Pourquoi les chrétiens de gauche ne sont pas divisés par la question du « mariage pour tous »

 

Que des « chrétiens de gauche » soient en désaccord  sur la question du mariage pour tous est dénoncé, par certains, comme une preuve d’incohérence, alors même qu’il faudrait y voir la marque d’une liberté qui s’enracine dans la foi. 

Le blog des chrétiens de gauche dont je suis l’un des initiateurs n’avait pas deux semaines que déjà «tombaient» les premiers jugements définitifs : ils se rassemblent sous une même étiquette et commencent par nous expliquer qu’ils ne sont d’accord sur rien ! En  cause l’article du 8 juillet intitulé «Quand des «chrétiens de gauche» débattent d’euthanasie et de mariage gay», où je notais, en effet, concernant cette dernière question, «l’extrême diversité des positions des uns et des autres.»

«En tant que citoyens…»

L’intervention, dans le débat, du texte de la conférence des évêques de France, a pu laisser penser que l’on ne pouvait être à la fois catholique et favorable au «mariage pour tous». Sans doute a-t-on été insuffisamment attentifs aux «attendus» de sa prise de position : «Il ne s’agit pas pour les catholiques d’imposer un point de vue religieux mais d’apporter leur contribution à ce débat en tant que citoyens en se basant sur des arguments anthropologiques et juridiques.»

Ce n‘est donc pas «au nom de la foi en Jésus Christ», commune à tous les chrétiens, que les évêques se prononcent contre ce projet, mais pour des raisons de nature anthropologique, même si cette anthropologie trouve logiquement sa source, pour eux, dans le récit Biblique. Il se trouve que je souscris personnellement ET à cette analyse, ET à leur prise de position concernant le mariage pour tous. Pour autant, je tire de leur propos la conclusion, moins habituelle, que l’on peut donc être frères dans la foi… et diverger sur la question du mariage pour tous, dès lors qu’on ne fait pas tous la même analyse de ses conséquences sociétales possibles.

«C’est parce que nous cherchons à vivre l’Evangile…» 

Je me sens donc parfaitement à l’aise dans un groupe de «chrétiens de gauche» qui affiche des opinions divergentes sur le sujet sauf… lorsque certains affirment que c’est au nom même de leur foi, qu’ils soutiennent le projet gouvernemental. Suggérant, par là même, que tout croyant conséquent se devrait d’adopter leur position. Les voilà, paradoxalement, qui tombent dans l’excès qu’ont su éviter les évêques… peut-être malgré eux. C’est là la raison de mon désaccord avec le manifeste «Sur le mariage, l’Eglise aussi est diverse», lorsque ses signataires écrivent : «c’est bien parce que nous cherchons à vivre l’Evangile que nous sommes favorables au mariage pour tous». 

Si je puis m’autoriser, à leur égard, cette «correction» fraternelle, c’est en effet «parce que nous cherchons à vivre l’Evangile» que nous nous voulons respectueux des personnes homosexuelles, que nous entendons lutter contre toute forme de mépris, d’homophobie et de discrimination. Ce qui n’exige nullement un «passage obligé» par le mariage pour tous qui, lui, procède d’un choix politique et non d’une exigence découlant de la foi. Le désir de justice et d’égalité, manifesté par certains couples homosexuels, à travers leur revendication, doit être entendu mais également mis en parallèle avec les fondements de notre droit et l’intérêt propre des enfants. Inutile de reprendre ici les arguments que chacun connaît. Sinon pour souligner qu’ils sont des arguments, légitimement opposables à d’autres arguments.

Un clivage qui traverse la gauche comme la droite

La seconde incompréhension concernant la diversité des prises de position des «chrétens de gauche» est leur appartenance commune à la gauche qui, précisément, a inscrit à son programme de gouvernement le projet de mariage pour tous. Mais il n’échappe à personne que, sur cette question, le clivage des opinions traverse aussi bien l’électorat de gauche que de droite. On peut, ce qui est le cas de nombre d’entre nous, avoir voté à gauche lors des dernières élections, sans adhérer pour autant à la totalité du programme socialiste. Et il suffit de laisser trainer ses oreilles pour entendre, à gauche, nombre de réserves sur ce projet, chuchotées par des élus qui n’en voteront pas moins le principe, demain, par discipline de parti ! Ce qui interpelle tout de même notre vie démocratique.

