Médias chrétiens dans la tourmente…

Une fois par an, journalistes, publicitaires, éditeurs, chargés de communication du monde chrétien se retrouvent à Annecy pour réfléchir à leur métier, et pourquoi ne pas l’écrire : pour beaucoup  à leur « mission ».  Des rencontres toujours passionnantes.

Actualité oblige, la Fédération Française de la Presse Catholique, à l’origine des « Journées François de Sales » (du nom du saint patron des journalistes) avaient choisi, cette année, pour thème : Médias, opinions publiques et Eglise, Que retenir de la dernière « crise catholique » ? Le bon choix si l’on en juge par le nombre d’inscrits : plus de 200, ce qui faisait de ces 14èmes journées un crû exceptionnel.

Deux mots pour souligner que se trouvaient là, outre nombre de responsables de communication dans l’Eglise au niveau de la Conférence des évêques, de certains diocèses, mouvements ou services d’Eglise, des représentants de toutes les formes de presse catholique : nationale, régionale, locale ou de mouvements. Ainsi que des médias audiovisuels chrétiens : CFRT le Jour du Seigneur, Radio Notre Dame, RCF, KTO…

Inutile de dire que les « événements » de l’année 2009 (levée de l’ excommunication des quatre évêques lefebvristes dont Mgr Williamson, excommunications en lien avec l’avortement d’une enfant de 9 ans au Brésoil, polémique autour de la « petite phrase » de Benoît XVI sur le préservatif dans la lutte contre le sida en Afrique et, plus récemment, déclaration des « vertus héroïques » de Pie XII…) furent au coeur des débats.

Ce blog n’est pas le lieu d’un compte rendu exhaustif de ces rencontres. Bruno Bouvet, dans La Croix, propose une synthèse sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir plus loin. Trois « souvenirs » fort me restent que je voudrais ici faire brièvement partager. Le premier est la présence, le premier jour, à la tribune, des « patrons » de rédaction des principaux titres de la presse nationale catholique : la Croix, Pèlerin, La vie, Famille Chrétienne, Témoignage Chrétien.

Ce n’était certes pas la première fois dans cette instance. Mais il m’a semblé que nous avions peut-être, pour la première fois, dépassé définitivement ce temps pas si lointain, où les excommunications réciproques se nourrissaient de l’accusation mutuelle d’infidélité à l’Eglise. Comme si cette Eglise, à travers la diversité des quatre évangiles, ne nous donnait pas, depuis toujours, une justification du pluralisme de la presse catholique.

Plus même, il m’a semblé pareillement que le vieux réflexe de crispation de chaque média chrétien sur son « public » était dépassé, que chacun admettait enfin que créer des synergies entre presse écrite, radios, télévison et sites internet catholiques était sans doute la meilleure façon de résister et d’exister dans le concert de la communication. Enfin !

Deuxième souvenir de ces journées, l’apport de Laurent Villemin, prêtre et professeur d’ecclésiologie au Theologicum de l’Institut Catholique de Paris. Dans son intervention, que reprend pour partie le numéro du 17 janvier de la Documentation Catholique, il s’interroge sur ce que pourrait être la mission de la presse catholique. Voici sa réponse : « participer à la restauration de la confiance, du dialogue, de la foi en l’autre qui dépend de la foi en Dieu ». Beau programme !

Troisième souvenir : la « non réception » par une partie de l’assistance, du témoignage de Christine Pedottti, co-fondatrice avec Anne Soupa du Comité de la Jupe puis de la Conférence des Baptisés de France. On se souvient de leur initiative, en réponse  à la maladresse du cardinal André Vingt-Trois  déclarant, à l’automne 2008, sur RCF : « Le tout n’est pas d’avoir une jupe, c’est d’avoir quelque chose dans la tête. »

Propos certes maladroits mais dont le « sexisme » est tout de même tempéré par le contexte de la citation. Revoyons la phrase qui précède : « Nous avons fait des progrès considérables dans la formation des cadres ecclésiaux. Ce qui est plus difficile, c’est d’avoir des femmes qui soient formées… » suivait la phrase malheureuse. Dès lors la question, pour nombre de journalistes catholiques, était de savoir si la création du Comité de la Jupe… et ultérieurement de la Conférence des baptisés de France, était ou non un événement ! A Annecy, on a bien perçu que la question restait pour beaucoup en suspens… Même s’ils reconnaissaient, par ailleurs,  l’existence d’une vraie misogynie en bien des lieux d’Eglise.

