Vatican : la “révolution culturelle“ selon François

Vatican : la “révolution culturelle“ selon François

Et si Christoph Théobald finissait par nous rendre optimistes sur l’issue du Synode… 

(Cet article a été repris et partagé le 30 janvier sur la lettre Notre Pain quotidien du p. Jean-Pierre Roche. Qu’il en soit remercié.)

Il est, pour chacun de nous, des livres qui font date parce qu’ils nous font entrer dans une autre dimension de la réflexion sur des sujets qui nous importent. C’est ce qui vient de m’arriver avec « Un nouveau concile qui ne dit pas son nom ? » (1) du théologien jésuite franco-allemand Christoph Théobald. L’ouvrage documente l‘enracinement de la synodalité dans la Tradition de l’Eglise. Il décrit et argumente l’élargissement opéré par le pape François : de la collégialité épiscopale chère à Vatican II à la synodalité de l’ensemble du Peuple du Dieu, conforme à l’esprit du Concile. Mais surtout il finit par nous convaincre que ce pourrait être là l’entrée du Catholicisme dans une nouvelle ère « messianique » de son histoire. Et que cette évidence finira par s’imposer contre toutes les réticences, notamment ecclésiastiques. A lire, d’urgence ! 

Christoph Théobald, qui est l’un de nos meilleurs théologiens, a participé, comme expert, à la première Assemblée qui s’est tenue à Rome au mois d’octobre 2023. Il l’a donc vécue de l’intérieur après en avoir observé et analysé les phases préparatoires. Son livre nous remet en mémoire les jalons essentiels de ce Synode sur la synodalité : sa convocation officielle par le pape François le 10 octobre 2021, les différentes étapes : paroissiales, diocésaines, nationales puis continentales de la consultation préalable, jusqu’à la tenue de la première session. Il souligne les traits majeurs, parfois convergents, parfois divergents, des différents textes de synthèses issus des Eglises de tous les pays et continents, fidèlement assumés dans les documents officiels comme l’Instrumentum laboris. Mais surtout, il met sa riche culture théologique et historique au service d’une mise en contexte et en perspective de ce synode. Et c’est là qu’il devient passionnant.

Le synode « nouveau » comme mise en œuvre du Concile

Ce n’est pas un hasard si l’auteur ouvre son premier chapitre sur le rappel des propos du cardinal Martini, archevêque de Milan aujourd’hui disparu, lors du Synode sur l’Europe de 1999. Evoquant dans son intervention « des nœuds disciplinaires et doctrinaux peu évoqués ces jours-ci… » il en avait appelé, publiquement, à l’urgence d’un nouveau concile. On sait que Vatican II naquit de la perception par le « bon » pape Jean XXIII de la nécessité d’un “aggiornamento“ (mise à jour) de l’Eglise catholique pour tenter de combler un peu du fossé qui s’était creusé avec le monde moderne. Or, dans l’esprit même du Concile, cet aggiornamento ne pouvait être tenu pour terminé à la clôture de ses travaux. C’est la raison pour laquelle Paul VI avait, dès 1965, institué le Synode des évêques. Avec les limites que l’on sait et que souligne – trente-cinq ans plus tard à peine – la proposition de nouveau Concile du cardinal Martini. Aujourd’hui, rapporte Christophe Théobald, la Commission théologique internationale interprète la synodalité selon le pape François comme une invitation à franchir le « seuil d’un nouveau départ… dans les traces du Concile Vatican II. » (2)

En réponse à nombre d’objections formulées, ici et là, notamment dans le milieu ecclésiastique et reprises par certains fidèles, le livre insiste sur l’inscription de la pratique synodale dans la Tradition. « Depuis les débuts de l’Eglise et des Assemblées de Jérusalem, écrit-il, la voie synodale est la seule qui a toujours permis de « régler les conflits ». C’est bien en effet l’Assemblée de Jérusalem, en présence des deux “piliers“ de l’Eglise naissante qu’étaient Pierre et Paul, qui décida de ne pas imposer la circoncision aux convertis venus du paganisme. On lit dans les Actes des Apôtres : « D’accord avec toute l’Eglise, les apôtres et les anciens décidèrent alors… » (Act.15, 22) Il y a donc bien eu “discernement“ collectif… de toute l’Eglise ! 

Dans la foi, le peuple de Dieu est infaillible 

Christoph Théobald souligne que le retour à cette pratique originelle constitue l’innovation majeure introduite par le pape François dans le dispositif plus restreint institué par Paul VI. On passe d’une synodalité réservée aux seuls évêques, au titre de la collégialité, à une synodalité de l’ensemble du Peuple de Dieu, comme à l’origine. Et cela aussi bien dans la phase de consultation initiale (questionnaire mondial) que dans le discernement final puisque l’Assemblée a été élargie à soixante-dix non évêques. Ce « glissement », commente le théologien, est parfaitement conforme aux textes conciliaires qui reconnaissent « l’infaillibilité dans la foi » de l’ensemble des baptisés. (LG 12) Même si dans l’Eglise, la décision finale reste de type hiérarchique, comme, semble-t-il, lors de l’Assemblée de Jérusalem.

La synodalité comme mode de régulation de la vie en Eglise 

Autre caractéristique de l’évolution introduite par le pape François : passer d’un synode – qu’il soit diocésain, national, continental ou universel – conçu comme “événement“ ponctuel, convoqué de loin en loin par l’autorité légitime, à la synodalité comme “processus“ habituel de délibération et de discernement dans la vie ecclésiale. Ce qui faisait dire au cardinal Hollerich, secrétaire général du Synode, dans une conférence de novembre dernier : « La synodalité commencera en paroisse ou elle ne sera pas. » (3) C’est là, d’évidence, le premier lieu où, de manière régulière, les fidèles et les clercs peuvent, dans une égale dignité baptismale, apprendre à s’écouter, faire relecture de ce qu’ils ont vécu, décider ce qui est souhaitable pour la communauté et discerner parmi eux comment chacun, en fonction des charismes qui lui sont reconnus, peut y aider. 

Cette volonté de partir de la vie, donc de réalités culturelles différentes, à tous les échelons : paroisses, diocèses, églises par pays ou continents… n’est pas sans conséquence. Elle ouvre à la possibilité de réponses différentes selon les besoins des uns et des autres. Ce qui ébranle d’évidence le centralisme romain. Christoph Théobald commente : « Ce qui est en jeu c’est la difficile sortie d’une uniformisation post-Grégorienne ( à partir du XI siècle) et surtout “coloniale“ de l’Eglise latine, et le passage à sa différenciation géographique et culturelle. » C’est de fait tout l’enjeu d’un « synode sur la synodalité » dont François attend d’abord, plus que des réponses à telle ou telle question ponctuelle (célibat sacerdotal, place des femmes dans l’Eglise…) qu’il valide le principe d’une plus large autonomie des Eglises particulières pour mieux répondre aux besoins, et en précise les modalités. (4) Pour Christoph Théobald, nul doute : « La synodalisation de l’Eglise est une véritable “révolution culturelle ». 

