La Poste, un bien de famille.

Ne nous y trompons pas, même dépourvue de toute valeur juridique, la « votation » organisée autour de l’avenir de la Poste en dit long sur le désarroi des Français face à l’évolution du monde économique et des services publics.

Plus de deux millions de citoyens ont donc signé cette pétition contre la « privatisation de la Poste ».  La démarche est à la fois ambiguë et porteuse de sens. Ambiguë car les conditions de sa réalisation restent sujettes à caution ! Faire s’exprimer le peuple Français exige, qu’on le veuille ou non, que l’on prenne un certain nombre de précautions formelles. Sans quoi nul n’est à l’abri, demain, à la faveur d’un fait divers dramatique suivi d’une campagne de lobbying habillement menée, d’une « votation » exigeant la mise en oeuvre immédiate d’une législation sur l’euthanasie… pour ne prendre que cet exemple.

C’est dire que l’on attend avec impatience le vote, par le Parlement, de la loi organique qui permettra la mise en oeuvre du « référendum populaire »  introduit dans l’article 11 de notre  Constitution. Même si – est-il besoin de le rappeler ici – pour un croyant – ce qui est mon cas – aucune disposition fut-elle votée par le Parlement ou adoptée par référendum ne pourra jamais contraindre la conscience individuelle. Une démocratie où, dans l’esprit des citoyens,  le moral serait assimilé au légal serait en grand danger. Ce qui repose « la » grande question de nos sociétés modernes pluralistes et sécularisées : sur quoi fonder une éthique commune ?

Pour ce qui est de la votation citoyenne sur la Poste, de ces dernières semaines, une autre lecture s’impose. Certes, qui n’a pas, une fois ou l’autre, pesté contre l’excès de fonctionarisation et le manque de zèle du service postel ? Au temps des PTT, avait cours la transcription suivante :  Petit Travail Tranquile ! Injuste, forcément injuste dès lors que l’on prétend généraliser un comportement et stigmatiser tout un corps de métier. Mais à l’heure où, malgré tous les beaux discours, le monde rural voit disparaître les services publics de proximité, à l’heure où France Telecom comptabilise son vingt-quatrième suicide… comment ne pas saisir, dans cette défense de la Poste, l’affirmation que l’homme n’a pas à être esclave d’un travail dont la seule finalité serait le profit, l’efficacité, le rendement ? Pas plus qu’il n’a a subir une désertification du territoire au motif que la ville serait plus « rentable » pour le contribuable.

Si la crise porte en elle des exigences nouvelles de rigueur, de mobilisation des énergies,  de responsabilité, elle nous renvoie aussi à des finalités d’une autre nature qui portent sur le sens même de l’existence humaine et des solidarités de proximité qui la rendent vivable.