L’engagement des jeunes chrétiens au défi du pluralisme

L’engagement des jeunes chrétiens au défi du pluralisme

«Plaidoyer pour un nouvel engagement chrétien» pose, d’une manière qui peut prêter à débat, une question essentielle aux jeunes catholiques. 

Ce texte a été rédigé, dans une première version plus concise, pour le site Aleteia . J’ai souhaité, ici, étoffer la réflexion. La version ci-après a été reprise sur le site de la Conférence catholique des baptisé-e-s Francophones. Je remercie l’un et l’autre sites de ces publications.  

Le 27 mars 2017, à moins d’un mois du premier tour de la présidentielle, Le Monde publiait une tribune titrée «Nous, jeunes catholiques, refusons de laisser à la droite le monopole des valeurs chrétiennes». Un texte engagé, appelant les catholiques à ne pas délégitimer les candidatures de Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, au motif d’un prétendu antichristianisme ou de choix sociétaux controversés, alors que leur projet politique était également porteur d’exigences sociales conformes à l’Evangile. Six mois plus tard, les trois jeunes intellectuels signataires de cette tribune prolongent leur réflexion dans un livre au titre évocateur : «Plaidoyer pour un nouvel engagement chrétien». (1)

Une revendication d’autonomie face au «pouvoir sacerdotal»

Un engagement, perçu non pas comme conséquence de la foi mais bien comme “le lieu de la foi“ et qui s’inscrit dans une lecture critique de l’institution catholique. Pour ces jeunes auteurs, c’est l’incapacité de leur Eglise à se décentrer vraiment d’elle-même, à regarder la modernité avec la bienveillance à laquelle appelait pourtant Vatican II, à se risquer à la rencontre et au dialogue au sein d’une société pluraliste et à «prendre au sérieux les interrogations de nos contemporains chercheurs de sens»… qui expliquerait la désaffection massive de la jeunesse.

D’où leur «refus de bâtir l’Eglise sur un pouvoir sacerdotal» crispé sur une conception monolithique de la vérité, formulée en un langage inaccessible à nos contemporains. Dès lors leur revendication d’une juste autonomie des laïcs semble aller bien au-delà du seul registre de l’engagement dans la cité, traditionnellement reconnu comme légitime par le magistère. Dans cet ouvrage, ils plaident ainsi pour un “christianisme de l’inachèvement“ où la Création serait enfin reçue – comme y invitent nombre de théologiens – non comme un moment inaugural figé mais comme un processus dynamique et ouvert, auquel tout être humain – croyant ou non croyant – est associé, par volonté divine.

Justice sociale et justice écologique

Ces préalables étant posés, les auteurs définissent ce que sont, pour eux, les priorités de l’engagement auquel ils appellent. Au premier rang desquelles « le combat pour la justice sociale et celui pour la justice écologique, étroitement articulés l’un à l’autre» qui porte une critique radicale du libéralisme économique. Parallèlement, ils plaident pour une réhabilitation du politique et, face aux réfugiés et aux migrants, pour un sens de l’hospitalité dont ils soulignent qu’il ne s’origine pas dans le seul christianisme. A ce propos ils citent l’Odyssée et cette réaction de la foule lorsque Antinoos s’en prend à Ulysse déguisé en mendiant.«Tu as eu tort de frapper ce malheureux vagabond (…) peut-être est-ce un dieu venu du ciel.»

Le conservatisme, une “voie sans issue“ ?

Il y a dans ce plaidoyer, qu’il faut lire, beaucoup de détermination, d’intelligence et de générosité. Mais également un parti pris qui demande à être interrogé : celui de considérer que ce combat ne peut être que de gauche et progressiste, et donc ne pas pouvoir rejoindre celui d’une autre jeunesse chrétienne considérée comme de droite et conservatrice, même si elle s’inscrit, en fait, dans un même mouvement écologique et anticapitaliste. Or l’écologie n’est-elle pas d’abord un conservatisme ? Et tout conservatisme est-il par nature réactionnaire ?

