Homosexualité : pourquoi l’Eglise ne bougera pas

Homosexualité : pourquoi l’Eglise ne bougera pas

Pour une fois je donnerai raison à tous les Cassandre de notre Eglise sainte, catholique, apostolique et romaine… affirmant que sur la question homosexuelle le Synode ne modifiera rien d’essentiel à l’enseignement traditionnel du magistère. 

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Cet article a été repris sur le site des chrétiens de gauche (C2G) et sur causeur.fr, que je remercie vivement. 

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Pour l’observateur extérieur au monde catholique – ce qui n’est pas tout à fait mon cas – la crispation de l’Eglise sur l’homosexualité reste difficile à comprendre, dans nos pays où l’on a tendance à la banaliser. Les raisons valent donc d’être examinées. La Bible – à laquelle se réfèrent juifs, chrétiens et musulmans – fournit sur l’homosexualité une condamnation sans appel que reprennent les Epîtres de Paul. Inutile de rappeler ici des citations dont chacun connaît peu ou prou l’existence et la teneur, sinon la formulation, et dont l’énumération n’apporterait rien à notre propos. Certes, l’exégèse moderne invite à contextualiser des écrits dont la lecture au premier degré n’est plus guère le fait que de certains Etats du monde musulman où l’homosexualité est passible de la peine de mort… comme recommandé dans la Bible. Une contextualisation refusée par le magistère de l’Eglise catholique qui rappelle avec constance et fermeté qu’il est des interdits structurant, en tous temps et en tous lieux, qu’aucune évolution des mœurs ou des connaissances ne saurait remettre en cause.

Un basculement de l’opinion catholique

Dans le monde occidental – mais pas uniquement – on a longtemps considéré l’homosexualité comme une maladie (1) ou pire : un vice, une dépravation. Pour les catholiques c’était là un péché mortel, puisqu’un comportement en contradiction avec le « plan de Dieu » sur sa création. Les sciences humaines ont, dans un premier temps, popularisé l’idée que l’on n’est pas homosexuel par choix. L’Eglise en tient compte qui ne condamne pas  les personnes du fait de leurs «tendances», mais uniquement les actes qui, eux dépendent de la seule volonté des personnes. Le véritable basculement, pour nombre de chrétiens, est venu, plus récemment, de la prise de conscience qu’il existait, près d’eux, des personnes homosexuelles vivant en couple stable, aimant, fidèle, ouvert sur une forme de fécondité sociale. Un comportement pas si éloigné, au fond, de celui que l’Eglise exige des couples mariés, hormis l’absence de différenciation sexuelle.

Ce basculement a eu pour effet de susciter l’interrogation aujourd’hui portée par de nombreux catholiques : lorsque deux personnes de même sexe vivent ensemble en donnant un tel témoignage de dignité, peut-on encore parler de péché ? Quelle offense font-ils à Dieu ? Ne faut-il pas reinterroger la lecture que l’Eglise fait des Ecritures et du « plan de Dieu » sur le seul couple homme-femme ? Le magistère, on le sait, réaffirme que la question est tranchée, définitivement tranchée. Une réponse qui ne peut, hélas, être tenue pour satisfaisante au regard de la raison et de la conscience de chacun face à ce qu’il comprend du message évangélique.

L’enjeu démographique

Si la Bible et les écrits de Paul restent donc, aux yeux de l’Eglise, des arguments suffisants pour fonder et confirmer l’enseignement traditionnel du magistère, il est deux autres raisons rarement mises en avant – et pour cause –  qui, tout autant, donnent à penser que, sur ce terrain-là, au-delà des arguments de type théologiques, elle ne bougera pas de sitôt.

La première est d’ordre démographique. Certes l’Eglise catholique, riche de 1,3 milliard de fidèles à travers le monde, est sans doute moins menacée dans sa survie que le peuple Hébreu au temps des Patriarches. Mais le «croissez et multipliez vous» biblique reste fortement ancré dans la culture catholique. Reconnaître une quelconque légitimité au couple homosexuel, même dans les législations civiles, équivaudrait à renoncer à l’exigence, non exclusive mais sans cesse rappelée, du lien entre sexualité et fécondité. La crainte ici, est moins l’émergence fantasmatique – parfois évoquée néanmoins ici ou là – d’une société à dominante homosexuelle – par goût effréné du plaisir – se condamnant à disparaître… que le rejaillissement de cette légitimation sur les couples hétérosexuels eux-mêmes. Si le couple homosexuel peut s’aimer charnellement malgré son infécondité, comment continuer à exiger du couple hétérosexuel une ouverture constante de sa sexualité à la transmission de la vie ? N’ y a-t-il pas un risque de voir émerger une société globalement marquée par le refus hédoniste du don de la vie ? (3)

Au-delà de l’affirmation que toute vie vient de Dieu, qu’il faut donc l’accueillir, et que le plus bel hommage du couple chrétien à son Créateur est d’enrichir la famille humaine et d’élargir le peuple de Dieu, on sait l’Eglise angoissée par deux perspectives : la diminution des familles nombreuses perçues comme principales pourvoyeuses de vocations sacerdotales et religieuses ; le vieillissement et la diminution du nombre de catholiques dans le monde, face à la montée de l’Islam. Certes, les démographes semblent s’accorder à situer à l’horizon de la fin du siècle la transition démographique sur l’ensemble de la planète, avec une stabilisation mondiale de sa population autour de 11 milliards d’habitants. Mais l’échéance reste lointaine, avec la perspective d’un quasi doublement de la population. Autant y arriver sinon en force, du moins dans une position pas trop affaiblie semble penser le Vatican depuis toujours. (2)

L’impossible continence ? 

La seconde raison, plus délicate encore à évoquer, tient à la place centrale du célibat et donc de la continence, dans l’institution ecclésiastique. On en connait les justifications : le témoignage irremplaçable du don total fait à Dieu, au service de la communauté. Même si la question reste débattue de savoir si ce témoignage doit être celui du clergé ou d’abord des moines. Il n’empêche : il est sans doute plus facile d’obtenir la continence attendue des prêtres lorsque la sexualité des laïcs est « cadrée » par la notion de mariage hétérosexuel fécond. Reconnaître une forme de «fécondité sociale» au couple homosexuel ; mettre en sourdine la condamnation des «actes» dès lors qu’ils seraient vécus dans le cadre d’une relation stable, ne serait-ce-pas déjà introduire le vers dans le fruit ?

C’est l’un des secrets les moins bien gardés du monde catholique que la présence, forte, de personnes de tendance homosexuelle, tant dans les séminaires que dans certains ordres religieux. Des personnes qui, le plus souvent, ont par ailleurs toutes les qualités requises pour bien s’acquitter de leur ministère ou de leur apostolat. Mais on connaît les réticences du Vatican, maintes fois exprimées. Lever, tant soit peu, l’interdit de l’homosexualité, représenterait un risque inconsidéré. Même si l’on peut avancer qu’un vœu de célibat ou de chasteté, librement prononcé, devrait pouvoir être respecté, quelle que soit l’inclination de la personne et indépendamment du contexte sociétal.

Aux laïcs de faire bouger les lignes

Telles sont, trop brièvement résumées, les raisons qui rendent peu probable une évolution rapide de l’Eglise catholique sur la question homosexuelle. Et sûrement pas à la faveur du synode qui s’ouvre à Rome dont ce n’est pas l’objet. Aussi faut-il considérer qu’un pas, déjà, serait franchi si le texte final, réaffirmant la dignité de toute personne aux yeux de l’Eglise, indépendamment de son orientation sexuelle, suggérait de tempérer, dans la pratique pastorale, la condamnation des actes homosexuels jugés «gravement désordonnés» par le catéchisme de l’Eglise catholique, et d’inviter les communautés à faire leur juste place aux personnes homosexuelles, seules ou en couple.

Voilà sans doute un papier qui sera reçu avec un «enthousiasme inégal», pour reprendre une litote chère à l’abbé Pierre lorsqu’il évoquait les sentiments des évêques à son égard. Certains me reprocheront une approche triviale – et mal intentionnée ? – à travers l’évocation de la démographie et de la continence ecclésiastique, là où le simple rappel de l’interdit biblique eût été suffisant. D‘autres regretteront que j’enterre le synode avant qu’il ait commencé. Mais il faut bien admettre qu’objectivement la question homosexuelle n’est pas centrale par rapport au thème de la famille, même si elle est explicitement abordée par les documents préparatoires envoyés par Rome.

Je suis donc par avance reconnaissant à ceux des Pères qui, sans grande illusion, oseront dire que la question homosexuelle se pose à nous et pour longtemps, et que vouloir se réfugier derrière l’enseignement constant du magistère est une forme d’impasse et d’aveuglement. Je crois les arguments avancés dans cet article utiles au débat, aujourd’hui nécessaire dans notre Eglise et jusque dans la plus modeste de nos communautés. Et je reste convaincu que c’est la détermination de laïcs catholiques «de la base» à faire bouger les lignes qui, demain, quelles que soient les conclusions du synode, sera la plus opératoire.

