans la nature, le lien au sentiment amoureux, à la monogamie et à la fidélité du lien tiennent sans doute plus à la culture qu’à la nature ».

    Or saint Thomas, et avec lui le magistère, ne se situe pas dans cette opposition entre nature et culture. Pour le dire simplement, il est naturel à l’homme d’avoir une culture, et la culture doit se mesurer à sa nature raisonnable. Voici ce que dit précisément saint Thomas :

    « Par [le mot] nature est exprimé tout ce que l’intelligence, peut saisir d’une manière quelconque. En effet, une chose n’est intelligible que par sa définition et son essence. Et c’est ainsi qu’Aristote dit : toute substance est nature. Cependant, le terme nature pris en ce sens semble signifier l’essence de la chose selon qu’elle soutient une relation à son opération propre, puisqu’aucun être n’est dépourvu d’une opération propre. » (l’Etre et l’essence, chap. 1).

    Ainsi l’Eglise croit pouvoir discerner ce qui convient ou non à notre nature humaine.

    La difficulté est que notre nature étant blessé par ce que nous nommons « péché originel », tout ce qui procède de notre nature n’est pas nécessairement bon. D’où la nécessité d’un discernement théologique.

    Ceci dit, comme vous l’avez souligné, nous sommes là devant un instrument de travail, il faut donc se mettre … au travail 🙂

    • Pascal, j’entends bien l’objection. Mais si la culture fait partie de la nature, l’observation nous montre que les cultures sont diverses (ex. la polygamie) et qu’il est donc délicat pour le Magistère catholique de prétendre imposer comme norme universelle le seul modèle occidental. Pour ce qui est du « péché originel », si je ne conteste nullement que chacun de nous fasse en lui même l’expérience de la présence du mal, cela me semble insuffisant pour fonder la « légende noire » du péché originel et valider cette idée absurde d’avoir à payer pour une faute que nous n’avons pas commise et que, comme le souligne Jacques Neirynck, ne valident ni les orthodoxes ni à plus forte raison ces autres héritiers de la tradition biblique que sont les Juifs et les musulmans.

      • La diversité des cultures est possible du fait que la nature humaine est raisonnable, tournée vers l’universel. Or ce n’est pas sur la culture que s’appuie le magistère, mais sur la nature humaine. Dire que nous avons une nature raisonnable permet de comprendre que l’unité de notre nature n’implique pas uniformité, mais permet en même temps de servir de critère moral, car le bien est ce qui est conforme à notre nature.

        Ce qui est premier n’est pas le modèle culturel, mais la nature que ce « modèle » fait fructifier. En fait ce n’est pas tellement un « modèle » occidental. Il s’agit de discerner ce qui relève de la nature, et Jean-Paul II me paraît l’avoir fait à la lumière de l’Ecriture dans sa théologie du corps.

        Il est utile de méditer sur ces propos très forts de JPII :
        « « Ainsi, lorsque, par la contraception, les époux enlèvent à leur sexualité conjugale sa capacité procréatrice potentielle, ils s’attribuent un pouvoir qui n’appartient qu’à Dieu: le pouvoir de décider en dernière instance la venue d’une personne humaine a l’existence. Ils s’attribuent la qualification d’être non des coopérateurs du pouvoir créateur de Dieu, mais les dépositaires ultimes de la source de la vie humaine. Dans cette perspective, la contraception doit être jugée, objectivement, si profondément illicite qu’elle ne peut jamais, pour aucune raison, être justifiée. Penser ou dire le contraire équivaut à estimer que dans la vie humaine peuvent se rencontrer des situations dans lesquelles il serait licite de ne pas reconnaître Dieu comme Dieu. »
        Jean-Paul II pose à partir de là cette affirmation très forte :
        « Nous pouvons toutefois en dire plus. Même si la norme morale, telle qu’elle est formulée dans l’encyclique Humanae Vitae, ne se trouve pas littéralement dans la Sainte Écriture, néanmoins, du fait qu’elle est contenue dans la tradition et — comme l’a écrit le Pape Paul Vl — qu’elle a été « maintes fois exposée aux fidèles par le magistère » (Humanae Vitae, 12), il résulte que cette norme correspond à l’ensemble de la doctrine révélée contenue dans les sources bibliques (cf. ibid, n. 4) . »[Documentation Catholique,. 2/9/84 p. 843]

        Mon sujet n’était pas le péché originel, mais en effet cette présence du mal en nous implique ce discernement à la lumière de la Révélation.