Dans un article récent de la revue Esprit consacré au “Renouveau conservateur en France“, le sociologue Yann Raison du Cleuziou écrit : «Le conservatisme est donc politiquement au centre : c’est la condition de l’intégration raisonnée des idées nouvelles à la société, qu’elles proviennent de la gauche ou de la droite. Le conservatisme est un sens de la mesure, une recherche prudente de la limite au-delà de laquelle un progrès promis devient une régression plus que probable.» (2)

Emancipation individuelle et service du Bien commun 

Lorsque les auteurs du livre invitent à la construction d’un monde «qui permettrait le libre développement de chacun sur une terre habitable par tous», on devine que le vrai clivage avec leurs jeunes coreligionnaires porte en fait sur les débats dits de société : mariage pour tous, PMA, féminisme… Et qu’ils partagent avec la gauche le sentiment qu’il y a dans cette “émancipation“ un aspect non-négociable, là ou d’autres s’interrogent précisément sur les limites d’une telle émancipation individuelle au regard des exigences du Bien commun.

N’y a-t-il pas un paradoxe à se référer avec constance à l’encyclique Laudato Si’ du pape François, tout en cherchant à se démarquer avec autant d’insistance des jeunes chrétiens de la revue Limite (3) qui entendent précisément promouvoir l’écologie intégrale qui en est la substance, au motif qu’ils en feraient une lecture « intégraliste » ? (4) N’est-il pas tout aussi paradoxal de se prévaloir d’une sensibilité politique qui plaide la nécessaire prédominance de la nature dans le combat écologique et prétend s’en affranchir, au bénéfice de la culture, lorsqu’il s’agit du devenir de la personne humaine ? Comme si le conservatisme, fut-il sociétal, n’était pas le signe d’une nécessaire reévaluation de la notion de progrès qui ne fait plus consensus dans nos sociétés.

Le début et la fin de la vie…

Les auteurs concèdent néanmoins, il est vrai : «Si nous devons lutter ardemment pour que les hommes puissent prendre davantage le contrôle du système socio-économique qu’ils ont façonné, il est moins évident que nous devions à tout prix revendiquer l’émancipation en ce qui concerne le début et la fin de la vie : la “densité métaphysique“ des débats bioéthiques devrait nous inciter à la prudence.»

“Le début et la fin de la vie“… Lue rapidement, la formule peut-être entendu comme une évocation “classique“ de l’avortement et de l’euthanasie. Sauf que l’avortement – que l’on s’en réjouisse ou qu’on le déplore – n’est plus vraiment en débat. Doit-on alors comprendre que les jeunes auteurs font ici allusion aux techniques d’assistance médicalisée à la procréation et notamment à la PMA dont l’élargissement à toutes les femmes sera, de fait, examiné lors de la révision des lois de bioéthiques prévue pour 2018 ? Ne pas le dire explicitement nourrit une ambiguité dont on regretterait qu’elle ait pour objet de mieux se démarquer de manière “progressiste“ d’autres jeunes catholiques dont le combat pour la filiation naturelle est souvent dénoncé en termes de conservatisme réactionnaire.

Pour un dialogue sans ostracisme

J’applaudis pour ma part sans réserve à ce plaidoyer pour une culture de la rencontre et du dialogue “hors les murs“ du monde catholique, à cette invitation à «Inventer de nouvelles façons de vivre en commun susceptibles de dépasser, sans pour autant les nier, les différences d’appartenances et de convictions qui caractérisent notre société plurielle». Mais à la lecture du livre, j’ai eu parfois le sentiment d’une culpabilisation excessive et un rien masochiste de l’Eglise catholique face à ce qui apparaît naïvement comme le “prophétisme“ indiscuté de la modernité. Sans doute les auteurs ont-ils eux-mêmes perçu les limites de leur propos lorsqu’ils rectifient : «Ceci ne signifie pas pour autant que nous, chrétiens, “ayons tout à apprendre et rien à apporter“.»

“Nous chrétiens“, dans la diversité de nos propres convictions et sensibilités ? Ce n’est pas vraiment ce qui transparaît du livre et là semble bien se trouver sa pierre d’achoppement !

