La pensée d’Hitler “toujours parmi nous“

La pensée d’Hitler “toujours parmi nous“

Lorsque le traducteur de Mein Kampf nous alerte sur d’étranges similitudes avec notre époque. 

(Merci à Jean-Pierre Roche et Christian Terras pour la reprise de cet article dans la news letter Notre pain quotidien, ainsi que sur le site et dans le magazine Golias Hebdo)

Deux événements récents sont venus illustrer l’existence de mouvements fascistes en Allemagne et en Italie. Le 7 janvier 2024 des centaines de personnes étaient filmées dans les rues de Rome en train de faire le salut fasciste. Des images qui ont fait lez tour du monde. Trois jours plus tard, un site d’investigation allemand révélait la tenue d’une réunion secrète entre un mouvement identitaire autrichien et le parti Alternative pour l’Allemagne (Afd) durant laquelle avait été évoqué un plan de « remigration » vers l’Afrique du Nord de millions d’immigrés vivant Outre-Rhin. Des événements à restituer dans le contexte plus général d’une montée des extrêmes droites en Europe, dont la France, à quelques mois des élections européennes du 9 juin. Or, dans un « petit » livre de 2022, Olivier Mannoni qui a passé dix ans à retraduire Mein Kampf pour l’édition critique publiée chez Fayard nous met en garde : « Mein Kampf et les idées qu’il véhicule sont toujours parmi nous. » A lire d’urgence ! 

C’est en juin 2021 que sortait chez Fayard une édition critique de Mein Kampf. (1) L’ouvrage était l’aboutissement d’un long travail scientifique coordonné par Florent Brayard, historien du nazisme et de la Shoah, directeur de recherche au CNRS et Andreas Wirsching, directeur du centre d’études en histoire contemporaine : l’Institut für Zeitgeschichte de Munich. Une douzaine de chercheurs français et allemands ont rédigé l’imposant appareil critique qui constitue l’essentiel de l’ouvrage sous forme de  déconstruction, ligne par ligne, du livre d’Adolf Hitler. « Chaque page du livre est en quelque sorte confrontée à la réalité, chaque propos est passé au crible de l’analyse historienne. » commente dans un long entretien, Olivier Mannoni, chargé pour sa part de la traduction du « brûlot idéologique nauséabond », tombé dans le domaine public en 2016. (2) C’est ce long travail de traduction et les réflexions qu’il a nourri en lui, qu’Olivier Mannoni présente dans un petit ouvrage tout à fait accessible et passionnant : Traduire Hitler. (3)

Un ouvrage illisible et obsessionnel

Un livre qui, pour le coup, déconstruit à son tour bien des idées reçues. La première étant  la forme même de Mein Kampf (mon combat) présenté parfois comme un ouvrage abouti.  Lorsque le livre sort en France en 1934 chez un éditeur proche de l’Action Française, « La traduction, écrit-il, répond aux normes de l’époque : lisibilité et fluidité. Deux principes en soi respectables si ce n’est que l’original est rigoureusement illisible. » C’est ce qu’il découvre à ses dépens Et le voilà confronté à l’exigence formulée par l’éditeur de se situer au plus près du livre « dans l’état où Hitler lui même l’avait laissé en 1925 : bourbeux, criblé de fautes et de répétitions, souvent illisible, doté d’une syntaxe hasardeuse et truffé de tournures obsessionnelles. »

Déconstruire une vision hitlero-centriste du nazisme

La deuxième idée reçue porte sur l’originalité supposée de la pensée d’Hitler. En réalité, nous dit son traducteur, Mein Kampf se noie dans une profusion d’écrits de la même eau, signés Goebbels, Himmler, Rosenberg qui constituent autant de sources du nazisme. « La réalité du nazisme, celle que l’on trouve dans les textes de ses acteurs, c’était aussi cela : celle d’individus sans talent, sans ampleur, sans autre moteur que la haine qui leur servait d’ambition. » Il cite ce commentaire de l’historien Christian Ingrao (4)  « Cette focalisation sur Mein Kampf a l’inconvénient d’encourager une lecture hitlero-centriste du nazisme depuis longtemps dépassée. » Sans compter, ajoute Olivier Mannoni que : lourdeur des phrases, glissements sémantiques, complexité syntaxique et grammaticale donnent « l’impression d’une profondeur qui n’existe pas. »

