Brève escapade romaine

Rencontres  de travail puis retour aux Musées du Vatican, flânerie dans la ville, visite amicale au cardinal Etchegaray et bain de jouvence spirituelle à Sainte-Marie du Transtevere… que du bonheur !

Rome voisine avec nous dans le même émisphère  ! Et pourtant, en cette mi janvier, le ciel y est uniformément bleu et l’air vif ne dissuade pas les touristes de s’attarder à la terrasse des cafés ou des tratorias, pour y diner en plein air…

Brève escapade romaine, en fin de semaine, pour mettre au point le programme d’un prochain séminaire professionnel international.  Occasion idéale pour se ménager, à la faveur du week-end, quelques rencontres, et prendre le poul du Vatican…  

J’en rêvais depuis longtemps : pouvoir retourner seul, en dehors des périodes de grande affluence, dans les musées du Vatican. Etre enfin libre de mon rythme et de mes choix, sans subir la loi du groupe ou les fantaisies d’un guide dont les coups de coeur ne sont pas forcément les miens.

Dans la galerie des tapisseries je m’attarde devant la « Résurrection » que jouxte « Emmaüs », deux réalisations Bruxelloises du début du XVIè d’après des cartons de l’école de Raphaël. Raphaël toujours, dans les Chambres qui portent son nom, où je me souviens d’être souvent passé au pas de charge.  La chambre de la Signature, qui fut le cabinet de travail du pape Jules II, retient des grappes de visiteurs venus admirer l’une des peintures les plus connues de l’artiste : l’Ecole d’Athènes, éloge du « Vrai » où figurent Platon, Aristote, Socrate mais également Alcybiade, Diogène et Epicure ! Excusez du peu !

Même en période de « basses eaux » touristiques, difficile de n’être pas emporté par le flot des visiteurs dévalant vers la Sixtine. Dieu merci, les dizaines de petites salles consacrées  à l’art religieux contemporain permettent de se tenir à l’écart et de découvrir quelques merveilles : une Résurrection d’Emile Bernard, un Ecce Homo de Rouault, une Pieta Rouge de Chagall, une Crucifixion de Dali, mais aussi de Pedro Cano, une émouvante  « accolade » entre le pape Jean-Paul II et le cardinal  Wyszynski ou, de Botero, un monsignore croquignolet et rondouillard, tache de pourpre noyée dans un océan de verdure.

La Sixtine garantit toujours le même frisson sacré. Moins par les secrets de conclave que recèlent ses murs que par la sensation d’être là au coeur d’une oeuvre de génie. Et l’évidence s’impose que cet Adam auquel Dieu insuffle la vie, est tour à tour et simultanément, chacune ou chacun de nous à un moment de son existence, ainsi immortalisé au plafond la chapelle la plus célèbre au monde. Des prénoms se bousculent dans ma tête et me nouent la gorge.

Dernière étape de ma visite : la pinacothèque. Je m’attarde devant la « Pieta » de Bellini et la « Déposition » du Caravage… deux parmi les centaines d’oeuvres emportées en 1797 par les troupes napoléoniennes pour enrichir, un court temps, les collections du Louvre. Faute de scrupules, ils avaient du goût les petits Français.

Sur le trottoir qui longe les remparts de la Cité du Vatican, les kiosques à journaux  me ramènent à la cruelle réalité de l’heure : les millions de sans abri d’Haïti. Les trésors du Vatican pourraient-ils soulager leur misère ? Je crains de mourir un jour sans avoir répondu à la question !

Au troisième étage de l’énorme et froid bâtiment où il réside, voisinant avec une brochette d’éminences, le cardinal Etchegaray m’accueille dans son bureau. Rentré depuis la veille seulement de l’hôpital Gemelli où il a été hospitalisé à la suite de la bousculade de la nuit de Noël, il contemple quelque peu inquiet le millier de lettres de voeux et de messages de sympathie qui, au fil des jours, se sont accumulés sur sa table de travail.

« Il va me falloir des mois pour répondre à chacun » commente-t-il, amusé, avec cet accent caractéristique qu’une longue carrière romaine n’est jamais parvenue à lui faire perdre. L’heure est, pour quelques semaines encore, à la reéducation, mais les chirurgiens de Jean-Paul II semblent avoir bien travaillé. Et les visites n’ont pas manqué à son chevet dont celle du pape lui-même.