Dans le même article d’Esprit, Yann Raison du Cleuziou écrit encore : «La plupart des auteurs conservateurs rejettent le clivage gauche-droite, jugé obsolète et rêvent d’un choc politique qui permettrait à l’opposition entre libéraux-libertaires et conservateurs de devenir seule structurante.» (5) A suivre ces deux grilles de lecture antagonistes on prend le risque de voir les auteurs du livre rejeter globalement les rédacteurs de Limite dans le camp de la droite et ceux-là regarder les premiers comme des libéraux-libertaires ce qui d’évidence, dans l’un et l’autre cas, est totalement réducteur.

Lorsque dans un essai court et percutant titré «Radicalisons-nous» (6) Gaultier Bès, directeur adjoint de Limite et figure de proue – parmi d’autres – des «néo-réacs» dénoncés par L’Obs, écrit : « Le rêve néolibéral a tourné au cauchemar et la farce financière ne fait plus rire les foules. », est-il si loin de la pensée des auteurs du “Plaidoyer“ ? Lorsqu’il poursuit : «Contre les mirages du “développement durable“ et les mensonges de la “croissance verte“, par lesquels le système productiviste maintient son actuelle domination, être radical c’est vouloir changer des structures mortifères en changeant résolument de modèle. La radicalité ne peut qu’emprunter la voie de la sobriété, chemin de liberté.» est-ce là, vraiment, l’expression d’un conservatisme bien pensant ? Même si d’autres idées, dans la revue qu’il codirige, peuvent être mises en débat.

Que l’on comprenne bien le sens de ce billet. J’appartiens à une génération de chrétiens “de gauche“ qui se reconnaît bien dans l’appel à l’engagement de ce livre. Mais je reste, avec d’autres, particulièrement critique vis-à-vis des dérives tant économiques que sociétales d’une gauche qui a connu, en 2017, l’un des plus lourds revers de son histoire.

Dans la nécessaire reconstruction politique qui s’esquisse, où les chrétiens ont leur place à prendre, je me veux aussi attentif au travail de réflexion engagé par les jeunes auteurs de la revue Limite, qu’au plaidoyer porté par ceux de ce livre.

Je souhaite simplement que le dialogue auquel il appelle soit ouvert à tous, sans exclusive ; que chacun accepte d’écouter l’autre sans a-priori – fut-il frère dans la foi aussi bien que non-croyant – et sache se réjouir de possibles convergences par-delà de légitimes  désaccords.

___________

 

  1. Pierre-Louis Choquet, Jean-Victor Elie, Anne Guillard : Plaidoyer pour un nouvel engagement chrétien, Ed. de l’Atelier, 144 p., 15 €. Deux sont doctorants, un étudiant en master.
  2. Yann Raison du Cleuziou, Un renversement de l’horizon du politique, Esprit, Octobre 2017 p.140.
  3. Les auteurs reconnaissent néanmoins que la revue est animée par des jeunes de bords politiques différents et représente un lieu de compagnonnage original qui mérite d’être salué. Mais on sait que la plupart d’entre eux sont issus de « La Manif pour tous ». Or, dans un entretien à la Vie, les auteurs déclarent : « Nous avons voulu écrire ce livre, dans le contexte de l’après Manif pour tous, en 2015, parce que nous étions insatisfaits de la façon dont certains jeunes catholiques prenaient la parole dans la sphère publique. »
  4. La Vie du 2 novembre 2017, p.40
  5. Esprit, op cit. p. 241
  6. Gaultier Bès, Radicalisons-nous, Ed. Première Partie, 128 p., 7 €

22 comments

  • Un premier commentaire ne peut être que superficiel n’ayant pas lu le livre  » Plaidoyer pour un nouvel engagement chrétien.
    Aimer Dieu de toute son âme, son esprit…et aimer son prochain comme soi-même sont l’Alpha et l’Oméga du Chrétien qu’il soit de droite, du centre ou de gauche ce qui ne permet aucune exclusion d’un chrétien ou autre en raison de son appartenance politique , sans oublier l’opposition entre la pensée chrétienne et les idéologies nationalistes, de luttes des classes….
    Affirmer qu’un chrétien ne peut être que de gauche est , évidemment , à prendre avec grande réserve ainsi que cette profession de foi incohérente d’antilibéralisme économique et de libéralisme sociétal.
    Peut ‘on rapprocher le contenu de ce livre, que je n’ai lu qu’à travers vos commentaires et la mise en pratique de la théologie de la libération?