Mein Kampf n’annonçait pas la Shoah… mais la rendait possible

Mais c’est la réfutation d’une troisième idée reçue qui bouscule plus encore le lecteur. L’idée selon laquelle au regard de la Shoah (1941-1945) « tout était écrit » dans Mein Kampf et que l’Occident a fauté de ne pas prendre le livre au pied de la lettre. Faux ! nous dit le traducteur. « La Shoah n’est annoncée nulle part dans Mein Kampf, sans doute parce qu’en 1924 elle n’était simplement pas encore un projet. En revanche l’antisémitisme qui l’a provoquée, lui, suinte par toutes les phrases et par toutes les diatribes de Hitler, violent, systématique et bestial. » 

L’auteur interroge alors : au regard des 50 millions de morts de la Seconde guerre mondiale (5)« Y avait-il un lien direct, immédiat, entre ces mots et ces morts ? » Et si le lien n’est pas avéré, à quoi bon retraduire aujourd’hui Mein Kampf ? Peut-être, précisément, pour aider à comprendre en déconstruisant ce texte, que si le nazisme « était avant tout le produit des rapports de forces entre des sous-pouvoirs rivaux », il s’était appuyé sur le flou – involontaire ou calculé voilà bien la question – d’écrits qui n’annonçaient rien précisément mais rendaient tout possible. La tragédie qui allait suivre en est hélas, la brûlante confirmation. 

Tous les ingrédients d’une mise en cause de la démocratie libérale

Il en est de même aujourd’hui, poursuit l’auteur : « La haine de l’autre, le mépris du savoir académique, la propagation dans des émissions de divertissement bas de gamme d’idées politiques viciées, s’appuyant sur des discours confus, incohérents, avariés sur le plan logique, la fin du débat argumenté au profit du buzz sont autant d’outils de déconstruction d’un système politique » qui en Europe a été protecteur des libertés. « Parce qu’il permet le dialogue et la prise de décision commune, le langage est la force de la démocratie. Que ce langage soit perverti et c’est la démocratie elle-même qui se distord, s’atrophie et perd sa raison d’être. » 

Là se situe sans doute l’intérêt essentiel de ce petit ouvrage : nous proposer une passerelle entre hier et aujourd’hui pour nous montrer que le pire peut s’enclencher sur l’acquiescement au soupçon concernant l’investigation journalistique ou la rigueur du travail universitaire, lorsque s’y opposent des théories fumeuses et d’autant plus dangereuses que l’opinion prétend ne pas les prendre au sérieux. Et le traducteur de conclure : « Mein Kampf et les idées qu’il véhicule sont bien parmi nous, présents, vivants, menaçants. Ces échos bruns et lugubres sont en train peu à peu de grignoter une partie notable de notre réalité intellectuelle et politique. »

A chacun de se faire sa propre idée sur cette thèse ! 

  1. Historiciser le mal, Une édition critique de Mein Kampf. Ed. Fayard 2021, 864 p., 100 €
  2. Mein Kampf sort en 1925 en Allemagne où il sera interdit de réédition à partir de 1945. Il est traduit en France en 1934. En Allemagne le livre fut « vendu » à 12 millions d’exemplaires. Vendu ou distribué ? A la veille d’écrire ce billet j’ai découvert chez des amis strasbourgeois qu’ils avaient dans leur imposante bibliothèque deux exemplaires originaux de Mein Kampf, cadeaux du bourgmestre à leurs parents respectifs à l’occasion de leur mariage en 1941 et 1942 dans une Alsace alors allemande.  
  3. Olivier Mannoni, Traduire Hitler. Ed. Héloïse d’Ormesson 2022, 124 p., 15€.
  4. Dans cet article de Libération, l’historien répond à Jean-Luc Mélenchon qui demandait à Fayard de renoncer à republier Mein Kampf. 
  5. Les estimations varient entre 40 et 60 millions. 