Dans son article de la Croix, cité au début de cet article, Bruno Bouvet fai référence à mon intervention, au cours des débats, lors de la séance de clôture en présence de Mgr Jean-Michel di Falco-Léandri, président de la Commission des évêques d’Europe chargés des médias qui, soulignons-le, a suivi la totalité des deux journées. Je cite la Croix : « Aurait-elle un peu de vague à l’âme, la presse catholique, comme l’a laissé penser une intervention de l’ancien directeur de la rédaction de Pèlerin, René Poujol ? Parfois incomprise de la hiérarchie, peu encline à lui adresser des félicitations… »

Rien à redire à la présentation de mon confrère. Voici, néanmoins, pour les lecteurs de ce blog et de mémoire, la question posée : « Ma question s’adresse à Jean-Michel di Falco. Depuis deux jours nous évoquons à la fois la question de l’opinion publique en général et de l’opinion publique dans l’Eglise en particulier. Il est probable que, concernant la vie de l’Eglise, les catholiques de ce pays se forgent une opinion, certes à travers ce que nous écrivons, disons ou montrons dans les médias chrétiens que nous représentons ici. Mais également au travers de ce que leurs disent et montrent les médias en général. Bien difficile de savoir comment chacun effectue sa propre synthèse.

Or, nous avons parfois l’impression que les évêques, mécontents de la mauvaise « image » de l’Eglise , auraient tendance à considérer que c’est parce que nous, médias chrétiens, ne faisons pas correctement notre travail. Deux exemples me viennent en mémoire. Les propos du cardinal Vingt-Trois, au lendemain des « affaires », mettant globalement en cause la responsabilité des médias, sans esquisser la moindre différence dans le traitement de l’information entre la presse catholique et la presse générale. Or je dois dire ici que je suis plutôt fier de la manière dont nos rédactions ont couvert ces événements pour le moins sensibles.

Autre exemple : le récent rapport Dagens sur la visibilité de l’Eglise, présenté lors de la dernière Assemblée Plénière. Or voilà un texte qui, dès les premières pages, met en cause les déformations de la pensée du pape et des évêques (par qui ?  sinon par les médias) et ne consacre pas un seul paragraphe, sur plus de quarante pages, à la place de ces mêmes médias, constatée ou souhaitée, dans la visibilité qu’ils peuvent donner de l’Eglise.

Alors je voudrais demander, à travers vous, à nos évêques : quelle visibilité aurait donc l’Eglise de France auprès des catholiques eux-mêmes, si les journalistes que nous sommes décidions de mettre un temps notre « souris » dans le tiroir ? Certes, une forme de retenue entre vous et nous est la garantie d’une  indépendance réciproque, dont nous nous réjouissons. Il n’empèche, nous apprécierions de temps en temps qu’on nous dise qu’on « nous aime » ou tout du moins qu’on apprécie notre travail… « 

Voilà, je ne garantis pas au mot près ! Mais nous étions entre nous ! Les applaudissements jaillis de la salle ont montré que je visais sans doute juste. Et la réponse, chaleureuse, de Jean-Michel di Falco Léandri que le message ne lui paraissait pas outrancier !

P.S. Parmi les absences, constantes, à ces Journées François de Sales, il faut noter celle de Golias. Le « média catho-critique » préféré de nos confrères de la presse audiovisuelle ne se sent pas concerné, de toute évidence, par nos débats. Dommage !