Il faut donc convenir que le choix partisan «pour» ou «contre» cette réforme sociétale procède d’un jeu subtil d’analyses qui n’est réductible ni à une appartenance confessionnelle ni à une appartenance politique. Il met en jeu des fondamentaux, sans doute structurant de nos sociétés, qu’il me paraît personnellement risqué de bousculer au seul motif de poursuivre un objectif d’égalité des droits. Lorsque la ministre de la justice, Christiane Taubira, déclare elle-même à Ouest France : « C’est une réforme de société et on peut même dire une réforme de civilisation », difficile pour les partisans de la réforme de trouver excessives voire provocatrices les critiques évoquant précisément un basculement civilisationnel. Où le « droit à l’égalité » des adultes, semble justifier le vote d’une loi qui entérine l’inégalité des droits… des enfants à naître.

Tout ça pour ça ?

Chaque année, le PACS concerne environ 4 000 couples homosexuels (*). On  peut imaginer que la moitié d’entre eux puissent être intéressés par la perspective du «mariage pour tous». Concernant le droit à l’adoption, on sait que le nombre d’enfants adoptables, en France, est extrêmement réduit au regard du nombre de couples (aujourd’hui hétérosexuels) demandeurs, et que les pays (Amérique latine, Afrique, Asie…) d’où proviennent la plupart des enfants adoptés chez nous s’opposeront vraisemblablement à toute adoption par des couples homosexuels, parce que cela est contraire à leurs propres valeurs, à l’idée qu’ils se font de l’intérêt de l’enfant. L’ouverture d’un droit, en la matière, risque donc de se heurter… à l’absence d’enfants à adopter. Risquons cette ultime question : combien parmi les 2 000 couples homosexuels intéressés par le «mariage pour tous» se satisferaient de l’ «union civile» proposée comme alternative par la non-confessionnelle Union nationale des associations familiales (Unaf), qui leur confèrerait des droits patrimoniaux égaux à ceux des couples hétérosexuels ? La moitié peut-être ! Resteraient donc 1 000 irréductibles, finalement moins motivés par l’égalité des droits (possible à travers l’union civile, adoption mise à part), que par l’accès à un mariage, dont la plupart d’entre eux ignorent  ou contestent, la nature d’institution. C’est dire le caractère purement idéologique d’une revendication dont je persiste à penser qu’elle empoisonne inutilement notre vie politique qui aurait mieux à faire à nous mobiliser sur des objectifs d’emploi, de justice sociale et de lutte contre toutes les formes de pauvretés et d’exclusion.

Un débat qui ne nous divise pas sur l’essentiel : notre foi !

Je perçois comme une chance que ce débat  puisse être porté par un site comme celui des chrétiens de gauche. Un débat dont nous savons qu’il ne nous divise pas sur l’essentiel : notre foi. J’entends bien, pour ce qui me concerne, continuer à me battre POUR la reconnaissance du droit des personnes homosexuelles, mais CONTRE un projet de loi déraisonnable que d’ailleurs la plupart d’entre elles ne désirent pas. J’ignore quelle sera l’issue de ce bras de fer. Mais je ne doute pas un instant qu’au lendemain du vote parlementaire, quelle qu’en soit l’issue, les chrétiens de gauche – et je l’espère, l’ensemble des chrétiens – ne se retrouvent autour d’une même attitude : témoigner aux personnes et aux couples homosexuels, comme éventuellement à leurs enfants, et jusqu’en notre Eglise, de notre fraternelle amitié et solidarité.

(*) Chiffres donnés à l’antenne sur France 2. Selon l’Insee, un million de personnes étaient pacsées en France en 2009, dix ans après le vote de la loi, dont 6% avec une personne du même sexe. Un rapide calcul permet de conclure qu’il y aurait donc eu sur cette période 6 000 personnes de même sexe qui se se seraient pacsées en moyenne chaque année.