  • Oui René
    L enjeu est tragique
    On se retrouve comme avant Humanae Vitae
    Mais 50 ans après
    Alors que les progrès correspondent à 500 ans
    L Église n a pas d autre choix que de le réaliser
    Elle ne peut compter sur les populations encore soumises car cela ne peut durer
    Elle a un trésor mais elle a le devoir de le rendre audible
    Plutôt que de l enfermer sous des couches de
    Règlements

    • Entièrement d’accord avec vous Claudine. Excusez ma vulgarité mais on est à un point où l’on n’en a rien à foutre de ce qu’à dit Saint Thomas ou Saint Augustin ou la Tradition (même s’ils ont dit des choses intéressantes pour leur époque et même parfois encore pour notre temps). Et si l’Église-institution – qui trop souvent se croit divine – ne fait pas l’effort aujourd’hui de passer sur tous ses errements humains (voir Galilée etc…) et de repartir du message évangélique en tenant compte des 500 ans de progrès auxquels vous faites allusion, on n’avancera pas d’un iota et la perte de crédibilité de notre Église catholique la réduira à quelques intégristes traditionalistes qui demeureront les croyants sans foi dont nous parle Jacques Neirynck: « Lorsqu’elle (la croyance) cesse d’être crédible, elle est abandonnée et la foi disparaît avec son véhicule suranné.»

  • Merci de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, et de l’avoir bien l’argumenté !

    Il me semble que la doctrine morale de l’Eglise n’est pas en soi tirée par les cheveux, mais sachant que ce qui a besoin d’être « sauvé » ce n’est pas Dieu ni l’Eglise mais le monde, je garde aussi cet espoir que beaucoup de Pères saisiront cette ouverture pour réconcilier le plus grand nombre de païens et de chrétiens éloignés avec l’Eglise.

    Il me semble qu’en notre époque où les chrétiens sont devenus une minorité chez nous, on doit retrouver l’apostolat de saint Paul, et faire une distinction entre l’enseignement moral, fort louable et valable pour les croyants qui l’ont reçu, de l’Evangile lui-même, comme il fait à son époque une distinction entre les prescriptions alimentaires et rituelles juives et la filiation divine adoptive et spirituelle. Et l’Evangile, c’est difficile de dire ce que c’est.

    Qu’est-ce qu’une libération pour un prisonnier, une nourriture pour un affamé, une boisson pour un assoiffé, un vêtement pour un nu, la vue pour un aveugle, la capacité de marcher pour un boiteux, la vie pour un mort ?

  • La première communauté chrétienne était judéo-chrétienne, donc enracinée dans les rites et traditions juives.
    Les persécutions ont entrainé les diacres de culture hellénistique à quitter Jérusalem. A Antioche, les prosélytes païens ont adhéré à la foi chrétienne et les croyants ont reçu le nom de « chrétiens ». Cela ne fut pas facile à accepter par la première communauté chrétienne : d’où le « concile de Jérusalem ».
    Mais, pour que le salut en Jésus-Christ soit recevable par les païens, il a fallu –spécialement avec Paul et « Jean »- que l’apport de la culture grecque vienne enrichir la foi chrétienne. Et le LOGOS grec devient Verbe et Parole en Jésus-Christ.
    Je pense qu’aujourd’hui réellement un monde nouveau est en train de surgir…. Que la foi en Jésus-Christ a contribué à faire naître. Ainsi avec l’émergence de la Personne comme unique et irremplaçable, qui est inconnue d’autres cultures.
    Pour moi, nous avons à revivre ce même accueil et cette même confrontation avec ce monde nouveau que nos Pères dans la foi ont vécu dans l’accueil et la confrontation avec le monde grec.
    Avec une certitude : l’Esprit continue à agir dans l’Eglise (cf. François, Evêque de Rome) ; qui en entraîne une autre : il faut profondément entendre le sensu fidei ! Ce qui entraîne une conséquence : dans le service de l’annonce de la Bonne Nouvelle de Jésus, les Evêques et prêtres doivent accepter de se déposséder de leur « pouvoir » pour entendre les exclus, les plus loin, ceux qui souffrent