Un synode qui! ne gomme aucune des « questions qui fâchent »

Difficile d’entrer ici dans une présentation exhaustive de l’ouvrage. Disons encore que Christoph Théobald ne tait aucune des interrogations et réticences suscitées par ce processus, nourries de la crainte, légitime, d’une mise en danger de l’Unité de l’Eglise voire même de l’intégrité du dépôt de la foi. Mais il souligne combien la conscience vive de ces « risques » traverse les documents préparatoires du synode eux-mêmes qui ont choisi de n’éluder aucune des « questions qui fâchent ». Y compris les conséquences possibles d’avancées pastorales pouvant interroger les fondements de la doctrine. Jamais, sans doute, l’institution elle-même ne s’était aussi ouvertement « mise en danger » en acceptant de tout mettre sur la table. Non pour se fragiliser ou pour « détruire l’Eglise » comme on l’entend ici ou là, mais au contraire en faisant le pari qu’éclairé par l’Esprit Saint le « peuple de Dieu » réuni autour de ses pasteurs, saura dépasser ses divisions et trouver des chemins d’avenir. « La synodalité est le chemin que Dieu attend de l’Eglise au troisième millénaire » disait déjà le pape François en 2015 dans son discours pour les 50 ans de l’institution synodale.

Former partout dans l’Eglise à la « conversation dans l’Esprit. »

Dès lors la manière de dépasser de possibles dissensions pour parvenir à un consensus, même provisoire au regard de la « longue marche » de l’Eglise, réside dans la « conversation dans l’Esprit » comme méthode de travail. C’est elle, nous rappelle le théologien, qui a prévalu aux différentes étapes du processus synodal. Comme à Rome où l’on a vu, par exemple, siéger à la même table de huit personnes (il y en avait une cinquantaine) : une jeune femme et un cardinal de Curie, à égalité de temps de parole. Chacun s’exprimant successivement puis évoquant, lors d’un second tour, ce qu’il avait retenu de positif dans les interventions des autres, avant que ne s’engage un débat destiné à construire une position commune. Bref : la mise en œuvre d’un processus de conversion personnelle ouvrant sur la conscience commune des réformes à engager. Le décompte des votes de l’Assemblée d’octobre indique que la plupart des 273 scrutins ont été acquis à des majorités supérieures à 95% de participants : cardinaux, évêques et non-évêques, clercs et laïcs, hommes et femmes, venus des cinq continents.

Sauf que l’expérience de 370 délégués réunis à Rome autour du pape, si riche soit-elle, n‘est pas immédiatement transmissible à 1,3 milliards de catholiques à travers le monde, s’ils ne font pas eux-mêmes l‘expérience de cette « synodalité ». D’où l’urgence paroissiale soulignée plus haut. Cette évidence conduit l’auteur à s’avouer incertain sur l’issue finale du Synode, compte tenu des réticences rencontrées. Et pourtant sa conviction semble bien assurée : « Ce n’est qu’en prenant au sérieux les résistances de divers niveaux (…) qu’on peut espérer que l’actuel processus synodal se transforme en voie de pacification, voire de réconciliation et de créativité au service de la présence missionnaire de l’Eglise dans nos sociétés et sur notre planète. » Et plus loin : « L’actuel processus synodal nous offre l’occasion inattendue (un Kaïros) de sortir d’une répétition stérile de ces oppositions.» 

Pour un « messianisme chrétien » renouvelé ?

Mais le livre de Christoph Théobald nous invite à aller plus loin encore dans la réflexion. Pour lui, il existe deux lectures possibles de la synodalité dans l’Eglise. « Soit elle s’inscrit – pour faire bref, comme une concession – dans la structure hiérarchique de l’Eglise qui domine le deuxième millénaire de son histoire, soit elle devient la base d’une nouvelle figure de l’ecclésialité chrétienne et catholique ajustée à notre contexte. » Or le contexte est précisément celui que François décrit comme un “Changement d’époque“ dont Vatican II n’a pas totalement pris la mesure, du moins dans sa mise en œuvre. Par incapacité à clarifier ou dépasser la distinction entre « pouvoir sacré » et « statut séculier », incapacité à s’ouvrir à un “messianisme chrétien“ de totale altérité vis-à-vis “de l’autre et de tous les autres“, autrement-croyants, qu’ils soient juifs, adeptes d’autres religions ou athées. Si la synodalité est invitation à “marcher ensemble“ c’est bien, in fine, à l’ensemble de l’humanité que s’adresse la proposition, invitation étant faite à chacun, quelles que soient ses convictions, d’entrer en dialogue, de prendre le temps de la rencontre, de l’écoute et du discernement au service de tous et de l’avenir de notre “maison commune : la terre. Quitte, pour le chrétien, à confesser en chemin Celui qui le fait vivre. Car c’est bien là la vocation ultime d’une Eglise dont nul ne connaît les contours… 

De l’inquiétude à l’espérance…

Que l’on me permette ici un ultime développement personnel. J’ai retrouvé, avec ce livre, l’émotion qui m’a saisi à vingt ans, à la lecture des premiers textes du Concile publiés par les éditions du Centurion, comme à l’été 2013, à celle de l’interview du pape François aux revues jésuites (5). J’y avais consacré un billet de ce blog titré : « Comme une lettre reçue quarante-cinq ans après », allusion à la clôture d’un Concile dont, avec d’autres, je me sentais orphelin. Or voilà que Christoph Théobald nourrit ici ma certitude que le pontificat de François est bien à lire comme dépassement de « la lettre » de Vatican II et inscription dans la fidélité du meilleur de l’Esprit qui le portait. Il cite cette phrase du bénédictin Ghislain Lafont : « Ma conviction est qu’avec Vatican II ce n’est pas d’une nouvelle réforme qu’il s’agit mais d’une nouvelle étape de l’histoire de l’Eglise qui a commencé. » 

Ceux qui lisent ce blog régulièrement savent combien mon adhésion au processus synodal engagé par le pape François s’accompagne depuis le début d’une réelle inquiétude. Elle porte pour une part sur l’inconnu des propositions qui seront formulées, à l’automne prochain, au terme de la seconde session de l’Assemblée synodale. Elle porte aussi sur les conclusions qu’en retiendra le pape François dans son exhortation apostolique qui aura, dès lors, valeur magistérielle. 