 

 

 

19 comments

  • Merci pour cette analyse que je partage, ô combien!
    Un peu de réflexion dans une polémique alimentée par des minorités… toujours les mêmes… Que cela fait du bien de retrouver l’expression claire de ce que l’on ressent!
    Encore merci.

  • MERCI René

    oui l’Eglise n’est pas une secte
    la conscience est le temple inviolable de l’Esprit
    de plus la Bible n’a pas attendu le nouveau testament pour dire que Dieu est contre la pensée unique …………..dés Babel c’était clair.
    la personne est unique au coeur de Dieu …..
    et Dieu est relation, amour et l’être humain a été créé à cette image

  • Tout dépend de ce que vous entendez par « l’essentiel de notre foi » et de comment vous définissez la « foi ». On peut trouver les points commun avec tous les chrétiens quelque soit leurs confessions et pourtant nous parlons de division des Eglises et de chrétiens .Et parfois ces divisions concernent un certain nombre d’articles de foi qui ne sont pas les moindre. On peut mettre l’accent sur ce qui nous unit plutôt sur ce qui nous sépare mais il ne faut pas minimiser ce qui nous désunit. Et moi je pense qu’il y a beaucoup de chrétien de gauche dont la foi est en rupture avec celle de l’Eglise.
    Faites un petit sondage vous même et vous verrez que la plus part de chrétiens de gauche de notre époque émettent des doutes ou carrément ne croient pas à l’autorité du magistère, à la pluparts des dogmes mariaux, à la naissance virginale de Jésus , à l’enfer ,au purgatoire… et beaucoup ne croient même plus à la résurrection et à l’ascension de la chair du Christ. Et tout ça au nom de la Liberté.
    Ça mériterait une bonne étude mais je pense que les questions sociétales qui divisent les chrétiens d’aujourd’hui sont des marqueurs d’une conception de la foi différente. Et non d’une différence qui enrichi la foi mais d’une différence qui appauvrit la foi .Au point que certains s’éloignent de l’Eglise ou deviennent purement et simplement athée ou agnostique.
    Je ne professe pas une pensée unique dans l’Eglise loin de là mais vous remarquerez qu’il y a une rupture entre le christianisme de gauche post conciliaire et celui de Frédéric Ozanam. En effet je pense qu’il y a des germes du marxisme dans le Christianisme de gauche contemporain qui le rend constamment en révolte contre la quasi-totalité des positions de l’Eglise.

    • Je respecte votre réponse sauf qu’elle ne répond en rien à mon propos. Je disais simplement dans mon article que si les chrétiens de gauche, et ils le montrent, se divisent sur l’opportunité de légaliser le mariage pour tous, ce désaccord n’influe nullement sur ce qui les rapproche et qui est leur foi au Christ. Et que par ailleurs, du fait même de cette foi au Christ, on peut penser qu’une fois le débat achevé sur cette question, quel qu’en soit le résultat, ils se retrouveront dans une même attitude « chrétienne » d’accueil et de respect vis à vis des personnes homosexuelles. Savoir si les chrétiens de gauche adhèrent tous à l’ensemble de l’enseignement du Magistère est une autre affaire… que vous prenez, d’évidence, plaisir à caricaturer. Je m’inscris totalement en faux contre votre analyse.

  • Fred, vous êtes entrain de dire qu’on ne peut pas être de gauche et être un (bon) catholique. Permettez-moi de vous dire que vous vous trompez. Vous parlez évidement des dogmes, sauf que les dogmes parlent de théologie pas de phénomènes physiques. Le cardinal Newmann (ce n’est pourtant pas un révolutionnaire chevelu) a bien montré que l’expression des dogmes était influencées par l’époque, la pensée et le langage de leur temps, sans que leur sens théologique en soit bouleversé. Vous prenez inévitablement la tarte à la crême des dogmes mariaux. Je ne suis pas moi-même très mariolâtre, mais les dogmes mariaux parlent de théologie, pas de gynécologie. La virginité de Marie est là pour signifier qu’elle est mère de Dieu et rejoint pas mal de mythes antiques (ce n’est pas péjoratif). On se fiche de savoir d’où vient le nécessaire chromosome Y. Un certain cardinal dit un jour que si Jésus était né d’un mariage normal cela n’aurait rien changé à sa divinité. Il s’agit de Joseph Ratzinger dans « Foi chrétienne hier et aujourd’hui », page 192.
    Pour le reste, René a raison, c’est hors sujet 😉