Nous parlons d’Haïti qu’il connaît bien et qui fut le pays de sa première « mission » lorsque Jean-Paul II l’appela, voici vingt-cinq ans, auprès de lui.  Nous évoquons la visite que Benoît XVI doit rendre demain à la grande Synagogue de Rome, dans le contexte tendu créé par la récente reconnaissance des « vertus héroïques » du très controversé Pie XII. Mais peut-on lui reprocher d’avoir, dans le contexte de l’époque, et pour reprendre la problématique argumentée dans une excellente tribune de presse  : « choisi une éthique de responsabilité plutôt qu’une éthique de conviction » ?

A deux pas de la place San Calisto, l’église Sainte-Marie du Transtevere vit comme toutes les fins d’après-midi à l’heure de la prière. Pour m’être attardé auprès du cardinal, difficile de trouver à m’asseoir dans cette église bondée de fidèles de tous âges, attirés là par le rayonnement de la toute proche communauté de Sant’ Egidio.  Contre les pilliers et les murs, les derniers arrivés se tiennent debout.

La prière du soir se fait douceur et grâce. Je retrouve ici la qualité de paix de Taizé, de l’Eglise Saint-Gervais à Paris ou encore de Sylvanès, à l’heure des Vèpres. J’aime ce lieu que domine une mosaïque sans équivalent où le Christ, tendrement, enlace le cou de Marie qu’il tient serrée contre lui. Une fois l’an, les bancs de l’église se font face, de part et d’autres d’immenses tables de bois autour desquelles les pauvres de la ville viennent se restaurer. Voilà une église qui ose renouer, à l’occasion, avec l’une de ses vocations premières : être la maison des enfants de Dieu.

A l’heure du commentaire des Ecritures, le prêtre en appelle à l’accueil des plus pauvres… Quelques applaudissements jaillissent çà et là. Ils enflent en tempête  lorsqu’à la fin de la prière, quelques minutes plus tard, des dizaines d’enfants et d’adolescents surgissent de derrière l’autel et redescendent lentement la nef. Et voilà que soudain la communauté rassemblée prend les couleurs de la vraie vie :  multi générationnelle.

Ce soir je vérifie une fois encore pourquoi j’aime ce lieu, parmi cent autres, dans cette ville de Rome qui compte pourtant tant d’églises et de basiliques. Aussi longtemps que des croyants sauront se rassembler ainsi pour la plaisir d’être ensemble, s’accueillir avec cette qualité de chaleur, prier avec cet abandon, dans la qualité du chant… le christianisme aura de beaux jours devant lui pour rendre palpable l’Evangile.

3 comments

  • Heureux de vous lire M. René Poujol. Chaque fois que nous disons, nous grands-parents que nous allons faire un voyage, nos petits enfants nous disent :  » trop de la chance ! » J’ai envie d’avoir la même réaction vis àvis de vous et de votre escapade à Rome. Nous sommes certainement les rares pélerins qui soient allés à Rome sans avoir vu le Pape. En effet, c’était la semaine d’avant le décès de Jean-Paul II. Le Mercredi nous étions au Musée du Vatican, lorsque, à midi le Pape est apparu pour la dernière fois à la fenêtre de ses appartements. ( nous ne le savions pas ). Nous avons tout de même vécu un moment exceptionnel. Le Vendredi, veille de sa mort, tous les journaux titraient  » le pape est entré en agonie » et dès le matin, la foule arrivait place Saint-Pierre. C’était impressionnant. Un souvenir nous a marqué. Les pélerins se recueillaient sous les fenêtres…et nous voyons encore une petite dame toute simple prier seule parmi les groupes assemblés, avec son cabat et son chien. C’est aussi cela Rome. Il n’y a pas que les grandes cérémonies. Il y a la place pour la prière des petits.

  • Thank you for sharing excellent informations. Your website is so cool. I am impressed by the details that you have on this website. It reveals how nicely you perceive this subject. Bookmarked this web page, will come back for more articles. You, my pal, ROCK! I found just the info I already searched everywhere and just could not come across. What an ideal web site.

Comments are closed.