  • C’est un excellent commentaire que nous avons ici d’un document extrêmement touffu et riche – mais au point d’en être parfois confus voire franchement contradictoire.
    En réalité il y a une vraie nouveauté dans la manière quasi « technique » de conduire ce synode. D’habitude, c’est-à-dire seulement depuis Paul VI, le conseil du Synode prépare, sur le thème décidé par le pape, des lineamenta qui sont – après réactions des évêques – retravaillés pour devenir l’instrumentum laboris, document de base et de travail du Synode lui-même. Et, en général, les lineamenta contiennent un rappel de doctrine assez fort que tempère ensuite l’instrumentum laboris et le synode lui-même. C’est ainsi que les choses se sont passées lors du synode sur la nouvelle évangélisation. Ici, le pape a rompu avec la tradition en rendant public un « document préparatoire » qui, sous la forme d’un questionnaire donnait en quelque sorte la parole au peuple. Du coup le document que nous avons sous les yeux est double : rappel doctrinal fort d’un côté, ouverture doctrinale timide – mais réelle – et bien sûr pastorale de l’autre. Ce qui se lit au travers des lignes c’est une extrême tension entre une attitude pastorale soucieuse de la « transmission » d’une sorte de vérité intangible, conservée à l’abri du Magistère, et une autre qui invite avant tout à la miséricorde et au pardon. Mais cette « pastorale de la miséricorde » n’a pas sa « doctrine ». Mais après tout, est-ce si grave ? Le concile Vatican II était un concile pastoral. Et Jésus lui-même, aux dires des évangélistes, ne contredit jamais la Loi de son temps. Sauf sur un point, essentiel : la sacralisation excessive.

    • Votre commentaire est très pertinent même si je suis réservé sur votre conclusion « en retrait ». Le Concile ne fut pas QUE pastoral. C’est si vrai que quatre de ses textes sont présentés comme « constitutions dogmatiques ».

    • C’est ce qu’on appelle jouer sur les mots. Car s’ils donnent à une pastorale nouvelle la doctrine qui la fonde, c’est bien une manière de changer la doctrine. J’ai toujours pensé – et écrit souvent – que le Vatican avait dans ses tiroirs tous les arguments théologiques susceptibles de « fonder » les changements demandés ici ou là par le peuple chrétien, pour peu que le pape prenne la décision « politique » de les mettre en œuvre.

      • Non, je ne crois pas que les arguments et les doctrines existent, même à l’état latent. Quant aux théologiens, leur rôle n’est pas de donner une pastorale à une doctrine ni l’inverse mais bien plutôt de « travailler » la doctrine par le souci pastoral.
        En fait ç’est un peu comme la marche : ça se prouve en marchant ! Bien sûr Jésus n’a pas changé un iota de la Loi. Pourtant il a tout fait bouger de par la force propre de la Bonne Nouvelle. Idem pour le Concile Vatican II. Il s’est annoncé comme exclusivement pastoral dans le sens qu’il n’ajouterait pas de nouveau dogme (on en avait eu assez et on craignait la suite… programmée !) mais sa force propre l’a emmené… ailleurs. C’est ce qui pourrait nous arriver de mieux pour la famille, et pour l’Église. Mais cela dépend aussi de chacun d’entre nous. Humilité et courage.

        • Bien sûr Rosa « …Jésus n’a pas changé un iota de la Loi. » mais n’oubliez pas ce qu’il en a dit: ils lient de pesants fardeaux qu’ils ne remuent pas du bout du doigt…
          Et aujourd’hui, notre Église-institution est empêtrée dans une doctrine et un Magistère qui n’ont rien à envier à la Loi!

  • Heureusement que le changement de pastorale n’implique pas un changement de doctrine, je veux dire un changement de rupture. Qu’il y ait une évolution homogène de la doctrine, c’est normal.

    • Je ne comprends pas cette peur panique du mot rupture… Comme si à chaque fois on allait changer la loi et les prophètes ! On peut être en rupture avec des dispositions contingentes pour mieux être en fidélité – donc en continuité – avec l’essentiel. Lorsqu’on est passé d’un regard sur le peuple Juif « déicide », à un regard sur le même peuple considéré comme « aîné » dans la foi… pardon mais on est en pleine rupture ! Et encore une fois, que dire de Gaudium et Spes par rapport aux anathèmes anti-démocrates, anti-droits de l’homme, anti-liberté religieuse… du XIXe ? Il y a place dans l’Eglise ET pour des évolutions homogènes, ET parfois, pour de saines ruptures.