A dire vrai, mon inquiétude porte surtout sur la manière dont ce synode sera « reçu » au sens d’accepté, compris et loyalement mis en œuvre. Elle se nourrit du peu d’empressement perçu chez nombre de nos évêques et plus encore dans une frange non négligeable du clergé, souvent jeune, comme l’ont relevé bien des observateurs, en France et dans d’autres pays. Le paradoxe, dit avec des mots dont j’assume la subjectivité et peut-être l’injustice, étant de sentir l’action prophétique d’un pape possiblement freinée par des clercs nostalgiques d’une autre vision de l’Eglise, plus traditionnelle, proche d’un catholicisme identitaire voire simplement patrimonial. Ce pressentiment, chez moi, vient de loin. En 2018 je titrais déjà un article de ce blog : Le pape François sera-t-il le Gorbatchev de l’Eglise catholique ? c’est-à-dire plus admiré à l’extérieur qu’écouté parmi les fidèles. La question, pour moi, reste posée, tant sont nombreux ceux qui persistent à considérer que François n’aura été qu’un “mauvais moment à passer » avant de retrouver l’Eglise “de toujours“ bien assurée dans le sentiment de détentenir – et elle seule – l’unique Vérité. Au regard d’une succession qui finira bien par arriver, je redoute moins un éventuel retour de balancier qu’une désobéissance généralisée. Pardon pour ceux que ce propos pourrait heurter.

Mon sentiment – ma crainte – était que la déception et le découragement de certains ne soient alors proportionnés à l’espérance nourrie en eux par le pontificat de Jorge Mario Bergoglio. Avec pour conséquence qu’ils prennent, après bien d’autres, le chemin d’un exil sans retour. J’en étais là il y a huit jours encore en ouvrant le livre de Christoph Théobald. J’ai trouvé à sa lecture un tel réconfort, une telle conviction que la vision de François était réellement prophétique pour faire entrer le catholicisme dans une ère nouvelle, qu’une forme de peur s’est dissipée. Parce que m’est apparue l’alternative possible à l’exil. Celle de communautés de croyants mettant en œuvre cette ecclésiologie “comme des grands“,  avec ou sans leurs prêtres et leurs évêques, sans rien demander à personne mais en espérant tout ! « il faut même qu’il y ait des scissions parmi vous, écrivait Saint-Paul, afin qu’on voie ceux d’entre vous qui résistent à cette épreuve. »  (1, Cor 11,19). 

  1. Christoph Théobald, Un nouveau concile qui ne dit pas son nom ? » Ed. Salvator, 2023, 192 p., 18 €.
  2. Commission théologique internationale, La synodalité dans la vie et la mission de l’Eglise. 1918. n°9. Texte consultable sur les site du Vatican. 
  3. Cardinal Hollereich, Conférence 15 novembre 2023 à Arlon (Belgique) Cathobel
  4. Comment ne pas projeter cette grille de lecture sur la tourmente présente autour de Fiducia supplicans ?
  5. Interview reprise dans le livre : l’Eglise que j’espère. Flammarion/Etudes 2013, 240 p.

POST SCRIPTUM

Le 4 décembre dernier je titrais un billet de ce blog « Convertissez votre curé à la synodalité ». Mission accomplie. Sans grande difficulté en réalité. Je me suis vu personnellement invité par mon curé, avec l’aval de l’Equipe d’Animation Pastorale, à plancher pendant trois dimanches, en lieu et place de l’homélie, sur la synodalité, dans les deux lieux de culte de notre paroisse du Val-de-Marne. J’ai opté pour un découpage en trois temps : la synodalité comme mise en œuvre “élargie“ de la collégialité et du prolongement de l’aggiornamento de Vatican II ; le synode actuel sur la synodalité : ce qu’il faut en comprendre et en attendre ; la synodalité dans notre communauté paroissiale puisque, selon les propos du cardinal Hollerich « La synodalité sera paroissiale ou ne sera pas. » Comme quoi, avec un peu de bonne volonté mutuelle et d’intuition synodale les choses peuvent avancer ! 

39 comments

  • Il est certain qu’une nouvelle étape de l’Histoire de l’Église est en train de s’écrire… À chaque Chrétien de l’écrire, en se plaçant avant tout à l’écoute et au service de son prochain, plutôt que de tenter d’imposer ses propres idées toutes faites. La Synodalité, à l’échelon local, sera un condition sine qua non du fonctionnement de l’église, voilà pourquoi il ne faudra pas s’attendre à des « résultats » au sens figé du terme, mais plutôt à un mode de fonctionnement, une dynamique, qui sera différente de la pure verticalité hiérarchique qui a été le mode de fonctionnement de l’église pendant plus de mille ans, quand le vulgum pecus n’avais pas accès de lui-même à la connaissance historique, théologique, etc.
    …Même si certains dans l’église considèrent que la démocratie est un gros mot, c’est pourtant bien d’introduire dans le fonctionnement normal plus de démocratie et de subsidiarité qu’il s’agit, s’agissant de l’organisation de l’Église (même s’il ne s’agit pas QUE de cela : ça n’exclut pas une organisation, ni des sacrements, de la prière, de l’action de l’Esprit Saint, et… un sain – et saint – discernement !).

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  • Pour ma part, je n’ai aucune opinion. Comment oublier que depuis presque un siècle, l’Eglise navigue dans l’espoir d’une rechristianisation européenne ou d’un « redressement » pour faire simple : « Rerum novarum » et « Au milieu des sollicitudes » (le Ralliement à la République en 1892 pour rechristianiser les institutions et la société françaises) avec Léon XIII (un échec total), « l’espoir » de la manière forte avec Pie X (une Eglise réunie contre l’hydre moderniste !), l’Action catholique avec Pie XI, le modèle du régime autoritaire et de l’Etat chrétien avec Pie XII, enfin l’aggiornamento (surtout ne pas parler de « Réforme » !) et le concile Vatican II avec Jean XXIII, la nouvelle évangélisation de « saint » JP II, etc etc…. Je me contente donc de lire les titres du journal la Croix excellent thermomètre au jour le jour d’une désaffiliation générale en cours en Europe : dernière nouvelle, en Suisse les personnes qui se définissent comme sans religion deviennent formellement le groupe majoritaire 34% contre 32% de catholiques. Ceci dit ça ne me dérange pas d’observer la forteresse de l’intérieur et de scruter avec ses occupants qui espèrent ce que je vois maintenant comme le désert des tartares.