6 comments

  • merci de cet espoir d’une écoute en Eglise et dans le cas présent au sein de la presse chrétienne avec toutes ses sensibilités.

    ce qui me surprend et m’inquiète plus c’est la difficulté de réception du mouvement lancé par Anne Soupa et Christine Perotti, qui persiste . Ce mouvement est loin d’être un mouvement sexiste même s’il est parti d’un coup de colère de femmes…..et vous pouvez le comprendre.!!!!!!
    c’est un souhait comme le vôtre d’une parole libre en interne et fraternelle, d’une réelle écoute.
    De plus, le contexte du départ , était cette interrogation sur la formation des femmes en Eglise, alors qu’elles forment la grande majorité des inscrites dans les différentes formations et je crois ,certains pasteurs ont souligné le problème pour l’avenir du décalage entre des clercs et des laîcs en raison d’une formation plus importante de ces derniers.
    Donc , je pense, qu’il ne faut pas sous-estimer le réflexe de crainte vis à vis d’une position des femmes.
    j’ai toujours trouvé , cela , surprenant , d’une religion où la miséricorde de Dieu était aussi bien visible ( la bible parle des entrailles féminines de Dieu qui frémissent pour l’homme et dans le contexte du drame récent , cela ne peut que parler )…
    le christianisme est le mieux placé pour parler de cela : Saint Paul disant: il n’y a plus en Dieu ni féminin, ni masculin…..
    cela ne veut en aucun cas dire qu’une femme est un homme , cela serait aussi absurde.
    cela me rappelle une soirée inter-religieuse dans laquelle tous les représentants officiels étaient des hommes. Quelques unes avaient osé sourire et dire : au moins il y a une chose où l’accord ne pose pas de problème c’est d’éviter de choisir une femme comme représentante.
    le problème c’est qu’aujourd’hui, la société n’est plus bâtie comme cela, même si dans de nombreux domaines il y a un long chemin à faire……pour une vraie reconnaissance de l’autre.
    Il y a une autre intervention de Mgr André XXIII qu’il aurait pu éviter c’est au sujet du problème piégé de la burka, je ne parle pas du voile,
    car même s’il est très risqué d’oser une parole sur le sujet , c’est pour la gynécologue une atteinte à la dignité de la femme et de nombreuses musulmanes seraient parfaitement d’accord avec moi.
    Il n’y a rien de religieux , mais un asservissement de la femme par l’homme sous un faux prétexte religieux.
    cela renvoie à un problème qui pour moi est un problème éthique majeur de notre société, de nos collèges et lycées, c’est le mépris des jeunes filles qui s’installe de la part des garçons, de violences verbales et physiques qu’elles subissent même dans des établissements catholiques.
    excusez-moi d’avoir dévié de sujet …..mais cela permet l’échange.
    bonne fin de journée à vous et continuez

  • Chère Claudine,
    Merci pour vos commentaires que j’apprécie. L’ostracisme vis à vis des femmes n’est, hélas, pas réservé au monde catholique. Lorsque Elizabeth Cordier a quitté ses fonctions de directrice de la communication de la Conférence des évêques de France remplacée, non seulement par un homme mais en plus par un clerc… Elle a évoqué devant moi la difficulté qui avait été la sienne, parfois, à travailler avec les médias « laïcs ». Il lui était plus facile de répondre aux attentes de la presse catholique qui acceptait fort bien qu’une femme s’exprime au nom de l’institution que TF1, France 2 ou RTL… (volontiers critiques vis à vis de la misogynie de l’Eglise) souhaitant que la position officielle de l’Eglise leur soit formulée par un prêtre en col romain… Cherchez l’erreur !

  • et oui bien sûr c’est plus facile de tirer sur l’ Eglise représentée par un prêtre en col romain!!!que sur une femme……là tous les à priori …..sont plus difficiles à défendre!!!!!……..et il y en a ……dans les médias
    merci pour ce mot et sa gentillesse
    c’est si bon de dialoguer en toute simplicité et confiance.
    Que j’aimerais que cela soit toujours le cas…..
    car les temps perdus pour des histoires d’un autre âge sont parfois usant….
    et c’est bon de lire ,même si on n’y répond pas toujours ,une parole qui sort simplement du coeur et d’une conscience éclairée
    MERCI et CONTINUEZ

  • l’Écho du Tarn cesse de paraitre dommage que la loi de la rentabilité

    s’assoie sur celui de la relation humaine car il s’agit de cela

    un journal dont le moteur était ses correspondants bénévoles locaux

    heureusement que le pèlerin est enraciner dans de belles valeurs

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