BONUS

Exemplaires trouvés chez mes amis alsaciens. A gauche et à droite les pages de garde qui précisent le contexte des cadeaux offerts par le bourgmestre : deux mariages (de leurs parents respectifs) en 1941 et 1942.

20 comments

  • qui avait lu Mein Kampf avant 1938? Combien de lecteurs? Dire « c’était aussi cela : celle d’individus sans talent, sans ampleur, sans autre moteur que la haine qui leur servait d’ambition » est pour moi une grave erreur. Ces individus avaient bien au contraire beaucoup de talent et beaucoup d’ampleur. Si ce n’était pas le cas, ils n’auraient pas pu mener leur funeste projet. Une chose est vrai c’est que dans Mein Kampf la Shoah n’est pas annoncée comme telle. Mais à nouveau qui avait lu Mein Kampf? Par contre la fin de votre post me semble plus pertinent.

    • Sur qu’en 1945, personne ne se souvenait avoir eu MK en mains et surtout au sein des classes dirigeantes; encore moins dans le plus petit état du monde qui ne l’a jamais mis à l’index, tout en y mettant les « œuvres » de Rosenberg et en faisant beaucoup pour aboutir au concordat qui mit l’Eglise à la botte des dirigeants et dont la clause secrète exonère clergé, moines et séminaristes de l’obligation militaire. Mgr Kaas fut indispensable pour arriver à ce résultat. Ce clerc, député et Président du parti démocrate chrétien (Zentrum) offrit la légitimité démocratique à Hitler en faisant voter les pleins pouvoirs par tous ses députés, saborda son parti -comme promis à Hitler- puis prit le train pour le Vatican -en compagnie de Von Papen-. Ensuite il ne fit plus parler de lui jusqu’à sa mort en 1952 au Vatican.
      En France, MK fut publié dans la clandestinité en 1934 a 15 à 20 mille exemplaire, dont 5000 ex distribué gratuitement par la LICA (ancêtre de la LICRA) à tous les parlementaires et aux dirigeants: il est peu crédible que l’épiscopat n’ai pas reçu MK.
      Tout le monde avait intérêt à fabriquer cette légende dans l’après-guerre, mais aujourd’hui c’est de la naïveté ou de l’infox.
      Je suis loin d’avoir fini de transcrire le manuscrit des mémoires d’un juge allemand né en 1912, fils du milieu ouvrier rural catholique à 50 km de Cologne. En voici un extrait significatif qui se passe en 1923. 1er jour d’entrée à l’école primaire, les nouveaux sont rassemblés: « Le directeur a posé cette question, sans doute habituelle « l’un de vous peut-il nous chanter une petite chanson ? ». Après un silence timide général, j’ai pensé à une chanson que m’avait apprise mon oncle, un chant nationaliste et militaire… « Il y a un mugissement bruyant comme le tonnerre, comme un bruit de glaive et le roulement des vagues vers le Rhin allemand. Qui veut être dans le roulement d’Hitler ? ».
      Je ne connaissais que le texte changé par l’oncle. J’ai levé le doigt et chanté: « Il y a un mugissement bruyant comme le tonnerre, Napoléon est assis dans la porcherie et crie aïe, aïe, aïe, je suis piqué par les moustiques allemands ».

  • Un ouvrage intéressant (même si son authenticité est contestée) est le livre d’un compagnon de route de Hitler de 1926 à 1934 qui s’en est ensuite éloigné en 1934 et est devenu un opposant au régime en découvrant le nihilisme et la dangerosité du personnage et qui a voulu alerter le monde sur les délires de Hitler à travers des conversations avec lui en 1932, 1933 et 1934, ouvrage publié en 1939 en français sous le titre « Hitler m’a dit » de Hermann Rauschning.

    • E fait, cet ouvrage est peu crédible pour les historiens. »l’Eglise catholique et l’Allemagne nazie » de Guenter Lewy (1964 à New-York, 19655 Stock) reste une référence et, pour faire court, l’article Wikipédia « Église catholique d’Allemagne sous le Troisième Reich » est largement documenté.