  • @ Fred:
    Il est sûr qu’il y a à gauche des chrétiens qui ne vivent pas parfaitement l’Evangile. Mais qui peut se vanter de le vivre parfaitement? Il est sûr qu’il y a à gauche (l’opposition gauche – droite ne rend certainement pas toujours bien compte de la diversité des positions des uns et des autres, mais passons!) des chrétiens dont les idées sont gravement erronées, mais malheureusement j’ai peur qu’il y en ait à droite aussi. Le marxisme était dangereux, oui. Etes-vous sûr que le néo-libéralisme dans lequel nous baignons ne le soit pas aussi? Et l’indifférence sinon la complaisance face à la montée des inégalités et des injustices?
    Vous parlez du « christianisme de gauche post-conciliaire » puis du « christianisme de gauche contemporain » comme s’il s’agissait de blocs monolithiques, or je ne suis pas sûre du tout que ce soit juste, pas plus d’ailleurs qu’il ne serait juste de parler des « chrétiens de droite » comme d’un bloc monolithique.
    Et puis surtout n’oubliez pas que même si chacune de nous a le droit, et parfois aussi le devoir, d’exprimer des désaccords, Dieu seul est juge de la qualité de notre foi et de notre fidélité à l’Evangile.

  • Cher René
    Excusez moi j’ai cru que dans votre analyse vous intégriez aussi ceux dont vous estimez qu’ils ne sont pas de votre christianisme social .Je vous avoue que cette manière qu’ont les catholique de se donner eux meme des étiquettes (chrétien de gauche , traditionaliste…) pour exclure les autres m’exaspère. Qu’est-ce qu’un chrétien de gauche ? Est-ce que vous pensez qu’un chrétien comme Benoit XVI, André vingt trois ne sont pas des chrétiens de gauche ou du christianisme social ?

    Perso je pense qu’un Chrétien qui défend l’homoparentalité, n’a pas la même conception de foi que celui que pense le contraire. Je ne dis pas qu’il y en a un des deux qui est meilleur que l’autre ou qui a plus de foi que l’autre mais tout simplement que si vous regardez bien qu’ils n’ont pas la même conception de foi en Jésus.

    • Encore désolé de m’inscrire en faux. Je ne vais pas reprendre ici les propos que je développe dans mon article. Je pense sincèrement que la foi au Christ nous invite à être ouverts et accueillants vis à vis des personnes homosexuelles mais que le choix entre pro-mariage pour tous et anti-mariage pour tous ne repose pas sur la foi mais sur des analyses de type anthropologiques donc politiques.

  • Cher Philippe
    Je voudrais préciser 3 choses :

    1) Pour moi dans l’Eglise il n’y a pas de gauche ou de droite. Et ce n’est pas de la démagogie que je fais , je le pense réellement. Par exemple pour vous quelqu’un comme Mère Teresa, Padre Pio , Jean XXIII ou JPII était de gauche ou de droite ? Si vous regardez bien chez les saints il n’y a pas de gauche ou de droits or nous sommes tous appelé à la sainteté.

    2) J’ai tout simplement fait remarquer que la plus part des personnes qui se réclament eux même aujourd’hui du christianisme social ou de chrétien de gauche ont souvent des difficultés avec le magistère et tout ça au nom de la liberté. La preuve c’est cet article qui l’affirme.