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  • Grand merci pour ce beau et bon partage qui montre que tu es animé, cher René, par l’amour de l’Eglise. Merci à Christophe Théobald d’élargir et d’approfondir la vision. Ça rejoint ce qui n’était à mon niveau qu’une intuition. En grand capitaine, François dégage le chemin de l’Eglise. Il doit rouler sur les nouveaux Zelanti, ceux qui supprimaient les becs de gaz à Rome parce qu’ils avaient été installés par les révolutionnaires français. Comme eux, ces cardinaux, évêques et prêtres ne supportent pas que la cabane du charbonnier soit désormais éclairée à l’électricité et équipée de connections informatiques. Ils veulent que l’Eglise continue d’être la voiture à pédales de leur enfance où ils imitaient le bruit du moteur avec leur bouche. Pour eux, si l’Eglise doit avoir des phares, c’est à l’arrière qu’il faut les mettre et, comme c’est dangereux, ils suppriment l’accélérateur. On trouve parmi eux des plus rétrogrades encore qui rêvent de remettre en service le musée des carrosses ! Avec François les moteurs vrombissent. Ils ont raison d’avoir peur : leurs grandes robes et leurs traînes vont les faire écraser lors du départ de la course. On les enterrera et l’Eglise, la grande, ayant demandé pardon pour ses fautes et les ayant expiées, en rétablissant la justice pour ses victimes, pourra poursuivre sa route jusqu’à la fin du monde. De profundis pour le monde déjà mort et Te Deum pour celui qui vient.

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    • « Ça rejoint ce qui n’était à mon niveau qu’une intuition. » écrivez-vous, cher Pierre. (je ne sais plus si on se tutoie). J’aurais pu écrire la même phrase. Le mérite , pour moi, essentiel du livre de Théoabld est d’avoir précisément structuré, documenté, argumenté et finalement conforté ce qui était en moi une intuition, profonde, sans doute nourries de lectures antérieures dont aucune ne m’avait fait un tel effet de complétude.

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  • je lis dans la recension du livre de Theobald sur la révolution culturelle de Vatican II : infaillibilité dans la foi » de l’ensemble des baptisés. (LG 12) Même si dans l’Eglise, la décision finale reste de type hiérarchique, comme, semble-t-il, lors de l’Assemblée de Jérusalem ».
    C’est contradictoire : infaillibilité du peuple mais contredite éventuellement par le dernier mot laissé à la hiérarchie.
    Langage pipé du cléricalisme.
    Avec mes excuses

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    • Ne vous excusez pas. Vous pouvez rêver pour l’Eglise d’un régime démocratique qui a pour le moins ses limites. Mais relisez la citation que je donne des Actes sur l’Assemblée de Jérusalem : « D’accord avec toute l’Eglise, les apôtres et les anciens décidèrent alors… » (Act.15, 22) Il y a donc bien eu “discernement“ collectif… en Eglise et décision de ceux-là seuls que l’Eglise s’était donnée pour chefs.

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      • Précisément, René, j’avais tiqué sur ce passage :
        « On lit dans les Actes des Apôtres : « D’accord avec toute l’Eglise, les apôtres et les anciens décidèrent alors… » (Act.15, 22) Il y a donc bien eu “discernement“ collectif… de toute l’Eglise ! »
        Les apôtres, cela concerne leurs successeurs, les évêques
        Les anciens, ce sont les presbytres, autrement dit les prêtres.
        D’où tirez-vous que cela concerne au Concile de Jérusalem « toute l’Eglise » ?

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        • Vous avez raison. Il faudrait que je reprenne le livre de Théoabld. Mais c’est dans le même chapitre des Actes. Et cela n’enlève rien à la signification de la phrase, qu’elle concerne la circoncision ou, comme le texte l’indique, l’envoi de membres de la communauté à Anioche « Alors les apôtres et les Anciens, d’accord avec l’Eglise toute entière, décidèrent… » Il y a donc bien délitération synodale précédant la décision…

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          • A René
            Oui surtout que concernant les presbytres ou anciens , il ne s’agit pas de prêtres au sens (sacerdos) que on lui confère aujourd’hui .
            iI n’y avait à cette époque pas de prêtres (sacrificateurs ) dans le christianisme . ii y avait les anciens qui présidaient souvent le repas du seigneur, les diacres ou serviteurs et un peu plus tard les épiscopes (surveillent ) qui veillaient sur les dérives éventuelles des communautés .Le christianisme des trois premiers siècles ignore la notion de sacerdos et sa dimension sacrificielle . Elle ne sera valorisée voire survalorisée que plus tard

      • Michel, René. M’interrogeant aussi sur ce verset 22 du chapitre 15 des actes, ait pioché en divers endroits et trop rapidement dans « Après Jésus – L’invention du christianisme » (2022, Albin Michel) sous la direction de Roselyne Dupont-Roc et Antoine Guggenheim.
        La partie 1 de cette encyclopédie « Des racines et des textes » montre que c’est au biberon romano-grec (grec pour la pensée, romain pour l’organisation politique) que la chrétienté, bercée dans le sein de la religion des fils de Moïse, a pris conscience d’elle-même, ses premiers et ses premières gammes. Cette chrétienté naissante s’est conçue comme une religion à l’image de celle de l’empire: un pouvoir au sens romain du terme. C’est en confrontant sa balbutiante révélation au gboubi-boulga de mythes de cultes et d’idéaux philosophiques issus des peuples et contrées intégrés à l’empire depuis le 2d siècle avant notre ère et romanisés, ou en cours de romanisation, que la chrétienté s’est pensée au cours des deux premiers siècles, qu’elle a ébauché sa théologie et ses cultes, et a conquis une place reconnue par l’Agora, avant d’être adoubée par le Pontifex Maximus, devenant ainsi religion officielle. Dans le même temps, les esquisses des écrits chrétiens de la fin du 1er siècle ont été peaufinées, sont devenus plus solide face aux contradicteurs puis ont été « canonisés » à la fin du 4ème siècle. Il y eut encore des modifications altérations et ajouts postérieurs.
        La partie 2, « Querelles d’héritage », traite entre autre de l’assemblée de Jérusalem, de Jacques frère de Jésus et des Actes des apôtres. Du texte de Roselyne Dupont-Roc « L’assemblée de Jérusalem, accord ou discorde? » ressort que Actes est un texte particulièrement ardus: nombre d’auteurs inconnus y ont mis la main, Actes comporte des contradictions par rapport en particulier à Paul. C’est aussi, en plus soft, ce qu’indique Raymond E. Brown dans « Que sait-on du Nouveau Testament (Bayard, 1997). L’historicité de cette assemblée est douteuse ce qui confirme à mes yeux à quel point le « système » (pouvoir) fonctionne avec un cliquet: un débat une fois clôt est scellé, ne peut plus être rouvert. Accessoirement, cette assemblée concerne aussi la question « qui de Pierre ou de Jacques (frère de Jésus) était considéré par les première communautés comme le patron? ».