    • Pascal, à vous « fréquenter » j’ai appris à discerner dans chacun de nos échanges le moment où il convient de vous laisser « le mot de la fin ».

  • Comme je vous comprends René !!! vis à vis de pascal Jacob!!!

    Il y a plus d’une phrase des textes de ce jour que je pourrais prendre :
    je choisis celle ci : il a caché aux sages et aux savants ce qu’il a révélé aux petits.

    Puissent les sages et les savants de notre Eglise se mettre vraiment à l’écoute de tous les petits des paroisses du monde car c’est à eux que le Christ s’est révélé. Y compris dans ce synode.
    Donc il n’est pas question de mieux expliquer ce que les petits refusent mais de les écouter enfin.

    • Je n’ai pas le sentiment que Claudine Onfray parle pour elle-même. Et je trouve des résonances avec ce que ne cesse dire le pape François.

  • En ce qui me concerne je ne sais pas qui est petit au sens évangélique du terme Il ne suffit pas d’être ignorant pour l’être, et il n’est pas impossible à un savant de l’être pour autant. Nicodême était « savant » mais ça ne l’a pas empêché pour autant d’être petit me semble-t-il.

    • Au fond, ça vous arrange bien de ne pas savoir… ainsi cela ne vous oblige pas à revoir vos schémas. Moi, je crois trouver une illustration de ce qu’évoque Claudine Onfray dans ce passage de l’interview du pape François aux revues jésuites (dont Etudes) : « Si quelqu’un a la réponse à toutes les questions, c’est la preuve que Dieu n’est pas avec lui, que c’est un faux prophète qui utilise la religion à son profit. Les grands guides du peuple de Dieu, comme Moïse, ont toujours laissé un espace au doute ». Ne pensez-vous pas que les « petits » sont ceux qui se heurtent en permanence à une institution, qui, parce qu’elle a le pouvoir, pense avoir des réponses à toutes les questions ?

  • Un peu facile votre réponse (outre sa relative malveillance…) non cela ne m’arrange pas de ne pas savoir mais je n’entrerai jamais dans le schéma habituel selon lequel à de rares exceptions près , les membres de la hiérarchie sont pour la plupart convaincus de connaître LA vérité et ne sont que plein de mépris à l’égard des ignorants.
    Je pense que les membres de la hiérarchie sont des gens loin d’être parfaits, le sachant très bien, priant énormément,comptant absolument sur l’aide de l’Esprit Saint et pour rien au monde je ne voudrais être à leur place.
    Bien sûr qu’il y a des brebis galeuses parmi eux, c’est absolument évident,mais pas plus qu’ailleurs.

    « Heureux êtes-vous si l’on vous insulte, si l’on vous calomnie,à cause de moi et de l’Evangile… »
    je suis persuadé que c’est en pensant à cela que Paul VI a écrit « Humanae Vitae » et assurément pas pour sa gloire personnelle, et Dieu sait si on le louerait s’il ne l’avait pas écrit, mais pour lui prêcher à temps et à contre-temps, c’était du concret.

  • Pour moi les réformes dans l’Eglise ne relèvent pas du yaka,et lorsque je vois les difficultés que connaissent nos frères réformés lesquels pourtant ont eu recours il y a 500 ans aux réformes préconisées par tant et tant aujourd’hui j’en déduis que les réformes de fonctionnement ne servent à peu près à rien. Oh bien sûr je pense que l’Eglise pourrait en matière de divorcés-remariés s’inspirer de la position plus indulgente de nos frères orthodoxes, mais il me semble que c’est toute la préparation au mariage qui devrait être revue de fond en comble. A la question d’un journaliste lui demandant ce qu’il faudrait changer dans l’Eglise Mère Térésa a répondu « vous et moi »
    Cette réponse pour lapidaire qu’elle soit me parait parfaitement fondée, mais il est tellement plus facile de faire reposer les problèmes sur les autres, toujours les autres,ceux qui ont le pouvoir… »

    • Dominique, je connais par cœur vos arguments en la matière qui ont le mérite de la continuité… Devons-nous en conclure que les cardinaux qui ont élu le pape François pour engager des réformes radicales sont tous de joyeux irresponsables, inconscients de ce qui se passe dans les autres Eglises ? Arrêtons-là si vous le voulez bien.