    3) L’autre nom des dogmes c’est les « vérités de foi ». Et le cardinal Newman n’a JAMAIS dit qu’il fallait relativiser un dogme en fonction de son époque au contraire il a montré que les articles de la foi romaine autrement dit les dogmes « ne sont en réalité que le développement naturel de vérités et de faits dogmatiques primitifs, l’épanouissement organique et plein de vie de ce qui a été donné en germe par le Christ, et même, sous l’inspiration divine, par les 11 Apôtres à la chrétienté primitive. » Autrement dit pour Newman un dogme est l’aboutissement d’une évolution organique (telle une fleur) d’une vérité révélée. Ainsi lorsque l’Eglise proclame solennellement que Marie est mère de Dieu, qu’elle est immaculée conception ou que le Pape est infaillible il faut le tenir comme absolument vrai et de là chercher ce que ça nous dit de Dieu au lieu de passer sa vie à le réfuter. C’est cela la foi.

    • Fred, vous avez le droit de tourner en rond dans votre logique mais je crains que le dialogue entre nous soit impossible. Ce qui n’est peut-être pas un drame. Vous faites du Magistère de l’Eglise catholique la lecture que l’on faisait jadis de la Bible : fondamentaliste. Puis on a découvert la méthode hisotrico-critique qui permet de resituer l’écriture des « ivres » qui composent la Bible dans leur contexte. Il faut aujourd’hui faire le même exercice concernant un Magistère qui n’a cessé d’évoluer dans le temps, quoi qu’on veuille bien en dire. Et l’on pourrait faire la même lecture concernant certains (pas tous) points du dogme. Libre à vous d’adhérer à une forme d’intransigeantisme qui est l’une des sensibilités de la tradition catholique. Ce n’est pas là que je me situe et je ne m’en sens pas moins catholique pour autant.

  • Fred, je n’ajouterai que deux choses, René ayant dit l’essentiel :
    – les dogmes parlent de théologie et seulement de théologie ‘ce qui n’est déjà pas si mal 😉 !)
    – l’infaillibilité du Pape est définie (et délimitée) dans la Constitution « Pastor Aeternus » de Vatican I, elle a été complétée dans « Lumen Gentium » de Vatican II au chapitre 2 sur le Peuple de Dieu, paragraphe 12.

  • Cher René ,

    Pour vous on dirait que certains combats de société sont fait au nom de la foi et d’autres pas . Oui notre refus au mariage homosexuel et de l’homoparentalité se base sur une anthropologie qui trouve sa source dans la révélation mais il en est de même de l’éthique et de la morale qui nous pousse à se battre pour la dignité des homosexuels, la dignité des réfugies, des pauvres, des prisonniers, pour le respect de la vie de l’embryon ,de l’enfant à naître et des mourants.
    Si les évêques ne disent pas explicitement que leur refus au mariage homo trouve son fondement dans leur foi en Jésus c’est tout simplement parce qu’ils ont pris la parole pour participer dans un débat de société pour s’adresser aussi bien aux croyants et aux non croyants.

    • Cher ami, je suis bien obligé de « prendre acte » du fait que les catholiques (les chrétiens de manière plus générale) sont divisés sur cette question du mariage pour tous. C’est d’ailleurs le point de départ de ma réflexion dans cet article. Faut-il conclure de vos propos que celles et ceux qui lui sont favorables sont inconséquents par rapport à leur foi ? C’est ce que vous pensez… et que je conteste. Mon débat avec ces amis chrétiens qui ont fait un autre choix que moi, sur cette question, se situe sur un terrain anthropologique et politique, pas théologique.

  • Je partage, tout à fait le point de vue de cet article, non polémique et qui est celui d’un esprit ouvert. Je l’ai commenté plus longuement sur Facebook.
    Merci, il est bon d’entendre un point de vue réfléchi et équilibré.