© René Poujol

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  1. C’est seulement le 17 mai 1990 que l’Organisation mondiale de la santé a retire l’homosexualité de la Classification internationale des maladies.
  2. Il faudra bien un jour, dresser un bilan de l’attitude de l’Eglise sur la question de la contraception : désertion des catholiques, effondrement de la pratique dans des pays de tradition chrétienne comme l’Espagne ou l’Italie par réaction au pouvoir clérical, maintien dans la misère de femmes du Tiers Monde condamnées à des maternités multiples non désirées.
  3. Ce que les documents d’Eglise qualifient parfois de mentalité contraceptive.

52 comments

  • j’ajouterai un élément qui devrait faire réfléchir le magistère c’est la situation psychologique inacceptable et dangereuse dans laquelle elle laisse certains de ses ministres ordonnés ou religieuse et religieux .

    Comment vivre paisiblement dans une Eglise qui dit et redit que l’homosexualité est un état intrinsèquement maléfique ? La majorité d’entre eux est fidèle à ses voeux de chasteté mais ne peut ignorer une tendance innée . C’est pourquoi il est déjà fort important que l’Eglise abandonne son jugement sans fondement.

    Cependant une fois de plus , l’Eglise oublie les laïcs qui n’ont pas à subir l’interdit de relation sexuelle . Il est absurde voir dangereux d’exiger d’eux une abstinence non assumée ou d’ état de péché permanent.

  • Merci pour ce nouvel article fort clair et instructif même si un espoir d’évolution rapide s’envole… Continuons donc inlassablement de labourer pour essayer de convaincre qu’une plus grande ouverture est souhaitable sur ce sujet.

  • Rien à redire à cette excellente réflexion. Je me demande si la gêne ou la difficulté ne vient pas aussi de ce que l’Eglise éclairée (au meilleur sens du mot) par les savoirs contemporains a du mal à considérer comme un péché non seulement une « tendance » sexuelle mais même des actes sexuels réalisés dans certaines conditions. Il reste cependant une difficulté même avec la « tendance » puisque, comme René le souligne, en 2005 ou 2006 je crois (à vérifier), il a été décidé à Rome que les jeunes homosexuels ne seraient plus admis dans les séminaires et les noviciats – si déterminés soient-ils à vivre la chasteté et nonobstant toutes leurs qualités humaines et spirituelles. C’est une mesure qui montre la méfiance actuelle, alors qu’à l’évidence pendant des décennies ou des siècles, l’Eglise a ordonné prêtres nombre de garçons homosexuels de grande qualité. Il semble néanmoins que dans les années 60-70, devant la liberté sexuelle en train de s’affirmer et la difficulté de la chasteté de prêtres hétéros, des évêques se félicitaient de pouvoir accueillir des séminaristes homosexuels, car au moins ceux là ne succomberaient pas aux charmes des femmes… J’ai l’impression qu’on est dans un domaine où domine aujourd’hui les incertitudes, les peurs, les suspicions, en un mot : le malaise.

    • Tout à fait d’accord avec vous Jean Louis Schlegel

      Mais les séminaristes homosexuels restent suffisamment nombreux et heureusement. Le seul verrou que l’institution souhaite maintenir c’est l’absence de relations sexuelles en mettant toujours l’accent sur leur aspect « contre nature ».

      Jusque à quand allons nous rester dans le mensonge, dans la contradiction fondamentale des clercs ? C’est profondément malsain et très risqué .

      Certes autrefois le seul danger était la femme car le reste était caché, enfoui . De plus une relation hétérosexuelle pouvait entraîner une grossesse, des enfants…

      Mais je me souviens parfaitement il y a environ huit ans des assisses de la santé à Lourdes, avec censure des rapports préparés. Devant ma révolte face au refus de voir les réalités ( contraception…) quelqu’un me disant : « dans mon diocèse deux prêtres homosexuels vivent en concubinage notoire, ils sont à cette table . »

      Je sais qu’il n’est pas facile de se dire experte en humanité, et d’accepter que l’humanité puisse être vécue autrement qu’on le souhaite .

      Bref l’institution est bloquée par son refus de voir la réalité humaine, biologique . Il fut un temps où des clercs étaient de grands scientifiques . Il manque à l’Eglise des scientifiques non idéologiques .

  • René, Jean-Louis, je suis largement d’accord avec votre analyse, mais il me semble que le problème se situe en amont. Il tient à l’affirmation théologique de la continuité du développement du dogme. C’est ce point qui est soutenu par les théologiens romains pour dissuader Paul VI, contre l’avis de l’écrasante majorité des experts et des commissions qu’il avaient lui-même sollicités, de permettre l’usage de méthode contraceptives en dehors de l’abstinence pendant les périodes fertiles (ce fut la catastrophe pastorale d’Humanae Vitae – une affaire Galilée, comme l’avait anticipé de cardinal Suenens. En l’occurrence, il s’agissait de ne pas déjuger Pie XI dans Casti Connubii.

    Et pourtant, sur bien des points, la doctrine a varié. Il n’est qu’à voir les éructation furibondes de Pie X (saint) contre la modernité, son affirmation fondamentalistes de l’inhérence des Écritures pour voir que dès Pie XII on change de vision.

    Dans l’affaire de l’homosexualité, comme dans celle des divorcés qui se remarient, la question est:comment changer ? Comment faire une herméneutique du dogme, Comment dire : pendant des siècles, quelque chose qui était lié aux croyances du temps nous a fait dire une chose que les savoirs d’aujourd’hui ne permettent plus de dire ? Quand on prétend que les énoncés dogmatiques des prédécesseurs sont d’inspiration divine donc non réformables, on jette le navire Église dans tous les fondamentalismes, toutes les idolâtries.

    Pour mémoire le concile de Trente a condamné avec la plus grande fermeté ceux qui prétendraient que les enfants morts sans baptêmes peuvent être sauvés, et aussi la lecture de la bible en langue vulgaire.
    O tempora, o mores.

    Tant qu’on ne prendra pas ce problème à bras le corps, on ne fera que des raccommodages, on rusera comme vien de le faire le pape François en libéralisant le recours à la déclaration de nullité de mariage de sorte que quiconque la demandera l’obtiendra. Ne pouvant traiter la question sur le registre dogmatique, il le traite sur le plan juridique.

    http://temoignagechretien.fr/articles/religion/le-ruse-jesuite

    • La question de la continuité du développement du dogme est effectivement centrale. Il y a quelques jours, lors de la table ronde qui, au Centre Sèvres, a suivi la conférence du cardinal Tauran sur le pape Paul VI, le père Pierre de Charentenay, jésuite, ancien directeur des Etudes, a répondu à une question de la salle sur le fait de savoir si le Synode sur la famille pourrait nuancer l’enseignement d’Humae Vitae. Sa réponse a été extrêmement nette. En substance : je ne vois pas comment un synode pourrait s’autoriser à revenir sur le contenu d’une encyclique. Sous entendu : même si ce serait justifié. Simplement, ça ne se fait pas, car ce serait admettre que le magistère s’est trompé ! Impensable !

      L’Eglise vit sur le mythe de la continuité doctrinale, même lorsqu’elle pose des actes de rupture. Il y a bien eu rupture, historiquement, dans le Magistère de l’Eglise catholique lorsque dans les années cinquante, le pape Pie XII a reconnu la légitimité pour le couple chrétien de maîtriser sa fécondité. Rupture par rapport à l’enseignement précédent qui lui faisait obligation de ne mettre aucun obstacle à la venue d’enfants considérés comme don de Dieu. Et cette rupture a été digérée par le magistère. Dès lors, le passage, demandé depuis des décennies par une majorité de couples chrétiens, d’une maîtrise de la fécondité au moyen des seules méthodes naturelles à une maîtrise de la fécondité qui puisse intégrer les méthodes contraceptives apparaît, à tout esprit raisonnable, plutôt dans la continuité du développement, sinon du dogme, du moins du magistère romain. Essayez de faire admettre cela aux chantres de la doctrine intangible et éternelle ! On est là dans l’autisme le plus total.

      • Cher René,
        Je serais pour ma part plus indulgent à l’égard de la réponse de Pierre de Charentenay. Elle révèle davantage la difficulté de l’évolution de la théologie dogmatique plus qu’elle n’affirme son impossibilité. Les réactions à ta lettre montrent qu’une telle évolution existe et doit se poursuivre. Si en Eglise le magistère se montre aussi lent et insensible c’est aussi parce qu’il s’estime à raison investi de la fonction de préserver la verticalité d’une Parole qui n’est pas sa propriété. L’évolution dogmatique dépend bien entendu de la vox populi et de son aptitude « herméneutique  » d’interprètation et de contextualisation. Dans un dialogue (encore faut il qu’il ait lieu, je suis d’accord), ces tensions doivent pouvoir faire évoluer le dogme lui-même. De ce point de vue, les techniques disruptives de la provocation, utilisées juste avant le synode, sont une calamité d’une bêtise à pleurer. Mais peut être faudrait-il ne pas dire trop vite que « l’Eglise vit sur le mythe de la continuité dogmatique », car cela n’ouvre pas le jeu.

    • Christine
      Je souscris à 100%a ton analyse
      ne risque t on pas pour maintenir la vérité de l ´Eglise de la voir mourir ?
      On ne peut éternellement se couper du monde scientifique.

    • Christine, votre lecture de Trente n’a-t-elle pas été un peu rapide sur le salut des enfants morts sans baptême ? Bien avant Trente, saint Thomas avait enseigné que Dieu ne limitait pas son action aux sacrements…

        • On aurait aimé en avoir plus, Christine… Mais bon, on va se plonger dans les archives !