  • René, je n’insisterai pas mais je vous laisse à vos conclusions hâtives. L’avenir proche nous départagera sans aucun doute.

  • Quelques remarques.
    Chargé dans mon diocèse de rédiger la synthèse des réponses au questionnaire, je confirme que la notion de « loi naturelle » est étrangère à nos contemporains.Dans le meilleur des cas, elle peut être confondue avec les méthodes contraceptives dites « naturelles ». Ça n’a rien à voir: la loi naturelle est celle que dicte la conscience humaine.
    Il se trouve que je suis diacre. La préparation de couples au mariage m’a inspiré les réflexions suivantes. La Genèse nous dit que « Dieu crée l’homme à son image, homme et femme il les crée » . C’est donc dans cette complémentarité que l’homme et la femme sont, ensemble, comme une icône de Dieu: un amour qui donne la vie. La fidélité dans le couple n’est donc pas une règle à respecter, mais un ajustement à Dieu pour être son icône puisque, lui,il est irrévocablement fidèle. Je demande donc aux couples, qu’ils aient déjà vécu ensemble ou non, qu’ils aient des enfants ou non: voulez-vous devenir cette icône, ce signe donné par Dieu aux hommes ? Bien sûr, il va y avoir des échecs dans les couples. Nous en voyons tous. Sans doute faut-il dégager des solutions… Je pense qu’elles ne peuvent se trouver que dans la miséricorde. De la part de l’Eglise, de la part des couples qui doivent reconnaître humblement que l’icône est ébréchée. Je ne sais pas quelle est la situation matrimoniale des gens à qui je donne la communion. De temps à autre, un adulte se présente à moi les mains croisées sur la poitrine: est-il non baptisé,est-il divorcé-remarié, s’estime-t-il indigne de communier…? Je n’en sais rien, mais je suis touché par ce geste et je pense au publicain de la parabole qui s’en va « justifié », c’est à dire ajusté à Dieu.

  • MERCI de ces mots Bruno

    juste un désaccord pour moi profond avec votre ressenti quand un homme ou une femme vient les bras croisés à la communion. ( ce que d’ailleurs je n’observe plus mais qui n’a pas été exceptionnel il y a peu)

    Il est évident que ce geste a été en dehors de catéchumènes suggéré par l’Eglise car ce n’est pas un geste d’adulte.

    Pour moi, il me scandalise car il désigne à tous quelqu’un qui n’est « pas digne de… » mais nous sommes tous indignes de… et nous le disons. De plus, cela me rappelle un époque où des adultes devaient porter un signe distinctif car indignes de…

    Je pense que c’est une idée vraiment malsaine demandée à un adulte dans la foi.

    Pour être plus provocatrice puisque notre pape en a parlé, a-t-on demandé aux prêtres pédophiles un geste distinctif?

    NON trois fois NON
    Il n’y a pas si longtemps, sur ce sujet, dans la Croix, il y a eu le discret témoignage d’un grand père qui était venu ainsi lors de la première communion d’un de ses petits qui lui a posé la question : qu’as-tu fait de si grave ?

    En voulant justifier l’injustifiable, c’est à dire l’exclusion de la communion des divorcés remariés, l’Eglise s’enferme dans des solutions dont personne ne veut ou presque.

    Et puis moi qui suis mariée depuis plus de 40 ans je trouve cette théologie du mariage, qui est d’ailleurs récente, vraiment une invention de célibataires.

    •  » …l’Eglise s’enferme dans des solutions dont personne ne veut ou presque »
      Cette réflexion est tout à fait exacte et alors ? le rôle de l’Eglise est-il donc de se soumettre à l’opinion moyenne? Bien sûr que l’Eglise par ses positions vise très haut, mais si elle ne le fait pas qui le fera à sa place ?
      Comme je l’ai déjà dit je serais favorable à ce que l’Eglise adopte la position de nos frères orthodoxes lesquels ne sont pas les champions du monde du laxisme, vraiment pas .Mais je pense aussi que la préparation des couples au mariage devrait être revue entièrement de façon que les intéressés prennent réellement conscience de la portée de leur engagement.