  • Enfin un point de vue sensé! Oui le respect des personnes homosexuelles n’implique pas d’être favorable au mariage « pour tous » ; on peut être « de gauche » et défavorable à ce projet. En raison de la marchandisation des corps impliquée par la PMA; parce qu’on ne saurait considérer avec légèreté la question de la filiation. pour aller vite.
    Quant à faire de l’Evangile le garant du mariage homo, il sera charitable de dire qu’il n’en parle pas ni de près ni de loin.
    Le plus préoccupant dans l’histoire, c’est l’intolérance extraordinaire qui sévit sur ce sujet: vous êtes « chrétiens de gauche »? vous êtes priés de vous rendre à la raison du « progrès » contre le magistère conservateur. sinon gare à l’imputation d’homophobie. Bref pas de débat on est si sûr d’avoir raison!

  • Comme c’est la première fois que je m’exprime sur ce blog, je tiens d’abord à vous dire merci, cher René, pour votre engagement / temps donné pour les chrétiens de gauche. Je suis sûr que je ne suis pas le seul à en être reconnaissant.

    J’ai beaucoup apprécié votre dernier billet sur le mariage pour tous… et les questions que vous posez. Mais c’est après l’avoir lu que je suis tombé sur ce billet, qui m’a un peu plus euh… déstabilisé.

    Car vous faites une drôle de distinction, qui en tous les cas ne m’était pas venue à l’esprit, en refusant de dire que ces engagements pour ou contre le mariage gay soient de l’ordre de la foi. Le théologien en moi s’interroge – peut-on vraiment dissocier les deux à ce point? est-ce la laïcité « à la française » qui entraîne une telle distanciation dans l’ordre des choses?

    J’aimerais soumettre à la réflexion ici une interprétation quelque peu inverse de « la foi ». Certes, c’est je crois la « même » foi (encore que, si elle porte son lot de mystère, que pouvons-nous affirmer de sa ressemblance?) mais son interprétation (ou ce qu’elle génère) peut diverger en différents lieux de nos vies, sans pour autant s’en détacher pour autant. Et c’est là tout le défi, non? Arriver à se reconnaître *de* cette même foi, malgré nos interprétations ou nos réflexions divergentes avec/à partir de celle-ci, qui peuvent nous mener en plusieurs lieux différents, sur le plan social, politique ou éthique… Je ne sais pas si j’arrive à être clair. Des mêmes racines, ou du même sol, peuvent émerger différents chemins, différentes manières de vivre et de trancher sur les questions de société. Mais on ne peut dire qu’il ne s’agit pas de foi. Il s’agit d’un prolongement de celle-ci, et donc oui d’une certaine manière, on pourrait arguer sur sa « différence ». Mais en même temps, si c’est le prolongement, c’est donc aussi la continuité, et du coup, la « même » foi aussi – paradoxalement.

    Bref, de vouloir couper court à la source (la foi) reste étrange, à mon sens… et bien que je crois voir l’horizon ou le but recherché, je ne sais pas si la cible est atteinte. Je suis plus à l’aise à entendre les gens dire « je suis pour » ou « je suis contre » au nom de leur foi, sans avoir pour autant à devoir dire que ce n’est pas la même foi.

    Peut-être que tout réside dans la manière de considérer les médiations et de manière générale, l’herméneutique, après tout? Merci pour votre réflexion, en tous les cas, et les questions qu’elle a su faire émerger en moi.

    • Cher ami,

      Merci de vos paroles si amicales. Je les apprécie d’autant plus que ce type de «retour» sur mes propos, est relativement rare.

      La question que vous posez est tout à fait pertinente. Et je ne prétends pas, sur ce point, détenir une quelconque vérité. Je ne suis point théologien mais «honnête homme» ( et sans doute aussi honnête chrétien) soucieux d’entrer, comme l’on dit, dans l’intelligence de la foi.

      Je ne sais pas au juste que vous répondre et compte sur ce travail d’écriture, pour tenter de clarifier un peu plus encore ma pensée.

      Dans le débat qui m’a opposé – il faut bien employer ce terme – à d’autres amis catholiques, il m’est vite apparu qu’eux et moi étions également soucieux de la place faite aux homosexuels dans notre société. Et que d’évidence elle n’était satisfaisante ni pour eux-mêmes, ni pour leurs «couples», ni pour les enfants dont ils avaient à ce jour la charge.