          (Quelques jours plus tard…) Voici le texte auquel Christine fait référence :

          4. Si quelqu’un nie que les enfans nouvellement sortis du sein de leurs meres, mesme ceux qui sont nez de parens baptisez, ayent besoin d’estre aussi baptisez : Ou si quelqu’un reconnoissant que véritablement ils sont baptisez pour la rémission des péchez, soustient pourtant qu’ils ne tirent rien du péché Originel d’Adam, qui ait besoin d’estre expié par l’eau de la régénération, pour obtenir la vie éternelle, d’où il s’ensuivroit que la forme du Baptesme pour la rémission des péchez, seroit fausse, & non pas véritable : Qu’il soit Anathême. Car la parole de l’Apostre, qui dit, Que le péché est entré dans le monde par un seul homme, & la mort par le péché ; & qu’ainsi la mort est passée dans tous les hommes, tous ayant péché dans un seul (Rom. 5. 12.), ne peut estre entenduë d’une autre maniere que l’a toûjours entenduë l’Eglise Catholique répanduë par tout. Et c’est pour cela, & conformément à cette regle de Foy, selon la Tradition des Apostres, que mesme les petits enfans, qui n’ont pû encore commettre aucun péché personnel, sont pourtant véritablement baptisez pour la rémission des péchez, afin que ce qu’ils ont contracté par la génération, soit lavé en eux, par la renaissance : Car, quiconque ne renaist de l’eau, & du Saint Esprit, ne peut entrer au royaume de Dieu (Joan. 3. 5.).

          • Ce n’est pas tellement le sujet, c’est vrai, mais c’est un peu « tirer » le texte que de lui faire dire que « les enfants morts sans baptême ne peuvent être sauvés.

            En effet il « anathémise » ceux qui nient que

            « les tout-petits, qui viennent de naître de leur mère, doivent être baptisés”, même s’ils viennent de parents baptisés,  »

            et ceux qui disent que ces enfants
            « sont certes baptisés pour la rémission des péchés, mais qu’ils ne portent rien du péché originel venant d’Adam qu’il est nécessaire d’expier par le bain de régénération” pour obtenir la vie éternelle, “d’où il suit que pour eux la forme du baptême pour la rémission des péchés n’a pas un sens vrai, mais faux” : qu’il soit anathème.

            Si on lit bien ce texte, il rejette l’opinion de ceux qui affirment que les enfants ne sont pas marqués du péché originel.

            Peut-être Christine s’appuie-telle sur la suite de la phrase, qui précise en effet que ce péché originel doit être expié « par le bain de régénération” pour obtenir la vie éternelle ». Mais la suite aussi est à prendre en compte : ce qui est rejeté est d’en conclure que « d’où il suit que pour eux la forme du baptême pour la rémission des péchés n’a pas un sens vrai, mais faux ».

            Autrement dit il rejette l’opinion de ceux qui prétendent que les enfants n’auraient pas besoin du baptême parce qu’ils ne seraient pas marqués du péché originel, et qu’en les baptisant on ferait un faux baptême.

            Il n’est pas précisé ce qu’il en est du sort des enfants morts sans baptême.

            Je crois donc, Christine, que vous ne pouvez pas vous appuyer sur ce décret pour dire que l’Eglise s’étant trompée ici elle se trompe peut-être au sujet de l’homosexualité.

  • Dans sa version actuelle, le Catéchisme de l’Église catholique est d’une duplicité rare à propos de la « discrimination » à éviter l’égard des personnes homosexuelles (voir ci-dessous).
    http://www.aquarelles-expert.be/Catechisme_2357_2358_2359_commentaire.pdf

    Non seulement une mise en sourdine … de la condamnation des actes homosexuels est-elle hautement souhaitable, mais il me semble urgent que le Magistère clarifie une fois pour toutes la formule hypocrite utilisée dans son Catéchisme.

  • Je suis bien d’accord. Ce que j’ai voulu dire dans mon article est que cette question est lourde d’enjeux de toutes sortes pour l’Eglise – et pas uniquement théologiques – ce qui laisse entendre que les évolutions seront sans doute extrêmement lentes, du côté de l’institution. Sur Facebook où le débat se prolonge (ce jeudi 1er octobre) à partir de mon article, un ami a posté cette réflexion dont la formulation, provocante, me semble pertinente : « Merci René pour cet éclairage qui montre comment des questions anthropologiques et sociologiques sont habilement habillées de manière théologique pour ne pas trouver de réponses. »

    La seconde raison est que la question du couple homosexuel n’est, de fait, que marginale par rapport au thème et à l’enjeu du synode, du fait même que le Magistère n’en reconnaît pas la légitimité et la constitution en tant que famille (même avec présence d’enfants). Donc les Pères, même les mieux disposés sur la question, ne vont pas se battre par priorité sur ce terrain. Il suffit par ailleurs de voir avec quelle hargne certains milieux catholiques se déchaînent sur les réseaux sociaux, pour contester le fait même que les Pères du synode puissent aborder la question, estimant que c’est hors sujet. Alors même que le questionnaire venu du Vatican demandait pourtant aux fidèles de s’exprimer sur le sujet.

  • René,
    L’Eglise ne se positionne pas sur l’homosexualité à partir d’un constat uniquement négatif de l’acte, mais parce qu’elle considère l’union de l’H et de la F comme seule voulue par Dieu. Elle en tire une série de conclusions, dont sa conception du mariage, son rejet de l’acte homosexuel ou encore son enseignement sur la sexualité. Comme l’a dit le pape dimanche dernier à Philadelphie, « pour l’Eglise, la famille n’est pas principalement un motif de préoccupation, mais plutôt la confirmation de la bénédiction de Dieu sur le chef d’œuvre de la création ».
    Cet argument, tiré de l’évangile, me semble bien plus pertinent que ceux concernant la démographie ou la continence. Sinon, nous n’aurions qu’une lecture politique de la position de l’Eglise, et non pas évangélique.
    Bien cordialement

  • Antoine, vous avez raison d’écrire que l’Eglise « considère l’union de l’H et de la F comme seule voulue par Dieu. » Comme elle a considéré un temps que les esclaves n’avaient pas d’âme, qu’accepter les droits de l’homme était nier les droits de Dieu, que reconnaître la liberté religieuse équivalait à douter de la Vérité du christianisme, que nier l’existence historique d’Adam et Eve portait un coup fatal au péché originel, à la foi en un Christ rédempteur et à la réalité de l’Immaculée conception…

    C’est ce considérant qui, que vous le vouliez ou non, est aujourd’hui interrogé. L’Eglise a-t-elle raison de considérer ainsi ? Fait-elle la bonne lecture des deux récits de la Genèse qui ne disent pas exactement la même chose ? Voilà des questions qui sont ouvertement travaillées par nombre de théologiens, dans des universités catholiques reconnues par le Saint-Siège. Mais le peuple chrétien est dans une telle ignorance du travail théologique que la moindre évocation d’une piste de recherche ou d’un questionnement théologique apparait aussitôt comme quasiment hérétique ou schismatique.

    •  » Mais le peuple chrétien est dans une telle ignorance du travail théologique que la moindre évocation d’une piste de recherche ou d’un questionnement théologique apparait aussitôt comme quasiment hérétique ou schismatique. »

      Pourquoi le peuple chrétien est-il dans cette si grande ignorance du travail théologique ? Alors que des laics suivent des formations exigeantes, alors que le Seigneur nous a donné une intelligence, pourquoi le travail des théologiens reste-t-il secret, il me semble que le peuple de Dieu a droit à l’éducation. IL est vrai que nous partons de bien loin mais cela pourrait être une facette de la nouvelle évangélisation.

  • Bonsoir,

    je comprends bien l’argument du lien sexualité-fécondité mais je me demande pourquoi l’Eglise continue à « marier » deux personnes qui ont largement dépassé l’âge de la procréation.

  • L’Eglise considère qu’il s »agit là d’une stérilité de type naturel (comme pour un couple infertile ou un couple où l’épouse est ménopausée) qui donc ne manifeste pas une opposition au « plan de Dieu » sur le couple… Alors vous me poserez sans doute la question du couple homosexuel également infertile pour des raisons tout aussi naturelles… Mais là l’Eglise fait intervenir le récit Biblique qui, selon elle, fonde le couple homme-femme et lui seul comme correspondant à la volonté divine. Sauf que plus personne aujourd’hui n’est capable de comprendre ces subtilités… ce qui, apparemment, ne trouble pas l’Eglise !