      Quant à la personne qui s’est présentée les bras croisés à la communion il me semble que c’était l’attitude de certains tradis refusant absolument de recevoir l’hostie dans la main.

      • Dominique, s’agissant des personnes qui s’avancent vers l’autel les bras croisés, ce n’est pas pour communier sur la langue comme vous semblez le penser, c’est avec l’intention de ne pas communiquer, et cela au vu et au su de la communauté. Une sorte de « pénitence publique »… Pour distribuer régulièrement la communion dans ma paroisse, je suis confronté à cette situation. J’ai pour habitude de tracer un signe de croix sur le front de la personne en lui disant : que Dieu vous bénisse et vous garde. Je ne porte aucun jugement personnel sur ce type de comportement.

  • René,effectivement cela arrive et je trouve personnellement cela tout à fait respectable.
    Depuis toujours l’Eglise demande aux divorcés- remariés de ne pas communier .Lorsque relativement peu de personnes communiaient le fait de ne pas communier passait relativement inaperçu, maintenant que chaque dimanche tout le monde communie sans trop se poser de questions,cette règle est infiniment plus délicate à suivre.
    Bien sûr que nous avons été trop élevés dans la crainte de commettre un sacrilège, mais aujourd’hui cette crainte a totalement disparu.
    Cercle vicieux,non?

  • Sur le geste des bras croisés pour des adultes je suis très hostile. Pour avoir discuté avec ces personnes, le geste n’avait jamais été souhaité par elles mais plus ou moins conseillé par un prêtre avec des arguments plus que contestables

    René : oui le signe de Croix et la parole est celle que je dis aux enfants avant leur première communion .

    Mais pour un adulte cela désigne le pécheur, je pense que le prêtre qui conseille cela ne se rend pas compte.
    Il est vrai que ceux qui l’acceptent sont dans un vécu particulier et sous influence

    Mais pour moi je ne peux, une seule, seconde imaginer le faire. Cela serait renier le Dieu auquel je crois
    ou alors si le prêtre responsable de ma paroisse le suggérait je viendrais les bras croisés ostensiblement.

    De plus j’ai quelques expériences de célébrations faîtes pour des divorcés remariés avec des gestes de ce type qui ont fait quitter l’église définitivement à des personnes sensibilisées au sujet

    • Claudine, je respecte votre « ressenti » sur cette question. Vous connaissez ma position de fond : le souhait que l’on parvienne pour les divorcés remariés qui en ont le désir profond, à un accueil aux sacrements. Pour le moment, je ne vois pas quel autre geste respectueux et vrai poser – que celui que j’ai évoqué dans un post précédent – lorsque des personnes se présentent à moi les bras croisés sur la poitrine, bien décidés (résignés ?) à ne pas communier. Et je ne vois pas en quoi les mots prononcés : que Dieu vous bénisse et vous garde, serait infantilisant.

  • Oui René, s’ils sont en conscience décidés à le faire.

    Malgré cela, ce qui continue à me gêner, c’est le regard d’autrui posé sur eux et en particulier des petits, de leurs petits parfois.

    C’est vrai que la soignante ne peut que se révolter car aucune faute, en Eglise, ne peut exclure à vie, comme de rompre le mariage. Ce n’est plus tolérable ……..

    Leur demander d’aider dans une paroisse et de ne pas communier est scandaleux

    De fait beaucoup de prêtres ferment les yeux ou sont d’accord.

    Restent bien sûr des prêtres qui excluent et surtout des prêtres qui disent avant la communion : ne peuvent communier que ceux qui sont dignes. C’est dans ce cas que je me révolterais.
    Mais la réalité fait que ceux qui sont les plus durs sont aussi ceux qui ne sont pas clean eux-mêmes et cela est mon expérience particulière.
    Il n’y a pas de pire censeurs que ceux qui ne sont pas dans la droite ligne

    Cela n’a rien à voir avec les bénédictions de remariage

    Pour moi, si la vie m’avait mise dans une telle situation je n’aurais pas demandé de bénédiction officielle mais j’aurais mis mon nouveau couple sous le regard de Dieu.

    • Pour ma part je n’ai jamais entendu un Prêtre dire une chose pareille car alors je serais parti en courant.Par contre qu’un Prêtre dise que peuvent venir communier ceux qui s’y sont préparés ne me parait pas quelque chose de choquant

      • Dominique. Je puis témoigner de la véracité du propos. Il est des paroisses où, à la demande de l’évêque, il est rappelé au moment de la communion que ne peuvent s’approcher de l’autel que celles et ceux qui sont en « règle » avec la discipline de l’Eglise.