    • Non je ne pense pas qu’il faille établir de lien particulier avec la théologie de la libération qui se situe dans un tout autre contexte, essentiellement latino-américain, de grande pauvreté et d’exploitation. Une théologie de la libération qui, d’ailleurs, est mieux évaluée, notamment au Vatican, déjà sous Benoît XVI.

  • Cher René, merci de ce commentaire ! Je comprends mieux mon embarras après la lecture de ce livre car Je le retrouve ici parfaitement exprimé… Autant je me suis réjoui d’une invitation à un engagement politique des chrétiens qui ne se réduise pas aux seuls sujets sociétaux, autant il me semble quelque peu incohérent de classer parmi les réacs ceux font preuve de conservatisme dans ce domaine tout en se réclamant de LaudatoSi ! Oui, comme l’écrit Gaultier Bès, « le rève néo-libéral a tourné au cauchemar et la farce financière ne fait plus rire les foules ». Nous en avons eu une éclatante démonstration avec la publication des « Paradise papers », la même semaine que celle du rapport annuel du Secours catholique sur la pauvreté en France. Je veux croire que l’on peut être « de gauche » et « conservateur » comme l’écrit Yann Raison du Cleuziou, c’est à dire engagé dans une « recherche prudente de la imite au-delà de laquelle un progrès promis devient une régression plus que probable ».

  • Les question du cardinal Vingt-Trois (homélie du 7 novembre à l’assemblée des évêques) répondent à celles que se posent une majorité de chrétiens, dont ces jeunes.
    1/ « … est-ce que, poussés par les statistiques, nous ne nourrissons pas inconsciemment une théorie satisfaisante du petit nombre des convaincus face au grand nombre des hésitants ? »
    2/ « Notre christianisme ne perd-il pas peu à peu de son enracinement dans le grand nombre *, avec tout ce qu’il peut y avoir d’incertain, d’imprécis et d’inégal dans l’adhésion personnelle de chacun ? »
    3/ « Est-ce que nous ne passons pas du christianisme du peuple au christianisme des individus très soigneusement étiquetés, mesurés, vérifiés ? Mais si peu nombreux !  » **
    4/ « Cette Église ne risque-t-elle pas de devenir une Église des purs dont on s’apercevra peut-être un jour qu’ils n’étaient pas si purs que leur piété le laissait penser ? »
    Commentaires:
    1/ Entre « foi » convaincue et hésitante, y a pas photo. Souvent la première est fausse, rarement la seconde.
    2/ Le grand nombre visible est passé … le cardinal y a œuvré. S’il est douteux que ce grand nombre revienne -est-ce souhaitable?-, il urge de chercher comment « faire Eglise » de manière souple -pas que sur la base des traditions- et pour commencer regarder la sécularisation comme une chance et entreprendre le chantier urgent depuis le concile de Trente : statut des clercs (séculier et régulier).
    3/ Un chrétien -clerc compris- qui n’engage sa vie qu’aux affaires dites « d’Église » … et aux siennes « individualistement! », est en danger.

    Roulez jeunesse, … il n’y a pas d’âge pour se faire bosses et blessures!

    • Comme vous j’entends les propos du cardinal… tout en m’interrogeant sur les responsabilités propres du diocèse de Paris dans cette « dérive élitiste » du catholicisme.

      • L’auteur de la prière « universelle » du 15 aout 2012 comme la grande proximité des égéries de la manif pour tous avec ce diocèse ne sont pas oubliés, … et puis, il y a le diocèse de Versailles dont le titulaire est proche de la limite d’âge.