  • Je n’ai pas grand chose à ajouter aux intéressants (et intelligents) commentaires qui précèdent. A Christine Pedotti : oui, l’Eglise invoque le développement « organique » du dogme (une autre manière de dire que tout ce qui existe aujourd’hui existait au départ dans la Révélation et les Ecritures, et qu’il y une continuité parfaite au-delà de tous les changements survenus). Cela permet de dissimuler ou de minimiser les vraies ruptures, comme l’a fait le cardinal Ratzinger/Benoît XVI à propos de Vatican II, quand il s’est mis à insister, contre toute évidence, sur la continuité de ce concile par rapport à la tradition même récente…

    A Antoine Pasquier : d’accord pour le principe que vous rappelez, mais on dénie ainsi, ou on risque de dénier ou de survoler l’histoire réelle et ses aléas. Ou encore de se placer constamment du point de vue de l’idéal céleste et des principes absolus, ce qui est quand même paradoxal pour une religion fondée sur l’incarnation historique de Dieu. Il me semble (mais je veux bien être contredit) que nulle part dans l’Evangile (et même dans la Bible en général), on ne trouve d’expression dogmatique absolue comme « l’union de l’H et de la F comme seule voulue par Dieu » : ces expressions viennent toujours dans un récit (mythique, comme dans le récit de la Genèse) ou dans un dialogue et un contexte (comme dans l’Evangile), autrement dit dans une « historicité » pour employer le mot savant. « Foi et histoire » : sacré problème!

  • René, votre texte est excellent.
    Il montre bien l’impasse totale dans laquelle s’enferre le Magistère, mais peut-il faire autrement ? Non ! C’est « tripal » ! Tous ces vieux messieurs ont été élevés au biberon de la Tradition Immuable pour les siècles des siècles. C’est assez bêtement psychologiquement basique ! Et comme là-haut, on s’endoctrine entre soi en pensant et brassant toujours de la même chose, sans avoir l’aptitude à l’altérité – ( » L’homme ne vit son humanité que s’il abandonne le sentiment de toute-puissance dans sa relation aux autres et qu’il s’inscrit dans une relation de don réciproque qui suppose de donner et de recevoir ». » comme dit le prêtre D. Duigou) – aucun changement « vrai » n’est pensable. Aucune reconnaissance des erreurs ne peut avoir place, puisque ce serait presque comme de dire que Jésus et/ou Dieu se trompe, puisqu’ils en sont l’incarnation directe sur terre…
    Le ver est dans le fruit de origines.

    Quand à ce que vous mentionnez ci-dessus sur l’infertilité du couple chrétien hétéro. Alors, c’est la même règle qui doit présider que pour celle du couple homo « par nature » infertile dans le plan de Dieu : – PAS de relations sexuelles avec la femme infertile ou ménopausée… Ce serait aller à l’encontre de Dieu qui exige que faire l’amour doit déboucher sur un max d’enfants à baptiser d’urgence…

    Maintenant, s’estimer connaitre parfaitement le « plan de Dieu »… alors là le Magistère fait TRÈS TRÈS fort !
    Je suis certain que ces messieurs en savent plus sur Dieu, que Dieu lui-même !!

  • René,

    L’affirmation de l’union de l’H et de la F n’est pas seulement issue de la Genèse, mais aussi des paroles du Christ dans Matthieu chapitre 19 notamment (« l’homme quittera son père et sa mère, il s’attachera à sa femme, et tous deux deviendront une seule chair »). Gaudium et spes s’appuie sur ce texte pour rappeler la doctrine de l’Eglise sur le mariage. Que des théologiens remettent en cause cela, libres à eux. Mais le fait est qu’aujourd’hui l’Eglise se base bien sur cette parole pour en déduire tout le reste de son enseignement sur le mariage, et ses conséquences.
    Schlegel, là encore, les paroles du Christ en Matthieu 19,4-6 me semblent tout à fait limpides. On peut toujours les nuancer ou les contredire du fait de cette historicité dont vous parlez, mais cela signifie aussi que toute parole du Christ pourrait être remise en cause. A commencer par « Aimez-vous les uns les autres » ou « Ainsi est-il écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour » (Luc 24,46-47). Attention, je ne diminue pas l’importance de l’exégèse, mais prenons garde de ne pas en dévoyer le sens ni celui des paroles du Christ.

    S’agissant de la question de la fécondité, infertilité, stérilité, je regrette que Le Voyageur réduise cela à un calcul purement comptable (faire le maximm d’enfants à baptiser, sic…). La conjugalité (l’union de l’H et de la F) répond à deux significations : 1. Celle de l’unité des deux personnes (une seule chair) dans un don désintéressé d’elles-même, preuve d’un amour plein et entier (corps, âme, esprit). « Car c’est en se donnant qu’on reçoit,c’est en s’oubliant qu’on se retrouve », disait saint François. Ce don réciproque renouvelle le don que Dieu a fait à l’homme et à la femme, et le don que le Christ a fait de sa personne pour notre salut. 2. Celle de la fécondité, fruit de la première signification. Cette fécondité est aussi appeler ouverture à la vie : au sens propre avec le désir de concrétiser cette union avec la venue d’un enfant, fruit de cette « seule chair » ; comme au sens figuré lorsque que le couple ouvre son foyer au monde, comme cela lui est demandé lors de l’échange des consentements. Ces deux sens – propre et figuré – sont inséparables. L’un ne peut aller sans l’autre. Qu’un couple ne puisse pas avoir d’enfant n’enlève rien à sa fécondité, qui s’exprimera alors différemment. Par contre, qu’un couple ne souhaite pas « consommer » le mariage comme on disait autrefois ou qu’un couple soit composé de personnes de même sexe, cela empêche la réalisation de la signification unitive dans sa totalité (corps, âme, esprit).
    Sur l’ouverture à la vie, la contribution de Monique Baujard dans son récent ouvrage, avec qui je ne partage pas toujours le même point de vue, est intéressant. Elle rappelle justement l’importance de ce double sens de la fécondité. Ce que d’ailleurs les personnes préparant au mariage n’oublient jamais de mentionner.
    A vous lire,
    AP

  • Oups, j’ai oublié de répondre à Schlegel sur l’idéal céleste. L’union de l’H et de la F, et donc la famille au sens où l’Eglise l’entend, n’a rien d’un idéal céleste. Elle est au contraire une pure incarnation : celle de l’H et de la F créés à l’image de Dieu. Cette union de l’H et de la F qui donne naissance à la famille, et qui en est sa base, est bien réelle. Après, comme l’a dit le pape François à Philadelphie, « Les familles parfaites n’existent pas ». L’homme a beau avoir été créé à l’image de Dieu, il n’est en rien parfait du fait du péché originel. Idem pour la famille. Mais dans les deux cas, « cela ne doit pas nous décourager », dit le pape François, « bien au contraire ».

  • En gros, l’Eglise ne reviendra pas sur sa position concernant l’homosexualité parce que si on commence à dire que le sexe n’est qu’un élément assez simple et pas très grave de l’identité et de la vie biologique, qu’il existe en plus des hétérosexuels et des homosexuels des asexuels pour lesquels la chasteté est nécessaire à leur bien-être et des herbivores pour lesquels ne pas avoir de sexualité active est simplement une préférence ça détruirait toute l’organisation sociale que l’Eglise a essayé de mettre en place depuis des siècles. ça voudrait dire que peut être, Dieu, qui nous aime, n’avait pas du tout pour plan que certains d’entre nous investissent toute leur énergie à étouffer leur désir sexuel tandis que d’autre investiraient toute leur énergie à se laisser violer, peut être que Dieu voulait qu’on fasse confiance aux désirs différents qu’Il nous a donnés au lieu de nous complaire dans une souffrance raffinée. En fait Dieu il doit se dire qu’on est vraiment ridicule et qu’il a hâte qu’on grandisse un peu XD

  • Pourquoi l’Eglise devrait tout de même bouger concernant l’union civile ?…

    Lorsqu’elle parle, l’Eglise catholique se fait entendre dans le monde entier. Sa parole, souvent incomprise, parfois mal interprétée n’est pas celle d’un jour. Elle s’enracine dans une histoire religieuse, dans un patrimoine spirituel qui a construit notre société occidentale. Sortie du tréfonds de l’humanité, sa voix chante une mélodie qui a commencé il y a 2000 ans. Sa parole d’aujourd’hui est donc en nécessaire continuité avec celle d’hier.
    Comme le souligne René Poujol, l’Eglise catholique fonde son refus de bénir une conjugalité homosexuelle sur des textes bibliques sans ambigüité. La relation homosexuelle, intrinsèquement dénuée de l’altérité sexuelle dans la conjugaison des corps, est vouée à une incontournable infertilité. Sa finalité est donc fondamentalement réduite à une jouissance réciproque. Appelé à un destin plus élevé, l’homme s’y abime. Il n’y trouvera pas la voie de sa libération. Dans sa grande sagesse, l’Eglise désigne comme « mal » cette pratique.

    Ainsi l’Eglise catholique a une parole universelle. D’une seule doctrine, elle parle à l’humanité toute entière…
    IL N’Y A PAS D’HUMANITE… à quelque chose près que cette ‘humanité entière’ n’existe pas. L’homme n’a pas d’existence propre, il y a René, il y a François, Virginie et Ludovine, et Xavier, et Clément, etc… Chacun participe au genre humain mais trace pourtant dans l’histoire une voie qui lui est irréductible. Rien de ce qui est appelé humanité ne prévaut sur un seul de ses humains. Il y a quelque chose d’absolument unique dans chacun des êtres qui ne peut se laisser dicter par aucune directive universelle.