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  • Le vieux principe de gouvernance de Cyprien de Carthage  » Quod omnes tangit ab omnibus tractari et approbari débet » (ce qui concerne tout le monde doit être débattu et approuvé par tout le monde ) reviendrait il à la mode ?
    On ne peut pas lui reprocher de ne pas être fondé sur la tradition de l’Eglise ., tradition opportunément oubliée depuis de nombreux siècles (la mémoire de la tradition est bien sélective )
    Mais cela reste un principe, ses modalités concrètes de mise en oeuvre peuvent faire l’objet de débats et n’impliquent pas obligatoirement d’adopter le modèle de démocratie représentative que nous connaissons au plan politique .

    Avant de rejeter , comme incompatible avec la nature même de l’église la démocratie représentative et/ou participative , encore faudrait il s’atteler sérieusement à un travail de réflexion et de proposition sur la gouvernance de l’Eglise dont la finalité reste la capacité à fabriquer des consensus tant en interne du sytème clérical que vis à vis des fidèles .
    Quoi que l’on pense de la gouvernance actuelle , force est de constater qu’elle est incapable de faire l’unité . La bronca des évêques vis à vis du pape ( Fiducia Supplicans) et la désaffection de nombreux fidèles en fournissent des preuves suffisantes

    Sur la base de ce constat, le pape François , dans la faible marge de manoeuvre qui est la sienne a instauré la méthode synodale .
    Si c’est une méthode efficace pour améliorer l’écoute réciproque , et poser un diagnostic je doute qu’elle soit l’outil adéquat à même de construire un consensus et une unité qui ne préexiste pas qu’il ne s’agit pas de retrouver et qu’il faut sans cesse bâtir .
    L’analyse du document intermédiaire du synode et le flou qui en ressort concernant les propositions ont conforté mon analyse .
    C Théobald s’est réjoui à juste titre que le synode ait permis que l’on évoque sans apriori ni excommunications préalables les questions controversées .Il y voit une avancée significative dans l’évolution de l’église . Mais il minore le facteur temps car les évolutions en matière de décisions seront longues à venir et le malade risque d’être mort avant d’être guéri .
    Si le document synodal admet qu’il faut se poser la question de la déconnexion des pouvoirs d’ordre et de juridiction des évêques il n’en tire aucune conclusion ni proposition susceptibles de fournir du grain à moudre sur l’évolution de la gouvernance .

    C’est ce chantier qui a des dimensions culturelles plus importantes que ses aspects théologiques qu’il est important et urgent d’ouvrir .
    Qui le veut vraiment ? et ceux qui le veulent ont ils les moyens de le faire ?

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  • La Croix de ce matin nous introduit dans les bureaux de la cité du Vatican. « On » y serait tout étonné de la réaction de l’épiscopat africain sur FS. « Une grosse surprise ». On lit le plus important au début de l’article en partie caché pour les non abonnés : la confidence vient d’ « Un acteur sonné qui n’hésite pas à parler d’acte de rébellion ». C’est du off bien sûr. La rédaction du journal précise alors parfaitement l’enjeu dans le chapeau de l’article : A Rome, « On prend subitement (sic) conscience de l’importance démographique du catholicisme africain ». Que peut-on conclure en effet de ce type de confidence recueillie sur place par les journalistes sur la poursuite de « Ce nouveau concile qui ne dit pas son nom ? ». Un veto, un enlisement ? Ce qui semble certain, c’est qu’ici en Europe, le « troisième homme » (F. Roustang) ne veut pas être croyant à l’africaine sur tous ces sujets de l’intime.

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  • Inutile de s’étriper sur FS : le constat général d’un effondrement est fait chaque jour par le journal la Croix. (Impressionnant). Aujourd’hui, les communautés religieuses féminines : « Le monde des bonnes sœurs c’est fini ». « Les chiffres sont spectaculaires ». La moyenne d’âge ne laisse tout simplement pas d’espoir, etc. etc. C’est à l’image de toute l’Eglise en Europe (l’Afrique on ne sait pas vraiment ce qu’il s’y passe). Les désaffiliations sont générales et convergentes. Les « réalistes » sont bien obligés de constater qu’il faut faire quelque chose : ce sera donc la démarche synodale. Ce concile qui ne dit pas son nom prend objectivement les allures d’un syndic de faillite. Pour le reste : communautés nouvelles, clergé Saint-Martin et autres spiritualités de choc, ce n’est que l’épaisseur du trait. ça ne change rien… Et pourtant « le troisième homme » est bien là qui observe de loin.

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  • Le « troisième homme » est celui décrit en 1966 au lendemain du Concile par François Roustang (1923-2016) dans la revue jésuite Christus en 1966 qui lui vaudra un renvoi de la direction de la revue (assurée avec Michel de Certeau) et qui provoquera finalement son départ de la Compagnie de Jésus. Une perspicacité qui provoqua des remous au sein de l’institution qui fit preuve d’aveuglement et d’autoritarisme une fois de plus !! (la raison pour laquelle « le concile qui ne dit pas son nom » aujourd’hui me laisse de marbre) : voir chez Odile Jacob (« Le troisième homme. Entre rupture personnelle et crise catholique ») la réédition (2019) de cet article, les commentaires de sa fille et la mise en perspective par les historiens et notamment l’article de Danièle Hervieu-Léger qui ouvre bien le sujet des croyants non affiliés. J’appartiens à cette catégorie sortie de l’Eglise et sans aucun pratique depuis 37 ans.

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    • On peut ne pas se sentir personnellement concerné par un « concile qui ne dit pas son nom » si on a choisi de quitter l’Eglise. Mais je persiste à penser, contre d’autres il est vrai, qu’observer la tentative et tenter d’en analyser les causes et les issues possibles n'(est pas sans intérêt. Sans compter que si l’on se dit croyant non-affilié ( croyance sans appartenance) ce sont quand même des co-croyants qui sont engagés dans l’aventure. Apparemment ceux qui sont le plus en recherche d’une rupture avec un univers clérical… Et ça ne vous intéresse pas…

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    • Merci à « M » pour ce « troisième homme ». Voilà qui confirme que c’est bien P6 qui a commencé le sabotage du concile, poursuivi avec ardeur par JP2 et maintenu par B16. C’est bien la première fois que je trouve exprimé si clairement mon malaise quand je songe à la manière dont l’Eglise s’est transformée sous mes yeux en « l’Institution » et même « le système » (référence aux prêtres ouvriers des années 40 du siècle dernier).