  • On parle souvent de « reductio ad Hitlerum » et il semble qu’à la fois cet ouvrage d’Olivier Mannoni et ton billet, René, y tombent à pieds joints. Mais aussi peut-être l’ouvrage « Historiciser le mal » pour lequel ce traducteur a travaillé, s’il s’agissait de commenter ligne à ligne chacun des propos d’Hitler pour, probablement, juger qu’aucun n’avait la moindre légitimité.

    J’ai entrepris de lire « Mein Kampf » et me suis assez vite arrêté, à la fois pris de scrupule et parce qu’Hitler me semblait avant tout un « mauvais drôle » qui s’était fait tout seul et formé en autodidacte, dans un désordre qui lui faisait tirer des conclusions politiques qui ne se trouvaient ni corrélées à la culture allemande à laquelle il voulait se greffer de force en présentant un oecuménisme confessionnel chrétien tourné vers les pires objectifs d’hégémonie millénariste, ni à l’impérialisme habsbourgeois tempéré par la sagesse catholique.

    Le livre d’Hitler contient pourtant quelque chose qui le rend bien contemporain et bien peu original au regard des livres politiques de nombre de nos aspirants actuels à gouverner: c’est qu’il mélange habilement et subversivement le genre autobiographique et les idées politiques, un peu comme le désordre informatif a pris l’habitude de ne plus séparer le fait divers et le commentaire et d’ériger le fait divers au rang de point saillant de l’histoire d’où devrait découler un ordre des choses.

    L’antisémitisme suinte dans deux bons tiers des pages que j’ai lues de « Mein Kampf », mais aussi un socialisme qui a un point commun avec « le Manifeste du parti communiste »: c’est celui de mépriser le Lumpen proletariat dont rien de bon ne pourrait sortir. Hitler pousse ce mépris jusqu’au point dénoncé par Orwell de vouloir empêcher que le prolétariat ne se reproduise sous prétexte que la misère engendre la misère. C’est par pitié pour la misère qu’Hitler ne veut pas de cette reproduction à laquelle Marx et Engels ne s’opposent pas ouvertement, sans avoir la moindre pitié pour cette part de la valetaille qu’ils appellent « la canaille ».

    Parmi les dirigeants actuels de la « démocratie libérale », l’ancien ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer a été une des petites mains du rapport Bloche-Pécresse expliquant que certains élèves devaient être repérés dès la maternelle, étant irrécupérables du fait de leur appartenance au quart monde. Je résume, mais c’est l’esprit du rapport. Et l’on voudrait nous vendre que tous les ministres de l’Éducation nationale nommés par notre président actuel ont pour point commun de s’opposer à l’assignation à résidence alors que ce sont tous des héritiers, Pap Ndiaye y compris, qui a épousé la petite-fille du général Mangin parce qu’il faisait un sort enviable à ses soldats noirs-africains, bien qu’il fût un piètre stratège de la Grande guerre?

    Il ne faudrait pas non plus parler d' »euthanasie » à propos du « droit à mourir dans la dignité », affirme encore Bernard Kouchner, parce que dans « euthanasie » (qui dérive étymologiquement de la « bonne mort du Moyen-Âge), il y a « nazi », le régime qui précisément préconisait l’euthanasie et l’empêchement de naître des êtres « tarés » ou dont la vie serait à charge et coûterait trop cher à la nation.

    Notre traducteur bat en brèche l’idée qu’Hitler ait eu un certain style. Quand j’étais jeune, on me racontait que c’était l’aumônier de sa prison qui l’avait aidé à écrire son brûlot. Ce que j’ai lu de « mein Kampf » m’incite à dire que ce livre n’a pas de plan et brille par un certain désordre thématique.

    « Mein Kampf » n’annonce pas la Shoah, démonte à juste titre Olivier Mannoni. Est-ce cette hitlérisation du nazisme qui continue de faire douter des historiens comme Édouart Husson que la solution finale ait jamais fait l’objet d’une décision bien arrêtée dont on puisse rendre compte par des éléments de preuve irréfutables?

    Fernand Sorlo des « Nouvelles éditions latines », cet historien « proche » de la germanophobe, puis collaborationniste (en la personne de Maurras) « Action française », , fit traduire « Mein Kampf »pour avertir les Français des dangers qui guettaient la France et l’Europe si Hitler, que Maurras appelait « le chien enragé de l’Europe », arrivait au pouvoir.

