Miséricorde, l’ADN du blogue catho ?

Miséricorde, l’ADN du blogue catho ?

A celui qui ne fréquente plus les églises, qui dira la tendresse de Dieu si les médias chrétiens ne se risquent pas à quelque liberté ?

 

A l’occasion de la 50e Journée mondiale des communications sociales, célébrée le 8 mai prochain sur le thème de la miséricorde, le service communication de la Conférence des évêques de France a sollicité un certain nombre  d’acteurs de la cathosphère, pour témoigner de leur approche de ce thème, dans leur présence sur internet (1). Je réponds ici volontiers à cette invitation. Ce texte a été publie sur le site de la Cef.

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Je ne te lâcherai pas que tu m’aies béni

De mon enfance dans une famille très catholique, me revient ce propos souvent entendu de la bouche de mes parents : «A tout péché miséricorde». C’était déjà une belle disposition de cœur que d’adhérer, dans sa propre vie, à cet enseignement des Evangiles si contraire au bon sens populaire : qu’aucun péché ne peut épuiser la miséricorde divine. Même si elle semblait ici conditionnée par l’aveu du pécheur et sa ferme contrition. Notre monde a glissé du péché à la faute puis à la simple erreur… sans supprimer pour autant la souffrance et le dégoût de soi. Mais pécher n’est-il pas, précisément, se tromper de bonheur ?

Ma vie, qui a passé sa ligne de partage des eaux, m’a rendu sensible cette parole de Benoît Lobet : «Qui connaît l’abîme apprend la tendresse, la compassion pour l’homme, ce frère multiple. Qui a vu en soi le gouffre le pressent chez ceux dont il croise le destin, il sait la douleur de vivre, et qu’il faut tout pardonner, toujours.» (2)

La charte éditoriale de Pèlerin, dont j’ai longtemps dirigé la rédaction, disait notre conviction commune que l’homme contemporain, plus que des leçons de morale, attend des chrétiens un compagnonnage aimant et fraternel. Cela nous a valu bien des critiques au motif qu’il appartenait au prêtre, dans l’intime, de pardonner, pas à un magazine de laisser croire que ce pardon pût s’adresser à tous, sans conditions. Mais à celui qui ne fréquente plus les églises, qui dira la tendresse de Dieu si les médias chrétiens ne se risquent pas à cette liberté ?

Sur mon blogue, depuis 2009, comme sur les réseaux sociaux, j’ai choisi cette même approche. En faisant mienne la conviction du pape François : «Si Dieu s’arrêtait à la justice, il cesserait d’être Dieu.» (2) Dans l’univers du net, cette miséricorde porte ses exigences : le respect de la vérité et le respect de l’autre ; l’écoute et le dialogue qui supposent de répondre avec bienveillance à ceux qui m’interpellent, même rudement ; le refus du bon mot qui tue, par-delà le légitime combat des idées ; l’amour de l’Eglise, fut-il amour rebelle ; l’humilité d’accepter que d’autres puissent risquer une parole différente de la mienne au nom d’une même foi ; la conviction que de cette polyphonie puisse naître une espérance et, pour certains, le désir de chercher Dieu.

En cette année de la Miséricorde, je me sens une vocation de portier du Ciel, autorisé par grâce divine à tenir entr’ouvert l’accès à Celui qui me fait vivre, dussè-je pour cela rester moi-même sur le seuil. S’il est une page de la Bible qui me parle dans ce combat, c’est bien celle de la lutte de Jacob avec l’ange. Dans la nuit, il m’arrive de murmurer avec lui : «Je ne te lâcherai pas que tu m’aies béni» ( Gen. 32, 27)

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(1) Ont répondu à cette sollicitation : le P. Pierre Amar http://www.padreblog.fr ; Le petit Chose https://lepetitchose38.wordpress.com/ ; Koz www.koztoujours.fr ; le Frère Eric Salobir o.p. www.op.org/fr ; soeur Anne-Claire Dangeard www.viereligieuse.fr . La mise en ligne de l’ensemble des contributions se fera, progressivement, à partir du lundi 2 mai, sur le site de la Cef : eglise.catholique.fr

(2) Benoît Lobet, Mon Dieu je ne vous aime pas, Ed. Stock, p. 21

(3) Bulle d’indiction du jubilé extraordinaire de la miséricorde,  § 21.

12 comments

  • Magnifique éditorial.
    Merci René !