      Ce qui suit reprend une partie du bref texte paru dans Christus d’avril 1919 sur « l’affaire du troisième homme »: https://www.revue-christus.com/lire-et-mediter/questions-spirituelles/le-troisieme-homme-de-francois-roustang/4932« .
      L’article le troisième homme » paru en 10/1966 dans Christus, n°52, provoqua un séisme dans la Compagnie de Jésus jusqu’au sommet de l’Église. Roustang fut démis de la codirection de la revue et quitta la Compagnie. Le n°52 ayant été immédiatement déclaré épuisé, des quotidiens comme Le Monde et France Soir s’en émurent alors que le concile venait, en principe, de faire entrer l’Église dans la modernité. Ce 3ème homme en train d’apparaître ne se reconnaît ni dans ceux qui regrettent le passé ni dans ceux qui veulent une adaptation des institutions; il quitte sur la pointe des pieds une Église trop éloignée de ce qui oriente ses choix et gouverne sa vie. Danièle Hervieu-Léger estime que « Le troisième homme » diagnostique ce qui s’affirmera massivement à partir des années 1970 : « l’évaporation des engagés » qui ne trouvent pas dans l’Église les ressources et les appuis crédibles face à « un monde qui bascule ».

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  • René Poujol : Je m’intéresse à ce concile qui ne dit pas son nom avec détachement (probablement d’ailleurs comme la plupart des pratiquants -relativement âgés – qui en ont vu d’autres). Je n’ai pas lu le livre de Christoph Théobald mais par exemple celui de Bénédicte Sère sur « L’invention de l’Eglise » (aux PUF) qui synthétise un débat érudit (anglo-saxon, francophone et plus) loin des projecteurs (oui je sais : c’est élitiste et surtout c’est rébarbatif pour la plupart) sur le conciliarisme au XVe siècle, sur l’antiromanisme au Moyen-Age etc, et qui fait le lien entre ces sources du Moyen-Age et l’histoire telle que l’institution se la raconte aujourd’hui à elle même et aux fidèles. L’auteure restitue une histoire que les croyants ne connaissent pas se privant ainsi de repères (et d’un relativisme rafraichissant) au motif rabâché jusqu’à l’écœurement que « l’Eglise n’est pas une démocratie ». Claude Langlois historien le dit très bien : l’institution cléricale qui bricole en permanence une histoire ecclésiastique devenue académique (son « catéchisme » de l’Histoire) se laisse même finalement duper par son propre discours ! Ce concile qui ne dit pas son nom s’inscrit donc dans cette histoire longue agitée et contestataire et c’est ce qui m’intrigue. Jusqu’où ira par exemple l’antiromanisme d’aujourd’hui ? (Ce que je dis ici n’est pas une critique de votre blog. PS : La Croix ce matin sur le bricolage « Marthe Robin » décortiqué par un chercheur : très intéressant).

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    • Tout cela est fort intéressant. La différence entre nous est que vous semblez regarder la chose en entomologiste qui ne se sent pas concerné mais qui, à la limite, ne serait pas mécontent que cette tentative échoue, ce qui confirmerait sa thèse. Pardon mais c’est ce nuque je ressens dans vos propos. Moi pauvre diable essaie à la fois de décrire en journaliste le processus en cours, mais en sachant qu’il me concerne aussi puisqu’à ce jour je reste d’Eglise. Je persiste à me décrire comme « observateur engagé ». J’ignore sur quoi débouchera ce synode, je l’ai dit bien des chois. Mais c’est vrai que le livre de Théobald m’a redonné un peu la pèche.

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      • Vous avez raison : je ne me sens pas impliqué. Vous avez raison : je suis un entomologiste quand j’observe la caste sacerdotale. Mais, je vous prie de bien vouloir le noter, je le suis comme la très grande majorité des croyants qui n’y croient pas ou plus. Vous restez « d’Eglise » ? c’est très bien, surtout continuez.

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        • Oui « M » nous sommes autant l’Eglise que ceux qui refusent d’entendre et de voir la signification spirituelle de la puissante évaporation alors qu’ils ne sont ni sourds ni aveugles. La crise de l’Institution est si puissante que sur la validité des sacrements (règles liturgiques) les textes se succèdent à hue et à dia:
          – 2003 Paul 6
          – 2004 Jean-Paul 2
          – 2024 François,

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          • Je ne vois pas bien le lien entre les deux phrases qui composent ce commentaire. Qu’est-ce que la validité des sacrements vient faire là ?

          • Oui René, il manque quelque chose: l’Institution semble au bord du « sauve qui peut »; il y a de l’affolement dans l’air.
            Alors que tout se tient dans le tissu qui fait l’Église selon l’Institution, qu’un fil casse ou quitte sa place et le tissu peut se défaire, perdre sa cohérence et sa belle ordonnance. Cela est le point de vue de la tradition de l’ordre.
            Le récent rappel sur la validité des sacrements vient après ceux de 1963 (et non 2003: Sacrosanctum Concilium) et de 2004 alors que les remous du texte sur la bénédiction se sont mêlés à ceux autrement profond et durables sur les abus. Empiler des causes de remous alors que l’évaporation à l’œuvre depuis plus de 50 ans (sur fond de rejet durable de la modernité) a fragilisé le tissu, est-ce raisonnable? Il est douteux que multiplier, dans ces conditions, les motifs de discorde soit compatible avec la réussite de la révolution espérée de la « synodalité permanente ». J’y vois simplement une contradiction, et de peu d’importance alors que je considère que l’Eglise est durablement vaporisée.