    J’ai tendance à me méfier d’un traducteur -ici Olivier Mannoni- qui emprunte le champ lexical du « nauséabond » pour disqualifier son objet d’étude et de l' »avarié » pour décrire ce qu’il n’aime pas dans les dérives de la société actuelle. Ce n’est pas en fétidisant, vomissant ou pourrissant son adversaire qu’on se donne la peine de le convaincre ou de le comprendre.

    Le vice de la « société libérale » n’est-il pas dans l’illibéralisme de ladite société libérale? D’abord, qu’a de libéral une société qui ne va pas au bout de la liberté et prétend favoriser la prise d’une décision commune en refusant les principes de la démocratie directe? Mais en refusant surtout d’être passée au crible avec la même rigueur qu’elle ne le fait soixante ans après de l’ouvrage d’Hitler pour se faire le contrepoison bien peu mythridatisant de son entrée dans le domaine public. De quel mépris du « savoir académique » peut-on parler quand le Conseil scientifique chargé de justifier la politique covidienne comme celui qui compose le GIEC mêlent des savants des sciences exactes et dures et des chercheurs des sciences humaines, inexactes, imprécises et relatives par nature et par définition? Dans quelle mesure peut-on parler de « fin du débat argumenté au profit du buzz » comme d’une spécificité de la société actuelle? Y a-t-il jamais eu un moment où l’information dans la démocratie libérale n’a pas mêlé de manière « viciée » le sensationnalisme ou l’isolement de la « petite phrase » au milieu d’interview où l’interruption qui ne laisse jamais le politicien structuré aller au bout de son propos fait loi, à l’analyse structurelle de la situation sociale ou géopolitique? Dès lors que telles sont les méthodes du journalisme, faut-il lui faire une confiance aveugle? Pourquoi « le pire » pourrait-il « s’enclencher sur l’acquiescement au soupçon concernant l’investigation journalistique ou la rigueur du travail universitaire »? Le citoyen n’est-il pas fondé à s’interroger et à repousser l’objection que ce qui distingue « l’investigation journalistique » de l’opinion publique, c’est que le premier vérifie ses sources et ses informations quand des démentis viennent infirmer quotidiennement le respect scrupuleux de ces méthodes intentionnelles?

    Du temps d’Hitler, existait-il des « émissions de divertissement bas de gamme » pour qu’on puisse y « [propager] » des idées « avariées » dans une « [confusion] » qui n’a rien à envier à celle des arguments d’autorité avec lesquels la société libérale traite de complotistes tous les empêcheurs de penser en rond et de tourner dans le ronron d’un consensus où aujourd’hui, quiconque dirait que ceux qui soutiennent l’Ukraine à tour d’envoi d’armes pratiquent la même politique d’escalade qui a mené aux deux précédents conflits mondiaux, serait immédiatement ostracisé, alors qu’il dit la pure et simple, la stricte vérité historique?

    Si la démocratie libérale est convaincue de faiblesse, elle n’a qu’à la chercher dans ses propres incohérences et Israël qui massacre Gaza n’est plus le Golgotha du monde.

    • Merci pour ce long commentaire. Voilà qui, assurément, nourrit intelligemment le débat. Sauf que je ne suis pas sûr de pouvoir le nourrir bien au-delà de cette contribution inaugurale : la présentation d’un livre qui « m’a parlé » et que je souhaitais faire connaître. Nous verrons…

  • Pour sortir de l’hithléro-centrisme, je fais un parallèle entre le trio HMS (Hitler, Mussolini, Staline) et l’actuel PTN (Poutine, Trump, Netanyahou) et reste effaré par notre inconscience collective: l’antisémite le plus acharné de la planète est celui que le peuple israélien a mis à sa tête.
    Il est pas faux que:
    – le peuple juif doit toujours et encore rejeter les philistins à la mer (c’est le tonneau des Danaïdes des juifs croyants),
    – la grande majorité des sémites sont arabes,
    – les philistins sont des grecs originaire de Crète,
    – le Hamas est un fils de la politique israélienne qui a échappé à ses parents (filé à l’anglaise).