  • Quand il y a dans l’inspiration des « fils de ce monde et l’inspiration des fils de la lumière », de la pertinence, de la prudence et de la sagesse, je m’en réjouis ; la forme d’acquisition de l’inspiration étant la « répartition » (= un « centre » répartit ce qui est attribué à chacun), l’inspiré n’a pas à se glorifier ni à être loué par ses amis. Mais me « déplacer » de la Justice en général à ma justice et partant, à ma justification, m’oblige à interroger l’antériorité du juste et l’antériorité du bien qui me sont donnés par mon parti politique, mon syndicat, ma religion, ma spiritualité, mon histoire, les événements, mon éducation, la philosophie, ma cosmologie etc. pour conjuguer la priorité du juste avec la priorité du bien autrement dit ma conception du juste et ma conception du bien non seulement à l’intérieur de moi-même mais aussi avec d’autres conceptions du bien et d’autres conceptions du juste à l’extérieur de moi.

  • Sur le site Aleteia où a été publiée une première version de ce texte, l’un des auteurs du livre, Pierre-Louis Chauquet, précise la position, à ses yeux parfaitement claire des auteurs, concernant la PMA, explicitée dans une note en bas de page de l’ouvrage (p.26). Dont acte. Voici le texte en question :

    « En ce qui concerne la PMA, l’avis divergent récemment émis par un certain nombre de membres du Comité consultatif national d’éthique semble ajusté : ils soulignent que l’extension de l’insémination artificielle avec donneur aux mères célibataires et aux couples lesbiens soulève des incertitudes importantes, et qu’à ce titre “le maintien du statu quo apparaît comme un moindre risque.“ La dérive eugéniste qui plane toujours sur les sociétés occidentales justifie également une grande vigilance à propos des questions relatives aux manipulations du vivant, qu’il s’agisse – pour n’en citer que quelques-unes – des expériementations sur les cellules souches embryonnaires ou des formes multiples de dépistage/séquençage génétique. »

  • Vous vous reconnaissez mais vous ne vous identifiez pas. Vous gardez votre liberté.

    Il me semble en effet que les auteurs de cet ouvrage sont sur le fil du rasoir. La tension qu’ils maintiennent entre l’ouverture à ce qu’on appellera l’« esprit du temps » (même si l’esprit du temps connaît des fluctuations) et la fidélité à l’enseignement du Christ semble parfois près du point de rupture.

    Toutefois je me réjouis comme vous de cette main tendue. Lecture stimulante à n’en pas douter.

  • Le vieux papy que je suis appuie de toute son âme cette démarche de la jeunesse…
    Je vais donc acheter ce livre avant d’en parler.
    J’ai assisté récemment à une réunion de personnes, me semble-t-il honnêtes sur l’homosexualité.
    Et, malgré l’excellent exposé de l’intervenante (sociologue athée, a-t-elle précisé), il flottait une atmosphère d’anxiété perceptible. Je me suis demandé si nos vielles craintes gauloises de voir le ciel nous tomber sur la tête ne s’était pas réveillées. Je ne sais pas si c’est « ..la fidélité à l’enseignement du Christ semble parfois près du point de rupture… » qui est en cause ou si nous persistons dans une lecture peut-être incomplète et surannée de cet enseignement. Il serait temps de se réveiller.
    Un professeur de l’ICP nous confiait : Certes, la Révélation a été complète, il n’y a rien à y ajouter…mais, sommes-nous sûr d’avoir tout bien compris ?

    • L’anxiété, l’anxiété. C’est cette tension qui est stimulante.
      Il serait temps de se réveiller, mais il s’agit aussi de ne pas se laisser endormir par le climat culturel actuel.

  • Françoisjean, bonjour … entre vieux papy,
    L’idée que la révélation* serait complète souffre du défaut signalé par Teilhard de Chardin, …. prudemment (lettre publiée post mortem). A savoir: si Dieu n’a définitivement plus rien à dire à notre temps, le prophétisme est mort, … En disant elle « a été » complète, ce prof a convenu n’être pas sûr qu’elle le soit resté, même s’il s’est agi d’un lapsus! Quel sens donner aux visions, apparitions mystiques, … et surtout aux réponses que trouvent à leurs questions les consciences humaines de chaque époque?

