Chère Anne Soupa…

Chère Anne*, non, je ne suis pas las ! Pas las de combattre en tout cas ! Las des atermoiements de mon Eglise, de ses frilosités, de ses crispations… certes ! Pour l’heure c’est votre stratégie qui me pose question. Je n’ai jamais supporté l »idée d’une Eglise qui se positionne en contre société… et je crains de voir la CBF (Conférence des baptisés de France) se structurer en contre Eglise.

Ces dernières semaines,  la lecture, en parallèle, de Dans la peau d’un évêque de Pietro de Paoli (une fiction, comme vous le savez) et de J’aimerais vous dire, d’Albert Rouet (présenté comme son testament spirituel) m’a conforté dans l’idée qu’en effet, prendre aujourd’hui la parole dans notre Eglise, était une nécessité. Pour rappeler que l’urgence, depuis 2000 ans, est bien l’annonce de l’Evangile, de la Bonne Nouvelle à tous les hommes et non la crispation sur des structures au travers d’une recléricalisation galopante.

Sur ce point je vous rejoins. Dans la phrase de notre ami André Gouzes sur la nécessité d’en revenir au mode de vie des premières communautés chrétiennes je lis d’abord l’urgence de l’essentiel : la prière, la lecture de la Parole, la vie sacramentelle et le service du frère. Je n’ai pas, chère Anne, le souvenir que les premières communautés se soient instituées en Conférence des baptisés…

Dans leur diversité elles ont constitué l’Eglise. L’unique Eglise ! Et le drame est bien aujourd’hui qu’une fausse conception de l’unité nous fasse confondre, comme l’illustre si bien Albert Rouet, catholicité et universalité. L’urgence me semble donc être au plaidoyer pour la fidélité dans la diversité vécue comme richesse et non pour l’émergence d’une nouvelle structure qui trouvera vite ses limites.

Je ne doute pas un instant que nombre de laïcs, prêtres, évêques vous fassent part de ce mal être qu’on a bien perçu, au printemps dernier, après les événements que chacun conserve en mémoire. Mais où étaient-ils dimanche, chère Anne ? Pas place Saint-Sulpice ou alors si peu nombreux que je ne retrouve pas là les fières certitudes de votre réponse à mon propos. Seraient-ce eux qui étaient las ? Admettez, pour le moins, qu’ils n’ont pas rendu service à la cause…

Différence de stratégie, disais-je ! Nous avons tout loisir pour nous en expliquer. Mon vécu n’est pas le vôtre. Mon ressenti non plus, apparemment. Je crois encore possible de forcer des portes, de parler libre et ferme,  non pas « contre » qui que ce soit mais pour… Je ne crois pas qu’on puisse changer notre Eglise de l’extérieur. Or je crains que votre CBF ne se retrouve, très vite, à camper aux pieds des murailles alors que l’urgence est de les faire tomber.

* Anne Soupa est présidente du Comité de la Jupe.

11 comments

  • Monsieur Poujol,

    En tant que baptisé qui fuit les bancs de l’église, après avoir chantonné Jésus revient pendant mon adolescence en aumônerie, et subi le rigorisme désuet de l’éducation catholique, j’aimerai être fier d’être à nouveau catholique.

    J’aimerai que l’amour soit une valeur plus forte dans notre société, même si cela peut paraitre creux et fourre tout.

    Je pense que jésus était un rebelle, et que, s’il était la, il foutrait un grand coup de pied salvateur dans le Vatican.

    Je crois en Jésus, picolard et bon vivant, amateur de femmes et engagé politiquement, cheveux longs, doux, attentionné, philosophe, anti conformiste et poil à gratter, démolisseur de temple et visionnaire.

    Je veux que les femmes soient prêtres, que les curés soient libres de coucher avec des hommes et des femmes, du moment qu’ils épargnent les enfants. je veux que le pape n’ait qu’une mission, la paix et la médiation. je veux que les églises servent de refuges aux sans papiers, que les scouts d’Europe soient dissous et que les charlatans soient poursuivis.

    Je veux de l’amour, bordel, du vrai, alors que le pape actuel me sert de sa voix fluette des leçons d’amour froid et théorisé, intellectuel et passéiste.