  • Aujourd’hui il est avéré que la porosité entre CDU/CSU et Afd a permis à l’Afd de « réussir ». Il faut aussi signaler la réaction de la population allemande: plus de 1.4 millions de manifestants anti AfD début février.
    Il y eut le même glissement en France, quand, à partir de 2015 fut confirmé par LR la fin du front républicain et donc le refus de choisir entre gauche et extrême droite. LR, coupé de ses racines gaullistes, est en voie d’absorption par le FN/Reconquête.
    L’acteur le plus important au niveau international de ce genre de glissement est l’ami du cl Burke, S. Bannon, conseiller de Trump.
    En Allemagne l’acteur le plus important est Hans-Georg Maaßen: avocat , spécialiste du droit d’asile international, haut fonctionnaire chargé des migrants au ministère de l’intérieur jusqu’en 2012, nommé patron des services secret Allemand par le cabinet Merkel 2 (2009-13) poste qu’il a occupé jusqu’en 2018, candidat CDU à la députation en Thuringe en 2022, considéré en Allemagne comme antisémite, d’extrême droite et complotiste il est désormais surveillé par le BfV (les services secret qu’il a dirigé). Depuis 1 an, il préside le courant « Union des Valeurs » (WerteUnion) au sein de la CDU/CSU. Pour qui veut lire un traité d’espionnage politique, le long article que Wikipédia lui consacre est plus qu’instructif.
    Si, au sein de l’UE, la conscience confuse du danger monte, elle demeure confuse et tiraillée entre est et ouest, entre nord et sud.

  • Mein Kampf était « tombé dans le domaine public en 2016 », mais je crois aussi qu’il était surtout tombé dans l’oubli, et qu’il n’y avait pas une foule de lecteurs avides de le lire. Je ne vois pas trop l’intérêt de le ressusciter, en lui donnant une deuxième vie.

    Les arguments développés par Johann Chapoutot sur la nouvelle traduction en français de Mein Kampf dans son entretien avec la revue Études paru sur Youtube le 10 novembre 2021 m’ont convaincu : https://www.youtube.com/watch?v=P1xiYuIHyBg

    • Je crois que les propos repris dans mon billet apportent des élément de réponse, que nul n’est obligé de partager : d’une part il ne s’agit pas d’une simple réédition puisque le titre a été changé (Historiciser le mal) et que « l’appareil critique » fait un volume supérieur au texte d’Hitler lui-même. La seconde raison est que les initiateurs de cette réédition estiment que le phénomène éditorial et les idées véhiculées n’appartiennent hélas pas uniquement au passé mais doivent nous alerter sur le présent. C’est la raison de mon propre billet.

      • J’espère que vous avez lu l’interview du Pape à la TV suisse relaté par le Figaro
        Quand il dit « Quand vous voyez que vous êtes vaincu, » en s’adressant manifestement aux Ukrainiens ayez le courage de négocier…..
        La présidente estonienne lui a bien répondu elle qui sait ce que le régime russe soviètique apporte …..
        Il me fait honte ce pape !!! Il a un grave manque de culture historique

        • J’apprécie beaucoup l’homme que je trouve, personnellement, assez prophétique concernant l’avenir de l’Eglise. En revanche, comme vous, je déplore son aveuglement au plan géopolitique. Demander à un peuple de « négocier », c’est-à-dire en réalité de « se rendre » à l’agresseur me semble, en effet, incompréhensible, sinon indigne. Triste !

          Editorial d’Isabelle de Gaulmyn à la Une de la Croix de ce 12 mars :