    Si un ivrogne décide de se libérer de son ivrognerie, il est peu probable qu’il arrive à un sevrage total et définitif en s’engageant dans une abstinence brutale. Il sera bon pour lui, en dépit de la doctrine catholique, qu’il continue d’ingérer des doses d’alcool supérieures à la normale. Pour lui, la norme morale est déplacée, elle se trouve relativisée par rapport à sa situation singulière d’ivrogne. La doctrine universelle qui définit le bien et le mal non négociable est ainsi subordonnée à la morale singulière qui, par nécessité doit prendre en compte l’histoire particulière de cet ivrogne.

    NOUS SOMMES TOUS DES IVROGNES :

    Il est donc important pour l’Eglise d’aujourd‘hui de désacraliser la vérité universelle sans craindre l’écueil du relativisme. Qu’elle cède sa primauté à la vérité singulière qui seule est en contact immédiat avec l’être. Que la doctrine éclaire le chemin, mais qu’elle se laisse dicter la bonne conduite par la vérité singulière.

    Alors oui la doctrine de l’Eglise doit bouger, non pas en ce qu’elle doit déclarer bien ce qu’elle ne cessa de dénoncer durant des siècles, mais en ce qu’elle doit rester la servante de chaque histoire personnelle, tâtonnant avec chaque brebis égarée pour découvrir dans l’obscurité de son histoire ce qui est bien ou ce qui est mal pour elle. Elle ne doit pas craindre alors de déclarer : « dans certaines situations, la conjugalité homosexuelle est une bonne chose ».

    Alors, celle qui a eu toujours raison depuis des siècles concèdera son impuissance à résoudre les problèmes de l’humanité avec sa seule doctrine, car c’est le bâton du Pasteur qui dirige le troupeau et non celui du Docteur.

  • René, vous avez peut-être raison sur le fait que l’Eglise ne bougera pas beaucoup sur la question. Mais il faut garder l’espérance, y compris vis-à-vis de l’Eglise catholique romaine. Et il faut sans cesse lui dire ses quatre vérités dans l’espoir qu’elle finisse par entendre. Une de ces vérités est que la liste des arguments conservateurs que vous présentez sont une série de balivernes. Il faudrait les reprendre un à un, des exégèses tendancieuses de certains passages bibliques jusqu’à l’argument fallacieux de la démographie. Il faudrait un ouvrage entier !
    Espérons que les pères du Synode acceptent de se déplacer dans leur raisonnement. Qu’ils commencent par reconnaître que l’homosexualité n’est ni une maladie, ni une perversion, ni un crime. Beaucoup de bons chrétiens le croient encore ! Ils n’arrivent pas à comprendre qu’il s’agit d’une forme de la sexualité humaine qu’il n’ y a pas de raison de condamner en soi.

    A partir de là, qu’ils admettent que leur condamnation de l’homosexualité et des homosexuels (chassés des séminaires par exemple depuis Benoît XVI) relève de l’homophobie. Que cette attitude est une atteinte grave à la dignité des personnes. C’est de la discrimination pure et simple.

    Est-ce un péché ? Une atteinte à Dieu ? On peut toujours arguer que le Lévitique demande de tuer les homosexuels. Mais est-ce suffisant ? Exiger une chasteté totale des homosexuel-les chrétiens est inhumain et indigne d’être de raison et de foi tout comme l’exiger du clergé en général.

    L’Eglise bougera-t-elle ? Qui sait ? Certes, le coming out du prêtre polonais de la Curie est jugé par le Vatican comme une provocation inutile à la veille du Synode. Mais il a le mérite de dire clairement que cela suffit ! Et d’énoncer pas mal de vérité : un clergé en grande partie homosexuelle, soit qui s’arrange avec le célibat, soit qui vire à l’homophobie de réaction, attitude psychologique bien connue. Et si tous les autres s’y mettaient aussi ! Par solidarité, courageusement !

    Espérons que l’Esprit de liberté et de miséricorde souffle dans l’institution, à la base comme au sommet.

    • Dans la même veine que ce coming out courageux : « La sexophobie de l’Église », un témoignage poignant de Bernard Garel et paru en juillet 2014 aux éditions Tatamis.

      • Je comprends la réaction du Vatican à ce coming out spectaculaire. Il est vrai – c’est en tout cas ce que j’écris dans mon article – que la question homosexuelle n’est pas centrale dans ce synode. Le véritable enjeu pour l’Eglise, face à la diminution des mariages religieux, est de trouver les mots pour faire comprendre, notamment aux jeunes générations, que le mariage catholique propose en fait ce qu’eux-mêmes aspirent à construire, c’est-à-dire pour la plupart : un couple aimant, fidèle et fécond. Bref, qu’il est bien une « bonne nouvelle » pour nos contemporains et que Dieu peut avoir sa lace dans cette aventure humaine. Là est le challenge !

        Pour autant, le Vatican devrait s’interroger sur le pourquoi de cette « provocation » à la veille du synode. Sans doute pour dénoncer le refus obstiné de l’Eglise de prendre la mesure de cette question, pour les raisons précisément développées dans mon propre article.

        • René, vous dites, fort justement :
          « … trouver les mots pour faire comprendre, notamment aux jeunes générations, que le mariage catholique propose en fait ce qu’eux-mêmes aspirent à construire, c’est-à-dire pour la plupart : un couple aimant, fidèle et fécond. »
          N’est-ce pas amplement suffisant que les couples (très largement) vivent ces aspirations inscrites au coeur d’eux-même et attributs de l’amour partagé ?
          chrétiens ou pas il sont dans le Désir Créateur….
          Qu’est-ce que « se marier à l’église » leur apportera de plus ? Si ce n’est des « emmer…. » supplémentaires d’obligations cultuelles, religieuses etc…. Et le « péché suprême » si ces aspirations profondes n’arrivent pas à se concrétiser (hélas) dans leur vie de couple/famille, pour toutes sortes de raisons, et malgré leurs efforts de tout nature….
          On apporte un « sacrement » ? Ah ! Ce serais donc un garant de réussite avec la grâce de Dieu ?
          Mince ! On fait chaque jour le constat que ça ne marche pas en faisant le décompte des « couples mariés à l’église » qui divorcent….
          Cherchez l’erreur !….
          Mon argument (contestés par un commentateur) que l’église aime « à faire du chiffre » n’est pas aussi con qu’on le prétend !….

          • Ca me fait plaisir de n’être pas tout à fait en accord avec vous… sinon à quoi bon dialoguer. Je crois, comme vous, que nombre de couples vivent de fait la réalité d’un amour qu’ils souhaitent fidèle et fécond. Vous posez la question du « mariage chrétien » en vous demandant ce qu’il apporte de plus. On pourrait déjà aborder la question du mariage civil avec la même interrogation. Nombre de jeunes couples ne se marient pas, même à la mairie, pensant que cela ne sert à rien. La crise du mariage n’est pas que de nature religieuse. Elle est également de nature institutionnelle. On ne sait plus le justifier… Pourtant l’expérience montre que c’est la loi qui garantit les droits et la justice, lorsque l’amour ayant disparu on en vient à se déchirer. Mais on vit dans l’illusion lyrique que le pire n’arrivera pas et qu’on règlera tout ça à l’amiable, en personnes libres. Tu parles ! Combien de femmes seules avec charge d’enfant, ont plongé dans la pauvreté du seul fait que non-mariées, elles n’ont obtenu aucun arbitrage judiciaire en leur faveur au moment d’une séparation.

            Mais j’entends bien que ce n’est pas votre question. Pour moi se marier à l’Eglise n’a de sens que si l’on admet que Dieu a quelque chose à voir avec l’histoire d’amour dans lequel on est engagé. Et qu’en voulant témoigner, au travers de nos amours humains, de ce que peut être la tendresse de Dieu pour l’humanité, on s’appuie sur lui pour tenir dans ce que l’on souhaite : l’amour, la fidélité, la fécondité. Je sais, ça ne convaincra que ceux qui acceptent de s’ouvrir à cette dimension de l’existence.

            Cela étant, c’est au nom même de cette conception du mariage que je plaide pour une « ouverture » à la faveur du Synode. Car si la fécondité est un projet pour un couple, il leur appartient selon moi – et à eux seuls – d’en déterminer le contenu et les modalités. Et si la fidélité reste un objectif de vie, qui saurait anticiper les événements qui, en un demi-siècle de vie commune potentielle, peuvent venir la troubler…

            Si l’amour que se porte un couple est sensé témoigner de l’amour de Dieu pour les hommes (et pour son Eglise) comment le simple maintien d’un lien juridique – l’engagement du mariage chrétien – d’où tout amour aurait disparu pourrait-il continuer à témoigner de l’amour de Dieu ? Là me semble être la vraie question pour les Pères du synode.

          • Mon premier commentaire laisse peut être entendre que je suis partisan de ce que l’on appelait il n’y a pas si longtemps « l’union libre », et lorsque j’étais étudiant on disait : « vivre à la colle »…
            Mais, de fait, je suis favorable au « mariage civil », pour ceux qui évidemment le souhaitent. Cela évite les écueils que vous souligniez dans le cas regrettable de la rupture, grâce à l’ensemble des dispositifs légaux et judiciaires existants. Je pense en tout cas important que le mariage soit manifesté publiquement, et aux yeux de la société.

            Si on pense que « Dieu est amour », comme répondait Bernadette Soubirous, dans la simplicité de son cœur, (et qu’il en serait même la source originelle), alors en effet le mariage de deux chrétiens peut manifester cette croyance. Et ce y compris pour les couples homosexuels puisque leur amour a même origine en Dieu que les hétéros.