      D’où venait alors notre désaccord ? D’une divergence d’appréciation sur la réponse proposée par le gouvernement au législateur. Alors que les uns validaient le choix d’un «mariage pour tous» ouvert sur l’adoption plénière (malgré, vous en conviendrez, l’ambiguïté profonde du terme «mariage pour tous») les autres, dont j’étais, se prononçaient eux pour une union civile assortie d’une procédure d’adoption simple.

      Que, faisant ces choix opposés, les uns et les autres aient été convaincus de poser de tels actes «au nom de leur foi» ne me pose aucun problème. A mes yeux, en effet, ce que nous dicte la foi – c’est ce que j’ai signifié dans le texte auquel vous faites référence – c’est un devoir d’accueil et de fraternité vis à vis des personnes homosexuelles. Et l’un et l’autre choix visent à répondre à cette exigence.

      Dès lors, comment expliquer que des chrétiens optent, malgré tout, pour des choix différents ? C’est à partir de là que vous et moi semblons diverger. Je pose comme hypothèse que si les uns valident le mariage pour tous, les autres l’union civile, c’est au terme d’une analyse personnelle de type anthropologique débouchant sur un choix politique.

      Si je comprens bien votre raisonnement, vous posez plutôt l’idée qu’une même foi peut justifier des choix différents. Mais, sauf à vous avoir mal compris, disons-nous vraiment des choses si différentes vous et moi ? Dans mon raisonnement, je ne conteste pas qu’in fine, quelles que soient les raisons objectives de son arbitrage, chacun s’engage dans son choix avec tout ce qu’il est, donc en croyant.

      Mais creusons un peu. Il me semble intéressant de bien cerner en quels termes chacun conteste le choix de l’autre – pour justifier le sien propre – sans remettre en cause pour autant ni sa «bonne foi», ni sa foi tout court ! Pour ce qui me concerne, je l’ai exprimé très clairement je crois dans mon dernier article, ma «contestation» du mariage pour tous vient du fait qu’il ne satisfait pas, à mes yeux, à la double exigence de justice vis à vis des enfants à venir, et de vérité par rapport à la nature hétérosexuée du mariage. Mais vous m’objecterez – peut-être – que faisant moi-même référence à la Bible je suis en contradiction avec mes propos précédents puisque je semble fonder mon choix «religieusement». C’est à dessein, vous l’aurez compris, que j’écris «religieusement» car même puisée dans la Bible, cette double exigence justice/vérité, me semble procéder autant de l’anthropologie évoquée plus haut que de la «foi» à proprement parler.

      Pour ce qui est de mes «adversaires», je les ai entendu, au cours de ces semaines, non pas contester le principe du contrat d’union civile, qu’ils ont ignoré avec constance, mais affirmer que le mariage pour tous ne soulevait à leurs yeux aucune difficulté. J’ai cru comprendre que le cœur de leur argumentation était le désir d’accompagner fraternellement une évolution de société perçue comme «juste réparation» par les personnes homosexuelles, arguant par ailleurs du fait que si Jésus était sur terre… il validerait ce choix ! Ce qui signifiait par contre-coup qu’ils tenaient mes propres objections pour non pertinentes, peut-être pas dans l’absolu mais a minima au regard de l’enjeu symbolique supérieur que représentait, à leurs yeux, le fait de ne pas nourrir, sur un tel sujet, une opposition frontale entre les catholiques et le reste de la société. Je n’évoquerai ici que pour mémoire, le fait que tous les homosexuels ne se reconnaissent pas dans cette revendication du mariage pour tous et que ses opposants ne se réduisent pas aux seuls catholiques…
      Ce «retour» sur les arguments des uns et des autres, pardonnez mon entêtement, me conduit à penser que si le gouvernement avait proposé au Parlement l’adoption d’un projet d’union civile (comme en Allemagne) aucun de mes amis catholiques ardents défenseurs du mariage pour tous, ne se seraient mobilisé contre, au motif que c’eut été là une réponse insuffisante pour la communauté homosexuelle. Il s’agit donc bien d’un choix politique, fut-il assumé dans la foi !

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