    • A M
      D’accord avec vous , le langage de l’institution écclésiale ignore trop souvent l’histoire de l’église . Celle ci est pourtant connue par n’importe quel honnête homme et n’est pas réservée aux spécialistes .
      Ce n’est pas parce que les évêques nous prennent pour des incultes que nous le sommes pour autant .
      mais ils ne faut pas non plus tomber dans l’anachronisme
      – le décret « frequens » qui consacre la supériorité des conciles sur le pape ne doit pas faire oublier que les rois et empereurs envoyaient des émissaires comme participants aux conciles et que le conciliarisme est d’abord une péripétie de la lutte entre les rois et le pape Ceux ci ne voulant pas que le pape souverain aussi temporel marche sur leur plate bande . Si Charles de Guise cardinal de Lorraine a proposé à Trente que les évêques soient élus , il ne faut pas en faire pour autant un promoteur de la démocratie dans l’église . Il cherchait d’aborda faire dépendre les évêques du roi de France et non d’abord du pape .
      – De même la condamnation en 1277 de l’aristotélisme dans l’enseignement de la théologie par le pape a profondément modifié le rôle du prêtre qui n’est plus d’abord un intellectuel . Son discours passe de l’enseignement et de l’explication à la médiation et à l’exemple pour l’édification du commun des mortel . C’est le triomphe de la thèse de Guillaume d’Okham pour lequel la voie vers Dieu passe de l’intellect à l’amour .
      Ce n’est pas pour autant un repli obscurantiste comme on pourrait le penser aujourd’hui mais le moyen de séparer le sacré du profane et de dire que le pouvoir de l’Etat vient du peuple et non de Dieu ;

      Le philosophe Jabob Rogozinski dans son commentaire du livre de l’Exode dans le registre de la philosophie politique souligne l’originalité de l’alliance mosaïque qui pose les fondements d’une théodémocratie qui sera relativisée voire niée par l’alliance davidique qui renoue avec le modèle des autres peuples de l’antiquité ;: c’est le souverain et sa descendance à l’image de Pharaon qui est l’intermédiaire obligé de la relation à dieu et c’est avec lui et sa descendance que dieu passe alliance alors que selon l’alliance mosaiquec’est avec tout le peuple , sans intermédiaire que dieu noue un contrat . (un midrash dit même que Dieu a conclu au Sinai autant d’alliance qu’il y avait d’hébreux au pied de la montagne ( soit 600 000 contrats!)
      Dans le texte biblique il y a au moins trois types d’alliance : l’alliance mosaïque ,l’ alliance davidique qui reprend le modèle de pharaon et l’alliance noachique qui étend l’alliance à toutes les créatures .
      Difficile de faire un discours simpliste à partir du texte biblique . C’est pourquoi le discours du magistère est d’abord idélogique et il me semble que Théobald se réjouisse un peu vite et fait preuve d’un grand optimisme. Il est un peu dans la position de ceux qui pensaient que » le rapport Khrouchtchev » signifiait la fin du totalitarisme soviétique .

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  • Tout n’est pas perdu pour votre Eglise en France : la Croix de ce matin nous annonce que le Conseil d’Etat refuse l’effacement des noms sur les registres de baptême français (les points 7, 8 et 9 du dispositif sont disponibles sur internet) (il s’agit ici d’un recours contre une décision « administrative » émanant de la CNIL).Bien sur, il faut maintenant attendre une possible décision au niveau européen. En tout cas, en France, la plus haute juridiction administrative considère qu’il y a « un motif légitime impérieux » au maintien de cette inscription -or « le motif impérieux » en question est exclusivement fondé sur la théologie catholique ! Par contre, le C d’ E reconnaît malgré tout la légitimité d’une inscription indiquant que la personne « renonce à tout lien avec la religion catholique » -si tant est d’ailleurs qu’il y en ait eu un puisque le baptême concerne essentiellement la petite enfance (il ne s’agit pas là de mentionner comme certains ecclésiastiques le font dans la langue morte qui est la leur la mention d’une « apostasie » ce qui est proprement insultant et parfois tout simplement faux). Chacun peut donc constater à la lecture de la décision contentieuse à quel point le poids de l’Histoire et la théologie infusent encore notre raisonnement juridique et le pouvoir exorbitant qu’en tire l’institution cléricale. Le concile qui ne dit pas son nom à Rome (et l’attitude de l’épiscopat français à l’égard des croyant(e)s dont il refuse le libre-arbitre) sera exactement à l’image de cette jurisprudence : un statu quo.

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    • Je crois que la décision du Conseil d’Etat est surtout fondée sur le fait que ce qui a été ne peut pas ne pas avoir été. Libre à chacun de faire enregistrer sa ,décision de ne plus appartenir à l’Eglise catholique et de renier son baptême. Dont acte ! Sauf que l’inscription sur un registre reste comme trace de ce qui, de toute façon, a été. Et je ne vois pas en quoi celui -qui a décidé de ne plus croire serait offensé que d’autres croient que son baptême demeure. Sinon, c’est la porte ouverte à la suppression de, tout ce qui nous gène dans notre mémoire historique et notre histoire personnelle. Faisons supprimer des registres que nous sommes nés à tel endroit plutôt que tel autre, que avons été élèves de tel établissement qui ne nous revient pas, salariés de telle entreprise contre laquelle nous avons des griefs, membres de telle association, de tel parti ou de telle Loge. C’est du simple bon sens qui ne fait injure à aucune liberté. On marche là sur la tête !

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    • A M
      Point n’est besoin de lire détail l’arrêt du Conseil d’Etat pour constater que vous faites un procès d’intention et une erreur en affirmant  » a quel point le poids de l’histoire et la théologie infusent encore notre raisonnement juridique  »
      Point n’est besoin d’être un grand juriste pour affirmer
      que l’inscription d’un acte (le baptême ) pris légalement dans le respect de la procédure ( le droit de l’église est un droit professionnel dans notre démocratie laïque ) n’a aucun motif d’être effacé .
      qu’il soit légal que l’on prenne un nouvel acte tout aussi légal et selon une procédure tout aussi conforme pour annuler le baptême et qu’il soit également inscrit sur le registre tenu par l’église

      Le Conseil d’Etat respecte dans le cadre du droit en vigueur , les libertés publiques, la liberté de conscience et la liberté religieuse .

      il est étrange de s’étonner voire de critiquer que nos juridictions appliquent la loi ..

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  • Votre « bon sens » vous donne entièrement raison. Deux remarques simplement et une interrogation théologique pour finir. Vous oubliez de citer les fichiers de police et de gendarmerie (le TAJ par exemple) et le casier judiciaire, reflet des peines infligées, et dont je note qu’on peut le faire effacer sous certaines conditions. Ensuite, je note que pour vous le droit à l’oubli affirmé en droit français s’applique à toutes les associations de ce pays mais pas à l’Eglise qui doit donc bénéficier selon vous d’un statut exorbitant du droit commun. L’interrogation théologique est la suivante : une personne baptisée bébé qui refuse le choix qu’on a fait pour lui (sans son consentement évidemment) et qui refuse ensuite d’être confirmée jeune adulte aura-t-elle le droit de demander malgré tout de se faire radier des registres du baptême ? Tout ceci pour souligner une fois encore que le concile qui ne dit pas son nom n’est évidemment pas sorti d’affaire avec des gens qui partout aujourd’hui comme vous le dites s’interrogent et « marchent sur la tête ».