    * L’enseignement sur l’idée de révélation doit être repensé car on sait:
    – quelles méthodes ont permis d’élaborer les textes sur temps long, quelles groupes de scribes ont participé à ce lent travail d’écriture, … avant que, souvent des siècles plus tard, le texte soit considéré par des puissants comme fixé, …
    – que des ajouts, erreurs de transcription, traductions, voir falsifications obligent à la prudence
    (faux avérés -d’ordre politico-théologique- du haut moyen-âge).
    – les origines mythiques des croyances sémites, les mêmes que celles des « formes, style, parfois versets complets » des prières sémites et chrétiennes qui datent d’avant l’écriture, des régions Sumer- Mésopotamie et Égypte antique.

    • Dire que la Révélation s’est refermée sur la période apostolique est généralement admis dans l’Eglise. Et ne pose pas de difficulté majeure si, par ailleurs, on accepte de considérer que l’inteligence de la foi, elle, est constamment à l’œuvre, du fait même de l’incarnation et de l’évolution des connaisances.

      Finalement vous ne dites pas autre chose lorsque vous faires référence aux : « réponses que trouvent à leurs questions les consciences humaines de chaque époque. »

      Pour le reste : visions et apparitions mystiques n’ont jamais été retenues par l’Eglise – Dieu merci – comme objets de foi.

  • En complément à ce que vous dîtes René,si vous le permettez je dirais que ce n’est pas parce que la Révélation est terminée que pour autant nous avons accès à la Vérité tout entière dès maintenant.

    • Bonjour,

      Encore faudrait-il que la Révélation (de Jésus) ait été bien traduite ! Par exemple, beaucoup traduisent « heureux les pauvres en esprit » alors que la bonne traduction est « heureux les mendiants en esprit » ce qui veut dire tout autre chose.

      • Curieux, je ne vois guère de différence car dans les deux cas qu’ils soient pauvres ou qu’ils soient mendiants ils sont pleins d’humilité, non?
        Par ailleurs comment réussir à transmettre notre foi si on met tout en doute dans la crainte que tout soit mal traduit? Bien sûr des erreurs de traduction il y en a sûrement mais je ne crois pas qu’il y ait des trahisons du sens général du texte

        • La différence se trouve chez les exégètes qui expliquent qu’il faut être « pauvre en esprit » (en mental) pour que Dieu puisse venir habiter l’esprit des chrétiens. Alors qu’être « mendiant en esprit » reviendra au contraire à être riche en esprit ! Jamais Dieu ne possédera l’esprit d’un être humain. Il nous demande une union librement consentie avec Lui, pas une vacuité ni une pauvreté, ni une soumission de notre esprit. Le vrai Dieu bien sûr (le Père de Jésus), pas celui de la Bible.

          • Pour vous faire une idée de ce qu’on entend par être pauvre en esprit, je ne peux que vous conseiller de lire les écrits du père Silouane du Mont Athos ,père qui a été canonisé par l’Eglise orthodoxe.

  • La révélation -au sens général- procède de l’édifice de connaissances que l’imaginaire humain -individuel et collectif- a de tous temps, bâti, accumulé et transmis sur ce qu’il ne peut pas comprendre. La partie collective de cette construction -religion- a toujours été en lien avec les autorités temporelles du groupe (religion juive), de groupes (islam, religions chrétiennes, religions d’Asie).
    L’autorité(s) religieuse adapte sa relation aux autorités temporelles -sur le temps long- en tenant compte des tensions, conflits et ruptures auxquels elle est forcément mêlées, … ce qui est fort délicat quand deux groupes de la même religion se déchainent face à face!
    Alors que l’accès aux connaissances de tous ordres s’achemine vers l’universalité -non sans crises, retours en arrière- il est compréhensible que les religions soient un peu paumées, cherchent leur voie, et que l’individu qui acquière une maturité religieuse, devenu moins dépendant de son groupe de naissance, filiation, religion, s’émancipe; c’est cela la sécularisation.
    Avec ce sens du mot « révélation » et ce regard sur notre temps, il est naturel que l’idée de la fin du prophétisme -plus qu’admise, enseignée par l’autorité catholique- soit pour le moins problématique. Il est vrai qu’est ainsi mise en cause la compréhension du sens de « Fils de Dieu » issue de trois siècles de débats et de votes -vifs et très encadrés par le temporel- visant à préciser le sens de l’expression « Fils de l’Homme » chère à Jésus, selon les évangiles.