        • Je veux bien vous croire mais à mon sens il y a déjà une différence entre « être digne de communier » et « être en règle avec la disciplime de l’Eglise « . Par ailleurs, pour répondre à Claudine qui parle de personnes sous influence en faisant allusion à celles qui acceptent les recommandations émanant de leur prêtre accompagnateur, je voudrais dire que pour moi l’influence éventuelle de ces derniers n’a strictement rien à voir avec celle d’un pervers qui emprisonne, strictement rien à voir. Quant à être sous influence,pour ma part j’aimerais bien l’être infiniment plus que je ne le suis, peut-être, de temps à autre…

  • Trois remarques :

    1. Sur le mariage, nous avons dans l’Evangile un enseignement direct du Christ, en Marc 10, 2-12 et Matthieu 19, 3-12. Jésus y explique clairement le projet de Dieu sur l’homme et la femme, projet qu’il restaure dans sa grandeur originelle, affirmant explicitement l’indissolubilité du mariage. Il y a une rupture avec les pratiques concrètes et la culture de l’époque, au point que les apôtres en sont choqués. Cet enseignement leur semble trop difficile. Dans les conditions culturelles d’aujourd’hui, probablement cela nous semble-t-il encore plus difficile. Mais lorsque Jésus repart de la Genèse, il livre un enseignement fondamental et universel qui fait fi des dispositions culturelles.

    2. René écrit : « la question devra bien un jour être tranchée de savoir ce qui fait «sacrement» donc signe, dans le mariage catholique : l’amour réciproque des époux ou le lien juridique contracté… Question cruciale lorsque l’amour est mort et que ne subsiste que le lien formel. »
    Il me semble que la question est tranchée : c’est le consentement libre et mutuel des époux, publiquement exprimé, qui fait le sacrement que se donnent les époux et qui est reçu par l’Eglise. Ainsi, lorsque le consentement est vicié, le lien formel est nécessairement réputé nul et non avenu. Parler de « l’amour réciproque » comme matière du sacrement ne me semble pas juste : cela voudrait dire que si « l’amour réciproque » s’éteint, le sacrement s’éteint avec lui et que ne subsisterait qu’un lien formel juridiquement consigné sur un registre. Or, il semble clair que c’est le consentement libre qui fait le mariage.

    3. Sur le synode : à mon avis, l’enjeu numéro 1 de toutes les questions familiales est le couple. Nous faisons quasiment tous l’expérience, dans notre couple, de notre pauvreté face aux exigences du mariage, particulièrement dans le contexte culturel que nous vivons. Comment fortifier le couple ? Comment l’Eglise peut-elle aider les couples à vivre le mariage chrétien jusqu’au bout, mieux qu’elle ne le fait aujourd’hui ? Voilà des questions cruciales dont dépend en grande partie l’avenir de nos familles chrétiennes. Elles sont, en effet, bien au-delà d’un problème de communication. Je suis d’accord avec René sur ce point : dire qu’il s’agit simplement de mieux expliquer, c’est du vent. L’enseignement de l’Eglise sur la famille est clair et connu, je pense qu’il doit être réaffirmé, comme l’a fait JPII, et aucun subtil « lifting » ne le fera mieux accepter de l’opinion publique. L’enjeu me semble en grande partie spirituel : comment répondre – avec l’Eglise – à l’appel du Christ et à l’enseignement si exigeant qu’il nous a laissé (Cf. point 1) ? Comment la grâce peut-elle opérer dans nos vies ?

    • Guillaume, tu ne seras pas surpris que je reste en désaccord avec tel ou tel de tes propos. Notamment lorsque tu écris : »Mais lorsque Jésus repart de la Genèse, il livre un enseignement fondamental et universel qui fait fi des dispositions culturelles. » Or, sauf à tomber dans le travers de nos amis musulmans qui font du Coran une lecture fondamentaliste comme Parole incréé de Dieu, la Genèse reste un « produit culturel » dont nous n’aurons jamais fini de pénétrer l’intelligence. J’entends la parole du Christ sur le mariage. J’entends aussi que nos frères Orthodoxes en font une autre lecture et que Rome n’a jamais condamné leur pratique pastorale. Je porte, pour ma part, l’espérance d’une évolution de mon Eglise sur cette question. Pour le reste : bien d’accord, notamment sur le point 3 de ton commentaire. Même si la réponse n’est pas si évidente en termes de pastorale familiale. A mettre d’emblée la barre très haute en ne laissant aucune alternative entre le mariage sacramentel et… rien, l’Eglise ne risque-t-elle pas de s’ériger en secte pour quelques « parfaits », même s’ils confessent par ailleurs leur état de pécheurs… ?

