Vous avez dit « rupture » ?

L’ouverture prochaine, à Rome, du dialogue annoncé entre la Commission pontificale « Ecclésia Dei » et les intégristes de Mgr Lefebvre va relancer le débat sur Vatican II et le type de lecture que l’on peut en faire : continuité ou rupture avec la Tradition ?

Les discussions se dérouleront dans le plus grand secret, pour éviter toute pression extérieure. Elles illustrent, pour le moins, que le Vatican, depuis la levée des excommunications, a décidé de sortir de la logique des sanctions disciplinaires pour entrer dans le débat théologique. Ce qui équivaut à reconnaître un fond de légitimité à la contestation intégriste. C’est là une donnée nouvelle, par rapport au pontificat de Jean-Paul II. Elle suscite l’espoir du côté de la fraternité Saint-Pie X et l’inquiétude parmi ceux qui se reconnaissent dans l’héritage de Vatican II.

On connaît l’analyse de Benoît XVI sur les « dérives » dans l’application des décisions du Concile. Et son souci de les inscrire dans la continuité de la Tradition de l’Eglise et non en rupture comme cela a pu être revendiqué ici ou là.

Je dois avouer que cette opposition m’a toujours semblé un peu formelle et, disons-le, factice. Comment imaginer, en effet, que les évêques du monde entier, réunis autour de deux papes successifs, aient pu engager l’Eglise dans une voie de rupture avec ce qui la fonde ? Nous sommes là dans le registre du pur fantasme. Autant du côté de ceux qui dénoncent cette « rupture » que de ceux qui croiraient devoir s’en réjouir.

En revanche, il y a,  dans la lettre même de certaines décisions de Vatican II – et non, comme on le dénonce, dans ses dérives – des approfondissements dans l’intelligence de la foi qui ont conduit à des ruptures avec des interprétations précédentes. C’est l’évidence même.  Passer de « hors de l’Eglise point de salut » aux décrets sur la liberté religieuse est, de fait, une rupture. Envisager le dialogue œcuménique autrement que réduit à la seule main tendue à celles et ceux qui voudraient embrasser l’intégralité de la foi catholique est, de fait, une rupture. Célébrer la messe face au peuple et avec lui plutôt que le dos tourné et seul est, de fait, une rupture. Et l’on pourrait multiplier les exemples.

Dès lors, l’alternative se resserre autour de deux interprétations possibles qui demandent clarification. Soit la dénonciation de la rupture vise à revenir sur des avancées du Concile que l’on peut lire, pourtant, en fidélité totale avec une Tradition simplement vivante ; soit elle procède d’une simple jeu intellectuel consistant, pour l’Eglise catholique, à ne légitimer de possibles et nécessaires ruptures, qu’à la condition de les présenter en termes de continuité.

Cela étant, il est peu probable que les héritiers de Mgr Lefebvre se laissent impressionner par un éventuel discours sur la rupture dans la fidélité. Leur choix est depuis toujours celui de la sacralisation de l’immobilisme. Au nom de la Tradition, bien entendu. Le pape peut-il, un jour, leur donner raison sans « rompre » à son tour avec le Concile ?

2 comments

  • Pourquoi pas un dialogue interreligieux avec Teilhard de Chardin ?

    Reprenant St Paul, Teilhard insiste sur le fait que le processus de mondialisation doit se construire de sorte que l’homme en soit le centre, et apparaître comme une recherche de l’unité dans la différentiation, une recherche du bien commun à tous les niveaux des contingences terrestres. Cette union c’est d’abord celle qui émerge du contact entre l’Orient et l’Occident dans la mesure où il peut exister une synthèse entre deux philosophies et deux cultures parfaitement en opposition.
    Le problème qui se pose aux différentes religions est le processus d’accélération de l’évolution humaine qui est multidimensionnelle. Teilhard, dans sa rencontre avec l’Orient, a certes vibré plus qu’un autre à cette préoccupation de l’Unité et de la Fusion avec une entité suprême telle que la « grande Nature ». En Inde, il a découvert un peuple centré sur l’Un et le Divin, « l’Invisible plus réel que le visible ! ». Il voit le Bouddhisme comme éminemment universaliste et cosmique. Il y a découvert l’importance de l’amour dans la compassion, mais cependant il reste sceptique sur la capacité de des religions à s’adapter à la modernité qui place l’Occident dans un état de mutation profonde. D’ailleurs cet amour qui nous séduit parfois, représente plutôt un amour d’évasion qui tend à faire disparaître des réalités telles que la personnalité des individus et l’existence du cosmos ; tout n’est qu’illusion. Ce sont des religions désincarnées qui sont incompatibles avec le fait de l’Incarnation chez les chrétiens.
    Pour Teilhard, toute religion « universelle » repose sur deux critères :
    – L’homme doit avoir foi en l’Avenir de l’humanité
    – Dans une Création qui a vu l’émergence de la personne et dans une évolution convergente, le divin ne peut être conçu comme une entité impersonnelle.
    Dieu est immanent et transcendant, être personnel et personnalisant, amour et amorisant, qui rassemble les hommes et les attire vers le sommet de l’Ultra – Humain. En ce sens Dieu est l’alpha et l’Oméga, réalité suprême qui concerne à la fois l’humain et le divin.

    A ce stade de l’évolution, il y a nécessairement intercommunication des religions actuelles. Pour Teilhard la religion de l’avenir admet pour axe central le Dieu révélé par Jésus Christ, le Dieu créateur et évoluteur, l’édification du « Christ cosmique » de St Paul, l’expansion universelle du centre christique par la Résurrection et l’intégration de la totalité du genre humain dans un seul Corps.
    Tels sont les ingrédients de la Christogénèse qui place le Christ dans une dimension humano – cosmique d’animateur de l’Evolution orientée vers une convergence générale. Il s’agit dans cet œcuménisme de la recherche d’un Christ Universel qui satisferait aux consciences, aux attentes et aux convictions des fidèles de toutes religions et de toutes sensibilités.

  • bonjour,
    je me retrouve bien dans votre interprétation de l’enjeu réel de ce dialogue qui commence.
    Pour moi, il me fait très peur, car il est presqu’évident que la fraternité Saint -Pie X ne peut changer de position, et aussi qu’il existe chez des jeunes en particulier une tentation de repli identitaire contraire au Christ qui parle d’aller au large.
    De plus pourquoi tant d’énergie mise alors que le monde nous attend ailleurs….
    Vatican II a effectivement marqué une rupture mais une rupture avec quoi , avec une construction humaine certainement oui , avec l’Evangile certainement non.
    Il a réalisé qu’il était impensable que Dieu ait pu laisser de côté la majeure partie des hommes . Nous sommes enfin sorti de hors de l’Eglise point de salut , ce qui est à l’opposé de l’Evangile et de l’Incarnation.
    De plus un retour en arrière est absurde dans un monde qui est devenu pluriel, à notre porte, qui avance à la vitesse d’un éclair.
    L’Evangile devrait nous pousser au contraire à être les premiers dans ce désir de reconnaissance de tout homme quelque soit son parcours , dans le dialogue oecuménique et interreligieux.
    Nous avons à annoncer que Dieu veut l’homme libre et heureux et l’attend comme un Père aimant attend ses enfants (tous les hommes: de toute race, culture, religion, homme ou femme….)
    pour résumer ma pensée:
    l’Eglise et les baptisés que nous sommes ,sont devant le choix tranché une fois pour toute par Dieu: Babel ou la pentecôte.
    Il ne faudrait pas oublier que Dieu a fait depuis toujours le choix de la Pentecôte!!!!!!
    bonne journée

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