  • Ce n’est pas stupide et je peux imaginer qu’un grand chambardement ait lieu comme le désire Starlight…pourquoi pas ? Concrètement c’est possible de changer beaucoup de choses. Mais ne nous y trompons pas, ce serait tomber de charybde en scylla. Un nouvel ordre des choses engendrerait inévitablement de nouvelles problématiques…vaste débat qu’il conviendrait de ne pas esquiver naturellement. Réfléchissons : tout n’est pas aussi simple dans les rapports entre les Hommes.

  • Cher René,

    Ah si je pouvais, entre vos lignes sentir la vigueur d’un combat pour la parole, pour la diversité, pour l’unité sans la conformité, et si je pouvais discerner quels moyens vous donnez à ces ambitions, ce serait ma joie de Sœur Anne! Enfin, je verrais poindre à l’horizon le preux chevalier de la foi qui libèrerait Dame Eglise de ses Barbe Bleues actuels que sont l’esprit de division, le souci d’elle-même, la peur surtout, qui entrave sa marche et la paralyse.

    Si je me tourne vers ces premières communautés que vous me recommandez de fréquenter, j’y trouve la force et surtout la foi d’un leader, Paul, ou Pierre ou Jacques, et une structure communautaire « classique », reproduisant quasiment,, aux dires des historiens, la structure sociale du temps et, détail amusant, une communauté totalement dépourvue de clergé.

    N’attendez cependant pas de moi que je cède aux sirènes de la subversion : tout corps social conséquent a besoin d’une institution, et je me garderais bien de vous rétorquer qu’il n’y avait pas plus de Vatican que de CBF, car je ne crois pas à la transposition terme à terme du 1er siècle avec aujourd’hui.
    L’histoire amène à des créations « de toutes pièces ». Toutes sont sans doute nécessaires au moment où elles sont crées et, à ce titre méritent notre respect. Ainsi le réinvestissement par la jeune Eglise de l’appareil administratif, juridique et religieux romain (diocèse, pontife, basilique…) est une création dont les siècles suivants héritent.

    C’est ainsi, pour le meilleur comme pour le pire. Seule contrepartie à cet héritage : que les générations suivantes, elles aussi, puissent créer lorsqu’elles en ont besoin, comme nos pères avant ont créé. C’est cela la Tradition la vraie, la seule, la grande que j’aime de toute ma reconnaissance de chrétienne que l’histoire a enseignée. Je ne sens pas dans vos propos, cette bienveillance devant une initiative qui, j’ose le prétendre – car j’écoute et je me tiens à l’affût – surgit du tréfonds de notre Eglise.

    Nous ne serions que quelques centaines? René, cher René, n’avez vous aucune tendresse pour les commencements? Auriez vous fait reproche à notre ami André Gouzes d’être « peu nombreux » si vous l’aviez rencontré il y a quelque 35 ans, entouré d’un corbeau qui écoutait sa messe et de quelques souris qui trottinaient dans un Sylvanès délabré?

    Qu’il nous faille prière, lecture de la parole, service du frère, oh que oui, et que je vous rejoins! Et ces choix plutôt que tout autre. Je peux vous dire, comme Paul, en son temps, l’a dit, que je n’ai pas volé le respect que je vous demande et que j’ai mes titres dans ce domaine, comme tant d’autres du comité. Ne vous y trompez pas : ce comité facétieux que certains disent factieux est composé de femmes et d’hommes obligés par leur baptême : ils et elles prient, lisent, accompagnent, écoutent, partagent…

    Pourquoi cette hâte à suspecter ce qui n’est pas affiché? Et vous n’êtes pas sans savoir combien il est criminel de dire à celui qui crée qu’il vaudrait mieux qu’il prie… C’est mettre l’un à la place de l’autre, alors que les deux se tiennent, se prolongent, se répondent. Rien de pire que cette fausse piété qui fait quitter le sol. Elle tue la vraie prière et empêche de rencontrer Dieu, « qui est celui qui est », c’est-à-dire la pleine réalité de ce qui advient.

    Enfin, cher René, vous n’avez sans doute pas voulu dire ce que vous avez pourtant écrit : serions-nous à l’extérieur de notre Eglise? Nous, engagé(e)s de toutes parts à son service? Vous n’oseriez pas, je pense dire une chose pareille. Ou alors craindriez-vous qu’on nous en sorte de force, puisque nous avons dit que nous ne nous tairions ni ne partirions. ? Par le harcèlement, la calomnie, ou peut-être qu’on nous excommunie? Quelle crainte exprimez-vous là?
    En fait, vous ne croyez pas à cette conférence. C’est votre droit. L’histoire dira. Pour moi, je crois avoir choisi la meilleure part. Je ne veux pas que mon Eglise soit fascinée par son passé, pétrifiée comme la femme de Lot qui avait regardé derrière elle. Nous – ces petits 400 que vous regardez d’un peu haut – nous la tirons par la manche pour qu’elle avance; Cela ne se fait pas, dites-vous? Peut-être, si vous êtes spécialiste de la chose, pourrais-je vous croire. Mais avouez que la leçon de bonnes manières, devant les périls qui s’annoncent, est un peu… dérisoire.