            Maintenant, « qu’on les oblige » à témoigner à l’extérieur de cet amour-là, sans cesse et en tout lieux, sous couvert d’être lié par un sacrement de mariage par l’église… il y a là une obligation qui dépasse l’entendement du vulgus pecus que je suis. Et estimer que le couple chrétien se doit systématiquement d’être témoin sur la sellette de cette construction intellectuelle de l’Eglise, sous peine de se voir excommuniés s’ils se séparent… alors là ! le vulgus pecus a la Sainte Bible et le Catéchisme qui lui tombent des mains…

            Pourquoi contraindre à un tel témoignage officiellement obligatoire l’intégralité des couples mariés à l’église ? Qui plus est en les menaçant d’anathèmes s’ils ne sont pas capables d’être fidèles… ?
            On comprends qu’il préfèrent s’abstenir…. On comprends pourquoi le mariage chrétien ne « fait plus recette » 

            Que les prélats, le Magistère et l’ensemble des représentants officiels de l’Eglise institutionnelle, commencent eux-mêmes par témoigner de l’amour de Dieu 24h/24h dans leurs moindres faits et gestes… Et nous reparlerons de l’obligation qu’ils font aux couples chrétiens de se comporter ainsi sous peine de sanctions divines ! …

            Hélas : « … ils disent, et ne font pas. Ils lient des fardeaux pesants, et les mettent sur les épaules des hommes, mais ils ne veulent pas les remuer du doigt. » (Jésus)

            Je suis en accord avec votre plaidoirie finale… Je crains cependant que l’avocat que vous vous faites ainsi ne perde son procès …. Ce qui, bien entendu, ne me réjouis pas , bien au contraire.

          • Je n’aurais pas une lecture aussi radicale que vous sur « l’obligation » faite au couple chrétien de témoigner, à travers lui, de l’amour de Dieu… Cela frise la caricature et facilite du coup le recours à l’ironie… Les choses, vécues de l’intérieur, sont beaucoup plus simples. Sauf… lorsque l’amour du couple est en berne définitive et que l’Eglise continue d’affirmer que le maintien ad vitam aeternam du lien de l’engagement – que plus rien n’irrigue – est une absolue nécessité !

            Pour le reste et notamment le fait de vivre « à la colle », permettez-moi une anecdote. Le cardinal Marty, lorsqu’il était archevêque de Paris, fut invité un jour sur un plateau de télévision. Il avait souhaité pouvoir saluer journalistes et techniciens après le journal dont il était l’invité. Le jour venu, chacun y va de sa petite flâterie… Mr le cardinal, j’ai été baptisé par un prêtre de vos amis le père machin… Un autre : Monseigneur ma grand-mère se souvient de l’époque où vous étiez curé de… elle logeait en face du presbytère. Et le cardinal, ravi, opine de la tête. Puis vient le tour d’un technicien qui lui crache tout de go : moi, monsieur je ne crois ni à Dieu ni à diable, et je vis à la colle avec une fille depuis dix ans. Le cardinal lui prend la main, la tapote en souriant et lui dit : « mon petit, l’essentiel c’est que la colle soit solide ».

            Voilà la sagesse pastorale que je souhaite à nos pères du Synode !

          • Merci pour l’anecdote savoureuse ! ….

            Si un jour je retourne « à confesse » comme disait ma grand-mère, je m’acccuserai du maniement de l’ironie polémique, qui n’est pas toujours de bon aloi…. En revanche, l’acte de contrition (si mes souvenirs de jeunesse sont bons…) prenant la « ferme résolution de ne plus recommencer » …. Je ne suis pas sûr de ladite fermeté…. On ne se refait pas totalement !

            Espérons que le Magistère fera sa petite révolution culturelle en dissociant sa théorie du couple icône de Jésus/église, du réel de l’amour humain, imparfait, faillible et à la fois merveilleux et profond.
            Et qu’on en vienne à ce réel « qu’à l’impossible nul n’est tenu »….
            Mais je crains que d’ici là … : « ..et nous nous serons morts mon frère…. » comme dit cette belle chanson…

  • Bonjour, c’est étonnant, sur ce blog, les commentaires vont tous dans votre sens, Monsieur Poujol! Le mien s’y oppose. Pour qui vous prenez-vous de juger et de donner des conseils à l’Eglise Catholique ? Vous êtes journaliste, pas Evêque. Vous avez écrit et dirigé des revues, vous n’écrivez pas le dogme, vous ne représentez pas la conscience de l’Eglise. Vos considérations sur l’homosexualité ne représentent pas les attentes de la grande majorité des catholiques de notre monde : je veux parler des catholiques des pays non Européens. Fort heureusement, nombreux sont les peuples qui vivent selon la Loi Naturelle et ne se soucient pas des déviances ou désordres de minorités. L’Eglise dans ses paroisses, dans ses communautés accueillent les personnes homosexuelles avec bien plus de respect et de charité que vous ne le faites à l’encontre des Pères du prochain Synode. Ayant vécu de nombreuses années dans plusieurs pays étrangers non Européens, je peux témoigner que les lobbys gays y sont très peu présents. Vous tentez dans votre argumentaire d’avancer des « fruits sociaux » aux couples homosexuels. Ne prenez pas les catholiques de ce monde pour des imbéciles. Cela ressemble fortement à une manœuvre « polito-médiatique » nommant la mère porteuse en GPA, l’avortement en IVG, la fécondité de l’enfantement d’un couple en fécondité sociale ! De même, se satisfaire de la communication de Mr Krzysztof Charamsa lançant la pierre sur ses frères prêtres, les qualifiants d’homosexuels et d’homophobes m’horripile. Cela sent mauvais et ne grandit pas le journaliste que vous êtes. Bien à vous,

    • Cher lecteur, bienvenue ! Bien que je pense que vous ne vous éterniserez pas sur un blogue aussi sulfureux. Vous vous étonnez que tous les commentaires abondent dans mon sens. En fait ce serait comme sur Padreblog, mais avec une orientation différente. Je vais vous rassurer : c’est relativement rare ! Il suffit de reprendre les articles qui précèdent, dans ces pages, pour voir que mes contradicteurs sont bien présents.

      Pour le reste vous êtes assez représentatif d’un certain courant dans l’Eglise. Que répondre à l’avalanche de vos accusations ? ¨Pour qui je me prends ? Je le crois, simplement, pour un baptisé engagé dans son Eglise et qui porte, avec ses frères dans la foi, la mission d’annoncer l’Evangile. Contrairement à vos propos je ne juge ni de donne de conseils à personne. Je constate une situation que j’analyse, en journaliste. Me reprocher le fait que mes « considérations sur l’homosexualité ne représentent pas les attentes de la grande majorité des catholiques de notre monde » est pour moi assez surprenant. Depuis quand des « considérations » sur une réalité devraient-elles correspondre aux attentes de ceux qui vont vous lire ?

      Certes je ne suis pas évêque mais le serais-je que vous m’expliqueriez sans doute que je trahis l’Eglise où me situe à ses marges. Je n’écris pas le dogme, comme vous dites, mais je réponds, comme j’y ai été invité – et vous aussi – par le pape François, à la réflexion sur la famille. Et je vous trouve bien ingrat de ne pas me remercier d’insister sur le fait que la question homosexuelle n’est, de fait, pas centrale dans ce synode.

      Pour le reste, pardonnez-moi mais aucun de vos arguments ne me semble convaincant. Je puis vous assurer que chaque affirmation de mon article peut être appuyée sur des informations vérifiables ou sur des confidences de cardinaux de Curie rencontrés durant mes années de vie professionnelle (enjeux démographiques, homosexualité dans le clergé…) Vous me reprochez de « me satisfaire » de la communication de Mr Krzysztof Charamsa… Je ne me satisfais de rien du tout ! Je constate simplement le geste qu’il pose, observe qu’en effet, il est regrettable à la veille de l’ouverture d’un synode qui, encore une fois, a d’autres enjeux… mais je suis bien obligé, en journaliste, d’en chercher les intentions. Elles me semblent claires ! Elles portent sur le déni d’une réalité que vous illustrez à merveille.

    • @ Riroulet :

      « je veux parler des catholiques des pays non Européens. » écrivez-vous.
      Voilà où le bât blesse. Je m’explique.

      De 1962 à 1965 s’est tenu à Rome le Concile Vatican II, dont le but était un « aggiornamento » destiné à dynamiser une Église « en perte de vitesse » dans la majorité des pays occidentaux.
      Or dans la décennie qui a suivi, on a constaté que la perte de vitesse dont souffrait l’Église catholique s’aggravait.
      Aussi, avec l’élection du pape Jean-Paul II en 1978, un grand mouvement de restauration a été entrepris pour « sauver les meubles », restauration qui est toujours en cours d’ailleurs
      (plusieurs théologiens éminents ayant inspiré les travaux du Concile Vatican II en ont fait les frais, hélas).
      Cherchant à présent un terreau plus favorable pour asseoir ses dogmes, l’Église catholique se tourne à présent vers l’Afrique, où elle espère connaître un âge d’or comparable à celui qu’elle avait connu au Moyen-Age en Europe.