  • J’ai lu ce petit livre en entier (très facile à lire) et je dois dire qu’il m’a beaucoup plu . Enfin des jeunes cathos bien dans leurs pompes qui ne soient pas des identitaires conservateurs ! En plus d’un très niveau théologique – je trouve ! – les analyses qu’ils font me semblent très pertinentes. Ne leur faisons pas trop vite le procès d’ un livre politique politicien, leur réflexion dépasse largement celui de n’importe quel parti actuel.

  • Je viens de terminer la lecture de ce petit livre et je reprends mon approche écrite plus haut. Je partage l’analyse qui est faite pendant les deux premiers chapitres, mais je mets un énorme bémol sur la troisième partie. En effet, de quel Dieu parlons-nous et pour quel homme, développait déjà en 1972 Maurice Zundel, lorsqu’il prêchât la retraite de carême devant le pape Paul VI au Vatican. On ne peut pas continuellement répéter la nécessité d’un changement sans approfondir notre concept de Dieu.

    Sur KTOTV, au cours de l’émission « la foi prise au mot » sur l’incarnation, il m’a semblé comprendre que le concept du dieu des philosophes, était incompatible avec la phrase du prologue de St Jean « le Verbe s’est fait chair ». Nous vivons un doute chronique quant à l’intervention de l’Esprit dans la naissance de Jésus ! Ce me semble être le pivot des désaccords profond avec l’Islam qui le nie en bloc, et avec celui qui s’est exprimé sur le fil « Jésus revient ».

    Si la Révélation a été faite une fois pour toute, cela peut signifier que nous devons la faire perdurer en laissant transparaitre l’Esprit ressuscité en nous qui en sommes le tabernacle. C’est alors dire que chaqie baptisé (e) « prêtre, prophète et roi » se doit de se laisser transfigurer. Cette transparence, dont on peut dire qu’elle n’a été parfaite qu’en Christ, est handicapée par, ce que Maurice Zundel appelle le « moi possessif ». Celui-ci altère le « moi oblatif », et parasite la relation entre les Hommes.

    Thérèse de Lisieux, docteur de l’Église exprime bien cette idée en nous parlant de son rêve : J’ai vu en moi un puits profond. Au fond de ce puits il y avait une Lumière dont l’éclat était masqué par des gravats que je ne parvenais pas à extraire… Nous sommes « l’Humanité de Dieu ». Nous nous construisons, générés par l’Esprit, et nous construisons notre maison dans laquelle nous vivons une vie conjugale avec Dieu Lui-même. Dans ce cadre, chaque Être Humain, Humanité de Dieu, Co-créateur, a un rôle et une responsabilité bien définies par la parabole des « talents », et chaque voix est d’égale importance aux yeux de Dieu.

    La seule règle en vigueur est la respiration d’Amour qui unit chacun au reste de la communauté, et par conséquent, à ses voisins. Mais nous sommes des terriens, c’est pourquoi, toutes actions qui tendent à imposer des « convictions » personnels, ou même collectives à ses frères, hors d’un débat fraternel, doivent être prohibées : excommunications, ségrégations de toutes sortes, rejet, désobéissance dite civile, clause dite de conscience servant souvent à contourner la loi, goulag, camp d’extermination, guerres saintes ou non….Car, comme le souligne Pascal, cela maintient le Christ en Agonie ! C’est de l’Utopie ? Peut-être, mais j’ai l’impression que tel est le Message du Christ, trahi depuis près de 20 siècles !

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