    Une question me poursuit depuis quelque temps troublés en la matière : n’y aurait-il aucune miséricorde pour les auteurs d’actes de pédophilie ?
    Qu’on me comprenne bien, je ne justifie rien, bien sûr, et je ne veux nullement que l’on revienne à des occultations mortifères à cet égard, mais il me semble qu’aujourd’hui aux yeux de la société, voire de L’Église, ces crimes deviennent les seuls crimes impardonnables et imprescriptibles…

    On apprenait naguère au catéchisme que le seul péché qui ne pouvait être pardonné était la péché contre l’Esprit, autrement dit le refus de la miséricorde de Dieu…

    • Je partage évidemment votre sentiment. Je crois que l’Eglise doit être intransigeante sur la question de la pédophilie. Ce qui suppose, bien que je n’aime guère l’expression, de « réduire » à l’état laïc tout clerc qui aurait été reconnu coupable de faits de pédophilie. Au-delà, il serait paradoxal que ces prêtres qui ont fauté deviennent des pestiférés, alors même que l’enseignement de l’Eglise est que personne ne peut être réduit à ce qu’il a fait. Ce souci de rester proche et d’accompagner un prêtre coupable de pédophilie est merveilleusement exprimé par un jeune prêtre, religieux assomptionniste, Arnaud Alibert, dans un article de son blogue que je mets ici en lien. http://arnaud-assomption.blogspot.fr Et je trouver curieux que notre société française, si justement attentive à la réinsertion des « condamnés », se montre aussi intransigeante lorsqu’il s’agit de prêtres.

      • Merci René pour votre commentaire et pour le lien vers lequel vous m’avez renvoyé et que j’ai lu avec bonheur.

  • Pourquoi les autorités religieuses et la plupart de membres des religions ont-ils tant de peine à reconnaître la maladie ?
    Le pédophile qui commet des actes criminels est, pour la société qui sait qu’il s’agit d’une pathologie, un malade à aider ; celui qui ne passe pas à l’acte, qui lutte, risque la névrose et doit aussi être assisté par celui qui sait. La religion pour laquelle l’acte est un péché et qui sait qu’il s’agit d’une pathologie n’a pas le droit de qualifier le malade de pêcheur, elle doit l’aider sans l’asperger de miséricorde et compassion qui est une manière de nier son humanité. Alors que la loi d’un nombre de plus en plus élevé de pays respecte le malade – à la suite des pays de culture chrétienne – il est paradoxal de constater que la religion chrétienne peine à reconnaître la maladie et aider le malade …, et plus encore à interroger ses méthodes de « recrutement » et d’engagement.
    * Partie « Psychiatrie et psychanalyse » de https://fr.wikipedia.org/wiki/Pédophilie
    * Connaissances qui émergent de recherches sur le conscient et l’inconscient, sur la manière dont la conscience (y compris la perception de soi, de ses sentiments de son âme) se construit et interagit avec l’inconscient (cours de Stanislas Dehaene sur la métacognition). Ces connaissances interrogent certains acquis (philosophie, psychanalyse, anthropologie, théologie): des enseignements traditionnels doivent accepter d’être interrogés et révisés voire abandonnés.

    • Je trouve votre commentaire un peu univoque et accusateur. Je n’entrerai pas ici dans le débat sur la dimension pécamineuse de la pédophilie. Ce n’est pas ma compétence. Sauf que je ne vois pas la contradiction entre qualifier tel acte de péché et, néanmoins, aider la personne qui le commet à s’en sortir et dépasser ses actes. Paradoxalement, c’est la société civile – plus que l’Eglise – qui dans le affaires récentes s’est montrée intransigeante vis-à-vis des coupables d’actes de pédophilie, en récusant aux autorités ecclésiastiques le droit de se préoccuper de leur avenir là où il semblerait que seules les victimes doivent être prises en considération. L’un n’excluant pas l’autre. Quant aux « méthodes de recrutement » je les ai moi-même interrogées dans mon premier papier sur le sujet.

    • « Mieux vaut prévenir que guérir » peut s’appliquer dans plusieurs domaines :

      Cas de la circulation routière :
      Dans la circulation, pour éviter les accidents de voiture, il vaut mieux :
      – Ne pas boire d’alcool
      – Ne pas être fatigué
      – Avoir une bonne vue
      – Respecter le code de la route

      Attention : Ni boire de l’alcool, ni être fatigué, ni avoir une mauvaise vue ni une infraction au code de la route ne peut être retenu comme une cause incontestable d’accidents.
      En revanche, réunir les conditions inverses permet de diminuer autant que possible les risques d’avoir un accident de la route.

      Cas de la pédophilie :
      En présence d’enfants, pour éviter de se comporter en pédophile, il vaut mieux :
      – Ne pas être adonné à la pornographie
      – Ne pas considérer les enfants comme des demi-portions mais les respecter
      – Ne pas rester célibataire mais vivre en famille, avec femme et enfants

      Attention : Ni la pornographie, ni le mépris des enfants ni le fait d’être célibataire ne peut être retenu comme une cause incontestable de pédophilie.
      En revanche, réunir les conditions inverses permet de diminuer autant que possible les risques de comportements pédophiles.