      L’universalité que l’Église catholique a connue dans le passé ne reviendra pas.
      L’époque où nous vivons est celle de la diversité et de la pluralité.
      Nous n’avons que faire, dans nos pays, de la religion telle qu’elle sera prêchée en Afrique.
      Inversement les populations africaines ne pourront pas se mettre, du jour au lendemain, au diapason de la religion telle qu’elle est actuellement vécue dans les pays européens.
      En contrepoint à ce que vous avez écrit, j’écrirai donc :
      « je veux parler des catholiques des pays européens. »

    • Riroulet,
      C’est vrai que René est en opposition avec des points importants de l’enseignement de l’Eglise. Mais au moins il ne s’en cache pas, et n’essaie pas de faire croire qu’il est plus catholique que le pape. Il laisse s’exprimer sur son blog d’affreux réactionnaires comme moi, ce qui alimente le débat que notre pape veut le plus ouvert possible.
      Oportet haereses esse, comme on dit !
      Plus sérieusement, nous ne devons pas tomber dans le travers des ces débats qui se résument à l’invective et à la condamnation pour « dérapage » ou « polémique ».

  • Bonjour René,
    Je constate la vivacité et la vitalité de ces échanges avec intérêt et bonheur. Pour ajouter un peu mon apport propre, je répondrai à la question cette simple considération de bon sens : nous sommes face à un rapport de force entre, pour faire simple, évêques « progressiste » ou conciliaires et évêques « traditionalistes ». Or les débats ont montré que, même au sein des équipes synodales, la question était loin d’être tranchée – pour l’essentiel faute de connaissance terrain – sur l’accueil des personnes homosexuelles et de leurs « actes ». Mais que, sur la question des divorcés remariés, il y avait un vrai problème, bien perçu par toutes les équipes, au moins en Europe. Du coup l’ensemble des interventions de toute nature (articles, réflexions universitaires, prises de positions etc. se concentrent sur ce point avec le sentiment qu’il y a là une bataille à gagner. Etant moi-même dans une paroisse où la question est plutôt celle de l’homosexualité, j’ai constaté ce virage depuis plusieurs mois. Je crois qu’il faudra encore attendre pour cet autre pas. Après tout il a fallu attendre le DSM IV pour que l’homosexualité sorte de la liste des maladies mentales !

    • DSM IV ? Voici l’explication fournie, à ma demande, par l’auteur du commentaire :

      Le DSM est l’acronyme d’une expression anglaise traduite par « Manuel
      diagnostique et statistique des troubles mentaux » et publiée par la
      société américaine de psychiatrie. les numéros correspondent à de
      nouvelles éditions.
      L’homosexualité a été retirée progressivement (entre le DSM II et IV,
      soit 1974-1994) de la liste des troubles mentaux. Le DSM fait
      actuellement référence dans le monde entier.

  • A Antoine Pasquier : j’ai lu votre réponse tardivement. Merci de l’avoir faite, mais je ne suis guère convaincu. Votre réponse confirme en partie ce que je pense : on pose des principes à partir de paroles bibliques (interprétées, ici, de manière assez fondamentaliste) et on déduit la suite, en admettant qu’il peut y avoir bien des écarts entre les principes et la réalité vécue (pour laquelle existe tout l' »arsenal de la miséricorde°. Vous employez d’ailleurs le mot « déduire ». Je constate seulement que pour la majorité des catholiques eux-mêmes, cette façon d’enseigner la « loi du Christ » ne marche plus. D’autre part, vous soulignez la « pure incarnation » de cette doctrine. J’ai plutôt le sentiment qu’on nage dans la « loi naturelle » et donc l’argument de la « nature », car pour ce qui est de l’incarnation de la différence sexuelle on a quand même mis des siècles à en faire un sacrement avant d’en faire le mariage moderne et (sociologiquement) d’en arriver à la famille nombreuse devenue le modèle unique de la famille… En disant tout cela, je n’ai ni ressentiment ni fureur contre cette famille, qui a bien des avantages et qui est peut-être même souhaitable. Sauf qu’il me semble impossible d’en faire le modèle unique et définitif pour tous les temps et tous les lieux. D’autre part, force est de constater que toute la littérature, tout le cinéma, etc. et surtout la réalité vécue sont remplies des échecs multiples et parfois des ravages de ce modèle. Cordialement.

    JLS

  • L’Eglise achoppe sur deux réalités qu’elle ne veut pas voir et qui l’empêchent d’être audible à ses contemporains :

    1/ La sexualité est très majoritairement détachée de la procréation, il n’y a plus qu’une petite minorité de croyants pour perpétuer les idéaux de chasteté. La quasi totalité des rapports sexuels dans ce monde a lieu sans intention de procréer.

    2/ L’homosexualité est une variant naturelle de la sexualité humaine et en ce sens ne peut être condamné sans que l’on tombe dans l’absurde. Comment et pourquoi refuser à des personnes qui n’ont en aucun cas choisi d’être homosexuelles, de vivre pleinement en adéquation avec leur orientation affective et sexuelle, et donc d’avoir des rapports sexuels réguliers ?

    Ces deux points font que l’Eglise n’est plus entendue dans nos sociétés sécularisées. Il y a en effet de très fortes chances pour qu’elle continue à rester inaudible et que son influence sur la société n’aille que décroissant.

    • Ces deux points soulevés sont évidents

      pour le premier: je dirai heureusement car il n’y a pas si longtemps les femmes vivaient dans l’angoisse d’une nouvelle grossesse ou mourraient d’épuisement ou des suites d’un accouchement .
      Il y a longtemps un Abbé découvrait le rôle des spermatozoïdes . Il est loin ce temps vues les absurdités scientifiques véhiculées par ceux qui pensent décider du bien et du mal.
      Dommage que les scientifiques catholiques n’aient depuis 50 ans jamais été entendus, y compris ceux de la commission mise en place par Paul VI .
      Maintenant dans ces domaines les catholiques sont absents .

      Sur le deuxième point c’est une réalité souvent douloureuse où la chasteté non consentie est aussi absurde que dangereuse .

      Il serait intéressant de dire que ce qui est humain dans la sexualité c’est justement son contrôle, sa compréhension pour dire l’amour et bien sûr l’accueil de la vie si cela est possible et souhaité. La séparation de la procréation et de la sexualité est humaine, profondément humaine. C’est dans le monde animal – et lui seul – que la sexualité a pour but unique la survie de l’espèce .

  • Salut René

    Merci pour ta réflexion réaliste, mais je suis en désaccord sur ton titre. Il devrait être : « Homosexualité : pourquoi l’Eglise ne changera pas sa doctrine ». Mais du coup, comme je crois que ce n’est pas seulement une question de doctrine, j’ai envie de compléter ta réflexion en disant : « Homosexualité : l’Eglise a déjà changé… dans sa pratique, et ça va continuer ! »

    Le pape François nous a engagé dans un processus de réforme dont il donne le programme dans la JOIE DE L’EVANGILE. Il invite à une CONVERSION PASTORALE ET MISSIONNAIRE. Pas à un changement de doctrine. D’ailleurs, s’il proposait un changement de doctrine, il se ferait débarquer ! Il n’est pas question pour lui de changer la doctrine de l’Eglise concernant l’avortement ou l’indissolubilité du mariage, donc sans doute pas non plus sur l’homosexualité. C’est la pratique de l’Eglise qu’il veut changer. Et pour cela, il a trouvé un mot : la « miséricorde ». Il ne s’agit pas du pardon, mais (selon l’étymologie latine) de se laisser toucher le cœur par souffrance d’autrui. Pour François, le modèle de la miséricorde, c’est le « bon samaritain » (où il n’est nullement question de pardon). Et c’est une sacrée trouvaille de sa part que d’avoir lancé « l’année de la miséricorde » entre les deux sessions du synode sur la famille. Il a d’ailleurs explicitement appelé les pères synodaux à tenir à la fois la doctrine et la miséricorde.

    Tu vas peut-être me dire : donc rien ne va changer ! Eh bien, je ne crois pas. Tous les commentateurs, y compris en dehors de l’Eglise, l’ont dit : c’est le style qui a changé, et ça change tout ! Je suis d’accord avec eux. Et François rêve de changer (au sens de convertir) le « style de vie » de l’Eglise. Et il y a beaucoup à faire !
    Mais surtout, j’avais envie de te dire : l’Eglise a déjà changé par rapport à l’homosexualité. Quelques flashs pour illustrer mon propos :

    1) Le premier texte du Conseil Famille et Société qui appelait à un débat sur le mariage pour tous, marquait une sérieuse évolution, reconnaissant qu’il était légitime d’entendre les attentes des couples de même sexe, mais que le mariage n’était pas la bonne solution… et plaidant pour une amélioration du PACS que les évêques avaient condamné dix ans plus tôt !

    2) La fameuse phrase de François dans l’avion en revenant de Rio et qui a tant marqué les esprits : « Qui suis-je pour juger ? » Elle a popularisé la distinction entre les personnes homosexuelles (qui sont à accueillir sans juger) et l’homosexualité.