    Très cordialement.
    Anne Soupa

  • Chère Anne,

    Que j’aime vos saintes colères ! Croyez-vous que je me serais risqué à écrire ce que j’ai écrit si j’avais pour votre initiative le moindre mépris ? Le mépris est la chose que je déteste le plus au monde. J’en ai trop souffert. Je comprends votre combat qui, pour l’essentiel est le mien.

    Vous évoquez le précédent de notre ami André, seul, voici 35 ans, dans une abbaye en ruines, un corbeau sur l’épaule ! Savez-vous, Anne que Pèlerin a été le premier titre de la presse nationale à parler de Sylvanès. C’était dans son numéro 5098 du 17 août 1980… Il y aura trente ans l’an prochain. Et Sylvanès vivait encore à l’ombre des ailes du corbeau… Difficile de m’accuser d’avoir volé au secours de la victoire. Je terminais mon reportage par cette phrase : « Au milieu des gravats, des tranchées et des rêves un peu fous, Sylvanès revit. Sous les frondaisons d’une humble vallée, le Languedoc chrétien pourrait bien être en train de se retremper une âme. » Il m’arrive d’avoir des intuitions !

    Pour le reste cessons de nous quereller. Je vous ai dit mes craintes. Point ! N’en faisons pas une homélie. Ce qui me touche davantage est le sentiment que j’ai pu vous donner de baisser les bras, de rendre les armes, ce qui ne correspond ni à mon tempérament ni à mon état d’esprit du moment. Dans votre précédent message vous évoquiez ce que vous perceviez en moi comme devant être la lassitude… L’autre dimanche, Chère Anne, place Saint-Sulpice, je n’étais pas las, j’étais là, tous simplement !

    Très cordialement

  • je me risque à nouveau à une parole….je sais bien que la limite n’est pas facile à tenir…..moi aussi je me suis posée la même question d’autant que j’ai toujours eu des Pasteurs exceptionnels autour de moi …..mais l’un m’a dit aussi mon devoir de dire quand cela n’allait pas …..tranquillement, en Eglise, …..et je suis sûre que c’est le souhait profond d’Anne Soupa……mais hélas aujourd’hui….on est obligé d’ouvrir les yeux…..nos communautés qui ont tout juste la possibilité de faire face à la demande des hommes de notre temps…..et pas pour longtemps…..
    le raidissement des jeunes, leur réticence à réfléchir par eux-mêmes , en particulier des jeunes prêtres .
    Cela n’est pas bon pour eux, leur équilibre, ce n’est pas bon pour l’Eglise…….
    Il y a un moment où il faut dire stop……on va droit dans le mur.
    Vous allez me dire il faut faire autrement ……et comment? dîtes le moi ….je ne demande que cela!!!!!
    Quand, même dans des domaines où l’on pense avoir une compétence on ne peut rétablir les choses…..quand la peur de dire s’installe…
    Vous demandez l’impossible aux prêtres et à nos Evêques même si plus d’un sont en accord complet avec cette analyse……
    C’est peut-être là la force des femmes de ne jamais se résigner …
    Je ne sais pas si ce mouvement va réussir à laisser la parole circuler librement et sans crainte au sein de l’Eglise…..
    Ce que je sais c’est qu’un jour que je ne verrai pas « les pierres crieront »et c’est mon espérance.

    • Je n’ai, bien évidemment pas de réponse toute faite à vos questions. L’urgence absolue est bien, en effet, de ne pas se résigner à se taire. Sur ce point il y a accord entre nous. Dans son dernier livre, J’aimerais vous dire (Bayard), Mgr Rouet souligne bien à la fois les dérives actuelles : « Ce qui m’inquiète à travers la tentative de restauration dans l’Eglise catholique à laquelle nous assistons actuellement, est le fait qu’elle soit présentée comme la véritable expression du christianisme. » (p.200) et cette réalité nouvelle et incontournable : « Nous allons voir beaucoup de laïcs formés et à un niveau supérieur à celui des prêtres, donc qui n’accepteront pas qu’on leur dise n’importe quoi. » (p.217) C’est là mon espérance. Cela étant qu’elle est la capacité de l’Eglise a refuser d’entendre ? Faut-il pour s’exprimer, créer des structures nouvelles ? Je n’ai sur ces questions que des « ressentis »… pas de réponse définitive ! Le débat est ouvert !