          Quelle mouche a piqué le pape François ? En conseillant aux Ukrainiens de hisser le drapeau blanc, il intervient pour le moins à contretemps. Il est vrai que Bergoglio n’est pas un Occidental et que, dans les pays du Sud, le soutien aux Ukrainiens est loin de faire l’unanimité. Surtout, le pape plaide inlassablement pour la paix, depuis le début de son pontificat. Cela n’en fait pas un pro-Russe pour autant ! Simplement, il redoute les conséquences d’une guerre longue : villes en ruine, générations sacrifiées, armes lourdes dans la nature, sans parler des morts. Réfléchir à ce qu’il faut pour que le conflit cesse et à l’après-guerre n’est, au fond, que sagesse. Mais justement : si c’est pour donner raison au droit du plus fort, à celui qui trahit les conventions internationales et refuse d’écouter le souhait des peuples, ce n’est pas porteur de paix. Un de ses prédécesseurs, le pape Jean XXIII, l’a très bien écrit, en 1963, dans l’encyclique Pacem in terris : il n’y a pas de paix sans justice. À l’époque, il s’agissait de faire droit aux revendications des pays colonisés. Mais cela vaut aussi pour la guerre en Ukraine. La paix ne sera possible que si la Russie accepte une solution juste. C’est par là que le pape aurait pu commencer.

          • L’éditorial d’Isabelle de Gaulmyn est très juste.
            Cette interview de François était pour le moins maladroite, mais pour être juste, précisons que François appelait les deux pays, les russes et les ukrainiens, à négocier.
            Son propos s’étendait aussi au conflit entre Israël et le Hamas.

        • Les initiatives de paix du pape Benoît XV en 1917 lui ont valu d’être détesté en France, où on le traitait de « pape des boches ». Pourtant si on l’avait écouté, la guerre aurait été conclue de manière plus équilibrée, et l’Europe et le XXe siècle auraient été épargnés des défauts des traités de Versailles et de Trianon qui portaient en germe la seconde guerre mondiale.

          Donc peut-être devrions-nous écouter ce que dit le pape François pour préserver le XXI siècle d’un destin encore pire.

          • Refaire l’histoire, 100 ans plus tard! A l’époque « Pape des boches » a été choisi par l’anticlérical Clemenceau quand Leon Bloy fut plus fin: « Pilate 15 »! Il est vrai que l’Institution espérait que le droit divin protègerait les empires et les dynasties de la contagion républicaine. L’AF de Maurras l’avait bien compris en soutenant ce pape d’ancien régime. Il est raisonnable d’estimer que Ratti-Pie11 fit de même, en poursuivant la politique des concordats et en ressusciter un Etat du Pape au prix de graves renoncements. En voulant barrer le chemin au communisme, Pie11 et son secrétaire d’Etat ont pavé le chemin des puissances fascistes au moins autant que la rigueur des traités.

      • Il semble clair que l’esprit de domination, l’idée de « chef charismatique » est en pleine actualité au contraire et qu’un billet abordant ce sujet, via Mein Kampf, est d’autant plus nécessaire que F. Bergoglio invite l’Ukraine à hisser le drapeau blanc… en plein début de campagne électorale du parlement de l’UE! Cet « exploit » confirme les précédents quand lui et sa Curie ont craché sur le synode Allemand, pataugé dans les contradictions et hésitations sur des sujets comme : Afrique, bénédictions, genre -une théorie qu’il disent!- et alors leur synode général ne peut que couler. Inutile qu’il démissionne ce « derniers pape » -selon la fausse prophétie de Malachie- à moins qu’il soit un successeurs des gourous JP2, Pie12…. De toute manière, les gonds (cardinaux) seraient capables d’en élire un pire.
        Je viens de résilier l’abonnement familial à La Croix alors que l’inflexion de ligne éditoriale me semble avoir été enclenchée par l’arriver du lyonnais A. Allibert et ne conserve, comme lien avec le peu qui me semble rester fréquentable, au sein de l’Institution, Golias et, tant que René le pourra, son blog.

        • Ne soyons pas nous-mêmes excessifs même si chacun reste libre der ses analyses. Mais il est vrai que les contradictions de François interrogent. Je crois que ce qu’il a du mal à supporter dans le chemin synodal allemand est qu’il va « plus vite que la musique » vaticane. Ce synode sera-t-il un échec ? Je l’ignore. Pour moi, ce serait une catastrophe car je passe mon temps, dans mes conférences, à dire que j’y vois, à ce jour, la seule issue pour sortir l’Eglise de la crise. Mais j’ai souvent écrit, sur ce blog, combien je restais dubitatif sur la mise en œuvre de ses conclusions dans un contexte ecclésial où évêques et prêtres semblent rester branchés sur la fréquence Jean-Paul II – Benoît VI.