    3) Depuis 45 ans que je suis prêtre, je n’avais jamais entendu parler d’homosexualité dans une réunion diocésaine. Je n’en entendais parler que dans des équipes de révision de vie ou dans des échanges personnels. A cause de la loi sur le mariage pour tous, la pastorale des familles a organisé une journée d’études au cours de laquelle quatre « témoins » ont partagé comment ils avaient été confrontés à l’homosexualité, et l’un d’entre eux, impliqué comme parent, partageant son évolution, a pu dire clairement sa conviction que l’homosexualité n’était ni un choix, ni une maladie… sans être contredit.

    4) Suite aux manifs pour tous, qui ont été si douloureuses pour les personnes homosexuelles et croyantes, du fait de l’image de l’Eglise que ça donnait, plusieurs diocèses (dont le nôtre) ont mis en place une « pastorale en direction des personnes concernées par l’homosexualité ».

    Ce sont pour moi des changements importants, auxquels les personnes concernées de mon entourage ont été très sensible.

    Et comme les rapportes entre théorie et pratique sont des rapports dialectiques, je ne doute pas que les changements de pratique fassent évoluer progressivement certains points de la doctrine. C’est même comme ça, en christianisme, que les doctrines évoluent : par la pratique des chrétiens.

    Bien à toi, JPR

    • Jean-Pierre, merci de ta contribution à cette réflexion. Je peux confesser (tu es prêtre) un volontarisme un peu provoquant sur le titre. Mais si j’avais titré : « de la possibilité pour l’Eglise catholique de voir sa pratique pastorale évoluer à propos de la question homosexuelle », je pense que j’aurais découragé les plus motivés. Je plaisante !

      Je suis bien conscient que les lignes, sur cette question, ont commencé à bouger dans notre Eglise. Je l’ai écrit ici ou là pour m’en réjouir. Mais on sent aussi les réticences. Tu évoques le 1er texte du Conseil famille et société… Certes, il marquait une évolution saluée par nombre d’observateurs, sauf qu’il fut suivi, après le vote de la loi, par un deuxième qui faisait machine arrière. Je raconte l’épisode dans un livre – collectif – à paraître dont je tire cet extrait : « En septembre 2012, nombre d’observateurs avaient souligné, comme novateur dans la pensée de l’Eglise, le passage du document épiscopal où il était signifié qu’il peut «exister d’autres relations d’amour» qu’entre homme et femme qui «ouvrent à un autre type de fécondité, la fécondité sociale». Rien de tel dans le nouveau texte où ce type de «fécondité sociale» était certes mentionné et valorisé, mais uniquement dans le cadre de… relations d’amitié vécues dans la chasteté ! L’Histoire aimant à se répéter nous avons vécu exactement la même marche arrière, sur le même sujet, à la session du synode romain sur la famille d’octobre 2014, entre le document intermédiaire et la synthèse finale. »

      J’observe que les dirigeants de la Manif pour tous (LMPT) continuent de demander l’abrogation pure et simple de la Loi Taubira là où Frigide Barjot, redevenue Virginie Tellenne plaide depuis longtemps dans le désert pour qu’on préserve l’un des deux acquis de la loi, la conjugalité homosexuelle, même si elle souhaite qu’on revisite la question de la filiation. A ce jour on n’a guère entendu de voix épiscopale pour la soutenir… dans son soutien à l’Union civile homosexuelle. Mais cela pourrait changer…

      Alors oui, les lignes ont bougé et je t’accorde que faire évoluer la pratique et la pastorale sont la meilleure préparation à une possible évolution doctrinale. Mais je ne retire rien des deux « obstacles » que constituent l’enjeu démographique, purement idéologique, et l’enjeu lié à l’exigence de la continence pour les religieux-religieuses et les clercs qui, à mon sens, pèsent lourdement sur cette question.

  • Il y a trois niveaux dans ces questions.
    La production du dogme qui est issue de la Tradition et de l’Écriture. Mais il y a une tradition de lecture qui fait que les travaux des exégètes, bien que faits sous le règne de la rationalité sensée être le signe de la présence de l’Esprit Saint, ne sont pris en compte que longtemps après leur présentation. On a le droit de les suivre et d’être en avance. Et un autre mais : la Tradition s’appuie sur l’Écriture. Les deux sont donc liés et parfois ces liens ne sont le signe que des prises de position contingentes des personnes ayant l’autorité du moment.
    Ensuite ce dogme, le plus souvent incompréhensible pour le commun des mortels doit être exprimé. Par exemple lors de la catéchèse. Exercice redoutable, en particulier quand il doit être exprimé dans un texte ramassé comme le catéchisme de l’Église catholique. Ou dans des Encycliques transmise par la presse avant de l’être par le clergé.
    Et enfin, le troisième niveau, et c’est là que les problèmes arrivent, il y a la réception. Et ceux qui produisent les dogmes, ceux qui les transmettent au « peuple » ne sont pas assez soucieux des conséquences des mots et des formulations de ces dogmes. Les gens comprennent ces dogmes comme ils le peuvent ou comme ils le souhaitent. Et comme certains politiciens le souhaitent.
    Les formules actuelles concernant l’homosexualité sont reçues dans certains pays africains comme des appels au meurtre. Et ça, c’est de la responsabilité directe du Magistère.
    Et peu importe la concurrence des évangéliques et des wahhabites qui met en position difficile l’ Église en Afrique : celle-ci n’a pas à faire du marketing en acceptant la surenchère de ces mouvements criminels. Elle doit se comporter comme le bon samaritain et prendre soin (take care) de tous les blessés de la vie. L’Hôpital de campagne de François.
    Et l’Église doit revenir au point 1 pour se demander si le Dogme ne doit pas être au minimum « revisité » pour éviter cette cascade d’événéments. Revisité par l’Esprit Saint, donc par la « Raison » qui nous fait « à l’image de Dieu ».
    Et aussi ne jamais oublier que « D’un point de vue juridique, nous sommes responsable de notre modèle du monde en tant qu’il produit des actes qui ont des conséquences ». Jean Louis Vullierme p. 294 de Miroir de L’occident

  • Depuis le début de cette discussion, est revenue au grand jour aussi l’épisode de la non nomination de Laurent Stefanini comme ambassadeur auprès du Saint-Siège, alors que tout le monde vante ses qualités humaines et religieuses… Ne connaissant pas les dessous de cette affaire, je n’en rajouterai pas (il y a peut-être des raisons que j’ignore, d’autres motifs que son homosexualité, une forme de provocation des socialistes, que sais-je encore..), mais le manque de clarté et de transparence du Vatican (y compris du pape François) sur le sujet « homosexualité » ne peut qu’entretenir la défiance – ou la tristesse.

    • @ Jean-Louis Schlegel. Je n’ai pas d’information particulière concernant l’affaire Stefanini. Ce qui semble acquis est la qualité de la personne dont le profil correspondait particulièrement à la fonction et dont l’homosexualité était discrète. Il semble plus probable que l’affaire a été sortie, à dessein, pour envenimer les relations entre la France et le Saint-Siège. Question : faut-il chercher un coupable dans les rangs socialistes où bouffer du curé est redevenu, pour certains, la seule manière de ne pas mourir de faim, ou du côté des intégristes qui, on le sait, n’aiment pas ce pape François ? Je l’ignorer. Ce qui est sûr est que l’objectif a été atteint : la brouille !

      François Hollande ne peut accepter le veto du Vatican qui serait interprété, à gauche, comme une « sanction » consécutive au vote de la loi Taubira ; et le pape François, engagé dans une délicate négociation sur les questions familiales à la faveur du synode romain, ne peut donner le sentiment d’avoir tranché dans le sens d’une certaine ouverture sur la question homosexuelle, avant que le synode ne soit clos et que les pères se soient prononcés.

      Bref, personne ne peut perdre la face. La seule différence entre les deux François est que François Hollande se fiche sans doute, éperdument, de savoir si la France a pourvu ou non son poste d’ambassadeur près le Saint-Siège.

      • Oui, René,tu as probablement raison de dire que Hollande n’en a rien à cirer d’un ambassadeur près le Saint-Siège et que les socialistes se font un point d’honneur de l’imposer. Raison aussi de souligner les contraintes « synodales » de François. Il se peut aussi que deux opinions opposées s’affrontent au Saint-Siège – sur l’acceptation ou non de cet ambassadeur homosexuel. Je voulais simplement souligner la contradiction qui consiste à dire qu’on ne condamne aucunement la « condition homosexuelle » et en même temps de ne pas en tirer les conséquences (sauf à aller voir dans la vie privée de M. Stéfanini comment il se comporte effectivement). Il est vrai que François l’a reçu, je crois, peut-être pour lui signifier à la fois son estime et son impossibilité de le nommer…

  • Vous,les gens d’Eglise, revenez toujours à cette notion du couple humain H et F dans le « plan de Dieu », semblez oublier que nous sommes bien des mammifères, certes très supérieurs (cependant pas toujours hélas) et en venez à traiter les récits de la Genèse comme historiques ou presque ! Vous contribuez à vider les églises en échafaudant des concepts qui ne servent qu’à réaffirmer des idées obsolètes. Le résultat est qu’à 80 ans j’en viens à me demander ce qu’il « reste » de vrai. Pour moi: les paroles de Jésus sur l’amour de l’autre, et l’AMOUR TOUT COURT. Les saints sont bien des « créations », des hommes qui, parfois, ne se sont pas gênés pour vomir des horreurs sur les femmes… et on n’en est pas encore sorti. Comment garder un peu d’espoir ?

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