  • les deux livres dont vous faîtes allusion, je les ai lus et d’autres…..et parfois relus…..
    ce que vous dîtes est vrai …..les catholiques formés et diplômés sont nombreux…..beaucoup de femmes……mais pas très jeunes aussi……il y en avait beaucoup dans le petit groupe qui avait malgré leur engagement parfois lourd en Eglise pris du temps pour parler ensemble paisiblement en marchant un 11 octobre…..
    mais pourquoi ce cri même s’il était paisible…..pourquoi ces prises de position d’un Cardinal Martini, d’un Mgr Rouet et d’autres…….parce que la parole se ferme …..de plus en plus …parce que les jeunes qui restent sont souvent frileux, nostalgiques d’un autre temps sans s’apercevoir que c’est peut-être une chance pour l’Eglise ce désert à la seule condition de refuser un repli identitaire qui serait suicidaire….

  • « Je n’ai, bien évidemment pas de réponse toute faite à vos questions

    Je n’ai sur ces questions que des « ressentis »… pas de réponse définitive ! Le débat est ouvert ! »

    Malheureusement il n’y a pas de solution ! Jésus a dit : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais le glaive ». Notre condition humaine est liée au principe de la dualité. Nous sommes en permanence face à des choix contradictoires et nous voudrions l’harmonie des contraires. Ainsi le débat est ouvert.. mais il sera interminable. Il y a quelques années un Synode a lieu dans une grande ville de France et durant plusieurs mois on a beaucoup parlé. Un jour j’ai demandé à un prêtre où se trouvaient les conclusions de ce synode. Il me répondit : « On les a enfermées dans des placards à l’évêché ! ». Ne pensez-vous pas que les responsables ne peuvent pas en conscience modifier un ordre établi sous peine de voir surgir d’autres problématiques, voire des désordres calamiteux qu’ils ne pourront plus contrôler ? Il faut qu’ils s’expriment à ce sujet naturellement, en toute sincérité. Il est vrai que des hommes formés aux dogmes théologiques depuis leur tendre jeunesse ignorent beaucoup de la complexité de la nature humaine. S’il existe une « Evolution » de la pensée en matière ontologique, c’est d’abord dans les séminaires qu’il faut souhaiter la voir éclore. C’est au sommet de la hiérarchie que réside la clé du problème. Le petit peuple des baptisé-e-s doit en fin compte comprendre que des questions liées à la métaphysique donc au symbolisme en particulier, ne peuvent être traitées comme de simples questions morales ou matérielles (la parité en l’occurrence !). Je souhaite bon vent à C B F mais je crains que cette idée, généreuse il faut le dire, ne reste qu’un épiphénomène ! On crie « au loup !! » mais la solution n’est-elle pas d’abord en chacun de soi, au sein de chaque famille, au sein de l’entreprise, à l’école, etc… ?

  • Grâce à internet, le débat s’ouvre et c’est tant mieux.C’est un peu comme le courrier des lecteurs dans un journal ou un magazine. Nous apprenons à débattre dans l’Eglise, avec les moyens de notre époque. Merci Seigneur.

  • Je découvre les derniers commentaires à mon retour de quelques jours de vacances… sans internet ! Je trouve l’expression « pétroleuses de bénitier » un peu injuste et méprisante ou alors s’agit-il d’une expression affectueuse qui demande à être décryptée. Je me reconnais, je l’ai écrit, dans leur combat qui est un vrai combat pour l’Eglise et dans l’Eglise. Concernant la dernière contribiution, je me réjouis, en effet, qu’internet soit le lieu d’un possible débat alors même qu’il semble difficile, voire impossible ailleurs.
    Ces « dames » ayant publié une lettre ouverte aux évêques à la veille de leur Assemblée plénière de Lourdes, il est possible que je revienne sur le sujet dans ce blog, demain ou après demain. Le temps d’en prendre connaissance et… d’atterrir après huit jours d’absence.

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