          J’en ai eu une illustration, hier encore, lundi 11 septembre. Je m’étais inscrit pour le webinaire (séminaire via internet) organisé par l’Institut catholique de Paris. 240 personnes étaient au rendez-vous. Le premier d’une série sur le synode qui avait pour thème la question de la place des femmes dans l’Eglise. Après deux interventions d’Anne-Marie Pelletier et d’un prêtre théologien, nous nous sommes retrouvés en « six-six » dans des salons privés (numériques) à pouvoir échanger avec d’autres. Il y avait là une dame d’origine africaine du diocèse d’Aix, un monsieur d’une paroisse de Paris, un couple du diocèse de Poitiers dont le mari était diacre… J’ai retenu de leurs témoignages la « montée », en réalité déjà ancienne, d’un néo-cléricalisme nourri par les exigences d’une bourgeoisie catholique qui fournit à l’Eglise : ses fidèles, ses vocations et son argent.

          Anecdote citée par le prêtre théologien à la reprise de la séance plénière : une dame, dans une paroisse, qui se propose de faire une lecture à la messe dominicale, se voit interrogée par le curé « êtes-vous en période de règles ? ». Oui, on en est encore là… parfois ! Alors, de fait, j’ai ârfois l’impression que le salut viendra des « laïcs en résistance »… s’ils sont encore là !

          • Ah les laïcs bien-pensants qui ont pignon sur sacristie et qui se croyaient prophètes en voulant tout régenter dans l’Eglise et qui ont fait tant de mal, notamment dans les années 70…
            Le cléricalisme des laïcs est souvent bien pire que celui des clercs !

          • Laissons aux historiens le soin de trancher. Il y a du vrai dans ce que vous écrivez, bien sûr. Mais je ne suis guère rassuré du retour de balancier dont je suis chaque jour témoin…

  • (Suite aux échanges se référant à l’entretien de François à la télévision suisse RSI, dans lequel le pape semblait appeler les Ukrainiens à hisser le « drapeau blanc » pour négocier avec la Russie)

    Souvenons-nous qu’au retour du voyage au Kazakhstan (sept 2022) le pape François avait signifié combien il admirait le patriotisme des soldats ukrainiens : « se défendre est non seulement licite mais c’est aussi une expression d’amour de la patrie. Qui ne se défend pas, n’aime pas, mais qui défend, aime « . Aussi Cyprien Viet entrevoit, suite à son appel récent pour la paix en Ukraine qui a déstabilisé le peuple ukrainien, plutôt « le signe d’une répartition des rôles entre un pape assumant un rôle de « prophète incompris » qui tente de parler à toutes les parties et de réveiller les consciences par des appels provocateurs, et une secrétairerie d’État appelée à temporiser en jouant la carte du réalisme politique » ( https://fr.aleteia.org/2024/03/13/le-pape-francois-croit-il-en-la-guerre-juste/). En effet, comment le pape, qui a une vision planétaire, ne pourrait-il pas redouter la logique de guerre totale contre les civils, voire une logique d’extermination réciproque (pensons au conflit entre Israël et le Hamas qui se répercute sur toute la Palestine) et un risque de guerre nucléaire désormais, envisagé froidement par plusieurs Etats, dans un monde qui jamais n’a été aussi tragiquement en tension depuis la fin de la seconde guerre mondiale ? N’oublions-nous pas trop vite que ce pape porte dans sa chair et sa prière tous les lieux de notre monde ensanglantés par des conflits et des guerres (https://www.vaticannews.va/fr/pape/news/2024-03/la-11eme-annee-du-pontificat-du-pape.html?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=NewsletterVN-FR) ?
    Comme Véronique Margron (édito RCF du 11/06/23) JAMAIS, je n’oublierai cette image prophétique du 27 mars 2020 :  » l’image la plus saisissante et bouleversante pour toute la planète, de la présence juste de l’Église durant le dur confinement dû au Covid, où un homme seul, sous une pluie battante, prie et supplie pour le monde meurtri, devant la place Saint-Pierre ».

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