  • J’ai juste jeté un regard sur le fil des commentaires à votre article… si vous voyez comme moi, il est essentiellement masculin. Je pense que des femmes ne diraient pas les même choses…

    • Chère Claudine je compte sur vous pour continuer à apporter votre « grain de sel » et pour signaler ce blogue à vos amies…

  • René, je suis bien s’accord sur le fait que l’Ancien Testament n’a rien à voir avec le Coran, que l’Ancien Testament n’a pas été dicté par Dieu. Cependant lorsque c’est le Christ lui-même qui nous confirme la validité de tel passage de l’Ancien Testament il me semble que cela change beaucoup de choses et qu’on ne peut pas faire comme s’il n’avait rien dit.

    • Dominique, je n’ai jamais prétendu, de mon côté, que les Paroles du Christ n’étaient que des « paroles verbales… » sans portée réelle. Mais enfin, il n’est pas interdit de s’interroger et j’observe que je ne suis tout de même pas le seul à le faire, et jusqu’au sein du collège cardinalice, et qu’encore une fois nos frères Orthodoxes attachés autant que nous à la fidélité au Christ et au caractère sacramentel du mariage ont une autre « lecture » que nous…

  • René, mais je suis d’accord avec la position de nos frères orthodoxes et ne faisais que répondre à votre argumentation laquelle me paraissait contestable.

    • Sauf qu’à en croire des amis Orthodoxes, c’est précisément en se basant sur le raisonnement que vous contestez, qu’ils justifient leur pastorale d’ouverture vis à vis des divorcés remariés.On peut faire une « fixation » sur les paroles du Christ et ne pas vouloir entendre autre chose… Le difficile est d’articuler ce propos spécifique avec ce qu’il nous révèle par ailleurs d’un Dieu d’amour et de pardon, et ce qu’enseigne l’Eglise sur le mariage comme sacrement donc « signe ». Or, je répète ici la question formulée dans un article ce de ce blogue en date du 18 février dernier : « comment la simple fidélité à un lien juridique dont tout amour a disparu peut-elle encore être perçue par nos contemporains comme signe (sacrement) de l’Amour de Dieu pour les hommes ? » C’est bien pour répondre à cette question, en fidélité à l’Evangile, que nos frères Orthodoxes en sont venus à la position qui est la leur.
       

      • René,lorsque je vous dis que j’approuve la position de nos frères orthodoxes sur le mariage,me croyez-vous oui ou non?

        • Oui je vous crois et ne comprends pas, dès lors, que vous fassiez la fine bouche sur le raisonnement qui était le mien et qui, précisément, sous-tend leur position. Un peu de cohérence ne nuit pas.

  • Oui cher René et à mes amis ordonnés ou non

    et aujourd’hui je vais vivre le concret du sujet au mariage d’un jeune neveu devant Dieu reçu par un dominicain sous le ciel orageux d’Eure-et-Loir dans une petite église de village dans laquelle nous primes le même engagement avec mon époux il y a longtemps sans savoir heureusement le chemin qui fut certes plein de joies mais de larmes aussi .

    D’autres eurent moins de chance que nous malgré leur foi et leur sincérité

    Mon métier et la vie m’ont appris que Dieu nous fait passer souvent là où nous ne serions pas passé de nous-même.

    ils m’ont appris la complexité des rapports humains, la richesse de l’amour et de l’amitié, la force de la bienveillance. Car nul ne peut parler pour l’autre. La force encore plus grande de la tendresse qui permet d’être pris aux entrailles devant la détresse de l’autre!

    Alors quittons nos sentiers bien tracés et accueillons avec le regard du Christ et en ce jour quelque soit notre sensibilité prions pour la Paix , paix du monde et paix des coeurs

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