      J’en tire comme conclusion qu’en « réunissant les conditions inverses » (voir ci-dessus), la suppression du célibat obligatoire permettrait de diminuer les risques de comportements pédophiles.

      • On pourrait aussi, pourquoi pas, interdire aussi tout contact avec des enfants aux célibataires des deux sexes, et également faire passer par des dames consentantes des tests concrets de virilité aux candidats au sacerdoce, non?
        Pour l’anecdote je rappelle tout de même que la majorité des crimes de pédophilie se produisent au sein des familles…

          • Allons Robert…vous me paraissez absolument obsédé par le célibat des prêtres, situation que vous considérez comme la cause quasi absolue des crimes de pédophilie commis par une infime minorité de ces derniers. Je suis bien d’accord quand bien même il n’y en aurait qu’un ce serait un de trop. Or la grande majorité de ces crimes sont commis à l’intérieur des familles et cette vérité là, vous vous obstinez à l’ignorer. J’en déduis que ce n’est pas parce que les prêtres seront mariés que le probléme de la pédophilie dans leur rang disparaitra comme par enchantement et d’ailleurs chaque année dans le corps enseignant dont les membres ne sont pas tenus au célibat un certain nombre d’entre eux sont auteurs de ces crimes. Je vous dirai que dans mon ancienne commune de résidence le directeur du laboratoire, marié et père de famille a été arrêté parce qu’il violzit les enfants qui étaient ses clients. Il ne viendrait à l’idée de personne de soupçonner le corps enseignant célibataire de pédophilie en puissance,non? Alors pourquoi le faire vis-à-vis des prêtres ? Bien sûr il appartient aux responsables des séminaires de s’assurer de l’équilibre des candidats à la prêtrise mais il n’existe aucun remède imparable me semble-t-il

          • Très honnêtement je pense que chacun a pu s’exprimer sur ce blogue, librement, sur la question d’un lien possible entre obligation du célibat ecclésiastique et pédophilie. Je souhaite qu’on s’en tienne à ce qui a déjà été publié. Ces commentaires n’ayant d’ailleurs qu’un très lointain rapport avec le billet initial de cette page… sur la mission du blagueur catho. Merci de votre compréhension.

  • Accusateur? Je confirme, René ! Orienté ? C’est votre point de vue ! Avoir reçu en 2008 le neuropsychologue St Dehaene au sein de l’académie pontificale des sciences est positif, tenir compte d’apports scientifiques récents qui bousculent en partie la vieille psychiatrie, tenir compte de la classification OMS des maladies pour laquelle la pédophilie est une pathologique cela tarde, en France du moins. Il n’est pas besoin de compétences spéciales, quand la vie donne trop d’occasion à ses propres expériences et qu’on est un peu curieux et ouvert, pour savoir que traiter de pécheur un malade qui commet un crime est un péché grave en soi. La société n’a pas besoin de projecteurs pour comprendre que des clercs souffrant de cette maladie ont attiré l’attention de leur hiérarchie sur leur pathologie (qu’ils estiment être un péché parce qu’ils ont été formatés ainsi!) et qu’ils ont rarement été aidés efficacement tant la tendance à nier la maladie au profit du péché demeure culturellement forte. Et de même pour d’autres dont les méfaits ont été porté à l’attention de leurs responsables, qu’ils aient niés ou à demi reconnu. Mgr Lalanne aurait sauvé l’Honneur de la CEF si, prié de se reprendre par des collègues mal à l’aise (et des victimes), il avait maintenu et expliqué sa position première qui fut saine autant que la seconde fut pitoyable. Avec ce genre d’occasions ratées l’institution pousse des fidèles dehors. Quant à entendre la tendresse de Dieu, rassurez-vous, ceux qui fréquentent rarement les églises l’entendent dans les actes de leur propres vie partagée avec ceux qu’ils côtoient, les actes sont souvent plus nourrissent, simples et droits que trop de paroles!

  • Pour en revenir donc au sujet dont nous nous sommes effectivement éloignés je dirais que je suis assez mal à l’aise tout come vous René, lorsque je vois certains cathos donner l’impression de se complaire à aller farfouiller dans les poubelles, et en disant cela je pense notamment à ce prêtre de Toulouse, antérieurement à Pau, incontestablement coupable, mais qui a accompli la peine à laquelle il a été condamné et qui a été contraint de démissionner parce qu’on a ressorti cette vieille affaire alors qu’il n’y avait absolument pas la moindre trace de récidive de sa part. »A tout péché miséricorde »? Nombreux me semble-t-il sont ceux qui ne veulent à aucun prix en entendre parler dans ce cas, et ce sont souvent les mêmes qui se déclarent avec raison d’ailleurs, pour la réinsertion des prisonniers.

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