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    • Pardonnez-moi mais tout le monde dans l’église admet qu’une personne baptisée enfants contre son gré puisse décider de rompre avec l »Eglis, refuser d’assumer son baptême et souhaiter qu’on ne la comptabilise plus parmi les « fidèles » de ladite Eglise. De ce point de vue elle a le droit à l’oubli.

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      • Droit à l’oubli signifie juridiquement effacement du fichier. Or le Conseil d’Etat fait une exception en fondant son argumentation sur une raison exclusivement théologique que les commentateurs ne manqueront pas de relever (on a l’impression que le vieil état civil d’Ancien régime n’a toujours pas été réformé). Je me tiens au courant et je vous ferai un retour.

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    • A M
      Vous mélangez deux ordres de réglementation.
      Les fichiers de police et le casier judiciaire qui relevent de la loi de la République opposable à tous
      Les registres de baptêmes qui relevent du fonctionnement interne d’une association et qui ne concernent que ses membres.
      L’eglise catholique est juridiquement un regroupement d’associations cultuelles . Et l’Etat pour préserver les libertes
      publique se limite à contrôler que les règles de ces associations ne contreviennent pas aux lois de la République
      Pour plaider votre cause il va vous falloir trouver des arguments plus sérieux pour qu’ils soient recevables .

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    • A M
      Dans cette même logique vous devriez faire un procès à vos parents qui vous ont appris la langue française sans votre consentement…
      … mal appris du reste puisque le mot « apostasie » (reniement de la foi chrétienne) vous semble appartenir à une langue morte alors que c’est ce que vous clamez ici à longueur de commentaires !

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  • Sur le RGPD, le règlement européen sur la protection des données personnelles adopté par le Conseil de l’Union et le Parlement européen, texte qui n’a pas à être transposé puisqu’il s’applique directement (il a complété le dispositif de la loi de janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés), il est possible de consulter le site de la CNIL, mais également, pour se tenir au courant du droit d’aujourd’hui, je recommande le site : « Libertés, Libertés chéries » du professeur Rosine Letteron professeur de droit public à Sorbonne Université qui délivre une information claire et directe et d’une lecture agréable dans un bon français (on peut également consulter : « le club des juristes »). La question posée en Belgique ne semble pas recevoir aujourd’hui la même réponse qu’en France. Je pense que Rosine Letteron devrait bientôt commenter l’arrêt du C d’E… qui mérite peut-être plus qu’un soulagement ou un simple mouvement de satisfaction à la CEF… car de toute évidence pour des raisons de principe le « troisième homme » s’accroche : une précédente affaire en 2013 n’avait peut-être pas été portée devant la Cour européenne des droits de l’homme (qui n’est pas une juridiction de l’Union). C’est intéressant d’être ici au carrefour de la théologie d’hier, du droit d’aujourd’hui, de l’histoire des mentalités, avec en plus un concile qui ne dit pas son nom saisi par l’urgence, non ?

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  • Parmi les chrétiens, il y a ceux qui sont au cœur d’une église (de l’église catholique en l’occurrence) et ceux qui sont aux frontières, un pied dehors et un pied dedans, ce qui est mon cas. Le livre de Christophe Théobald semble s’adresser aux premiers et ta recension m’en donne une image réconfortante et prometteuse. Un grand merci. L’église catholique , dans cette expérience synodale, est finalement très trinitaire : d’un côté, la singularité des figures et activités (local), de l’autre une unité dont la source est au-delà de nos représentations. Toutefois je reste interrogatif sur ce qu’on appelle trop souvent l’extérieur. Notre monde change à toute vitesse comme village planétaire, disent certains. Des liens, encourageants parfois, tendus et anxiogènes aussi, se tissent entre individus, communautés de destin, institutions (locales et internationales), nations, entreprises, etc. via les nouvelles technologies, les multiples réseaux, les nœuds économiques, scientifiques, intellectuels, etc. Tout cela risque de passer sur la vieille institution ecclésiale comme une série de vagues dévastatrices (pour les uns), significatives d’une immense bifurcation humaine et génétique (pour d’autres). On change de monde. Je le crois (ma coquetterie teilhardienne). Malheureusement, cette vaste mutation risque d’encourager, par peur, nombre de chrétiens de nos générations à vouloir se replier sur eux-mêmes ou sur la nostalgie d’un « autrefois » évanescent… et aux prochaines générations chrétiennes de se dissoudre (sel de la terre fadasse). Comment penser la mission de demain ? Espérons que la réflexion de Christophe Théobald, très centrée apparemment sur les remous du Peuple de Dieu (mais je n’ai que ta recension), ouvre sur d’autres réflexions, plus importantes à mes yeux, sur cette transformation. Mais peut-être que je me trompe ? Merci à tous les commentaires aussi 🙂.

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  • « Je ne veux savoir des êtres que je rencontre ni l’âge, ni le métier, ni la situation familiale. (…) Ce que je veux savoir, c’est de quelle façon ils ont survécu au désespoir d’être séparés de l’Un par leur naissance, de quelle façon ils comblent le vide entre les grands rendez-vous de l’enfance, de la vieillesse et de la mort, et comment ils supportent de n’être pas tout sur cette Terre » (Christiane Singer).
    Sur ce blog, je trouve une façon de « combler le vide entre les grands rendez-vous de l’enfance, de la vieillesse et de la mort » qui fait mes délices, chacun supportant de n’être pas tout sur cette terre mais un peu quelqu’un quand même, pas totalement séparé de l’Un, dans sa bonté.

    « Église combien tu es contestable, et pourtant combien je t’aime ! Combien tu m’as fait souffrir, et pourtant combien je te suis redevable ! (…) Combien de fois tu m’as scandalisé, et pourtant tu m’as fait comprendre la sainteté ». (Carlo Carretto, J’ai cherché et j’ai trouvé, Paris, Cerf, 1983 p.159).
    « Non, ce n’est pas mal de critiquer l’Église quand on l’aime. C’est mal de la contester quand on se tient sur la touche comme des purs. Non, ce n’est pas mal de dénoncer le péché et ses dépravations, mais c’est mal de les attribuer aux autres seulement et de se croire innocents, pauvres, bons ». (op. cit., p.163).

    https://doc-catho.la-croix.com/Eloge-lauthenticite-lhomelie-Mgr-Dupuy-messe-televisee-Lourdes-lAssemblee-pleniere-2021-11-08-1201184221#note₁

    « Il faut en effet qu’il y ait aussi des factions (aïréseis) parmi vous, afin que les approuvés deviennent visibles parmi vous. »

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